Analyse rétrospective des effets indésirables de l’infliximab dans un service hospitalier de rhumatologie

Analyse rétrospective des effets indésirables de l’infliximab dans un service hospitalier de rhumatologie

PHARMACOVIGILANCE Thérapie 2003 Sep-Oct; 58 (5): 457-462 0040-5957/03/0005-0457/$30.00/0 © 2003 Société Française de Pharmacologie Analyse rétrospec...

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PHARMACOVIGILANCE

Thérapie 2003 Sep-Oct; 58 (5): 457-462 0040-5957/03/0005-0457/$30.00/0 © 2003 Société Française de Pharmacologie

Analyse rétrospective des effets indésirables de l’infliximab dans un service hospitalier de rhumatologie Retrospective Analysis of Adverse Drug Reactions with Infliximab in a Department of Rheumatology Cendrine Cabou,1 Haleh Bagheri,1 Alain Cantagrel,2 Bernard Mazières2 et Jean-Louis Montastruc1 1 Service de Pharmacologie Clinique, Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance, de Pharmacoépidémiologie et d’Informations sur le Médicament, Centre Hospitalier Universitaire, Faculté de Médecine, Toulouse, France 2 Service de Rhumatologie, Centre Hospitalier Universitaire Rangueil, Toulouse, France

Résumé

L’infliximab (Rémicade®) est un anticorps monoclonal chimérique dirigé contre le TNFα (tumour necrosis factor-α) indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et des formes actives ou fistulisées de la maladie de Crohn. Notre travail évalue les effets indésirables de l’infliximab chez des patients traités pour PR sur une période de 2 ans. Cette étude rétrospective du 1/01/2000–31/12/2001 réalisée dans un service de Rhumatologie du CHU de Toulouse (Hôpital Rangueil) inclut 32 patients d’âge moyen de 51,4 ans. Nous avons relevé 43 effets indésirables de type A « attendus » chez 21 patients (65,6 %) dont quatre (12,5 %) classés comme « graves ». Dans cinq cas, l’effet indésirable a nécessité l’arrêt du traitement. Nous avons relevé essentiellement des atteintes infectieuses (n = 21), des manifestations allergiques (n = 3) et des effets cardiovasculaires (n = 3). Les atteintes infectieuses concernent une infection urinaire dans sept cas (dont cinq avec une réadministration positive [R+]), une infection respiratoire dans neuf cas (dont cinq avec R+) et une infection cutanée dans cinq cas. Nous avons noté trois cas de poussées hypertensives chez des patients traités par les antihypertenseurs. L’incidence des effets indésirables infectieux s’élève à 28 % pour les infections respiratoires, 22 % pour les infections urinaires et 15,6 % pour les infections cutanéo-muqueuses. L’incidence des manifestations allergiques comme celle des effets cardiovasculaires est de 9,4 %. Cette étude a permis de déterminer le profil qualitatif et quantitatif des effets indésirables de l’infliximab chez un nombre limité de patients traités pour une pathologie rhumatoïde sur une période de 2 ans. L’élargissement du nombre de patients ainsi que le suivi au long cours permettrait d’affiner les connaissances sur le profil d’effets indésirables de ce médicament. Mots clés : infliximab, polyarthrite rhumatoïde, effets indésirables, pharmacovigilance

Abstract

Infliximab is a chimeric monoclonal antibody against human tumour necrosis factor-α (TNFα), and has received marketing authorisation for the treatment of both rheumatoid arthritis (RA) and Crohn’s disease. The aim of the present survey was to assess retrospectively adverse drug reactions (ADRs) in patients treated with infliximab for RA in a rheumatology department of the Toulouse University Hospital (Rangueil Hospital). Among 32 patients included in 2000 and 2001, 43 “expected” ADRs occurred in 21 patients (65.6%) [mean age 51.4 ± 14.0 years]. In four patients (12.5%), ADRs were classified as “serious”. In five other patients, they required the discontinuation of infliximab. We identified mainly infectious (n = 21), allergic (n = 3) and cardiovascular (n = 3) ADRs. Infectious ADRs were as follows: seven urinary infections, with a positive rechallenge (R+) in five; nine respiratory infections, with R+ in five; and five cutaneous infections. An acute rise in blood pressure occurred in three patients who had already been treated with antihypertensive drugs. The incidence of ADRs was as follows: respiratory 28.0%; urinary 22.0%; cutaneous 15.6%; allergic 9.4 %; and cardiovascular 9.4%. In conclusion, our data allowed a quantitative and qualitative assessment of infliximabinduced ADRs. Further studies are required in order to improve knowledge regarding ADRs induced by long-

458

Cabou et al.

term treatment with infliximab. Keywords: infliximab, rheumatoid arthritis, adverse drug reactions, pharmacovigilance Texte reçu le 8 novembre 2002 ; accepté le 6 mars 2003

1. Introduction L’infliximab (Rémicade®) est un anticorps monoclonal chimérique (75 % humain, 25 % murin)[1] dirigé contre le TNFα (tumour necrosis factor-α), cytokine jouant un rôle pivot dans la réponse inflammatoire, la défense anti-infectieuse et le développement tumoral. En France, ce médicament réservé à l’usage hospitalier, est indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et des formes actives ou fistulisées de la maladie de Crohn avec des schémas d’administration différents. Dans la PR, l’infliximab doit être prescrit en association au méthotrexate.[2] L’infliximab peut déterminer essentiellement des effets indésirables comme nausées, céphalées, infections des voies respiratoires supérieures, rash ou prurit, bouffées de chaleur, anomalies des fonctions hépatiques ou douleurs thoraciques.[2,3] Notre travail évalue les effets indésirables de l’infliximab chez des patients dans un service hospitalier de Rhumatologie sur une période de 2 ans, en dehors des conditions strictes des essais cliniques.

de Toulouse. Nous avons recueilli les données à partir des dossiers médicaux d’hospitalisation des patients recevant un traitement par l’infliximab sur cette période. La dernière mise à jour des données date d’octobre 2002. Pour chaque cas, nous avons relevé les données suivantes : genre, âge, poids, le type de l’atteinte et l’évolution de la maladie, dates de chaque perfusion, médicaments associés, examens complémentaires (biologie, bactériologie, mycologie...), durée d’hospitalisation et traitements symptomatiques éventuels de l’effet indésirable. Nous avons établi la gravité des effets indésirables selon les critères de l’OMS[4] et leur imputabilité intrinsèque, c’est-à-dire la relation causale entre le(s) médicament(s) et la survenue d’effets indésirables, selon la méthode française[5] basée sur les critères chronologiques (C) et sémiologiques (S) : l’association de différents scores chronologiques et sémiologiques permet d’établir le score d’imputabilité intrinsèque variant de I0 « incompatible », I1 « douteuse », I2 « plausible », I3 « vraisemblable » à I4 « très vraisemblable ».

3. Résultats 2. Matériels et méthodes L’administration de l’infliximab est réalisée lors d’une hospitalisation traditionnelle de 2 jours pour les trois premières cures (J0, J15 et J45). Les cures suivantes ont lieu tous les 2 mois en hospitalisation d’une journée. A J0, on réalise une radiographie pulmonaire et un ECG chez tous les malades. Chaque séance de perfusion inclut un bilan systématique du patient : examen clinique, auscultation pulmonaire, mesure de la pression artérielle sanguine (PSA), de la fréquence cardiaque (FC) et du poids, examens urinaires (labstix et culot urinaire), relevé de la température, hémogramme, bilan biologique standard (ionogramme, protides, bilan hépatique...), recherche d’anticorps antinucléaires (ACAN), d’anticorps dirigés contre l’ADN double brin (anti-DNAdb), de sous-type d’ACAN (anti-ENA), d’antikératines (AKA) et du facteur rhumatoïde (FR), de l’hormone β-HCG (β-human chorionic gonadotrophin) chez les femmes en âge de procréer. La perfusion d’infliximab se déroule sur 2 heures avec surveillance de la PSA et de la FC. 2.1 Notification des effets indésirables

Il s’agit d’une étude rétrospective du 1/01/2000–31/12/2001 dans le service de Rhumatologie de l’hôpital Rangueil au CHU  2003 Société Française de Pharmacologie

Au total, 32 patients (28 femmes et 4 hommes) ont reçu l’infliximab (dont 19 en 2000 et 13 autres en 2001). L’âge moyen (± erreur standard de la moyenne [ESM]) des patients est de Tableau I. Médicaments associés à l’infliximab Médicaments Méthotrexate Vitamine B9 (acide folique) Anti-inflammatoires non stéroïdiens Carbonate de calcium + cholécalciférol Corticoïdes Inhibiteurs de la pompe à protons Antalgiques Hormonothérapie Divers Antihypertenseurs Bisphosphonates Vasculoprotecteurs Antidépresseurs Prostaglandines Benzodiazépines Hypolipémiants Vasodilatateurs Hormones thyroïdiennes

Nombre de patients 32 21 18 18 17 14 11 8 8 6 5 4 4 3 3 2 2 2

Thérapie 2003 Sep-Oct; 58 (5)

Effets indésirables de l’infliximab en rhumatologie

459

Tableau II. Récapitulatif des effets indésirables de type infection urinaire au cours d’un traitement par infliximab Age (ans)

Germe urinaire isolé (antibiothérapie)

Rang de la cure

Réintroduction positive (germe isolé ; antibiothérapie)

Imputabilité (CS)

1

Délai d’apparition de l’infection urinaire par rapport à la dernière cure (semaines) 4

61 75

Escherichia coli (norfloxacine) E. coli (ciprofloxacine)

Non pour la période d’étude

C1S2 (I1)

2

6

C3S2 (I3)

E. coli (norfloxacine)

7

7

65

E. coli (norfloxacine)

7

8

25

Staphylococcus aureus (amoxicilline + acide clavulanique) Proteus mirabilis (norfloxacine) Klebsiella pneumoniae (norfloxacine)

3

4

8 semaines après la 3ème cure (E. coli ; norfloxacine) 8 semaines après la 11ème cure (germe non spécifié ; norfloxacine) 8 semaines après la 8ème cure (E. coli ; norfloxacine) 8 semaines après la 7ème cure (E. coli ; norfloxacine)

58

2

6

Non pour la période d’étude

C1S2 (I1)

3

8

7 semaines après la 4ème cure (Streptococcus agalactiae du groupe B ; norfloxacine puis nitrofurantoïne)

C1S2 (I1)

71 42

51,4 ± 14,0 ans (extrêmes : 24–74). Le poids moyen à l’inclusion est de 63,5 ± 13,7 kg (extrêmes : 48–113). Cette population présentait une PR sévère d’évolution moyenne de 10,6 ± 4,9 ans (extrêmes : 2–22). Parmi les patients inclus, 29 sont traités pour une PR (27 femmes et 2 hommes), deux patients pour une spondylarthrite ankylosante (SPA) [HLA B27+] et une patiente pour un rhumatisme psoriasique. Le nombre moyen de perfusions par patient est de 5,6 en 2000 et de 4,4 en 2001. Au total, nous avons recensé 43 effets indésirables survenus chez 21 patients (18 femmes et 3 hommes). Tous les effets indésirables sont de type « attendu » c’est-à-dire mentionnés dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) du médicament. Quatre effets indésirables sont classés comme « graves » puisqu’ils ont entraîné une hospitalisation ou une prolongation de l’hospitalisation. Par ailleurs, nous avons noté sept cas d’arrêt de traitement en raison d’effet indésirable (cinq patients) ou d’une inefficacité de traitement (deux cas). Le tableau I récapitule les médicaments associés à l’infliximab (en dehors du méthotrexate) chez les patients ayant présenté un effet indésirable. Le méthotrexate est prescrit à une posologie allant de 10–25 mg/semaine selon les patients. Les corticoïdes utilisés (per os) sont la prednisone (4–10 mg/j) dans 16 cas et la prednisolone (15 mg/j) pour un patient. 3.1 Effets indésirables infectieux 3.1.1 Infections urinaires

Nous avons relevé 12 épisodes d’infection urinaire survenant chez sept patientes dont cinq ont présenté cet effet indésirable à deux reprises (tableau II). Il s’agit d’infections urinaires basses  2003 Société Française de Pharmacologie

C2S2 (I2) C3S2 (I3) C2S2 (I2)

et pour la plupart asymptomatiques. Le nombre de cures précédant l’épisode d’infection urinaire s’étale de 1–7. La résolution de cet effet indésirable a été obtenue dans tous les cas grâce à une antibiothérapie (7–10 jours). 3.1.2 Infections respiratoires

Nous avons recensé 14 infections respiratoires chez neuf patients (sept hommes et deux femmes) correspondant à sept infections respiratoires hautes (trois rhinopharyngites, deux sinusites et deux angines) et sept infections basses (bronchites) [tableau III]. Un patient a présenté deux épisodes et deux patients ont manifesté trois épisodes d’infection respiratoire. Six infections respiratoires ont été classées comme bactériennes, trois comme virales et cinq autres comme indéterminées. Un épisode d’infection respiratoire basse a fait l’objet d’investigations à la recherche d’agent infectieux avec examen cytobactériologique de l’expectoration et du prélèvement par fibroscopie retrouvant un Haemophilus influenzae (patient n° 3). Le patient était porteur d’un foyer de dilatation des bronches (DDB) non infecté avant les perfusions d’infliximab, visualisé sur les radiographies pulmonaires. Les sérologies (cryptococcoses, aspergilloses), les examens mycologiques et parasitologiques des prélèvements et la recherche de mycobactéries sont restés négatifs. L’évolution des cas a été favorable sans arrêt de l’infliximab. Seule la bronchite présentée par le patient n° 1 a conduit à un espacement de 3 mois entre deux cures. Pour le patient n° 3, une toux chronique persistante avec expectoration a nécessité un traitement symptomatique (drainages, fluidifiants bronchiques et kinésithérapie) et la cure suivante a été instaurée 3 mois plus tard. Thérapie 2003 Sep-Oct; 58 (5)

460

Cabou et al.

Tableau III. Récapitulatif des effets indésirables de type infection respiratoire des patients sous infliximab Sexe (age, ans)

Type d’infection respiratoire (antibiothérapie)

F (57)

Bronchite (amoxicilline + acide clavulanique)

7

F (68)

Bronchite d’allure bactérienne (antibiotique inconnu)

4

4

F (49)

Bronchite à Haemophilus influenzae 1 (amoxicilline + acide clavulanique puis roxithromycine) Surinfection bronchique 11 (amoxicilline + acide clavulanique) Bronchite asthmatiforme d’allure 4 bactérienne (roxithromycine) Rhinopharyngite d’allure virale 4 Sinusite d’allure bactérienne 4

2

F (57) F (55) H (34) F (23)

H (38) F (63)

Sinusite d’allure bactérienne (céfaclor) Angine d’allure bactérienne (amoxicilline + acide clavulanique)

Rang de la cure

1 4

Délai de survenue par rapport à la dernière cure (semaines) 8

Bronchite 4 semaines après la C3S2 (I3) 11ème cure (amoxicilline + acide clavulanique) Bronchopneumopathie 4 semaines C3S2 (I3) après la 5ème cure (amoxicilline + acide clavulanique) Non pour la période d’étude C2S2 (I2)

Non pour la période d’étude

C1S2 (I1)

6

Non pour la période d’étude

C1S2 (I1)

6 6

Non pour la période d’étude Rhinopharyngite virale 6 semaines après la 5ème cure et une angine 8 semaines après la 11ème cure Non pour la période d’étude

C1S2 (I1) C3S2 (I3)

Non pour la période d’étude

C1S2 (I1)

Aussitôt après la 1ère cure 5

3.1.3 Infections cutanées et ostéo-muqueuses

Cinq patients ont présenté une infection cutanée ou ostéomuqueuse (un homme et quatre femmes) [tableau IV]. Ces effets indésirables n’ont pas nécessité un arrêt des perfusions de l’infliximab. L’évolution de tous les cas a été favorable durant la période d’étude. Les effets indésirables sont survenus environ 12 semaines après chirurgie de la peau pour le premier patient et 6 semaines après chirurgie pour arthrodèse du genou pour le second. Les lésions herpétiques du patient n° 5 ont régressé sous aciclovir. Le cas n° 2 a été considéré comme « grave », entraînant une hospitalisation pour le retrait chirurgical des broches et un délai de 3,5 mois a été nécessaire pour obtenir la guérison de l’ostéite à streptocoque hémolytique (type non retrouvé) avant la reprise des perfusions de l’infliximab.



• 3.2 Effets indésirables allergiques

Ces effets sont survenus chez trois patients : Cas n° 1 : femme de 44 ans avec antécédents d’allergie au tramadol, flurbiprofène et sulfasalazine. Apparition de prurit généralisé 24 heures après la première cure persis-

 2003 Société Française de Pharmacologie

Imputabilité

10

Cet effet indésirable a été classé comme « grave » compte tenu de la prolongation de l’hospitalisation pour surveillance et explorations complémentaires.



Réintroduction positive (+ antibiothérapie)

C2S2 (I2)

tant pendant 15 semaines et régressant sous traitement antihistaminique (hydroxyzine et loratadine). Malgré une prémédication (méquitazine, hydroxyzine et méthylprednisolone), la réintroduction a été positive à la deuxième cure (réalisée à 16 semaines d’intervalle de la première) où des bouffées de chaleur, rougeurs et un malaise sont apparus 15 minutes après le début de la perfusion imposant l’arrêt définitif du traitement. La recherche étiologique s’est avérée négative (cholestase, polyglobulie, hypercalcémie, ACAN et anti-DNAdb). Nous avons retrouvé un score d’imputabilité C3S2 pour cet effet indésirable « grave » ( prolongation d’hospitalisation). Cas n° 2 : femme de 44 ans présentant une urticaire durant la perfusion de la quatrième cure régressant sous un traitement symptomatique (loratadine) imposant l’arrêt définitif du traitement. La recherche d’ACAN précédemment indétectable s’est avérée positive. Score d’imputabilité C3S2. Cas n° 3 : homme de 49 ans, ayant comme antécédent une allergie aux kiwis, souffrant au cours de la perfusion de la huitième cure d’érythème et œdème du visage avec sensation de striction pharyngée nécessitant arrêt de la perfusion et traitement par méthylprednisolone. La réintroduction n’a pas eu lieu. Score d’imputabilité C3S2. Thérapie 2003 Sep-Oct; 58 (5)

Effets indésirables de l’infliximab en rhumatologie

461

3.3 Effets indésirables cardiovasculaires

Il s’agit de poussées hypertensives survenant chez trois patientes et imposant un arrêt définitif de l’infliximab chez deux d’entre elles. Les investigations complémentaires ont retrouvé un phéochromocytome chez la patiente n° 3 (tableau V). L’effet indésirable survenu chez la patiente n° 2 est considéré comme « grave » puisqu’il a entraîné une prolongation de l’hospitalisation.

4. Discussion Durant la période de cette étude, nous avons tenté de recenser d’une manière exhaustive tous les effets indésirables immédiats ou tardifs, survenus chez les patients recevant l’infliximab pour une pathologie rhumatoïde (PR [n = 30] mais aussi SPA et rhumatisme psoriasique pour deux patients). Ces deux indications ne figurent pas dans le RCP de l’infliximab.[2] Néanmoins, les données de la littérature décrivent une activité clinique de l’infliximab pour ces deux pathologies.[6-10] L’incidence globale des effets indésirables retrouvés dans cette enquête s’élève à 65,6 % dont 12,5 % d’effets indésirables « graves ». Concernant les effets indésirables infectieux, l’incidence s’élève à 28 % pour les infections respiratoires, 22 % pour les infections urinaires et 15,6 % pour les infections cutanéomuqueuses. Enfin, l’incidence atteint 9,4 % aussi bien pour les manifestations allergiques que pour les effets cardiovasculaires.

Il s’agit dans tous les cas d’effets indésirables fréquemment décrits. Pour les effets indésirables infectieux, les immunosuppresseurs associés (méthotrexate et corticothérapies au long cours) peuvent constituer des facteurs de risque. Par ailleurs, selon les cas, l’âge, le genre féminin pour l’infection urinaire, le foyer de DDB ou une chirurgie préalable à la perfusion de l’infliximab ont pu concourir à la manifestation infectieuse. La littérature décrit le syndrome de Felty[11] comme un facteur de susceptibilité aux infections. Cependant, aucun patient de notre cohorte n’a présenté ce syndrome. De même, au cours de ces deux années, nous n’avons pas relevé de cas de tuberculose clinique. Concernant les effets cardiovasculaires, soulignons les poussées hypertensives chez trois patientes traitées par les antihypertenseurs sans cardiopathie sous-jacente. Pour une patiente, le phéochromocytome retrouvé s’avère à l’évidence l’étiologie principalement retenue des pics hypertensifs. La littérature rapporte des cas d’hypertension[2,12,13] ou d’hypotension[2,13,14] artérielle associés à l’administration de l’infliximab. Le mécanisme reste mal élucidé : des études ont montré que le TNFα entraîne chez le rat une diminution du débit cardiaque et de la pression sanguine artérielle avec une augmentation des résistances artérielles.[15] Il possède aussi des effets inotropes négatifs sur le cœur.[16] Une autre étude a montré une fréquence plus importante des réactions hypo- ou hypertensives liées à la perfusion chez les sujets ayant développé des anticorps anti-infliximab.[16]

Tableau IV. Bilan des effets indésirables de type infection cutanée ou ostéo-muqueuse des patients sous infliximab Sexe (age, ans)

Type d’infection cutanéo-ostéo-muqueuse (antibiothérapie)

Germe isolé

Rang de la cure

Délai par rapport Réintroduction à la dernière cure positive (antibiothérapie)

Imputabilité

H (34)

Écoulement purulent d’un hygroma opéré du coude gauche (acide fusidique crème)

Staphylococcus aureus

2

Quelques jours

Non pour la période d’étude

C2S2 (I2)

F (70)

Suintement cicatriciel d’une arthrodèse du gros orteil gauche ; retrait des broches (ceftriaxone ; oxacilline ; amoxicilline + acide clavulanique)

S. epidermidis et Streptococcus haemolyticus

2

8 semaines

Non pour la période d’étude

C2S2 (I2)

F (25)

Vaginite (fluconazole per os + econazole ovule)

Candida albicans (urines)

2

4 semaines

8 semaines après la C3S2 (I3) 7ème cure (antibiothérapie inconnue)

F (68)

Selles molles

C. albicans (selles) et Escherichia coli dans les selles

2

6 semaines

Non pour la période d’étude

C3S2 (I3)

F (53)

Plus grande fréquence d’herpès génital et labial ; 4–5 poussées par mois (aciclovir crème)

Non recherché

1

« Depuis la 1ère cure »

Persistante jusqu’à la 3ème cure

C3S2 (I3)

 2003 Société Française de Pharmacologie

Thérapie 2003 Sep-Oct; 58 (5)

462

Cabou et al.

Tableau V. Récapitulatif des effets indésirables cardiovasculaires des patients sous infliximab Antécédents/terrain

Age (ans)

Effet indésirable (traitement symptomatique)

Rang de la cure

Délai par rapport à la dernière cure

Réintroduction positive + traitement

Imputabilité

HTA traitée par isradipine

63

Poussée hypertensive ; chiffres non précisés (amlodipine)

2

24 h

Lors de la 4ème cure : poussée HTA 17/9 mmHg

C3S2 (I3)

HTA traitée par 74 nadolol puis losartan + hydrochlorothiazide

Poussée hypertensive à 21 mmHg en systole ; oppression thoracique ; érythrose faciale ; céphalée (isradipine)

3

Lors de la perfusion

Début de la 5ème cure : flush C3S2 (I3) avec poussée hypertensive à 18/10 mmHg ; méthylprednisolone (arrêt de la perfusion)

HTA non traitée, hypercholestérolémie

Poussée hypertensive à 17/10 mmHg

1

Après fin de perfusion Poussée hypertensive (chiffres non précisés) à la 2ème cure ; amlodipine et sueurs froides à la 3ème cure (arrêt de la perfusion)

71

C2S1 (I1)

HTA = hypertension artérielle.

Un mécanisme immunoallergique pourrait alors être à l’origine de ces effets.

7.

8.

5. Conclusion Cette étude rétrospective a permis de déterminer le profil qualitatif et quantitatif des effets indésirables de l’infliximab chez un nombre limité de patients traités pour une pathologie rhumatoïde sur une période de 2 ans. Un travail prospectif permettrait d’évaluer de manière plus exhaustive les effets indésirables. L’élargissement du nombre de patients ainsi que le suivi au long cours permettrait d’affiner les connaissances sur le profil d’effets indésirables de ce médicament. Afin d’évaluer l’influence éventuelle du mode d’administration de l’infliximab et/ou le rôle de différents facteurs sur son profil d’effets indésirables, il serait intéressant de comparer les effets indésirables survenant dans le contexte de la PR à celui de la maladie de Crohn. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6.

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 2003 Société Française de Pharmacologie

9. 10.

11. 12. 13. 14.

15.

16.

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Correspondance et offprints : Haleh Bagheri, Service de Pharmacologie Clinique, Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance, de Pharmacoépidémiologie et d’Informations sur le Médicament, Faculté de Médecine, 37 allée Jules Guesde, 31073 Toulouse Cedex, France. E-mail : [email protected]

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