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Journal des Maladies Vasculaires (2016) xxx, xxx—xxx
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CAS CLINIQUE
Anévrismes coronaires chez un adulte jeune évocateurs d’une probable maladie de Kawasaki Coronary artery aneurysms probably due to Kawasaki’s disease R. N’Guetta ∗, H. Yao , A. Ekou , B. Boka , C. Konin , I. Coulibaly , J.B. Anzouan-Kacou , R. Seka , M. Adoh Institut de cardiologie d’Abidjan, 01 BP V206, Abidjan, Côte d’Ivoire Rec ¸u le 12 novembre 2014 ; accepté le 1er mars 2016
MOTS CLÉS Anévrismes coronaires ; Maladie de Kawasaki ; Adulte
KEYWORDS Coronary artery aneurysms; Kawasaki disease; Adult
Résumé Nous rapportons le cas d’un adulte jeune, admis à l’institut de cardiologie d’Abidjan pour la réalisation d’une coronarographie diagnostique devant un angor d’effort invalidant. La coronarographie réalisée a retrouvé des anévrismes coronaires multiples pouvant faire évoquer des séquelles d’une maladie de Kawasaki. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary We report the case of a young adult admitted to the Abidjan Heart Institute for coronary angiography to explore unstable angina. Coronary angiography showed multiple aneurysms which suggested sequelae of misdiagnosed Kawasaki disease. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Les anévrismes coronaires sont rares chez l’adulte et résultent d’étiologies variées. Même si plus de 50 % de ces
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (R. N’Guetta).
anévrismes ont été associés à l’athérosclérose [1], de nombreuses affections peuvent être incriminées, notamment une anomalie du tissu élastique, une cause infectieuse ou congénitale, voire traumatique [2,3]. La maladie de Kawasaki fait partie des étiologies possibles. Son mode principal de révélation à l’âge adulte est représenté par la découverte d’anévrismes coronaires, complications évolutives à distance, mortelles chez 25 à 30 % des patients en l’absence de traitement précoce [4].
http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.03.008 0398-0499/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Anévrismes coronaires chez un adulte jeune évocateurs d’une probable maladie de Kawasaki. J Mal Vasc (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.03.008
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R. N’Guetta et al.
Figure 1 a : angiographie coronaire gauche en incidence de profil ; b : angiographie coronaire gauche en incidence oblique antérieure gauche 30◦ . a: left coronary angiography: lateral view; b: left coronary angiography: 30◦ left anterior oblique view.
Nous rapportons le cas d’un adulte jeune chez qui la maladie de Kawasaki a été évoquée devant des anévrismes coronaires retrouvés au cours du bilan d’une coronaropathie sévère.
Observation Un patient de 32 ans, sans facteur de risque cardiovasculaire connu, était admis à l’institut de cardiologie d’Abidjan pour la réalisation d’une coronarographie diagnostique. Il souffrait d’un angor d’effort invalidant depuis un an sous traitement anti-angineux. Une épreuve d’effort avait été réalisée quelques semaines plus tôt et était revenue positive. L’interrogatoire du patient ne retrouvait pas de manifestations évocatrices à type d’érythème, de desquamation de la peau et des extrémités, ou d’inflammation de la muqueuse buccale. Cet interrogatoire permettait de noter essentiellement des épisodes fébriles non spécifiques dans l’enfance, associés à des accès palustres et traités comme tels. L’examen à l’admission était normal. L’électrocardiogramme s’inscrivait en rythme sinusal à 60 battements/minute avec un sous-décalage du segment ST en territoire inférieur et des ondes T amples en territoire antéroseptal. L’échocardiographie mettait en évidence une hypokinésie des parois inférieure et septale. Les cavités cardiaques étaient de taille normale. La fonction systolique ventriculaire gauche était conservée avec une fraction d’éjection à 59 %. Les coronaires n’étaient pas visualisées. Le bilan biologique ne retrouvait pas de syndrome inflammatoire. Le bilan hépatique était normal. La sérologie rétrovirale était négative. La sérologie de la syphilis était également négative. La coronarographie montrait des zones anévrismales à la partie proximale et moyenne de l’artère interventriculaire antérieure (IVA), de la circonflexe et de la coronaire droite. La coronarographie mettait également en évidence une occlusion collatéralisée de la circonflexe distale et des
sténoses serrées en chapelet de l’IVA, de la deuxième latérale et de la coronaire droite (Fig. 1a, b et Fig. 2). Un bilan vasculaire complet à la recherche d’autres localisations artérielles anévrismales ne pouvait être réalisé au cours de l’hospitalisation. Le patient bénéficiait d’un double pontage aortocoronarien avec des suites simples. En l’absence de facteurs de risque cardiovasculaire, de contexte infectieux et devant la négativité des marqueurs de l’inflammation, la découverte d’anévrismes et de sténoses coronaires nous faisaient évoquer des séquelles à distance d’une probable maladie de Kawasaki méconnue dans l’enfance.
Figure 2 Angiographie coronaire droite en incidence oblique antérieure gauche 30◦ . Right coronary angiography: 30◦ left anterior oblique view.
Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Anévrismes coronaires chez un adulte jeune évocateurs d’une probable maladie de Kawasaki. J Mal Vasc (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.03.008
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Anévrismes coronaires chez un adulte jeune évocateurs d’une maladie de Kawasaki
Discussion La maladie de Kawasaki a été décrite pour la première fois en 1967 [5]. C’est une vascularite fébrile aiguë systémique du jeune enfant et du nourrisson d’étiologie encore inconnue qui affecte les vaisseaux de moyen et de petit calibre. Même si elle a été rapportée dans le monde entier, elle est beaucoup plus fréquente dans les populations asiatiques et plus particulièrement au Japon où son incidence était estimée en 2010 à 239,6 pour 100 000 enfants de moins de 5 ans par an [6], avec un pic de fréquence à l’âge de 12 mois. Elle est très rarement décrite en Afrique. Le premier cas africain a été retrouvé en Côte d’Ivoire par Condat et al. [7] en 1981 chez un nourrisson. Son diagnostic est essentiellement clinique, car il n’existe pas de marqueur biologique spécifique. Il repose sur des critères diagnostiques définis chez l’enfant par un comité d’experts [8]. L’étiologie de cette affection reste imprécise. Elle résulterait de la conjonction d’une réponse inflammatoire excessive à des facteurs infectieux ou inflammatoires, chez des sujets prédisposés [9]. L’hypothèse d’une prédisposition génétique a été évoquée devant l’incidence élevée de cette affection dans les populations asiatiques [10]. Le traitement de référence repose sur les immunoglobulines intraveineuses (IVIg) administrées à la phase aiguë dans les 10 j, en association avec l’acide acétylsalicylique à forte dose, qui sera poursuivie jusqu’à la huitième semaine [10]. Un comité d’experts de l’AHA [11] a identifié la population à risque élevé de développer des anévrismes coronaires au cours du suivi : IVIg non administrées précocement, fièvre persistante, syndrome inflammatoire important, ou sujets de sexe masculin. À partir des recommandations sur les critères diagnostiques et la prise en charge des séquelles cardiovasculaires de la maladie de Kawasaki chez l’adulte [12], cinq catégories de patients à risque ont été individualisées avec leurs différentes modalités de suivi. Environ 25 % des patients atteints de maladie de Kawasaki, non traités ou dépistés tardivement et 5 % de ceux traités développeront des anévrismes coronaires [1,4]. Ces anévrismes constituent un mode de révélation fréquent chez l’adulte d’une probable maladie de Kawasaki méconnue dans l’enfance [12,13]. Les complications évolutives possibles sont représentées par la maladie coronaire, l’insuffisance cardiaque ou la mort subite [14]. À la phase aiguë de la maladie de Kawasaki, il a été démontré que les lymphocytes T sont impliqués dans la cascade inflammatoire, par le biais de l’activation de l’inositol 1,4,5-triphosphatase 3-kinase C et la production de TNF␣ [15]. Ils joueraient un rôle majeur dans la fragilisation de la paroi artérielle coronaire et le risque de survenue des anévrismes coronaires [15]. L’infiltration de la paroi artérielle coronaire par les lymphocytes T et les macrophages [16] et la destruction de la couche élastique aboutissent à la formation d’anévrismes coronaires, de calcifications et plus tardivement de sténoses [12,17]. Ces anévrismes coronaires surviennent généralement de la deuxième à la quatrième semaine d’évolution, et régressent dans 50 % des cas dans les 2 ans [18]. Une enquête menée par Kato et al. [19] permettait de retrouver 130 patients adultes présentant des lésions
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coronaires pouvant être attribuées à une maladie de Kawasaki méconnue dans l’enfance. Dans une série angiographique, Daniels et al. [13] retrouvaient 5 % de patients présentant des lésions coronaires évocatrices d’une maladie de Kawasaki, en particulier des anévrismes coronaires. Les aspects évocateurs sont une localisation proximale, avec ou sans calcification [20] et un segment distal généralement indemne [18]. Le diagnostic étiologique de ces anévrismes est difficile, et devra être discuté avec plusieurs affections. La maladie de Kawasaki constitue le deuxième pourvoyeur d’anévrismes coronaires, après l’athérosclérose [1]. Plusieurs autres affections peuvent être incriminées selon le contexte : causes inflammatoires, maladies infectieuses, connectivites, causes congénitales [1]. L’absence de facteurs de risque cardiovasculaire, l’absence de contexte infectieux et de syndrome inflammatoire, le jeune âge et la race noire [12], à l’instar de notre observation, plaident en faveur du diagnostic rétrospectif de séquelles coronaires à distance d’une maladie de Kawasaki.
Conclusion Il existe une population en Afrique porteuse de séquelles cardiaques non diagnostiquées de la maladie de Kawasaki. Cette pathologie peut être reconnue lors de la réalisation d’une coronarographie diagnostique chez les sujets jeunes présentant une maladie coronaire avérée ou suspectée.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Pour citer cet article : N’Guetta R, et al. Anévrismes coronaires chez un adulte jeune évocateurs d’une probable maladie de Kawasaki. J Mal Vasc (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2016.03.008