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ScienceDirect www.sciencedirect.com Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 63 (2014) 437–441
Revue de la littérature
Angioplastie rénale : état des lieux en 2014 Atherosclerotic renal artery stenosis A. Sauguet ∗ , B. Honton Clinique Pasteur, 45, avenue de Lombez, 31076 Toulouse, France Disponible sur Internet le 11 octobre 2014
Résumé La sténose d’artère rénale (SAR) peut causer une néphropathie ischémique responsable d’hypertension artérielle. La SAR continue à être un problème pour les cliniciens, compte tenu de l’absence de consensus clair sur la fac¸on de dépister et de quantifier celles-ci et de les rapporter à des manifestations cliniques. La SAR de la dysplasie fibromusculaire devrait être activement recherchée chez les patients hypertendus plus jeunes en raison de la bonne réponse tensionnelle après revascularisation par angioplastie. La SAR athéromateuse, dont la prévalence est croissante, est responsable d’une incidence accrue d’accidents cardiovasculaires et augmente la mortalité cardiovasculaire. De nombreux patients avec SAR peuvent être traités de fac¸on optimale par le traitement médical pendant plusieurs années sans nécessiter de revascularisation comme le montrent les deux essais randomisés récents CORAL et ASTRAL. Ces essais ont exclu des sous-groupes de patients jugés à haut risque comme les œdèmes aigus du poumon ou bien les altérations rapides de la fonction rénale accompagnées d’hypertension ; sous-groupes pouvant être redevables d’un traitement de revascularisation. Le contrôle tensionnel et l’équilibre thérapeutique peuvent devenir difficiles avec l’altération de la fonction rénale et peuvent limiter l’utilisation des inhibiteurs d’enzyme de conversion et/ou des antagonistes de l’angiotensine II. L’objectif de cette revue est de conseiller la prise en charge de la SAR pour le cardiologue dans le contexte d’essais cliniques randomisés récents. Les trois situations cliniques pour lesquelles une indication de revascularisation peut être discutée sont l’insuffisance cardiaque aiguë à fonction ventriculaire gauche préservée, le déclin rapide de la fonction rénale et l’hypertension artérielle résistante malgré un traitement médical optimal. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hypertension artérielle résistante ; Sténose athéromateuse des artères rénales ; Dysplasie fibromusculaire des artères rénales ; Angioplastie des artères rénales ; Insuffisance rénale ; Système rénine angiotensine aldostérone
Abstract Atherosclerotic renal artery stenosis can cause ischaemic nephropathy and arterial hypertension. Renal artery stenosis (RAS) continues to be a problem for clinicians, with no clear consensus on how to investigate and assess the clinical significance of stenotic lesions and manage the findings. RAS caused by fibromuscular dysplasia is probably commoner than previously appreciated, should be actively looked for in younger hypertensive patients and can be managed successfully with angioplasty. Atheromatous RAS is associated with increased incidence of cardiovascular events and increased cardiovascular mortality, and is likely to be seen with increasing frequency. Many patients with RAS may be managed effectively with medical therapy for several years without endovascular stenting, as demonstrated by randomized, prospective trials including the cardiovascular outcomes in Renal Atherosclerotic Lesions (CORAL) trial, the Angioplasty and Stenting for Renal Artery Lesions (ASTRAL) trial. These trials share the limitation of excluding subsets of patients with high-risk clinical presentations, including episodic pulmonary edema and rapidly progressing renal failure and hypertension. Blood pressure control and medication adjustment may become more difficult with declining renal function and may prevent the use of angiotensin receptor blocker and angiotensin-converting enzyme inhibitors. The objective of this review is to evaluate the current management of RAS for cardiologists in the context of recent randomized clinical trials. There is now interest in looking more closely at
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Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (A. Sauguet),
[email protected] (B. Honton).
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2014.09.034 0003-3928/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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patient selection for intervention, with focus on intervening only in patients with the highest-risk presentations such as flash pulmonary edema, rapidly declining renal function and severe resistant hypertension. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Arterial hypertension; Atherosclerotic renal artery stenosis; Severe resistant hypertension
1. Introduction La sténose des artères rénales (SAR) est une cause importante d’hypertension artérielle (HTA) secondaire. Son étiologie athéromateuse est présente dans 90 % des cas, celle-ci est présente chez 7 % des patients de plus de 65 ans (sténose supérieure à 60 % à l’échographie doppler) [1]. L’intérêt de la revascularisation rénale apparaît moins certaine depuis une amélioration constante du traitement médical et les résultats récents d’études randomisées contrôlées comparant un traitement anti-hypertenseur optimal à une stratégie de revascularisation [2,3]. Dans le cadre d’une hypertension artérielle résistante, la première étape est le traitement médical optimal anti-hypertenseur. Malgré ce traitement, le contrôle tensionnel n’est pas atteint avec une altération progressive de la fonction rénale. La deuxième étape est de définir quels patients pourraient bénéficier d’une revascularisation rénale. Un problème posé est celui de la mauvaise corrélation entre la quantification angiographique d’une sténose des artères rénales et son réel retentissement hémodynamique. Pour améliorer les résultats de l’angioplastie, il faut définir des facteurs indépendants pouvant prédire une amélioration tensionnelle dans la mesure où le degré de sténose qui justifie un traitement est inconnu.
Fig. 1. Calcifications aortiques.
trans-sténotique supérieur à 30 mmHg, prédilatation puis apposition d’un stent de 6 × 18 mm (Fig. 1–6).
2. Cas clinique
3. Prévalence et présentation clinique
Le cas proposé pour discuter des indications et des modalités thérapeutiques est celui d’un homme de 68 ans présentant pour facteurs de risque cardiovasculaires une hypertension artérielle sous une penta-thérapie anti-hypertensive avec également un tabagisme sevré et une dyslipidémie. Les antécédents sont marqués par une coronaropathie revascularisée par angioplastie au décours d’un syndrome coronarien aigu une année auparavant et une pathologie oblitérante périphérique marquée par une revascularisation bi-iliaque pour claudication. HTA résistante actuelle sous une penta-thérapie avec altération de la fonction rénale récente sans protéinurie avec mise en évidence d’une sténose unilatérale pré-occlusive calcifiée de l’artère rénale gauche. Le bilan retrouve une taille de rein conservée avec des index de résistance ne témoignant pas d’une néphro-angiosclérose évoluée. Pas de protéinurie par ailleurs. Après discussion avec l’équipe néphrologique, proposition de revascularisation percutanée dans ce contexte hypertendu résistant avec altération récente de la fonction rénale sans néphropathie évoluée. Procédure effectuée par une approche radiale 6F avec utilisation d’une sonde porteuse multipurpose 6F avec prise de gradient
Les facteurs de risque pouvant faire évoquer la présence d’une sténose des artères rénales en cas d’hypertension artérielle résistante sont hormis l’âge, l’hypertension artérielle, le tabac et la dyslipidémie, la présence d’une atteinte athérosclérotique associée tant coronaire que périphérique. Sur une étude intéressant 1734 patients d’âge moyen de 71 ans explorée pour coronaropathie, la prévalence d’une SAR de plus de 60 % est de 9 % [4]. 4. Étiologies La dysplasie fibromusculaire des artères rénales représente 33 % des causes de sténose des artères rénales. Elle touche principalement la femme jeune entre 30 et 50 ans (Fig. 7). Il ne s’agit pas d’une pathologie inflammatoire présentant souvent des localisations multiples. Une méta-analyse récente confirme les bons résultats à moyen et long terme d’une revascularisation en cas d’hypertension artérielle mal contrôlée symptomatique. Une angioplastie au ballon seul est suffisante dans près de 100 % des cas avec moins de 10 % de resténose à 10 ans [5].
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Fig. 2. Sténose critique calcifiée rénale gauche para-ostiale.
Fig. 4. Contrôle après dilatation ballon.
Fig. 3. Prédilatation ballon 4 × 20 mm.
Fig. 5. Implantation stent de 6 × 18 mm.
La pathologie athérosclérotique est la principale étiologie et sa prévalence augmente en fonction de l’âgé et des facteurs de risque associés. Pour une population à haut risque, la prévalence est de 18 % chez les patients explorés pour une coronaropathie et de 45 % pour les patients bénéficiant d’une angiographie périphérique [6,7].
une supériorité du stenting en regard de l’angioplastie au ballon seul. Un engouement important pour cette technique s’est développé entre 1995 et 2000 avec un certain nombre d’études dont les résultats étaient plutôt en faveur de la revascularisation concernant l’équilibre tensionnel. Les problèmes posés ont été, d’une part, peu d’études randomisées et, d’autre part, la difficulté de définir une sélection adéquate des patients à traiter. Une étude intravasculaire avec mesure du gradient de pression trans-sténotique a permis de définir comme seul facteur prédictif indépendant de baisse de pression artérielle après revascularisation un gradient systolique après hyperhémie de plus de 21 mmHg [8].
5. Indications de revascularisation des sténoses athéromateuses La revascularisation chirurgicale a été remplacée par l’angioplastie depuis le début des années 1990 avec également
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Tableau 1 Études récentes comparant angioplastie rénale au traitement médical. Étude
Population
Intervention
Résultats
Références
Groupe hollandais traitement SAR (2000)
106 patients hypertendus résistants SAR > 50 % 140 patients, SAR > 50 % clearance < 80 mL/min
Angioplastie et traitement médical contre traitement médical Stenting et traitement médical contre traitement médical Angioplastie ballon ou stent et traitement médical contre traitement médical Stenting et traitement médical contre traitement médical
Pas de différence sur le contrôle tensionnel ou la fonction rénale
[9]
Pas d’impact du stent sur la fonction rénale
[10]
Pas de différence sur la tension, la fonction rénale ou la mortalité
[11]
Pas de différence sur mortalité toutes causes ou cardiovasculaires Diminution de 2 mmHg TA systolique dans le groupe stent
[3]
STAR (2009)
ASTRAL (2009)
806 patients SAR > 60 %
CORAL (2013)
947 patients SAR > 80 % ou 60–80 % gradient > 21 mmHg
Fig. 6. Contrôle final.
La publication récente de deux études randomisées a modifié la prise en charge et diminué les indications de revascularisation. Ces deux études comportent cependant un certain nombre de biais et de critiques. Les différentes études accompagnées de leur résultat sont regroupées dans le Tableau 1. Les critiques d’ASTRAL ont été multiples. Premièrement, l’inexpérience des opérateurs avec uniquement deux patients par centre par année inclus avec uniquement 79 % de succès de revascularisation 8 % de complications sérieuses. Le critère principal d’analyse était basé sur l’altération de la fonction rénale avec 40 % des patients avec fonction rénale normale au départ. Seulement 40 à 50 % des patients étaient traités par un anti-hypertenseur bloquant le système rénine angiotensine aldostérone et 40 % présentaient une sténose de moins de 70 %. Chez les patients traités par angioplastie, seulement 17 % étaient stentés. Les critiques apportées à CORAL sont le changement des critères d’inclusion en cours d’étude dont notamment l’inclusion de patients avec chiffres tensionnels inférieurs à 155 mmHg. Deux problèmes sont à noter au cours du suivi avec seulement 10 % de patients à 5 ans avec pour question la durée du suivi sur les événements cliniques.
Tableau 2 Facteurs cliniques en faveur du traitement médical plus ou moins revascularisation associée.
Fig. 7. Dysplasie fibromusculaire des artères rénales.
Traitement médical et surveillance
Traitement médical optimal et revascularisation
Tension artérielle contrôlée et fonction rénale stable Âge avancé et limitation espérance de vie Nombreuses comorbiditées rendant une revascularisation à risque Haut risque de complications athéro-embolique Maladie néphrologique associée (néphrite interstitielle, néphropathie diabétique)
Déclin progressif de la filtration glomérulaire au cours du traitement de l’HTA HTA résistante malgré un traitement médical optimal Déclin rapide de la filtration glomérulaire malgré une diminution de l’HTA Déclin FG sous IEC et/ou ARAII OAP sans dysfonction VG HTA maligne
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Concernant les aspects techniques, l’utilisation des systèmes de protection distale utilisés au début ont compliqué les procédures de revascularisation et ont d’ailleurs été retirées en cours d’étude. Comme pour ASTRAL des patients dont le degré de sténose était de 60 % ont été inclus. De plus, un grand nombre de patients éligibles ne l’ont finalement pas été, créant ainsi un biais important. Les indications du traitement médical plus ou moins associé au traitement par angioplastie sont regroupées dans le Tableau 2. 6. Conclusion En conclusion, s’il ne reste pas de place à une revascularisation rénale chez les patients bien contrôlés sous traitement, certaines situations restent encore de bonnes indications. La dysplasie fibromusculaire des artères rénales, associée à une hypertension artérielle en est une, compte tenu de ses excellents résultats à long terme. L’hypertension maligne accompagnée ou non d’œdème aigu du poumon et l’insuffisance rénale aiguë sous inhibiteurs du système rénine en sont deux autres. La troisième catégorie est celle des patients ayant une hypertension résistante au traitement, définie par une PA ambulatoire diurne ≥ 135/85 mmHg malgré trois anti-hypertenseurs à pleines doses dont un diurétique [12]. Malheureusement, les essais randomisés récents ont présenté de nombreux biais et ne permettent pas de conclure pour cette catégorie de patients. Ils apportent la certitude d’efficacité du traitement médical optimal. Un essai contrôlé randomisé chez des patients ayant une sténose des artères rénales et une HTA résistante avérée pourrait être conduite pour enfin redéfinir de fac¸on adéquate les indications de revascularisation. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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