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Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive 2006, 16, 4, 131-145
Article original
APPORT DE LA THÉRAPIE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE DANS LE SEVRAGE DES BENZODIAZÉPINES : ANALYSE DES ÉTUDES D’EFFICACITÉ P. GOSSELIN Département de psychologie, Université de Sherbrooke, Québec, Canada.
RÉSUMÉ : Des difficultés observées lors du sevrage des benzodiazépines font en sorte que la majorité des patients n’arrive pas à cesser leur traitement lorsqu’un arrêt est indiqué, ou sinon elle reprend leur médication dans les semaines suivant la cessation. Barter et Cormack (1996) soulignent notamment que plus de 50 % des patients utilisant une benzodiazépine pendant plusieurs années aimeraient mettre fin à leur prise de psychotropes, mais se sentent incapables de le faire. Plusieurs chercheurs ont tenté de vérifier si l’ajout d’une intervention psychologique cognitivocomportementale aux procédures de sevrage usuelles faciliterait l’arrêt des benzodiazépines. L’objectif du présent travail consiste à faire une recension et une analyse approfondie de ces études afin d’avoir une idée plus juste de l’apport de la thérapie cognitivo-comportementale dans la diminution du dosage et dans l’atteinte d’un arrêt complet de la médication. Les éléments observés supportent l’utilité de la thérapie dans le sevrage des benzodiazépines. En plus de favoriser l’arrêt complet de la médication et l’abstinence à long terme, les composantes spécifiques de la thérapie cognitivo-comportementale permettent d’améliorer la condition psychologique des patients. Différentes recommandations cliniques ressortant de l’analyse des résultats sont abordées. Mots-clés : thérapie cognitivo-comportementale, efficacité, sevrage, benzodiazépines.
SUMMARY: Contribution of cognitive behavioral therapy for benzodiazepine withdrawal: analysis of studies devoted to the efficacy of therapy combined with gradual tapering P. GOSSELIN (Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 2006, 16, 4, 131-145).
Several literature reviews confirm the usefulness of benzodiazepines. Their use is however controversial due to problems related to withdrawal symptoms that develop upon discontinuation. Dependence tends to become a problem within a few weeks and, consequently, the majority of regular users are unable to cease consumption or resume their medication in the weeks following cessation. According to Barter and Cormack (1996) more than 50% of patients using benzodiazepine for more than one year would like to stop their treatment but consider themselves unable to engage in withdrawal programs. This suggested the necessity to develop effective procedures to facilitate benzodiazepines discontinuation. Many clinical trials have been conducted to determine whether if cognitive-behavior therapy (CBT) is helpful in discontinuation in the context of gradual tapering. The aim of this study is to review and analyze these clinical trials in order to better evaluate the role and effectiveness of CBT to facilitating benzodiazepine discontinuation. Findings support the usefulness of CBT elements to discontinue medication. The ingredients of CBT appear to constitute active elements that greatly contribute to complete cessation. In addition to help discontinuation, CBT can assist patients by targeting clinical variables. Clinical recommendations are also discussed. Key words: cognitive-behavioral therapy, effectiveness, discontinuation, benzodiazepines.
Correspondance : P. GOSSELIN, Ph.D., Département de psychologie, Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Qc), Canada, J1K 2R1. e-mail :
[email protected]. Cette étude a été réalisée alors que le premier auteur recevait un appui financier du Fonds de la Recherche en Santé du Québec-Conseil Consultatif en Pharmacologie (FRSQ-CCP) ainsi que de l’Université de Sherbrooke. Nous tenons à remercier le Professeur Robert Ladouceur pour ses commentaires apportés lors de la rédaction préliminaire de cet article.
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Selon Bendtsen et coll. (1999), la prévalence reliée à l’utilisation des benzodiazépines se situe entre 2 et 10 %. Elle augmente avec l’âge et est plus élevée chez les femmes. Zandstra et coll. (2002) précisent toutefois que les taux d’utilisation sont influencés par des critères inhérents à chaque étude (définition de l’utilisation, périodes d’observation). Il devient donc très difficile d’obtenir des estimés de prévalence similaires et comparables. Tous confirment néanmoins que les benzodiazépines constituent une catégorie de médicaments très répandue (Shader et Greenblatt, 1993 ; Bendtsen et coll., 1999). Elles représenteraient notamment 80 % des psychotropes utilisés sur plus d’un an (Laurier et coll., 1990). La popularité des benzodiazépines provient essentiellement de leur rapidité d’action et de leur efficacité reconnue en tant qu’anxiolytiques, hypnotiques, relaxants musculaires et anticonvulsivants (Ayd, 1983 ; Möller, 1999). Les troubles anxieux et les troubles du sommeil constituent notamment des indications très documentées. Plusieurs relevés de la littérature concluent entre autres que les benzodiazépines sont efficaces pour les traitements à court terme du Trouble d’anxiété généralisée (Lydiard et coll. , 1996 ; Möller, 1999 ; Shader et Greenblatt, 1993). L’efficacité de l’alprazolam dans le traitement du Trouble panique est également bien établie, alors que le clonazepam et le lorazepam présentent aussi des effets antipaniques satisfaisants s’ils sont administrés à un dosage adéquat. Les effets hypnotiques des benzodiazépines en font également un traitement efficace et répandu pour les troubles du sommeil (Hollister et coll. , 1993). Argyropoulos et Nutt (1999) ajoutent enfin que leur efficacité est établie pour les problèmes d’épilepsie, le sevrage de l’alcool, ainsi que la gestion des comportements d’agitation et des comportements agressifs. Malgré leurs avantages, les benzodiazépines sont de plus en plus critiquées en raison des conséquences négatives reliées à leur utilisation à long terme (tolérance, effets secondaires, dépendance). La dépendance psychologique et la dépendance physiologique constituent les principales craintes reliées à leur utilisation. Noyes et coll. (1988) définissent la dépendance psychologique comme une sensation de manque entraînant le besoin de reprendre la médication alors que la dépendance physiologique réfère plutôt aux symptômes résultant de la cessation. Bien qu’étant séparés, ces deux types de dépendance s’avèrent clairement reliés et sont habituellement traités indistinctement. Plusieurs études ont montré qu’elles apparaissaient chez tous les utilisateurs réguliers de benzodiazépine à
l’intérieur de quelques semaines (Miller, 1995). Noyes et coll. (1988) précisent qu’une prise prolongée entraîne un syndrome de sevrage bref d’une intensité modérée lorsqu’elle est arrêtée rapidement. Des symptômes, tels que les nausées, les difficultés de concentration, l’irritabilité, les problèmes de sommeil, la transpiration et l’anxiété, sont alors observés chez presque tous les patients, indépendamment de la durée d’action de la médication (Rickels et coll. , 1990). Ashton (2001) rapporte aussi que 10 à 15 % des utilisateurs à long terme (plusieurs années) présentent des symptômes de sevrage pouvant demeurer quelques mois, voire même quelques années (symptômes anxieux et dépressifs, difficultés de sommeil, distorsions sensorielles, problèmes de mémoire, symptômes gastrointestinaux). Un arrêt graduel entraîne moins de symptômes indésirables bien qu’un syndrome de sevrage soit tout de même observé (Johansson et coll., 1997 ; Schweizer et coll., 1990). Par conséquent, la majorité des patients n’arrive pas à cesser leur traitement (Hegel et coll. , 1994) ou encore reprenne leur médication dans les semaines suivant l’arrêt (Schweizer et coll., 1989). Barter et Cormack (1996) ajoutent aussi que plus de 50 % des patients utilisant une benzodiazépine pendant plusieurs années aimeraient mettre fin à leur prise de psychotropes, mais se sentent incapables de le faire. Cette problématique a conduit plusieurs autorités à limiter l’utilisation des benzodiazépines et à préconiser le recours à des stratégies non pharmacologiques pour les traitements à long terme. L’état de New York a par exemple limité la prescription des benzodiazépines à une période maximale de trente jours (Van Haaren et coll., 2001). Le Sandwell Health Authority (1996), au Royaume-Uni, a adopté une politique restreignant la durée de prescription à un maximum de quatre semaines (à l’exception de recommandations particulières concernant l’anxiété généralisée) et interdisant l’augmentation du dosage chez les patients déjà utilisateurs à long terme afin de contrer l’usage routinier et chronique. Au Canada, les recommandations du Collège des Médecins du Québec se sont insérées dans la même perspective : l’utilisation des benzodiazépines n’est pas recommandée pour une durée supérieure à trois mois, bien que certaines exceptions comme l’Anxiété généralisée et les états de panique sévères peuvent justifier une utilisation prolongée (Collège des Médecins du Québec, 1997). Simon et coll. (1996) ainsi que Bendtsen et coll. (1999) concluent toutefois que la plupart des médecins généralistes suivent difficilement ces recommandations. Il est par ailleurs maintenant très facile de se procurer des médicaments en vente
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libre sur Internet, dont les benzodiazépines qui ne devraient pourtant être délivrées que sur ordonnance médicale. Le problème demeure donc tout entier : la majorité des patients poursuive leur utilisation de la médication à long terme étant donné leur dépendance et les difficultés engendrées lors du sevrage alors que les taux de prescription demeurent élevés (Tu et coll., 2001).
UNE AUTRE AVENUE D’INTERVENTION : LES STRATÉGIES PERMETTANT DE FACILITER LE SEVRAGE Plusieurs chercheurs ont abordé la problématique en ayant comme objectif de faciliter l’arrêt des benzodiazépines des patients pour lesquels un sevrage est indiqué. Les études évaluant l’efficacité du sevrage seul démontrent premièrement qu’un arrêt brusque, en plus d’entraîner des symptômes importants, s’avère peu efficace (Cantopher et coll., 1990 ; Fontaine et coll., 1984 ; Rickels et coll., 1990). La stratégie usuelle consiste donc à diminuer graduellement le dosage de la médication sur plusieurs semaines, ce qui minimise l’effet nuisible de certains facteurs tels que la demi-vie de la médication. Bien que cette méthode s’avère favorable à un arrêt brusque, la majorité des patients présente toujours des symptômes de sevrage (Schweizer et coll., 1990). Les taux d’arrêt complet sont plutôt faibles et les patients reprennent habituellement leur benzodiazépine dans les mois suivant la cessation (Baillargeon et coll., 2003 ; Cantopher et coll., 1990 ; Otto et coll., 1993 ; Schweizer et coll., 1990). D’autres stratégies pharmacologiques telles que l’ajout temporaire d’une autre médication (anxiolytiques sérotoninergiques, antidépresseurs, anticonvulsivant s, bêtabloquants) ou le passage à une molécule à durée d’action plus longue pour favoriser la gestion des symptômes de sevrage, ont été essayées pour faciliter l’arrêt graduel. Dans une recension des écrits sur le sujet, Rickels et coll. (1999) concluent que peu d’agents pharmacologiques semblent faciliter l’arrêt des benzodiazépines et qu’aucune donnée ne confirme l’efficacité de ce type d’intervention pour diminuer la sévérité des symptômes apparaissant lors du sevrage. L’utilisation d’autres molécules pour faciliter l’arrêt des benzodiazépines ne serait donc pas utile (Rickels et coll., 1999) et pourrait même occasionner d’autres problèmes de dépendance (Ashton, 2001). Des recherches ont finalement tenté de vérifier si l’ajout d’une intervention psychologique aux procédures de sevrage usuelles faciliterait l’arrêt
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des benzodiazépines. Selon Spiegel (1999), les premières tentatives rapportées dans la littérature (Higgitt et coll., 1987 ; Tyrer et coll., 1985) ont engendré des résultats modestes puisque les interventions utilisées ne permettaient pas de cibler l’éventail des diagnostics présents chez les participants. La majorité des études subséquentes ont donc été réalisées auprès de patients ayant un diagnostic commun et ce, en utilisant une thérapie d’orientation cognitivo-comportementale dont l’efficacité pour le traitement de la psychopathologie principale était appuyée empiriquement. L’objectif général du présent travail consiste à faire une recension et une analyse approfondie de ces études afin d’avoir une idée plus juste de l’apport de la thérapie cognitivo-comportementale dans la diminution du dosage et l’atteinte d’un arrêt complet de la médication. L’analyse vise plus précisément à apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : qu’en est-il réellement de l’efficacité de ce type d’intervention dans le sevrage des benzodiazépines des utilisateurs à long terme ? Les gains observés au niveau du sevrage réalisé à l’aide de la TCC se maintiennent-ils dans le temps ou sont-ils associés à un taux de rechute aussi élevé que celui observé lors du sevrage seul ? Les composantes de la TCC sont-ils responsables de la réussite du sevrage ou est-ce que, comme le souligne Ashton (2001), un soutien social (l’écoute d’un ami, d’un parent ou d’un psychologue) s’avère suffisant pour faciliter l’arrêt complet ? Les éléments abordés permettront d’évaluer plus adéquatement la pertinence d’utiliser la thérapie cognitivo-comportementale en contexte de sevrage de médicaments psychotropes.
EFFICACITÉ DE LA THÉRAPIE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE VALIDÉE EMPIRIQUEMENT COMBINÉE AU SEVRAGE MÉDICAMENTEUX GRADUEL Les études effectuées jusqu’ici se regroupent principalement en quatre catégories. La première représente les études réalisées auprès de patients préalablement traités pour un Trouble panique à l’aide d’un traitement médicamenteux intensif (Bruce et coll., 1999 ; Hegel et coll., 1994 ; Otto et coll., 1993 ; Spiegel et coll., 1994). La deuxième série d’études a quant à elle été réalisée auprès de patients souffrant d’Insomnie chronique recrutés dans le but de mettre fin à leur prise régulière de benzodiazépine prescrite pour leur problème de sommeil (Baillargeon et coll., 2003 ; Morin et coll.,
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2004 ; Morin et coll. , 1995). La troisième et plus récente série d’études a pour sa part porté sur le sevrage des patients ayant un Trouble d’anxiété généralisée et dont la prise de benzodiazépine était d’une durée supérieure à douze mois (Gosselin et coll., 2003 et 2006). Finalement, le quatrième regroupement d’études présentées a été réalisé auprès de patients présentant des symptômes anxieux, sans diagnostic défini (Oude-Voshaar et coll. , 2003).
EFFICACITÉ DE LA TCC COMBINÉE AU SEVRAGE AUPRÈS DE PATIENTS AYANT UN TROUBLE PANIQUE Dans un premier essai randomisé, Otto et coll. (1993) ont suivi trente-trois patients traités à l’alprazolam ou au clonazepam pour leurs symptômes de panique. Les patients étaient répartis aléatoirement dans deux conditions de sevrage : (a) une condition combinant un sevrage graduel avec une thérapie cognitivo-comportementale pour le Trouble panique (n = 17) et (b) une condition comportant un sevrage graduel seul (n = 16). La TCC était réalisée en groupe et comprenait dix rencontres hebdomadaires. Le sevrage médicamenteux était supervisé lors de séances hebdomadaires selon un plan de sevrage rapide consistant à diminuer le dosage de la benzodiazépine tous les deux ou quatre jours. Le sevrage des participants de la condition combinée commençait après la troisième rencontre de TCC. Parmi les patients de la condition TCC combinée, 76 % ont rapporté un arrêt complet à l’intérieur des limites du plan de sevrage comparativement à 25 % pour la condition Sevrage seul. Trois mois suivant la date de sevrage prévue, 59 % des patients de la condition TCC sont demeurés abstinents (taux de rechute de 17 %) et ce, sans aide supplémentaire pour leurs attaques de panique, comparativement à 19 % pour la condition Sevrage seul (taux de rechute de 6 %). Il est toutefois important de noter que les auteurs permettaient deux prises de 0,50 mg pour chaque patient dans l’évaluation du succès du sevrage. Ainsi, un patient prenant sa médication à deux reprises durant l’évaluation post-sevrage ou le suivi des trois mois était quand même considéré comme un participant ayant cessé sa médication avec succès. Presque au même moment, Spiegel et coll. (1994) réalisaient une étude randomisée similaire auprès de vingt et un patients ayant un diagnostic de Trouble panique et désirant recevoir un traitement à l’alprazolam. Seulement 57 % des participants prenaient déjà une benzodiazépine au moment
de leur inclusion dans l’étude. Avant d’être assignés aux deux conditions expérimentales [TCC combinée et sevrage graduel ( n = 11) vs Sevrage seul (n = 10)], l’alprazolam était introduite puis stabilisée pendant une période moyenne de 6,3 semaines. Afin d’être inclus dans le protocole de sevrage, les participants devaient prendre entre 1 à 10 mg par jour d’alprazolam et ne pas présenter d’attaque de panique pendant au moins quatre semaines suivant l’introduction de la médication. La procédure de cessation pour chaque groupe comprenait une première phase de stabilisation (durée moyenne de onze semaines) puis une phase de sevrage graduel flexible consistant à diminuer le dosage une fois par semaine ou aux deux semaines. La TCC était réalisée en suivi individuel plutôt qu’en groupe et comprenait douze séances hebdomadaires. Le sevrage était introduit en même temps que l’exposition aux sensations physiques, c’est-à-dire, après les composantes d’éducation, d’entraînement à la relaxation et de restructuration cognitive. Considérant le principe d’intention de traitement (un patient exclu durant l’intervention), 82 % des patients de la condition TCC combinée ont rapporté un arrêt complet à l’intérieur des limites du plan de sevrage comparativement à 80 % pour la condition Sevrage seul. Aux suivis des trois et six mois, tous les patients de la condition TCC sont demeurés abstinents comparativement à 40 % pour la condition Sevrage seul (taux de rechute de 40 %). Finalement, Hegel et coll. (1994), dans un essai non randomisé (une seule condition), ont évalué l’efficacité de la TCC combinée avec un sevrage graduel suivant des procédures de diminution et de TCC presque identiques à celle de Spiegel et coll. (1994). Vingt-cinq patients ont premièrement reçu un traitement rapide à l’alprazolam puis douze séances individuelles de TCC (introduites une fois les attaques de panique absentes pendant au moins deux semaines). Le sevrage de la benzodiazépine commençait après la quatrième rencontre de TCC ; au besoin, les séances de thérapie avaient lieu aux deux semaines afin de permettre un sevrage plus lent et plus flexible. Trois patients ont abandonné en cours de traitement et ont été identifiés comme prenant toujours leur médication à l’évaluation post-traitement ainsi qu’aux suivis des six et douze mois. Le taux de succès du sevrage avait atteint 80 % au post-traitement et est demeuré relativement stable aux suivis des six mois (76 %) et des douze mois (80 %). Afin de documenter le maintien des gains à long terme, Bruce et coll. (1999) ont évalué les patients rencontrés dans les deux études précédentes (Hegel
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et coll., 1994 ; Spiegel et coll., 1994) après un intervalle de deux à cinq ans suivant la fin du sevrage. Deux patients de la condition Sevrage seul rencontrés dans l’étude de Spiegel et coll. (1994) qui n’avaient pas réussi à sevrer leur médication ont été transférés dans la condition TCC combinée élevant le nombre de participants assignés à cette condition à treize patients. Parmi eux, neuf (69 %) ont réussi à maintenir l’arrêt complet comparativement à trois patients sur dix (30 %) dans la condition Sevrage seul. Parmi les 22 patients qui ont complété l’étude de Hegel et coll. (1994), cinq n’ont pu être rejoints pour fins d’évaluation. Treize patients avaient maintenu l’arrêt de leur benzodiazépine (65 %, considérant les trois abandons en cours de traitement).
EFFICACITÉ DE LA TCC COMBINÉE AU SEVRAGE AUPRÈS DE PATIENTS SOUFFRANT D’INSOMNIE Morin et coll. (1995) ont ensuite poursuivi les études visant à évaluer l’apport de la TCC dans le sevrage des benzodiazépines auprès de patients souffrant d’Insomnie chronique et dont la médication était prise pour ses effets hypnotiques. Utilisant un protocole expérimental à cas uniques avec niveaux de base multiples, les chercheurs ont administré une TCC pour l’Insomnie combinée à un sevrage graduel à cinq patients utilisant une benzodiazépine depuis plusieurs années (étendu = 2 à 15 ans). Un total de dix rencontres de groupe, d’une durée de deux heures chacune, était consacré à la TCC pour l’Insomnie. Les trente premières minutes étaient réservées à la révision des agendas de sevrage de telle sorte que les deux volets d’intervention étaient introduits dans la même rencontre. Une séance de traitement supplémentaire avait lieu un mois après la fin du traitement afin d’aborder des éléments de prévention de la rechute. Lors de l’évaluation post-traitement, quatre patients (80 %) avaient réussi à cesser complètement leur médication. Le patient utilisant la plus grande dose de benzodiazépine n’avait pas réussi à compléter le sevrage. Au suivi un mois, deux patients avaient rechuté, laissant deux participants abstinents (40 %), alors que trois patients rapportaient un arrêt complet au suivi des trois mois (60 %). Baillargeon et coll. (2003) ont ensuite réalisé un essai randomisé visant à évaluer l’efficacité de la TCC combinée à un sevrage graduel auprès de soixante-cinq patients souffrant d’Insomnie chronique. Comme dans les études randomisées sur le Trouble panique, les patients étaient répartis
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aléatoirement dans (a) une condition combinant un sevrage graduel avec une thérapie cognitivocomportementale (n = 35) ou (b) une condition comportant un sevrage graduel seul (n = 30). La TCC pour l’Insomnie était réalisée en groupe et comprenait huit rencontres hebdomadaires d’une durée de 90 minutes chacune. Le sevrage médicamenteux était supervisé par un médecin à l’aide de huit séances de 20 minutes selon un plan de sevrage visant à réduire la médication de 25 % à intervalle d’une ou deux semaines. Les deux volets d’intervention étaient introduits conjointement dès le début de l’étude aux patients de l’intervention combinée. Comme dans l’étude de Morin et coll. (1995), une séance de traitement supplémentaire visant la prévention de rechute avait lieu après un délai d’un mois suivant la fin du traitement. Parmi les soixante-cinq participants, sept ont abandonné en cours d’intervention (un dans la condition TCC combinée et six dans la condition Sevrage seul). Parmi les patients de la condition TCC combinée, 74 % ont rapporté un arrêt complet lors de l’évaluation post-traitement comparativement à 37 % pour la condition Sevrage seul. Au suivi des trois mois, 63 % des patients de la condition TCC ont rapporté un sevrage complet comparativement à 33 % pour la condition Sevrage seul. Finalement, 66 % des patients de la condition combinée ont rapporté un arrêt complet au suivi des douze mois comparativement à 23 % pour la condition Sevrage seul. Morin et coll. (2004) ont finalement vérifié l’efficacité de la TCC combinée dans le sevrage des benzodiazépines auprès de soixante-seize patients présentant des problèmes de sommeil et ayant recours à leur médication depuis au moins trois mois. L’essai randomisé comportait trois conditions de traitement, soit (a) une condition combinant TCC et sevrage graduel (n = 27), (b) une condition comportant le sevrage graduel seul (n = 25) et (c) une condition comportant la TCC seule (n = 24). Suivant un protocole similaire à l’étude de Baillargeon et coll. (2003), la TCC était administrée en groupe et comportait dix séances hebdomadaires de 90 minutes alors que le sevrage était supervisé à l’intérieur de dix rencontres individuelles de 20 minutes. Les deux volets de l’intervention combinée étaient introduits conjointement dès le début de l’étude. Parmi les soixante-seize participants, sept ont abandonné en cours d’intervention (deux dans la condition TCC combinée, trois dans la condition Sevrage seul et deux dans la condition TCC seule). Lors de l’évaluation post-traitement, 85 % des patients de la condition TCC combinée ont rapporté un sevrage complet comparativement
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à 48 % pour la condition Sevrage seul et 54 % pour la condition TCC seule. Au suivi des trois mois, le pourcentage de participants rapportant un arrêt complet était de 70 % pour le groupe TCC combiné comparativement à 52 % pour le groupe Sevrage seul et 33 % pour le groupe TCC seule. Finalement, les résultats observés au suivi des douze mois montrent des taux de sevrage complété de 59 % pour le groupe TCC combinée, 52 % pour le groupe Sevrage seul et 33 % pour le groupe TCC seule. Le taux de rechute observé du post-traitement au suivi des douze mois est donc de 26 % pour le groupe TCC combinée comparativement à 21 % pour le groupe TCC seule (changement postsuivi sur le seuil du niveau de signification, p = 0,05).
EFFICACITÉ DE LA TCC COMBINÉE AU SEVRAGE AUPRÈS DE PATIENTS AYANT UN TROUBLE D’ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE Puisque l’Anxiété généralisée représente une condition à risque d’être associée à une dépendance aux benzodiazépines (syndrome justifiant une prescription à plus long terme, traitement de premier choix jusqu’à tout récemment), Gosselin et coll. (2003, 2006) ont poursuivi les études d’efficacité de la TCC pour le sevrage auprès de cette population. Les chercheurs ont uniquement ciblé les patients dont la prise de benzodiazépine était régulière et d’une durée supérieure à douze mois, ce qui concorde avec les observations d’Isacson (1997) précisant que la majorité des gens prenant une benzodiazépine le fait pendant plus d’un an. Leur première étude a été réalisée auprès de cinq patients présentant un diagnostic primaire de TAG selon un protocole expérimental à cas uniques à niveaux de base multiples (Gosselin et coll., 2003). La TCC pour les inquiétudes et le sevrage graduel ont été administrés sur une base individuelle et hebdomadaire à raison de douze séances. Les participants rencontraient le médecin responsable du sevrage et le psychologue en charge de la TCC lors d’une même visite. La procédure de sevrage consistait à diminuer la dose quotidienne de benzodiazépine de 25 % à intervalle de deux ou trois semaines et ce, pendant les douze semaines de traitement. Lorsqu’un patient présentait des inquiétudes concernant le sevrage, elles étaient mises en lien avec les composantes de la TCC pour les inquiétudes et l’anxiété. Tous les patients inclus ont complété les douze semaines de traitement en plus des deux suivis prévus trois et six mois après la fin du traitement, à l’exception d’un patient
qui ne s’est pas présenté au suivi des trois mois. Lors de l’évaluation post-traitement, deux patients sur cinq avaient complètement cessé leur médication alors que deux autres prévoyaient de terminer le sevrage durant les jours suivants. Ceci fut confirmé lors du suivi des trois mois puisque quatre patients sur cinq avaient complété leur sevrage (80 %). L’arrêt de la benzodiazépine était maintenu chez ces quatre patients au suivi des six mois (80 %). Le patient n’ayant pas atteint l’arrêt complet avait pour sa part diminué son dosage de 51 %. Gosselin et coll. (2006) ont ensuite réalisé un essai randomisé visant à évaluer l’efficacité de leur intervention pour le sevrage des benzodiazépines auprès de soixante et un patients souffrant du Trouble d’anxiété généralisée. Comme dans les études randomisées effectuées auprès des patients ayant un Trouble panique ou souffrant d’Insomnie, la moitié des patients ont été répartis aléatoirement dans une condition expérimentale combinant la TCC pour les inquiétudes et le sevrage graduel (n = 31). L’autre moitié a été assignée à une condition contrôle composée d’une thérapie psychologique non spécifique (intervention psychologique placebo) et du sevrage graduel (n = 30). La thérapie et le sevrage ont été réalisés selon des modalités exposées dans la description de l’étude précédente. Les patients assignés à la condition avec placebo psychologique recevaient, en plus du programme de sevrage, une thérapie psychologique basée principalement sur l’écoute active et ce, pour une durée identique à la TCC. Les interventions de cette condition ne comportaient aucune suggestion (comportementale ou autres), ni d’interprétation ou de restructuration cognitive. Les interventions ou réponses permises étaient l’écoute active, le support et la communication empathique. Parmi les soixante et un patients inclus, cinquante-six ont complété les douze semaines d’intervention (vinghuit participants par condition). Trois participants ont abandonné dans la première moitié du traitement (deux dans la condition expérimentale et un dans la condition placebo) alors que deux participants ont été exclus de l’étude (un dans chaque condition). Considérant le critère d’intention de traitement, 74,2 % des patients de la condition avec TCC ont rapporté un sevrage complet lors de l’évaluation post-traitement comparativement à 36,7 % pour la condition avec placebo psychologique. Au suivi des trois mois, la proportion de patients rapportant un sevrage complet est passée à 67,7 % pour la condition avec TCC (trois patients ont repris leur médication et un nouveau patient a rapporté un sevrage complet) et à 33,3 % pour la condition avec placebo (quatre patients
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ont repris leur médication et trois nouveaux patients ont rapporté un sevrage complet). Aucun changement n’a été observé lors du suivi des six mois. Finalement, deux patients ont souligné avoir rechuté lors du suivi des douze mois (un dans chaque condition), fixant le taux d’arrêt complet à 64,5 % pour la condition avec TCC et à 30 % pour la condition avec placebo psychologique.
EFFICACITÉ DE LA TCC COMBINÉE AU SEVRAGE AUPRÈS DE PATIENTS ANXIEUX Cormack et coll. (1994) ont par ailleurs souligné que près de 20 % des personnes qui utilisent une benzodiazépine réussissent à en faire l’arrêt par eux-mêmes suite à la recommandation écrite de leur médecin. Basés sur ces résultats, Oude-Voshaar et coll. (2003) ont décidé d’évaluer l’efficacité de la TCC combinée, mais cette fois-ci auprès de 180 utilisateurs de benzodiazépine qui n’ont pas mis fin à leur médication après un avertissement écrit de leur médecin traitant. Ceux-ci ont été répartis aléatoirement dans trois conditions : (a) une condition combinant TCC et sevrage graduel (n = 73), (b) une condition Sevrage graduel seul (n = 73) et (c) une condition contrôle sans intervention (n = 34 ; soins usuels permis). La première étape du sevrage consistait à remplacer la benzodiazépine utilisée par le dosage équivalent de diazépam et ce, pour une durée de deux semaines. Le dosage était ensuite diminué de 25 % par semaine. Le sevrage était supervisé à l’intérieur de quatre visites auprès du médecin traitant. Les participants pouvaient au besoin diviser la dernière étape du sevrage en deux réductions de 12,5 % pour quatre jours. La TCC, qui comportait cinq rencontres de groupe d’une durée de deux heures, débutait deux semaines après le début du sevrage. Celle-ci visait à introduire un volet de psychoéducation concernant l’utilisation à long terme des benzodiazépines, un volet de relaxation progressive et un volet de restructuration cognitive sur l’interprétation des symptômes de sevrage. Aucune intervention n’était effectuée en lien avec un trouble psychiatrique quelconque (aucune évaluation diagnostique réalisée) ni même en lien avec le motif de prescription de la médication. Les participants de la condition Soins usuels étaient informés du résultat de la randomisation par courrier. Aucune aide ne leur était offerte pour cesser leur médication durant l’étude. Vingt-trois participants ont cessé leur médication par eux-mêmes durant le délai d’attente d’intervention de soixante et onze jours (seize dans la
FIG. 1. — Pourcentage des patients qui atteignent le sevrage complet de leur benzodiazépine à l’aide de la TCC dans les études d’efficacité (excluant les études à cas uniques).
condition Sevrage seul et sept dans la condition TCC combinée). Trente-neuf patients ont refusé de se présenter à l’évaluation post-traitement réalisée trois mois après l’intervention. Considérant le critère d’intention de traitement, 45 % des participants de la condition TCC combinée ont rapporté l’arrêt complet de leur médication comparativement à 51 % pour la condition Sevrage seul et 15 % pour la condition contrôle Soins usuels. La figure 1 et le tableau I illustrent les principaux résultats obtenus dans les études décrites précédemment ainsi que différents aspects méthodologiques propres à chacune d’elle.
DISCUSSION Le présent travail visait à faire une recension et une analyse des études évaluant l’efficacité d’interventions combinant TCC et sevrage graduel pour l’arrêt des benzodiazépines. L’analyse visait plus précisément à répondre à différentes questions permettant d’avoir une idée plus juste de l’apport de la thérapie dans la diminution de dosage et l’atteinte d’un arrêt complet.
Qu’en est-il réellement de l’efficacité des interventions combinant TCC et sevrage pour faciliter l’arrêt des benzodiazépines des utilisateurs à long terme ? Bien que les différences méthodologiques complexifient les comparaisons entre les études, l’ensemble des résultats rapportés permet de conclure que la thérapie cognitivo-comportementale facilite le sevrage graduel et l’arrêt des benzodiazépines des patients anxieux ou souffrant
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d’insomnie chronique (figure 1 ; taux d’efficacité similaires se situant entre 74 % et 85 %). La majorité des études contrôlées et randomisées (Baillargeon et coll., 2003 ; Gosselin et coll., 2006 ; Morin et coll., 2004 ; Otto et coll., 1993) montre que les patients bénéficiant des composantes de la TCC atteignent davantage l’arrêt complet de leur médication comparativement aux patients ayant un sevrage graduel seul, une TCC seule ou une intervention psychologique placebo combinée à un sevrage graduel (tableau I). Les durées d’intervention présentées indiquent pour leur part que l’arrêt complet de la médication peut généralement être atteint en deux ou trois mois, soit à l’intérieur de la durée requise pour la TCC. À ce sujet, nos observations cliniques suggèrent qu’il est préférable d’échelonner les rencontres de la TCC afin de fournir aux patients le temps nécessaire pour atteindre le sevrage complet avant la fin de la thérapie, ce qui assure un plus grand taux de succès et un meilleur maintien des gains. Seule l’étude de Oude-Voshaar et coll. (2003) présente un taux de succès de sevrage à l’aide de la TCC inférieur (45 %) ou similaire à celui rapporté en utilisant un sevrage graduel seul, soit un taux de 24 à 51 % (Baillargeon et coll., 2003 ; Fyer et coll., 1987 ; Morin et coll., 2004 ; Noyes et coll., 1991 ; Otto et coll., 1993 ; Oude-Voshaar et coll., 2003). Rappelons toutefois que Oude-Voshaar et coll. (2003) n’ont pas sélectionné de population psychiatrique cible et n’ont pas inclus d’élément spécifique à la condition psychologique des patients dans la TCC proposée, contrairement à ce qui a été fait dans les autres études décrites précédemment. Ceci avait déjà été identifié comme étant à la base des résultats modestes rapportés dans les premières études sur le sujet. Oude-Voshaar et coll. (2003) ont justifié leur choix par leur désir d’utiliser une condition TCC facilement réalisable dans la pratique générale. L’inclusion d’éléments thérapeutiques ciblant la condition psychologique des patients dans la TCC apparaît toutefois essentielle et nécessaire afin de faciliter le sevrage médicamenteux. Les informations présentées dans le tableau I indiquent également que plusieurs recherches rapportent une durée d’utilisation moyenne élevée des benzodiazépines chez leurs patients. La plupart rapportent toutefois une durée d’utilisation de trois mois ou moins comme critère d’inclusion, ce qui peut avoir influencé les résultats et ainsi nuire à leur généralisation. Ceci apparaît d’ailleurs paradoxal. En effet, les études épidémiologiques montrent que la majorité des patients utilise leur benzodiazépine pendant plus d’un an. Les effets
bénéfiques de la TCC sont-ils aussi efficaces chez les utilisateurs à plus long terme ? Les protocoles de Gosselin et coll. (2003 et 2006) tendent à montrer que la TCC et le sevrage s’avèrent aussi efficaces chez les utilisateurs chroniques, du moins lorsque la durée d’utilisation s’avère supérieure à un an. D’autres études ciblant les utilisateurs à plus long terme (cinq ou dix ans) pourront tenter de vérifier l’efficacité de la TCC pour faciliter le sevrage. Les politiques d’utilisation des benzodiazépines, de même que les études portant sur le sujet, amèneront graduellement les méthodes de prescription à changer. Comme souligné précédemment, une procédure encouragée pour les traitements à long terme de psychopathologies chroniques comme le TAG, consiste à commencer par prescrire la TCC pour ensuite poursuivre avec une benzodiazépine si les autres options de traitement ont échoué. Il sera alors important de vérifier si une intervention combinant TCC et sevrage graduel sera aussi active lorsque plus de gens auront reçu leur benzodiazépine après avoir eu préalablement un traitement psychologique pour leur problématique.
Les gains observés au niveau du sevrage réalisé à l’aide de la TCC se maintiennent-ils dans le temps ou sont associés à des taux de rechute aussi élevés que ceux obtenus lors du sevrage seul ? Quatre études présentent un suivi des patients d’une durée supérieure à six mois (tableau I). Les taux d’arrêt complet illustrés à la figure 1 appuient le maintien des gains durant les suivis. Toutefois, certaines nuances doivent être apportées. Concernant les études portant sur le trouble panique, Otto et coll. (1993) ont présenté un taux de rechute plus important et ce, pour les deux conditions expérimentales. Selon Spiegel (1999), cette différence pourrait être attribuable à l’agenda du sevrage utilisé qui était plus court et moins flexible. Un sevrage individualisé étendu sur une plus longue période de temps (au moins huit semaines) et permettant plus de souplesse dans le délai précédent la diminution des dosages semble donc entraîner de meilleurs résultats. La durée du sevrage permise dans l’étude de Oude-Voshaar et coll. (2003) peut également expliquer le faible taux de succès observé et aussi l’absence de différence avec le groupe sevrage seul. Un délai de sevrage plus court laisse très peu de temps aux patients pour comprendre le rôle de la TCC spécifique dans l’arrêt de leur médication et ainsi se rendre compte que leurs nouvelles habiletés ont une influence
TCC ET SEVRAGE DES BENZODIAZÉPINES
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TABLEAU I. — Comparaison des études évaluant l’efficacité de la TCC combinée à un sevrage graduel pour l’arrêt des benzodiazépines.
Auteurs
Protocole
Durée de la prise de benzo.
Durée du sevrage
Différences significatives (% d’arrêts complets) Posttraitement
Particularités
Suivis
Études non randomisées Hegel et coll., 1994 (n = 25)a
1 condition : — TCC + Sevrage
Minimum : 1 à 4 sem.
Maximum : 8 sem.
Intragroupe : Pré < post
Intragroupe : Pas de différence (maintien des gains)
Mesures : — pré/post — Suivis 6/12 mois
Moyenne : N/D
Moyenne : N/D
Intergroupes : N/A
Intergroupes : N/A
Morin et coll., 1995 (n = 5)b
1 condition : — TCC + Sevrage
Minimum : N/D
Maximum : 10 sem.
Intragroupe : N/A
Intragroupe : N/A
Mesures : — pré/post — Suivis 1/3 mois
Étendu : 1 à 15 ans
Étendu : 6 à 8 sem.
Intergroupes : N/A
Intergroupes : N/A
Gosselin et coll., 2003 (n = 5)c
1 condition : — TCC + Sevrage
Minimum : 1 an
Maximum : 12 sem.
Intragroupe : N/A
Intragroupe : N/A
Mesures : — pré/post — Suivis 3/6 mois
Étendu : 1 à 19 ans
Étendu : N/D
Intergroupes : N/A
Intergroupes : N/A
— 32 % des patients reçoivent des séances suppl. de TCC non reliées aux paniques — Ajouts de médication et/ou changements de dose à la hausse durant les suivis — Exclusions des patients présentant une dépression ou une agoraphobie modérée — Sevrage lent et flexible (au besoin) — Faible taux de rechute — Protocole à cas uniques — Échec du sevrage chez le patient prenant la plus forte dose — Sevrage lent et flexible — Aggravation temporaire du sommeil au post-traitement — Protocole à cas uniques — Échec du sevrage chez le patient présentant la plus forte dose — Sevrage lent et flexible — La TCC permet de cibler les inquiétudes et l’anxiété reliées au sevrage — Autres médicaments stables durant la durée de l’étude
Études randomisées
a
Otto et coll., 1993 (n = 33)a
2 conditions : — TCC + Sevrage — Sevrage seul
Minimum : 6 mois
Maximum : 7 sem.
Intragroupe : N/D
Intragroupe : N/D
Mesures : — pré/post — Suivi 3 mois
Moyenne : N/D
Moyenne : N/D
Intergroupes : TCC + Sevrage > Sevrage seul
Intergroupes : N/D
Spiegel et coll., 1994 (n = 21)a
2 conditions : — TCC + Sevrage — Sevrage seul
Minimum : 2 mois
Maximum : 8 sem.
Intragroupe : N/D
Intragroupe : N/D
Mesures : — pré/post — Suivi 3/6 mois
Moyenne : 2 ans (12 patients)
Moyenne : 7 sem.
Intergroupes : Intergroupes : Pas de différence Au suivi 3 et 6 mois, TCC + Sevrage > Sevrage seul
— Sevrage non flexible et rapide (diminution à tous les 2 ou 4 jours) — Suivi limité aux participants ayant atteint l’arrêt complet durant le traitement — Suivi limité à un intervalle de 3 mois — Deux prises PRN permises — Suivi limité aux participants ayant atteint l’arrêt complet durant le traitement — Sevrage lent et flexible — Faible taux de rechute
Études effectuées auprès de patients ayant un Trouble panique ; b Études effectuées auprès de patients souffrant d’Insomnie ; c Études effectuées auprès de patients souffrant du Trouble d’anxiété généralisée ; d Études effectuées auprès d’utilisateurs de benzodiazépine (sans diagnostic spécifié).
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P. GOSSELIN
TABLEAU I. — Comparaison des études évaluant l’efficacité de la TCC combinée à un sevrage graduel pour l’arrêt des benzodiazépines. (suite)
Auteurs
Protocole
Durée de la prise de benzo.
Durée du sevrage
Différences significatives (% d’arrêts complets) Posttraitement
Particularités
Suivis
Études randomisées Baillargeon et coll., 2003 (n = 65)b
Morin et coll., 2004 (n = 76)b
Gosselin et coll., 2006 (n = 61)c
2 conditions : — TCC + Sevrage — Sevrage seul
Minimum : 3 mois
Maximum : 8 sem.
Intragroupe : N/D
Intragroupe : N/D
Mesures : — pré/post — Suivis 3/12 mo
Moyenne : N/D
Moyenne : N/D
Intergroupes : TCC + Sevrage > Sevrage seul
Intergroupes : Au suivi 3 et 12 mois, TCC + Sevrage > Sevrage seul
3 conditions : — TCC + Sevrage — Sevrage seul — TCC seule
Minimum : 3 mois
Maximum : 10 sem.
Intragroupe : N/D
Intragroupe : Taux de rechute au seuil de signification (p = 0,05)
Mesures : — pré/post — Suivis 3/12 mois
Moyenne : 19 ans
Moyenne : 7 sem.
Intergroupes : TCC + Sevrage > Sevrage seul et TCC seule
Intergroupes : Pas de différence
2 conditions : — TCC + Sevrage — Placebo psychologique + Sevrage
Minimum : 1 an
Maximum : 12 sem.
Intragroupe : Pré < post
Intragroupe : Pas de différence (maintien des gains)
Mesures : — pré/post — Suivis 3/6/12 mois
Moyenne : 7 ans
Moyenne : N/D
Intergroupes : TCC + Sevrage > Placebo + sevrage
Intergroupes : Aux suivis 3, 6 et 12 mois, TCC + Sevrage > Placebo + Sevrage
— Sevrage lent et flexible — Vérification des résultats rapportés à l’aide d’analyses sanguines
— Taux de rechute élevé au suivi 12 mois (conditions TCC + Sevrage et Sevrage) — Pas de différence intergroupe aux suivis — Sevrage lent et flexible — Seule étude qui inclut un groupe de comparaison TCC seule — Vérification des résultats rapportés à l’aide d’analyses sanguines et de questionnaires auprès des proches — Taux de rechute faible — Sevrage avec TCC entraîne deux fois plus d’arrêts complets que le sevrage avec Placebo psychologique — Sevrage lent et flexible — Seule étude qui inclut un groupe contrôle avec Placebo psychologique, ceci permet d’attribuer les gains aux composantes spécifiques de la TCC — Vérification des résultats rapportés à l’aide d’analyses urinaires — Contrôle pour la crédibilité des interventions et des thérapeutes — Appariement des participants avant randomisation en fonction du dosage utilisé et de la durée d’utilisation — La TCC cible aussi les soucis et l’anxiété reliés au sevrage — Autres médicaments stables durant la durée de l’étude
a Études effectuées auprès de patients ayant un Trouble panique ; b Études effectuées auprès de patients souffrant d’Insomnie ; c Études effectuées auprès de patients souffrant du Trouble d’anxiété généralisée ; d Études effectuées auprès d’utilisateurs de benzodiazépine (sans diagnostic spécifié).
TCC ET SEVRAGE DES BENZODIAZÉPINES
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TABLEAU I. — Comparaison des études évaluant l’efficacité de la TCC combinée à un sevrage graduel pour l’arrêt des benzodiazépines.(suite)
Auteurs
Protocole
Durée de la prise de benzo.
Durée du sevrage
Différences significatives (% d’arrêts complets) Posttraitement
Particularités
Suivis
Études randomisées OudeVoshaar et coll., 2003 (n = 180)d
3 conditions : — TCC + Sevrage — Sevrage seul — Soins usuels
Minimum : 3 mois
Maximum : 4 sem.
Intragroupe : N/D
Intragroupe : N/A
Mesures : — pré/post
Moyenne : 14 ans
Moyenne : N/D
Intergroupes : TCC + Sevrage ≠ Sevrage seul
Intergroupes : N/A
TCC + Sevrage et Sevrage seul > Soins usuels
— TCC non spécifique au trouble traité par la médication — Sevrage non flexible et très rapide — Délai d’attente prétraitement : plusieurs arrêtent leur benzo. avant le début de l’intervention (inclus malgré tout) — Taux d’abandons élevé dû à l’important délai avant l’évaluation posttraitement — Seule étude qui inclut un groupe contrôle sans intervention — Absence de suivi à long terme
a
Études effectuées auprès de patients ayant un Trouble panique ; b Études effectuées auprès de patients souffrant d’Insomnie ; c Études effectuées auprès de patients souffrant du Trouble d’anxiété généralisée ; d Études effectuées auprès d’utilisateurs de benzodiazépine (sans diagnostic spécifié).
sur la réussite du sevrage. Par ailleurs, en permettant un sevrage plus long, les patients sont moins prédisposés à ressentir les symptômes du sevrage dus à la dépendance physiologique (Johansson et coll., 1997). Il est donc possible qu’ils n’associent plus les symptômes ressentis suite à l’arrêt complet à un retour des symptômes de la maladie pour lesquels ils sont maintenant outillés plutôt que de les associer à la dépendance pour lesquels la seule solution envisagée consisterait à reprendre la médication. Bisserbe et coll. (1992) recommandent de diminuer le dosage des benzodiazépines à intervalle de 25 % par deux semaines pour la première moitié de la dose initiale et ensuite de poursuivre à chaque semaine avec des diminutions moins importantes jusqu’à l’atteinte de l’arrêt complet (1/8 ou 1/10 de la dose). Les études utilisant un plan de sevrage similaire (Gosselin et coll., 2006) ont rapporté un bon maintien des gains. Toutefois, la vitesse optimale pour le sevrage graduel n’a pas encore été établie (Johansson et coll., 1997) et devrait à notre avis être adaptée en fonction des composantes de la TCC. Les taux de rechute semblent aussi être légèrement plus élevés dans les études effectuées auprès de patients insomniaques, notamment celle de Morin et coll. (2004). Dans ces études, les patients souffrant d’Insomnie étaient recrutés afin de cesser
leur médication prise depuis plusieurs années comparativement aux études sur le Trouble panique où les patients étaient recrutés afin de recevoir un traitement rapide aux benzodiazépines suivi d’un sevrage de la médication. Il est donc possible que le sentiment de dépendance psychologique ait été plus élevé chez les patients des études portant sur le sommeil. Par ailleurs, le fait que les études sur l’Insomnie étaient réalisées auprès d’insomniaques chroniques alors que celles sur le Trouble panique étaient réalisées auprès de patients chez qui la condition psychiatrique était déjà améliorée en début de suivi (absence d’attaque de panique depuis plusieurs semaines), peut avoir influencé le maintien de l’arrêt complet suite à la fin de l’intervention. Morin et coll. (1995 et 2004) ont rapporté que les améliorations au niveau du sommeil étaient très modestes en fin d’intervention et même que certains patients présentaient une augmentation de leurs difficultés de sommeil. Ceux-ci étaient donc rapidement confrontés à leur problème principal (retour ou maintien) en l’absence de leur support médicamenteux, ce qui pourrait expliquer pourquoi certains patients ont décidé de reprendre leur médication durant les périodes de suivi. Par ailleurs, les caractéristiques inhérentes à la TCC et aux troubles ciblés peuvent possiblement expliquer certaines variations dans le maintien
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P. GOSSELIN
du sevrage chez les patients souffrant d’Insomnie chronique. Baillargeon et coll. (2003) ont précisé que l’augmentation des symptômes anxieux constituait un motif rapporté par certains patients pour justifier leur abandon en cours de traitement. Spiegel (1999) faisait récemment l’hypothèse que, pour être optimales, les interventions visant à faciliter l’arrêt des benzodiazépines devaient tenir compte de trois sources d’échec potentiel, soit (a) les symptômes physiologiques reliés à l’arrêt graduel, incluant les symptômes de sevrage, d’anxiété et de rebond, (b) les appréhensions engendrées par le fait de mettre fin à un traitement duquel ils dépendaient psychologiquement et (c) les exacerbations des symptômes ou troubles ciblés par la médication. La TCC effectuée dans les études sur l’Insomnie permettait principalement de tenir compte du troisième facteur. Toutefois, l’absence d’intervention visant la gestion de l’anxiété a pu rendre les patients à risque d’abandonner et de rechuter suite à un arrêt complet étant donné une augmentation de leurs inquiétudes et de leurs symptômes anxieux. L’étude randomisée réalisée auprès des patients ayant un Trouble d’anxiété généralisée (Gosselin et coll., 2006) montre par ailleurs un taux de rechute très faible après douze mois et ce, même s’il s’agit d’une condition psychiatrique chronique. La TCC utilisée permettait précisément de cibler les appréhensions reliées au sevrage au même titre que les autres inquiétudes excessives et l’anxiété des patients. Ceci semble donc effectivement être un ingrédient clé à inclure dans la TCC appliquée en contexte de sevrage, en plus des composantes ciblant le trouble à la base de la prescription, afin de garantir un meilleur maintien du sevrage. D’autres considérations se doivent également d’être présentées en lien avec les études effectuées jusqu’ici. Baillargeon et coll. (2003) ainsi que OudeVoshaar et coll. (2003) identifient le dosage quotidien de la benzodiazépine utilisée au prétraitement comme seul prédicteur significatif de la cessation de la médication. Ceci concorde avec les résultats d’études précédentes (Gosselin et coll., 2003 ; Morin et coll., 1995 ; tableau I) dans lesquels le patient recevant la plus forte dose de benzodiazépine n’a pas réussi à cesser sa médication. Il apparaît donc nécessaire de prendre en considération ces résultats dans l’évaluation d’efficacité du sevrage à l’aide de la TCC. Par exemple, l’appariement des participants sur cette variable, tel que réalisé dans l’étude de Gosselin et coll. (2006), s’avère nécessaire pour les prochaines études sur le sujet. L’efficacité de l’intervention chez les patients consommant des benzodiazépines à
des doses supérieures à celles prescrites reste également à vérifier.
Les composantes de la TCC sont-ils responsables de la réussite du sevrage ? Dans une récente analyse de la littérature, Chatoor et Krupnick (2001) soulignent que les facteurs non spécifiques des psychothérapies (alliance thérapeutique, temps passé avec le thérapeute, support social, empathie) contribuent aux changements et peuvent parfois être responsables d’une plus grande part de variance dans les résultats comparativement à celle expliquée par les effets spécifiques aux stratégies de traitement. Les données du tableau I montrent que la plupart des essais randomisés a utilisé un groupe de comparaison avec sevrage seul, ce qui limite les conclusions possibles quant au rôle clé de la TCC en comparaison au rôle possible d’effets communs aux psychothérapies. L’étude de Morin et coll. (2004) précise que l’ajout de la TCC au sevrage entraîne un taux de cessation plus grand comparativement à la TCC seule, bien que cette différence disparaisse durant les suivis. La TCC semble donc faciliter la cessation, dans la mesure où les patients sont suivis chaque semaine pour le sevrage et se fixent des objectifs pour atteindre l’arrêt complet. L’utilisation d’un groupe contrôle de type intervention non spécifique (placebo psychologique) dans l’étude de Gosselin et coll. (2006) confirme cependant que les ingrédients spécifiques à la TCC sont nécessaires pour faciliter l’arrêt complet. Les auteurs précisent que les patients des deux conditions ont diminué significativement le dosage de leur médication. Le support psychologique en tant qu’effet non spécifique commun aux psychothérapies peut donc avoir un impact positif sur la diminution de dosage, ce qui concorde avec les écrits d’Ashton (2001) suggérant que des encouragements fréquents et réguliers d’une personne de l’entourage peuvent s’avérer bénéfiques. Toutefois, les composantes de la TCC semblent avoir permis à deux fois plus de patients d’atteindre le sevrage complet. La TCC procurait, par exemple, des outils pour confronter l’intolérance à l’incertitude et ainsi prendre la décision d’arrêter complètement leur médication et de s’exposer davantage à leur anxiété. Par ailleurs, le taux de succès de 36 % obtenu chez les patients de la condition avec intervention non spécifique apparaît similaire à celui rapporté dans les études utilisant un sevrage seul (Baillargeon et coll., 2003 ; Otto et coll., 1993). Il concorde également avec les améliorations de 30 à 40 % rapportées suite à l’utilisation de placebos
TCC ET SEVRAGE DES BENZODIAZÉPINES
psychologiques et pharmacologiques (Hrøbjartsson et Gøtzshe, 2001). Les ingrédients de la TCC apparaissent donc nécessaires et efficaces pour favoriser l’arrêt complet lorsqu’ils sont administrés lors d’un sevrage graduel.
CONCLUSION Les éléments présentés supportent la pertinence de la thérapie cognitivo-comportementale dans le sevrage des benzodiazépines. En plus de favoriser l’arrêt complet de la médication et l’abstinence à long terme, la TCC permet d’améliorer le fonctionnement des patients en ciblant leur diagnostic primaire et ses mécanismes psychologiques de maintien. Considérant que des pathologies comme les troubles anxieux et l’Insomnie entraînent des coûts sociaux importants (Nutt et coll., 2002), l’utilisation de protocole combinant la TCC aux procédures de sevrage usuelles devient doublement avantageuse. Comme dit précédemment, l’utilisation de psychotropes sur plusieurs années constitue souvent la norme plutôt qu’une exception et ce, malgré les politiques d’utilisation qui recommandent de limiter leur utilisation aux interventions à très court terme (Isacson, 1997 ; Simon et coll., 1996). Il devient donc très important de rendre disponible des protocoles validés visant à aider les gens à cesser leur prise de benzodiazépines. Par ailleurs, les éléments présentés confirment que la TCC est plus utile si elle permet de cibler le trouble psychiatrique à la base de la prescription en plus de cibler les appréhensions reliées au fait de mettre fin au traitement pharmacologique. Les interventions utilisées semblent efficaces autant sur une base individuelle qu’en format de groupe, ce qui maximise la généralisation des protocoles dans plusieurs contextes (milieu hospitalier, pratique privée, centre de thérapie). D’autres recherches s’avèrent essentielles pour préciser davantage le rôle des ingrédients actifs de la TCC dans le sevrage graduel des benzodiazépines. Il pourrait être intéressant d’effectuer d’autres études en adaptant les protocoles d’intervention de manière à pouvoir cibler les conditions comorbides présentes chez les patients, ou encore généraliser les résultats à d’autre population risquant de développer une dépendance aux anxiolytiques. Finalement, rappelons que la plupart des études limitent leurs conclusions à des suivis réalisés trois à douze mois après l’intervention. L’étude de Bruce et coll. (1999) rapporte des indications concernant le maintien de la cessation à long terme (de deux à cinq ans suivant la fin du
143
traitement). Bien que ces résultats suggèrent des taux de rechute moins importants pour les patients dont le sevrage était facilité par la TCC, d’autres études demeurent nécessaires pour documenter l’efficacité de ce type d’intervention à plus long terme. Des études préliminaires montrent enfin que la TCC peut aussi s’avérer utile dans le sevrage d’autres agents psychotropes dont les ISRS (Whittal et coll., 2001). RÉFÉRENCES ARGYROPOULOS SV, NUTT DJ. The use of benzodiazepines in anxiety and other disorders. European Neuropsychopharmacology 1999 ; 9 : S407-S412. ASHTON CH. Protrated withdrawal syndromes from benzodiazepine. Journal of Substance Abuse Treatment 1991 ; 8 : 9-17. ASHTON CH. Benzodiazepines: How they work and how to withdraw. Newcastle Upon Tyne, Newcastle University, 2001. AYD FJ. Benzodiazepine dependence and withdrawal. Journal of Psychoactive Drugs 1983 ; 15 : 67-70. BAILLARGEON L, LANDREVILLE P, VERREAULT R, BEAUCHEMIN JP, GRÉGOIRE JP, MORIN CM. Discontinuation of benzodiazepines among older insomniac adults treated with cognitive-behavioural therapy combined with gradual tapering: a randomized trial. Canadian Medical Association Journal 2003 ; 169 : 1015-1020. BARTER G, CORMACK M. The long-term use of benzodiazepines: Patients’ views, accounts and experiences. Family Practice 1996 ; 13 : 491-497. BENDTSEN P, HENSING G, MCKENZIE L, STRIDSMAN AK. Prescribing benzodiazepines: a critical incident study of a physician dilemma. Social Science and Medicine 1999 ; 49 : 459-467. BISSERBE J, BOULANGER J, BOYER P. Les benzodiazépines dans le traitement de la pathologie anxieuse : indications. Perspectives psychiatriques 1992 ; 35 : 283-291. BRUCE TJ, SPIEGEL DA, HEGEL MT. Cognitive behavior therapy helps prevent relapse and recurrence of panic disorder following alprazolam discontinuation: a longterm follow-up of the Peoria and Datmouth studies. Journal of Consulting and Clinical Psychology 1999 ; 67 : 151-156. CANTOPHER T, OLIVIERI S, CLEAVE N, EDWARDS JG. Chronic benzodiazepine dependence: A comparative study of abrupt withdrawal under propranolol cover versus gradual withdrawal. British Journal of Psychiatry 1990 ; 156 : 406-411. CHATOOR I, KRUPNICK J. The role of non-specific factors in treatment outcome of psychotherapy studies. European Child and Adolescent Psychiatry 2001 ; 10 : I19-I25. Collège des Médecins du Québec. L’utilisation prolongée des benzodiazépines. Collège des Médecins du Québec, Canada, 1997. CORMACK M, SWEENEY KG, HUGHES-JONES H, FOOT G. Evaluation of an easy cost-effective strategy for cut-
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