Apport de la tomodensitométrie multicoupe dans l’hypertension rénovasculaire du nourrisson : à propos de deux cas

Apport de la tomodensitométrie multicoupe dans l’hypertension rénovasculaire du nourrisson : à propos de deux cas

J Radiol 2006;87:143-5 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2006 fait clinique radiopédiatrie Apport de la tomodensitométrie multicoupe dans...

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J Radiol 2006;87:143-5 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2006

fait clinique

radiopédiatrie

Apport de la tomodensitométrie multicoupe dans l’hypertension rénovasculaire du nourrisson : à propos de deux cas J Isnard, S Launay-Gillard, G Roussey et MP Quere

Abstract

Résumé

Value of multidetector-row computed tomography for infantile renovascular hypertension: report of two cases J Radiol 2006;87:143-5

Le diagnostic d’hypertension rénovasculaire (10 % des cas d’hypertension de l’enfant) fait appel à l’ensemble des techniques d’imagerie. Les cas suivants illustrent les difficultés rencontrées chez le nourrisson et insistent sur la place prépondérante de l’angioscanner au sein de la démarche diagnostique et thérapeutique. En effet, la tomodensitométrie multicoupe permet une étude reproductible de l’ensemble des axes vasculaires abdominaux au prix d’une irradiation toujours préoccupante à cet âge.

The work-up of renovascular hypertension (10% of children hypertension cases) benefits from multiple imaging modalities. These two cases show the difficulties encountered with infant and underscore “the major role” of the computed tomography angiography within for diagnosis and management. Indeed CTA allows reproducible studies of abdominal vessels at the expense of radiation exposure. Key words: Infant. Renovascular hypertension. Computed tomographic angiogram.

hypertension rénovasculaire (HRV) représente environ 10 % des causes d’hypertension artérielle (HTA) de l’enfant (1). Les pathologies les plus fréquemment retrouvées sont la dysplasie fibromusculaire (30 % des cas, par atteinte de la média) et la neurofibromatose (15 % des cas), la maladie de Takayashu (2) responsable de sténose par atteinte de l’adventice est plus rare. Le diagnostic d’HRV peut faire appel à l’ensemble des techniques d’imagerie. Les deux cas décrits ci-dessous illustrent la place de la tomodensitométrie multicoupe.

L’

Observation 1 Mael, enfant de 2 mois, sans antécédent, avec échographies anténatales normales, est hospitalisé pour stagnation pondérale. Le bilan initial réalisé met en évidence une HTA (180-100 mm de Hg) associée à une déshydratation sévère avec hyponatrémie, kaliémie et fonction rénale normales. Sur le plan étiologique la 17 hydroxy-progesterone et le test de la sueur sont normaux ; en revanche, l’aldostéronémie et la rénine plasmatique sont élevées.

Correspondance : J Isnard, 25 Avenue des Nouettes, 44100 Nantes. E-mail : [email protected]

Mots-clés : Nourrisson. Hypertension rénovasculaire. Angioscanner.

L’échographie doppler des artères rénales met en évidence un rein gauche de petite taille avec des index de résistance élevés à 0.9 sur toute la longueur de son artère sans sténose focale visualisée. La scintigraphie au MAG3, sans et avec prise de captopril, retrouve une absence complète de fixation. Un angioscanner abdominal est réalisé avec le protocole suivant : sédation par Hypnovel* 0,3 mg/kg intrarectal et contention dans une « coquille » ; injection de 2 cc/kg de Ioméron 300 à un débit de 1,5 cc/sec à la seringue électrique nécessitant une voie veineuse de qualité ; délai de 15 secondes (le système de déclenchement automatique de la spirale à l’arrivée du bolus de produit de contraste ne peut être utilisé en raison d’une respiration indifférente et du petit calibre de l’aorte à cet âge) ; acquisition sur l’ensemble de l’abdomen et du pelvis avec une collimation de 0,75 × 16, reconstruction en 1 tous les 0,6 mm ; avec les constantes suivantes : 50mAs, 80 kV, CTDIvol 1,3 mGy, 23 mGy/cm2. En post traitement seront réalisées des projections en mode Maximum Intensity Projection (MIP) exposées dans ce document et MPR. Cet examen retrouve une artère rénale gauche filiforme sur toute sa longueur avec un rein gauche de petite taille (fig. 1). De plus, il décèle une sténose de l’aorte abdominale sous rénale associée en aval à une dilatation anévrysmale sous jacente (fig. 2a, b).

Aucun geste endovasculaire ne peut être envisagé, l’artère rénale étant sténosée sur toute sa longueur ; par ailleurs l’anévrysme aortique n’est pas considéré comme à risque de rupture, une surveillance par écho-doppler associée à un traitement médical anti-hypertenseur est mise en place permettant une normalisation des chiffres tensionnels. Une étude des axes artériels supra-aortiques et intra-crâniens par tomodensitométrie est réalisée ne mettant pas en évidence d’autre anomalie.

Observation 2 Coraline, enfant de 14 mois, sans antécédent, est hospitalisée pour une invagination intestinale aigue nécessitant une prise en charge chirurgicale. À son arrivée, des chiffres tensionnels très élevés sont notés (240-120 mm de Hg) accompagnés d’une hypokaliémie, la natrémie et la fonction rénale sont normales. L’échographie met en évidence une asymétrie de taille des reins (rein gauche plus petit), le doppler ne peut être réalisé en raison de l’agitation de l’enfant. Une scintigraphie au MAG3 avec test au Captopril conclut à une sténose bilatérale des artères rénales plus marquée à gauche. L’angioscanner (même protocole et constantes que dans l’observation 1) montre une sténose isolée

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Fig. 1 :

Fig. 1:

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TDM après injection reconstruction coronale MIP. Asymétrie de taille rénale, le rein gauche apparaissant plus petit. Coronal MIP image from a contrast enhanced CT shows a small left kidney.

Fig. 2 : a b

Fig. 2: a b

J Isnard et al.

a b TDM après injection vue antérieure et postérieure de l’aorte abdominale et de ses axes (reconstruction coronale MIP épais). Artère rénale gauche filiforme, sténose de l’aorte abdominale sous rénale et dilatation anévrysmale en amont de la bifurcation iliaque. On notera, de plus, la présence d’un tronc coelio-mésentérique (flèche courte). MIP Contrast CT images, anterior and posterior view of abdominal aorta: left renal artery stenosis, threadlike right renal artery, distal abdominal aorta stenosis and aneurysmal dilatation near the aortic bifurcation. Coelio-mesenteric trunk (short arrow).

a b

Fig. 3 : a b

Fig. 3: a b

TDM après injection reconstruction coronale MIP fin et épais. Sténose focale de la partie terminale de l’artère rénale G (en amont de la division pré et rétropyélique) et, présence d’une artère polaire supérieure issue du tronc de l’artère rénale G. MIP Contrast CT images Thin and thick MIP contrast CT images. Focal stenosis of the distal left renal artery and upper pole artery coming from the left renal artery.

a b

Fig. 4 : a b

Fig. 4: a b

Artériographie de l’aorte abdominale sus rénale. Retrouve la sténose focale de l’artère rénale gauche, après dilatation, revascularisation du parenchyme d’aval. Aortogram. Left renal artery stenosis, normal perfusion of the left kidney after angioplasty.

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de la partie distale de l’artère rénale gauche (fig. 3a, b). Une tentative d’angioRM sera réalisée, se soldant par un échec (manque de résolution spatiale). Un nouvel écho-doppler sous sédation partielle conclut à une sténose très serrée à gauche et, une probable sténose à droite. Aux vues des différents résultats et après discussion multidisciplinaire sera prise la décision de la réalisation d’une artériographie sous anesthésie générale. Cet examen confirmera la conclusion donnée par l’angioscanner : sténose isolée de la partie terminale de l’artère rénale gauche avec la présence d’une artère polaire prenant en charge la vascularisation du pôle supérieur du rein gauche (fig. 4a). Une angioplastie rénale gauche sera effectuée au cours de l’examen avec une re-perfusion immédiate (fig. 4b) et une normalisation des chiffres tensionnels. L’exploration des autres axes artériels ne met pas en évidence d’autre anomalie.

Discussion Ces deux cas illustrent les difficultés liées à l’âge dans l’établissement du diagnostic d’HRV. En effet nous disposons d’un certain nombre d’« armes » diagnostiques dont la réalisation et l’interprétation posent des problèmes chez le nourrisson. Tout d’abord l’échographie, examen de première intention fournit des renseignements précieux sur la morphologie rénale et l’existence d’une masse surrénalienne associée. Le Doppler couplé à l’examen précédent permet une bonne approche du diagnostic d’HRV ; cependant elle nécessite la collaboration du patient, ce qui chez un nourrisson est difficile à obtenir (pour Coraline un sédatif léger a été utilisé, l’examen perdant donc son caractère non invasif) et, de plus, reste opérateur dépendant (3). La scintigraphie rénale au MAG3 couplée au captopril renseigne sur la fonctionnalité du rein dans l’optique d’un éventuel geste et donne des arguments diagnostiques supplémentaires ; elle apparaît comme un complément indispensable de l’imagerie anatomique (4). L’angioIRM avec injection de Gadolinium est une perspective intéressante permettant l’étude de l’ensemble des axes vasculaires abdominaux sans caractère in-

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vasif majeur. Cependant, chez le nourrisson, sa réalisation est difficile. Tout d’abord, en raison de l’apnée nécessaire à l’acquisition, une anesthésie générale est souvent indispensable. De plus, afin d’obtenir une image de qualité, il faut une synchronisation parfaite entre le maximum du pic de Gadolinium et la lecture du centre du plan de Fourier (5). Enfin le « Specific Absorption Rate » (énergie de haute fréquence absorbée par unité de temps et kilogramme de masse corporelle) présente des valeurs limites (valeur seuil : 1,5 W/kg) pour les séquences d’écho de gradient utilisées. L’angioscanner des artères rénales bénéficie, grâce à l’apport de la technique multicoupe en constante évolution, d’une résolution spatiale élevée (supérieure à celle de l’angioIRM) et d’un temps d’acquisition très court permettant d’éviter l’anesthésie générale. Cette technique est très sensible pour la détection des lésions sur les branches proximales des artères rénales et les artères accessoires (6). Cependant elle reste, comme l’angioIRM, limitée dans l’exploration des petits vaisseaux intrarénaux (3, 7). De plus, le prix de l’information est une irradiation à prendre en compte dans le rapport bénéfice/risque. Néanmoins, un seul passage est réalisé avec adaptation des constantes au poids de l’enfant, ce qui limite la dose reçue. Enfin, l’artériographie des artères rénales, réalisée sous anesthésie générale chez l’enfant, rentre dans le cadre du traitement de l’HRV (8) étant donné son caractère invasif. Ainsi, chaque technique d’exploration trouve sa place dans l’exploration de l’HRV selon le dernier rapport de l’American Academy of Pediatrics (9). En exposant l’histoire de Coraline et Mael, nous voulons insister sur l’intérêt de l’angioscanner qui a fourni dans ces deux cas les renseignements les plus complets permettant d’orienter les décisions thérapeutiques (10) ; justifiant ainsi l’irradiation que sous entend son utilisation.

Conclusion L’échographie reste l’examen de dépistage dans l’hypertension rénovasculaire du nourrisson. En deuxième intention,

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l’imagerie scannographique multicoupe permet une étude fiable des axes vasculaires rénaux, menant à un traitement médical, endovasculaire ou chirurgical. Elle rentre également dans le cadre du bilan d’une maladie artérielle diffuse (dysplasie fibromusculaire, Takayashu) à la recherche d’autres localisations notamment au niveau des troncs supra-aortiques.

Références 1.

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