Annales de chirurgie plastique esthétique 50 (2005) 251–254
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CAS CLINIQUE
La maladie de Mondor : à propos de deux cas Mondor’s disease: about two cases Gaëtan Thiery *, O. Liard, JC Duboscq Hôpital d’instruction des armées Laveran, service de chirurgie plastique et maxillo-faciale, 13998 Marseille Armées, France Reçu le 25 novembre 2004 ; accepté le 8 mars 2005
MOTS CLÉS Maladie de Mondor ; Mammoplastie de réduction
KEYWORDS Mondor’s disease; Mammoplasty reduction
Résumé Les auteurs rapportent deux cas d’une maladie de Mondor après chirurgie de réduction mammaire. Cette pathologie rare et bénigne doit être connue de tout chirurgien, car elle pourra être une cause de discorde postopératoire, surtout dans ces temps de réflexes procéduriers. Si l’évolution est favorable spontanément en un, deux mois, l’urgence thérapeutique est de rassurer la patiente. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The authors report two cases of Mondor’s disease after mammoplasty reduction’s surgery. This pathology rare and benign should be known by all surgeons, because it could be a postoperative discord, especially in these lithigious times. If the evolution is favourable in one or two monthes, the therapeutic urgency is to reassure the patient. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
La maladie de Mondor est une pathologie des vaisseaux superficiels, de localisation thoracique et abdominale le plus souvent. Elle a été décrite la première fois par Henri Mondor en 1939 [1]. D’étiologies diverses, sa survenue après un acte chirurgical est rare. Nous décrivons deux observations de maladie de Mondor après chirurgie de réduction mammaire.
Cas clinique 1 Madame V. âgée de 34 ans est opérée d’une plastie de réduction mammaire bilatérale, selon la technique du service (Mac Kissock), en janvier 2003. Elle ne présente comme antécédent qu’une ovariectomie. Les suites postopératoires sont simples. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (G. Thiery).
Au 43e jour elle consulte en urgence pour une douleur sous-mammaire droite, cotée à 2/7. Celle-ci est apparue la veille et est bien calmée par les antalgiques de classe I, qu’elle a pris d’ellemême. Elle se plaint d’une bride dure à droite. Elle est très angoissée quant au résultat définitif et à une éventuelle infection. À l’examen, on voit un cordon induré oblique de haut en bas et d’interne en externe. La peau est légèrement chaude en regard. Nous pensons à une phlébite superficielle et demandons l’avis de nos confrères dermatologues, qui portent le même diagnostic et demandent un échodoppler en urgence. Ce dernier infirme ce diagnostic. En l’absence de phlébite, nous proposons un traitement symptomatique, mais la patiente, très agressive, quitte le service. Huit jours après, elle nous adresse une lettre dans laquelle elle nous informe de son intention de porter plainte. Elle ne se présente plus aux rendezvous suivants.
0294-1260/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.anplas.2005.03.004
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G. Thiery et al.
Quelques jours après, les dermatologues ayant lu un article dans la littérature posent le diagnostic de maladie de Mondor. La patiente, jamais revue, ne donnera pas suite à sa plainte.
Cas clinique 2 Madame Z. âgée de 38 ans est opérée d’une plastie de réduction mammaire bilatérale, selon la technique du service (Mac Kissock), en octobre 2003. Elle ne présente aucun antécédent en particulier vasculaire. Les suites postopératoires ont été simples. Au contrôle, à un mois, la patiente évoque une douleur d’intensité 1/7, à type de brûlure, apparue depuis trois jours. Celle-ci siège au niveau sousmammaire gauche (Fig. 1). Elle est continue, légèrement augmentée à l’abduction du membre supérieur ipsilatéral (Fig. 2). Elle ressent un léger tiraillement. La patiente est inquiète. À l’examen, on constate un cordon sousmammaire, vertical, de 11 cm de long, de 7 mm de large (Fig. 3). La peau en regard est inflammatoire. En empaumant le sein vers le haut, on accentue cette anomalie. Le cordon tend la peau comme le fil, le linge à sécher. À la palpation, la peau est légèrement chaude. Le cordon est dur, sensible, fixé. Le sein, quant à lui, est souple, indolore sans signes infectieux ; la patiente est apyrétique. Fort de l’expérience précédente, nous posons le diagnostic de maladie de Mondor. La patiente est informée et rassurée. On lui prescrit de façon systématique puis, à la demande, un traitement antal-
Figure 2
Figure 3
gique de niveau 1 (Paracétamol 500 mg 6/j). On sursoit au bilan complémentaire. On suit la patiente régulièrement (1 cs tous les 15 j). La patiente est tout à fait rassurée, après avoir consulté d’ellemême sur internet un site sur cette pathologie. La douleur a été totalement régressive sous antalgique. Le cordon a totalement disparu en environ un mois et demi. À sept mois le résultat de la réduction mammaire est symétrique et satisfaisant. La patiente a tout à fait accepté cet incident transitoire.
Discussion
Figure 1
La maladie de Mondor est une pathologie rare. Décrite de façon précise par H. Mondor en 1939, sous le terme de tronculite sous-cutanée subaiguë de la paroi thoracique antérolatérale, cette patho-
La maladie de Mondor : à propos de deux cas logie avait déjà été rapportée par Ch. Fagge en 1869 [2]. Cet auteur l’a rattachée à une forme de sclérodermie. Cette pathologie touche plus fréquemment les femmes avec un sex-ratio de 3 :1 [3]. Elle survient entre la deuxième et la cinquième décade [4]. Elle touche indifféremment les deux côtés [5]. La pathogénie est une thrombophlébite secondaire à la formation de thrombus, avec une occlusion partielle ou totale. Il semble qu’une lésion intimale soit le point de départ de ce mécanisme thrombosant. Les veines sont situées à la jonction dermo-hypodermique. Une réaction inflammatoire périphlébitique crée une rétraction cutanée expliquant la forme typique de corde indurée [6]. Classiquement au thorax, les veines concernées sont les veines thoraciques latérales, à la jonction thoracoabdominale, les veines thoraco-épigastriques et à l’épigastre les veines épigastriques supérieures. D’autres localisations ont été rapportées, tels le pénis [7], l’avant-bras, la région inguinale [8], axillaire [9], l’abdomen. Mais des études récentes par microscopie électronique semblent imputer une étiologie lymphatique [10]. Cliniquement, elle se manifeste par un cordon thoracique linéaire induré, inflammatoire au début, localisé sur le thorax ou l’abdomen. Elle peut être unique ou multiple en ramification [11] . Elle est bilatérale dans 3 % des cas [12].Longue de 10 à 30 cm, large de 2–3 mm, elle s’étire dans la paroi latéro-thoraco-abdominale. La douleur et les signes d’obstruction varient selon la localisation et l’importance de cette obstruction. Au début, une fièvre peut être notée [13]. À la revascularisation spontanée, s’estompe la douleur, au 10e jour environ [14]. La résolution complète des symptômes a lieu en moyenne entre deux à huit semaines [15]. Parfois une induration cutanée sans signe inflammatoire peut persister jusqu’à un an. Dans 5 % des cas il peut exister une récidive toujours homolatérale. L’étiologie de cette maladie reste un sujet de spéculation. Les facteurs favorisants les plus fréquents sont post-traumatiques locaux, la chirurgie thoracique (mammoplastie), l’effort physique par étirement musculaire, parfois des néoplasies thoraciques primitives ou secondaires sont associées (12 % des cas [16]), ainsi que d’autres pathologies générales. En ce qui concerne la chirurgie de réduction mammaire, le traumatisme local peut être majoré par la position des bras en peropératoire, en abduction, ainsi que le port de vêtements de contention en postopératoire. Devant le cas de maladie de Mondor d’apparition spontanée et en particulier sans chirurgie préalable, il convient de réaliser un bilan complémentaire.
253 L’examen radiologique avec échographie cutanée en haute résolution(fréquence 20 MHz), montre le caractère linéaire de la lésion, avec une paroi très échogène, une lumière peu échogène, située à la jonction du derme et de l’hypoderme. L’écho doppler permet d’éliminer une phlébite. On réalise également une radiographie thoracique, une mammographie à la recherche d’un cancer mammaire. D’un point de vu biologique, on effectue un dosage des anticorps anti-cardiolipide, de la protéine S, dont le déficit est responsable dans 5 à 10 % des cas [17] de telle pathologie, complété par un bilan de coagulation. D’un point de vu histologique, après biopsie, il semble que cette pathologie concerne des lymphatiques. On trouve un vaisseau à paroi musculaire épaisse avec fibrose à sa partie interne, sans limitante élastique ; la lumière de celui-ci ne contient pas d’hématie. La thérapeutique n’est que symptomatique. Elle fait appel aux antalgiques de niveau 1. Aucun traitement anticoagulant ou antibiotique n’est nécessaire. Pour certains auteurs, tel Mayor, l’emploi d’anti-inflammatoires non stéroïdiens accélèrerait la guérison [12].
Conclusion Au vu de l’augmentation du nombre de mammoplasties de réduction, on peut s’attendre à une recrudescence de cette pathologie bénigne. Intervenant dans une ambiance d’information à tout prix, il convient d’en faire le diagnostic rapidement. Celui-ci est uniquement clinique. Il engage un traitement antalgique simple. Rassurée et accompagnée, la patiente ne profitera que mieux de sa poitrine embellie.
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