Anesthésie pour une liposuccion

Anesthésie pour une liposuccion

Le Praticien en anesthésie réanimation (2010) 14, 178—183 RUBRIQUE PRATIQUE Anesthésie pour une liposuccion Anaesthesia for liposuction Karim Abdess...

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2010) 14, 178—183

RUBRIQUE PRATIQUE

Anesthésie pour une liposuccion Anaesthesia for liposuction Karim Abdessalem Clinique El Amen La Marsa, Tunis, Tunisie Disponible sur Internet le 24 juillet 2010

MOTS CLÉS Liposuccion ; Embolie graisseuse

KEYWORDS Liposuction; Fat embolism

Résumé La liposuccion est une intervention très fréquente. Le volume des solutions utilisées varie selon la technique. De grandes quantités de lidocaïne et d’adrénaline peuvent être administrées. L’infiltration du tissu graisseux qui n’est que partiellement aspirée, induit des mouvements liquidiens. En postopératoire les complications rares mais graves sont liées à la résorption du liquide infiltré et/ou à la survenue d’embolie fibrinocruorique ou graisseuse. La liposuccion est une intervention chirurgicale qui doit être encadrée en ce qui concerne le monitorage per- et postopératoire des patients. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Liposuction is the most common procedure performed by plastic surgeons. Volumes and concentrations of infiltrates vary widely but large amount of lidocaine and epinephrine may be administered. Infiltrated solution is only partly aspirated leading to change in intravenous volume balance. Rare but severe complication may occur postoperatively related to infiltrate resorption and/or pulmonary embolism especially fat embolism. Liposuction is a surgical procedure that requires careful per- and postoperative monitoring of patients. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La liposuccion est l’intervention la plus fréquente en chirurgie esthétique [1,2]. En Amérique du Nord, on estime qu’il se pratique plus de 300 000 actes par an [3,4]. La technique de liposuccion a été introduite par Illouz dans les années 1980 [5]. C’est l’hydrodissection-aspiration ou wet technique : la graisse sous-cutanée est décollée par l’infiltration d’une solution adrénalinée puis aspirée à l’aide de canules. Ses résultats sont

Adresse e-mail : [email protected]. 1279-7960/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pratan.2010.06.003

Anesthésie pour une liposuccion nettement supérieurs à la technique sèche ou dry technique, actuellement abandonnée, qui consistait quasiment en un curetage de la graisse. La liposuccion connaît plusieurs variantes aussi bien dans la composition et le volume du liquide infiltré que dans la quantité de graisse aspirée. Il importe de bien connaître les différentes techniques opératoires pour y adapter le type d’anesthésie et la réanimation hydroélectrolytique. En outre, elle bénéficie du progrès technologique instrumental tel que les ultrasons et le laser qui ne seront pas abordés dans cette mise au point. Les risques de la liposuccion moderne sont réduits mais non négligeables et peuvent même être létaux. La mortalité, estimée par recensement, est de 95 cas sur 496 245 actes ce qui correspond à près de 1/5000 [6].

Évaluation préopératoire La liposuccion concerne en général des patients de statut ASA 1 ou 2 mais pas toujours. C’est le type même de chirurgie considérée comme simple mais qui peut engendrer des complications graves jugées « imméritées ». Une évaluation attentive des patients et de leurs comorbidités, en particulier cardiovasculaires, doit être mise en œuvre pour un maximum de sécurité. L’index de masse corporelle doit être calculé. L’évaluation anesthésique préopératoire recherche particulièrement, chez ces patients souvent obèses, un syndrome d’apnée obstructive du sommeil, une cardiopathie ischémique et des facteurs prédictifs d’intubation difficile. La présence d’une anémie doit faire reporter l’acte jusqu’à sa correction [7]. La liposuccion, qui est une chirurgie fonctionnelle, est contre-indiquée en cas de comorbidité instable, d’anomalie de l’hémostase et en cas de grossesse [1,6,8]. La phase préopératoire est également le moment de l’initiation de techniques de thromboprophylaxie comme la mise en place de systèmes de compression—contention des membres inférieurs.

179 On observe au cours de l’anesthésie une altération de la mécanique respiratoire d’autant plus significative que l’indice de masse corporelle (IMC) est élevé. L’effet compressif du contenu abdominal sur le diaphragme se traduit par une réduction de la capacité résiduelle fonctionnelle et de la compliance pulmonaire et d’une majoration de l’effet shunt. Par ailleurs la réserve en oxygène, qui résulte de la saturation de la capacité résiduelle avant induction, est moindre chez les obèses que chez les sujets de poids normal. Afin de minimiser ces effets, il est recommandé, dès l’induction, de maintenir tant que possible le patient en une position proclive de 25 degrés par rapport au plan horizontal et d’appliquer une pression expiratoire positive (PEP) de 5 à 10 cm H2 O [10,11]. L’installation en décubitus ventral est souvent demandée par le chirurgien. La plus grande attention est requise lors du retournement du patient. Il doit se faire avec un nombre suffisant de personnels pour éviter les chutes et des traumatismes. Le thorax et le pelvis sont surélevés par des billots de taille adaptés au surpoids pour assurer une liberté des mouvements abdominaux. Tous les points d’appui sont recensés et protégés. Les difficultés et les risques liés au positionnement sont proportionnels à l’index de masse corporelle [12].

Anesthésie périmédullaire L’anesthésie rachidienne ou péridurale ne présente aucune particularité dans cette chirurgie. Cependant, dans la mesure où des quantités relativement importantes d’anesthésique local vont être utilisées pour la chirurgie, il faudrait définitivement préférer la rachianesthésie à l’anesthésie péridurale. De plus, la vasoplégie qui résulte bloc sympathique peut augmenter la résorption des anesthésiques locaux injectés dans le tissu graisseux. Dans ces conditions, même la rachianesthésie ne paraît pas un choix très approprié.

Anesthésie locale

Anesthésie Plusieurs techniques anesthésiques sont possibles : une anesthésie locale par infiltration, une anesthésie locorégionale périmédullaire, une sédation ou une anesthésie générale. Les techniques sont parfois combinées et le choix est effectué selon le profil du patient, l’importance et le siège de l’acte, la position opératoire et les habitudes de l’équipe.

Anesthésie générale Les agents de l’anesthésie subissent des modifications pharmacocinétiques chez les sujets obèses. Une réadaptation des doses est donc nécessaire qui ne varie pas de fac ¸on linéaire avec le poids. La technique la plus adaptée est donc la titration en se fiant à un monitorage de la profondeur de l’anesthésie qui permet de limiter la quantité d’agent anesthésique administré à ce qui est nécessaire et suffisant. Dans ces conditions, l’usage du rémifentanil n’offre pas d’avantage majeur par rapport à celui d’opiacé plus liposoluble comme le sufentanil [9].

L’anesthésie locale a été largement développée à l’initiative de Klein [13] qui a utilisé le terme d’anesthésie tumescente en précisant le volume et la composition de la solution d’infiltration en anesthésiques locaux et en agents vasoconstricteurs. Aux États-Unis, les deux tiers des interventions sont faites par les chirurgiens plasticiens et un tiers par les dermatologues. Ces derniers, n’ayant le droit d’opérer qu’en cabinet médical et sans hospitalisation, ont largement contribué à la diffusion de la technique tumescente.

Controverses anesthésie générale versus anesthésie locale Dans la littérature se dégage une controverse voire une polémique entre spécialistes à propos de leurs performances respectives. Alors que les plasticiens rapportent une mortalité de 1/5000 liposuccions [6], les dermatologues de leur côté, pour ce même acte, ne déplorent aucun décès [1,14] et tout en mettant en exergue l’intérêt de la technique tumescente, ils incriminent l’anesthésie générale comme facteur majeur de risque de mortalité [1,15]. Il ne s’agit en fait que de vagues allusions aux dangers

180 des anesthésies autres que tumescente et sans fondements scientifiquement valable [2]. En réalité, quelle que soit la technique d’anesthésie adoptée, la liposuccion a son lot de complications. En effet, sur une période de cinq années, 72 complications sévères liées à la liposuccion tumescente ont été rapportées, dont 23 ont été fatales. Ces décès ne semblent pas en relation avec l’anesthésie générale (effectuée dans dix des cas seulement) mais semblent imputables à l’administration de grandes quantités d’anesthésique local en solution adrénalinée lors de l’infiltration tumescent qu’elle soit associée à l’anesthésie générale (dix fois), à une sédation (neuf cas) ou effectuée seule (quatre cas) [16].

Nature des solutions utilisées pour la liposuccion tumescente La liposuccion débute par une infiltration d’une solution de sérum salé isotonique ou de Ringer lactate contenant de l’adrénaline et éventuellement un anesthésique local. La graisse ainsi disséquée est dans un second temps aspirée.

Volume du liquide infiltré Le volume de la solution infiltrée est variable selon les opérateurs. En le rapportant au volume total de tissu graisseux aspiré (rapport infiltré—aspiré), qui est pré-estimé lors de la consultation chirurgicale en fonction de plusieurs paramètres tels que l’âge, le statut physiologique, le poids et la taille du patient ainsi que la nature et la localisation de la graisse, on peut distinguer [17] : • la wet technique, rapport volume infiltré—volume de tissu graisseux aspiré inférieur à 1 ; • la superwet technique, ratio égal à 1 ; • la technique tumescente, ratio entre 3 et 4. Le saignement opératoire dépend en grande partie du volume du liquide infiltré. Quand l’infiltration est de faible volume (wet technique : 300 mL par site), le sang représente moins de 30 % du volume aspiré [17]. Une infiltration d’un volume plus important de solution adrénalinée, au moins égale au volume total de liquide qu’il est prévu d’aspirer (technique superwet), permet de réduire le saignement au seuil minimal de 1 % [17,18]. L’utilisation de volumes deux à trois fois plus élevés que le volume d’aspiration préestimé [13] ne réduit pas plus le saignement, mais aboutit à l’administration d’une plus grande quantité de lidocaïne diluée (0,1 % = 1 mg/mL). C’est une pratique privilégiée par les dermatologues qui opèrent sous anesthésie locale. En fait, dans la littérature, le terme « tumescente » a eu plus de succès que la technique elle-même [19], il est souvent employé comme un synonyme à la technique superwet et désigne une infiltration d’un grand volume de solution quel que soit le type d’anesthésie. En réduisant les pertes sanguines, la technique superwet a permit de pratiquer des liposuccions de plus en plus larges. Une liposuccion importante correspond à un volume total aspiré supérieur à 5 L. S’il est préconisé par certains auteurs de se limiter à des lipoaspirations de 4 ou 5 L par séances [1,8,20] ou de ne pas dépasser les 5 % du poids du corps [21] d’autres pratiquent des « mégaliposuccions » (8 L) voir des « gigantoliposuccions » (12 L) [22].

K. Abdessalem

Réanimation hydroélectrolytique Le risque lié à une infiltration importante est de provoquer une hypovolémie ou une surcharge hydrosodée en fonction de l’osmolalité de la solution [23]. Plus le volume de la solution infiltrée est élevé plus le volume des solutés perfusés doit être limité. Dans le cadre de la wet technique et à titre d’exemple, il est recommandé pour pratiquer une aspiration de 4 L chez un patient de 80 kg, de perfuser un volume de 3000 mL associant des colloïdes et des cristalloïdes [20]. Dans une série de 580 liposuccions, le rapport volume infiltré sur volume aspiré était de 0,38 et le volume moyen aspiré de 2234 mL. Dans le contexte de la liposuccion tumescente, le volume de perfusion doit être restreint à moins de 500 mL [13]. La superwet technique se situe entre ces deux extrêmes. Schématiquement, le bilan en eau est constitué par les entrées : solution infiltrée et solutés perfusés et les sorties : produit aspiré, diurèse et pertes insensibles. L’aspiration est constituée de 63 à 77 % de tissu graisseux (de faible teneur en eau), de 30 % du liquide infiltré et de 1 % de sang [24]. Le déterminant principal du bilan hydrique est donc le liquide infiltré dont 70 % du volume se trouvent, en fin d’intervention dans le tissu sous-cutané. Dans une série de cinq liposuccions expérimentales, le poids corporel était augmenté en postopératoire immédiat de 9 kg en moyenne [25]. La mise en place immédiate d’un système de contention adapté au poids et à la taille du sujet est importante pour le devenir de ce liquide. Bien appliqué, il permet son absorption lente dans le secteur vasculaire, sans à-coups et sans risque de surcharge [18]. L’équilibre du bilan hydrique est alors rétabli par une polyurie. Au contraire, si la gaine est inadaptée, ce liquide peut s’accumuler en souscutané et entretenir un troisième secteur avec une possible hypovolémie postopératoire [24]. Divers protocoles sont proposés pour assurer un juste équilibre de la balance hydrique [18,24,26,27]. Il faut se baser sur le rapport entre les volumes de la solution infiltrée et de liquide perfusé divisés par le volume total aspiré. En fin d’intervention, ce rapport doit être à 1,8 pour les aspirations inférieures à 5000 mL et à 1,2 pour les aspirations supérieures à 5000 mL [27]. Pour atteindre cet objectif, certains recommandent d’adapter le débit de perfusion aux modifications des paramètres de monitorage standards et de compenser chaque millilitre de liquide aspiré au-dessus de 5000 mL par un quart de millilitre de soluté cristalloïde.

Composition du liquide d’infiltration Adrénaline La concentration d’adrénaline est en général de 1 mg/L. Son action vasoconstrictrice permet de diminuer voire d’éviter le saignement. L’effet est maximum au bout de 15 à 30 minutes, il autolimite l’absorption de l’anesthésique local [25]. La quantité d’adrénaline devrait être limitée à 0,7 mg/10 kg. Les doses totales administrées varient cependant de 50 ␮g/kg [8] à 12,5 mg [22]. Ces doses sont importantes et doivent être prises en considération car la résorption de l’adrénaline peut induire des troubles du rythme ou une hypertension artérielle. Les situations contre-indiquant l’injection d’adrénaline telle

Anesthésie pour une liposuccion qu’insuffisance ou arythmie cardiaque, hypertension artérielle sévère, doivent faire récuser les patients [8,16].

Lidocaïne La lidocaïne est le seul anesthésique local utilisé pour les liposuccions. Certaines équipes l’associent systématiquement à la solution d’infiltration même si la liposuccion doit se dérouler sous anesthésie générale dans l’objectif d’obtenir une analgésie postopératoire [17,24,26]. La dose de lidocaïne administrée est très variable de 10 mg/kg lorsqu’elle s’associe à une anesthésie générale [26], à 55 [8] voire 88 mg/kg [28] pour la technique d’anesthésie tumescente, ce qui est considérable et dépasse largement les normes recommandées pour les techniques d’anesthésie locorégionale (5 mg/kg) [29]. Cependant la société américaine de chirurgie dermatologique recommande d’utiliser une dose de 35 à 55 mg/kg [31] alors que d’autres restreignent les doses à moins de 35 mg/kg [30]. Les études de pharmacocinétique ont montré que le pic de concentration plasmatique était atteint entre 18 à 28 heures. Le seuil de concentration plasmatique toxique est de 5 mg/L. Plusieurs facteurs rendent compte de ce profil : la faible résorption de la lidocaïne par le tissu graisseux, l’effet vasoconstricteur de l’adrénaline et l’aspiration d’une partie de la solution (estimée à 10 %). Des décès au décours d’actes de liposuccion, attribués à un surdosage en lidocaïne, ont été rapportés [32,33]. La toxicité de la lidocaïne peut se manifester tardivement par rapport à l’acte de liposuccion [36]. Elle s’explique par un retard d’élimination de la lidocaïne. Le métabolisme de la lidocaïne est exclusivement hépatique par le système du cytochrome P450. Ses deux principaux métabolites sont la glycine-xylitide (GX) et la mono-éthyl-glycine-xylitide (MEGX). Ils sont hydrophiles et excrétés par le rein. L’activité des microsomes hépatiques, d’une capacité de 250 mg par heure [34], est inhibée par le MEGX conduisant à une limitation de la clairance de la lidocaïne et à l’augmentation de son taux sanguin de 30 à 40 % [35].

Liposuccion et hypothermie L’hypothermie est fréquente au cours de cette chirurgie. Le réchauffement du liquide d’infiltration est un élément important parmi les moyens habituels de prévention de l’hypothermie [25]. L’utilisation de liquide froid voire glacé, préconisée pour soulager la douleur et diminuer les pertes sanguines, est dangereuse et doit être abandonnée [19].

Complications de la liposuccion À côté des accidents liés au volume ou à la composition du liquide d’infiltration, des complications d’ordre hémorragique, emboliques et infectieuses sont régulièrement rapportées.

Hémorragie La liposuccion s’accompagne obligatoirement de brèches vasculaires et de pertes sanguines généralement de faible débit mais prolongées. L’importance du saignement dépend,

181 du volume du liquide d’infiltration, du type de matériel utilisé et du savoir-faire de l’opérateur. Les canules de nouvelle génération, de petit calibre et à bord mousse, sont peu traumatisantes. Elles sont munies à leurs extrémités de multiples orifices latéraux qui facilitent l’aspiration de la graisse et offrent un meilleur résultat esthétique [22]. L’anémie postopératoire augmente la morbidité et prolonge la durée d’hospitalisation. Le seuil de transfusion est de 7 g/dL en l’absence de comorbidités.

Embolie graisseuse La réalité de l’embolie graisseuse est démontrée dans des études expérimentales notamment chez le rat. Des emboles sont retrouvés dans le sang et dans divers organes de l’animal sacrifié après une liposuccion [37]. Ce risque est imprévisible et semble indépendant du volume de graisse aspiré. En effet, cette complication a été rapportée après une liposuccion de seulement 600 mL [38]. Le syndrome d’embolie graisseuse s’observe le plus souvent, après un intervalle libre de quelques heures. Le tableau, de gravité variable et non spécifique, comporte classiquement la triade clinique : une détresse respiratoire aiguë, des signes neurologiques variés (troubles de la conscience, crises comitiales, signes déficitaires) et des lésions pétéchiales disséminées. On observe au fond d’œil un œdème maculaire, des tâches blanches cotonneuses et des hémorragies rétiniennes. Les anomalies du bilan sanguin sont peu spécifiques : anémie, leucocytose ou thrombopénie. La tomodensitométrie thoracique montre des lésions alvéolo-interstitielles bilatérales et l’absence d’emboles cruoriques. L’échographie cardiaque élimine un problème de dysfonction cardiaque alors que le lavage bronchoalvéolaire met en évidence des inclusions lipidiques dans les cytoplasmes macrophagiques. Un pourcentage de cellule à inclusion supérieur à 5 % et le contexte de survenue sont fortement évocateur de l’embolie graisseuse [39]. Le diagnostic est évoqué essentiellement en raison du contexte clinique [40]. Le point de départ de ce syndrome serait la constitution de microthrombi au niveau de la zone aspirée liée à l’association d’infractions vasculaires et de lésions de tissu graisseux [41]. Les emboles de diamètre supérieur à 8 ␮m se logent dans les capillaires pulmonaires où ils sont hydrolysés par les lipoprotéines lipases en acides gras libres non estérifiés. Ces derniers produisent des radicaux libres et activent les neutrophiles. La libération de médiateurs tels que les amines vasoactives et prostaglandines provoque des lésions microcirculatoires et des lésions directes des unités alvéolocapillaires. Les lésions histologiques sont un œdème interstitiel transsudatif puis alvéolaire de type exsudatif, une destruction des pneumocytes de type II et un dépôt de membranes hyalines. Le traitement de l’embolie graisseuse est purement symptomatique.

Accidents thromboemboliques L’accident thromboembolique fibrinocruorique est la complication la plus fréquente de cette chirurgie [16]. Le risque d’embolie semble directement lié à la quantité de graisse aspirée et à la durée de l’intervention [42]. La déambulation est essentielle dans la prévention des thromboses veineuses profondes. Elle permet aussi d’accélérer

182 l’évacuation du liquide d’infiltration résiduel. Le lever est un des éléments de la réhabilitation précoce qui associe le traitement de la douleur, la prévention des nausées et vomissements, le réchauffement et la correction d’une hypovolémie. L’emploi de bas de contention élastique ou d’un système de compression intermittent, mis en place avant l’induction anesthésique, est préconisé pour la plupart des patients [17]. La thomboprophylaxie par une héparine de bas poids moléculaire est indiquée au cours des liposuccions importantes et chez les patients à risque [43].

Complications infectieuses Parmi les complications infectieuses de la liposuccion, la fasciite nécrosante est la plus redoutable. Les premiers signes cliniques apparaissent en moins de 24 heures imposant un contrôle systématique de l’état cutané avant la sortie du patient. Le traitement doit être rapide et consiste en un débridement large de la nécrose. Le retard de diagnostic est grevé d’une lourde mortalité [16]. La préparation des patients, par une douche à la povidone iodée à 5 ou 10 %, doit être particulièrement minutieuse. Les recommandations actuelles de la SFAR en termes d’antibioprophylaxie sont d’utiliser l’association amoxicilline plus acide clavulanique (Augmentin® 2 g intraveineux, 1 g après deux heures d’intervention) ou la clindamycine (600 mg répétée après quatre heures d’intervention) en cas d’allergie à la pénicilline.

Autres complications La perforation de viscère abdominal est possible, favorisée par un abdomen cicatriciel. Des cas cliniques en sont régulièrement rapportés [16]. Une cécité uni- ou bilatérale a été rapportée. Il s’agit d’une neuropathie du nerf optique de type ischémique favorisée par une hypotension artérielle prolongée et une anémie sévère. Cette complication n’est pas spécifique de cette chirurgie, elle est plus fréquemment rapportée en chirurgie cardiaque où le terrain athéromateux représente un facteur de risque supplémentaire [44].

Conclusion La liposuccion, intervention la plus fréquente en chirurgie esthétique, connaît autant de variantes dans le volume et la composition du liquide d’infiltration que d’opérateurs. L’anesthésie générale est privilégiée pour les actes importants et de longue durée. La superwet technique qui consiste en une infiltration d’un large volume de solution adrénalinée a permit la pratique d’aspiration de plus en plus importante et faiblement hémorragique. Les doses importantes de lidocaïne administrées doivent conduire à une très grande vigilance dans la surveillance per- et postopératoire des patients.

K. Abdessalem

Conflit d’intérêt L’auteur, médecin anesthésiste réanimateur, déclare avoir pris connaissance de l’obligation de déclarer les intérêts éventuels et leur nature liés à l’élaboration de cet article intitulé « anesthésie pour liposuccion », et être donc en mesure de déclarer qu’il n’est pas en situation de conflit d’intérêt particulier.

Annexe A. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur doi:10.1016/j.pratan.2010.06.003.

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