Arthrite juvénile idiopathique : critères de classification

Arthrite juvénile idiopathique : critères de classification

Revue du rhumatisme monographies 77 (2010) 93–95 Arthrite juvénile idiopathique : critères de classification Juvenile Idiopathic Arthritis Classificati...

179KB Sizes 5 Downloads 134 Views

Revue du rhumatisme monographies 77 (2010) 93–95

Arthrite juvénile idiopathique : critères de classification Juvenile Idiopathic Arthritis Classification criteria Chantal Job-Deslandre Service de rhumatologie A, hôpital Cochin, université Paris 5, AP–HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ´ Accepté le 7 fevrier 2010 Mots clés : Arthrite juvénile Classification

r é s u m é L’arthrite juvénile idiopathique (AJI) regroupe plusieurs entités ayant en commun la présence d’arthrites, un début avant l’âge de 16 ans, une durée évolutive de plus de six semaines et l’absence de cause identifiée. Des critères cliniques et biologiques internationaux définissent de fac¸on précise chacune des AJI : systémique, oligoarticulaire, polyarticulaire avec et sans facteur rhumatoïde, arthrite avec enthèsite et arthrite psoriasique. Cette classification est cependant toujours l’objet de discussion, notamment pour les antécédents familiaux de psoriasis et les formes avec facteur antinucléaires (poly ou oligo) qui constitueraient un groupe homogène. Des améliorations sont souhaitables pour permettre une classification de 100 % des arthrites et faire disparaître le groupe des arthrites inclassées. © 2010 Société franc¸aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Juvenile arthritis Classification

Juvenile idiopathic arthritis (JIA) is a group of diseases defined by the presence of arthritis of more than 6 weeks duration in patients aged less than 16 years and with unknown etiology. International clinical and biological criteria are used to define each type of JIA: oligoarticular, polyarticular with and without rheumatoid factor, enthesitis related arthritis and psoriatic arthritis. However, some discussions persist concerning familial history of psoriasis and arthritis with antinuclear factors (poly and oligoarticular) which could be considered as an homogenous group. A third international classification would be necessary to reduce the number of unclassified arthritis. © 2010 Société franc¸aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le terme d’arthrite juvénile idiopathique (AJI) regroupe l’ensemble des arthrites débutant avant l’âge de 16 ans, d’une durée supérieure à six semaines et sans cause identifiée. Cela sous-entend la nécessité d’éliminer toutes les pathologies pouvant comporter une atteinte articulaire, qu’elles soient inflammatoires, infectieuses, tumorales ou autres (Tableau 1). L’AJI est une pathologie rare (au sens de la définition OMS), mais non exceptionnelle. L’incidence et la prévalence sont respectivement estimées à deux à 20 sur 100 000 enfants et 16 à 150 sur 100 000 enfants. Cette grande variabilité est expliquée par les différences de méthodologie utilisées dans les études [1]. La classification des AJI a fait l’objet d’un long cheminement et a été source de grandes confusions entre les Nord-Américains qui utilisaient le terme d’arthrite rhumatoïde juvénile (par opposition au rhumatisme articulaire aigu) et les Européens adeptes du terme arthrite chronique juvénile [2]. In fine, en 1996, a été établie la première classification internationale (ILAR) qui a secondairement fait

Adresse e-mail : [email protected].

l’objet de révisions en 1997 (Durban), puis en 2001 (Edmonton) [2], le but de ces révisions étant d’améliorer la spécificité des critères permettant de réduire l’hétérogénéité de chaque groupe ainsi que le pourcentage d’arthrites inclassées. La classification ILAR 2001 définit six catégories différentes : forme systémique (AJIs), forme oligoarticulaire (oAJI) qui se décompose en deux sous-groupes (oligoarticulaire persistante ou extensive) en fonction de l’évolution après six mois, forme polyarticulaire avec facteur rhumatoïde, forme polyarticulaire sans facteur rhumatoïde, arthrite et enthésite, et arthrite psoriasique. Le principe de cette classification repose sur la notion de catégories mutuellement exclusives, c’est-à-dire définies par des critères d’inclusion et d’exclusion. De ce fait, il existe une septième catégorie d’arthrites inclassées ou indifférenciées pour les patients ne répondant pas aux critères d’une catégorie ou au contraire répondant aux critères de deux catégories ou plus (Tableau 2). Cette classification a été testée dans quelques cohortes par référence à la classification précédente et semble permettre de classer 92 % des AJI [3,4]. Deux catégories ne présentent pas de difficultés : l’AJI systémique (AJIs) et les polyarthrites avec fac-

1878-6227/$ – see front matter © 2010 Société franc¸aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.monrhu.2010.04.015

94

C. Job-Deslandre / Revue du rhumatisme monographies 77 (2010) 93–95

Tableau 1 Principaux diagnostics différentiels des AJI. Lors de la première année de vie Les formes systémiques n’existent pas avant l’âge de 3 mois. Nette prédominance féminine avant 12 mois De 1 à 6-7 ans Arthrites infectieuses : bactériennes et virales Affections malignes : leucémies, neuroblastome Devant une fièvre prolongée : syndrome d’hyper IgD, syndrome de Marshall, FAPA (fièvre aphtose pharyngite adénopathies), syndrome de Sweet CINCA syndrome : syndrome chronique inflammatoire, neurologique, cutané, articulaire (Neonatal Onset Multisystemic Inflammatory Disease [NOMID]) Maladie de Caffey : hyperostose corticale infantile Atteinte articulaire dans le cadre d’un déficit immunitaire (maladie de Bruton) Syndrome de Kawasaki Arthrite granulomateuse ou sarcoïdose à début précoce (syndrome de Blau pour les formes familiales) À tout âge mais plutôt dans la deuxième enfance Rhumatisme articulaire aigu post-streptococcique Infections virales : hépatite, rubéole, parvovirus B19 Maladie de Lyme Connectivites : lupus systémique, sclérodermie, polydermatomyosite, péri-artérite noueuse et autres vascularites Maladie périodique. Maladie de Behc¸et Ostéochondroses Dystrophies synoviales : synovite villo-nodullaire Algo-neurodystrophie Ostéome ostéoïde Fibromyalgie. Douleurs de croissance. Pathomimie Les fièvres périodiques : déficit en mévalonate kinase, syndrome TRAPS

teur rhumatoïde. En effet, l’AJIs est un groupe particulier par un sex-ratio de 1, la présence de signes systémiques bruyants et d’un syndrome inflammatoire majeur. Ces éléments et les données pathogéniques actuelles suggèrent fortement un mécanisme de type auto-inflammatoire en rapport avec une anomalie de l’immunité innée, ce qui la différencie des autres catégories à mécanisme auto-immun. De même, la sémiologie et le terrain génétique DR1, DR4 des AJI polyarticulaires avec facteur rhumatoïde en soulignent l’identité avec la polyarthrite rhumatoïde. Les arthrites avec enthésites correspondent aux spondylarthropathies dont elles partagent le sex-ratio (G/F = 7/1) et le terrain génétique (Ag HLA B27) [5]. Les oAJI constituent une entité spécifiquement pédiatrique, caractérisées par un sex-ratio (F/G = 8/1), un âge de début précoce (2–4 ans), la présence de facteurs antinucléaires dans 80 % des cas et d’uvéite chronique dans 30 % des cas. Le groupe des AJI polyarticulaires sans facteur rhumatoïde reste hétérogène et objet de discussion. En effet, il regroupe d’authentiques polyarthrites de type rhumatoïde mais sans facteur rhumatoïde, des AJI très superposables aux oAJI extensives avec facteurs antinucléaires, et de rares formes enraidissantes non hydarthrodiales dont l’identité reste l’objet d’études et d’hypothèses. De ce fait, les auteurs italiens ont émis l’hypothèse que la prise en compte de la topographie de l’atteinte articulaire initiale et de la présence de facteurs antinucléaires (FAN) permettait de définir des groupes homogènes aux plans clinique et évolutif. La comparaison au sein des catégories ILAR oAJI et poly AJI RF négatifs (n = 256) des patients avec et sans FAN fait apparaître en analyse multivariée des différences significatives avec dans le groupe FAN positifs, un âge de début plus précoce inférieur ou égal à six ans (OR 4,08), une atteinte articulaire asymétrique (OR 7,05), la présence fréquente d’uvéite (OR 12,38) et la rareté de l’atteinte des MCP (OR 0,32) et de la hanche (OR 0,23). Le suivi prospectif de ces patients sur une période de cinq ans confirme l’homogénéité du groupe avec une réduction progressive de la fréquence des monoarthrites de 72 à 12 % allant de pair avec une augmentation des formes oligo et poly-

Tableau 2 Classification d’Edmonton des AJI [3]. Critères d’exclusions a- Psoriasis ou antécédent de psoriasis chez un parent de premier degré b- Arthrite chez un garc¸on HLAB 27 débutant après l’âge de 6 ans c- Spondylarthrite ankylosante, arthrite et enthésite, sacroiliite avec entéropathie inflammatoire, ou uvéite antérieure aiguë ou antécédent de l’une de ces affections chez un parent de 1er degré d- Présence de facteur rhumatoïde IgM à deux reprises à 3 mois d’intervalle e- Présence d’une arthrite systémique chez le patient Arthrite systémique Définition : arthrite touchant une ou plusieurs articulations, précédée ou accompagnée d’une fièvre quotidienne de durée > 2 semaines et de un ou plusieurs des symptômes suivants : éruption fugace, adénopathies, hépato-splénomégalie, épanchements séreux Exclusions : a, b, c, d Oligoarthrite Définition : arthrite affectant 1 à 4 articulations durant les 6 premiers mois de la maladie. Deux sous-groupes sont identifiés : oligoarthrite persistante et oligoarthrite extensive à 5 articulations et plus après 6 mois Exclusions : a, b, c, d, e Polyarthrite facteur rhumatoïde négative Définition : arthrite touchant 5 articulations ou plus dès le début. Absence de facteurs rhumatoïdes Exclusions : a, b, c, d, e Polyarthrite avec facteurs rhumatoïdes Définition : Arthrite touchant 5 articulations ou plus dès le début. Présence de facteurs rhumatoïdes à 2 tests effectués durant les 6 premiers mois Exclusions : a, b, c, e Arthrite en rapport avec une enthésite (ERA) (correspond en fait à la dénomination franc¸aise de spondylarthropathie) Définition : arthrite et enthésite ou Arthrite et au moins 2 des critères suivants : douleurs sacro-iliaques et/ou rachialgie inflammatoire, uvéite antérieure aiguë, présence de l’Ag HLA B27, antécédents familiaux de : uvéite, spondylarthropathie, sacroiliite avec entéropathie inflammatoire chez un parent du 1er degré Exclusions : a, d, e Arthrite psoriasique Définition : arthrite et psoriasis ou arthrite et 2 des critères suivants : dactylite, piqueté unguéal ou onicholyse, antécédent familial de psoriasis chez un parent du 1er degré Exclusions : b, c, d, e Arthrite ne répondant à aucune des catégories ci-dessus ou entrant dans 2 catégories ou plus

articulaires ; cependant, la fréquence des formes avec atteinte de plus de 11 articulations reste stable et faible (11 %), et globalement le pronostic est meilleur comparativement à celui des formes sans facteur antinucléaire et/ou avec facteur rhumatoïde [6]. Les arthrites psoriasiques et les antécédents familiaux de psoriasis constituent le deuxième problème de cette classification. En effet, la comparaison entre les critères ILAR et de Vancouver [7] des arthrites psoriasiques fait apparaître des discordances et une hétérogénéité du groupe [7]. Il apparaît ainsi deux catégories d’arthrite psoriasique : un sous-groupe à prédominance féminine, début précoce, souvent associé à la présence de FAN et parfois compliqué d’uvéite (proche des oAJI) et un groupe à début plus tardif, prédominance masculine, proche des arthrites avec enthésites [8,9]. Par ailleurs, l’existence dans les antécédents familiaux de psoriasis cutané est une des causes les plus importantes de non-classification chez les patients présentant tous les critères d’oAJI. Ce critère devra à l’avenir être rediscuté d’autant plus qu’il semble acquis que les oligoarthrites avec ou sans antécédents familiaux de psoriasis sont identiques dans leur présentation clinique et leur profil évolutif [10]. En conclusion, la classification ILAR basée sur des critères essentiellement cliniques comporte encore des imperfections qui devraient pouvoir être améliorées par la prise en compte des FAN, et surtout l’analyse des profils génétiques des différentes catégories d’AJI.

C. Job-Deslandre / Revue du rhumatisme monographies 77 (2010) 93–95

Conflit d’intérêt Aucun conflit d’intérêt. Références [1] Manners P, Bower C. Worldwide prevalence of juvenile arthritis. Why does it vary so much? J Rheumatol 2002;29:1520–30. [2] Duffy CM, Colbert RA, Laxer RR, et al. Nomenclature and classification in chronic childhood arthritis. Time for a change? Arthritis Rheum 2005;52:382–5. [3] Petty RE, Southwood TR, Baum J, et al. ILAR Classification of juvenile idiopathic arthritis: second revision, Edmonton 2001. J Rheumatol 2004;31:390–2. [4] Merino R, De Inocencio J, Garcia-Consuegra J. Evaluation of revised international league of associations for rheuamatology classification criteria for juvenile idiopathic arthritis in spanish children (Edmonton 2001). J Rheumatol 2005;32:559–61.

95

[5] Burgos-Vargas R, Rudwaleit M, Sieper J. The place of juvenile onset spondyloarthropathies in the Durban 1997 ILAR classification criteria of juvenile idiopathic arthritis. J Rheumatol 2002;29:869–74. [6] Ravelli A, Felici E, Magni-Manzoni S, et al. Patients with antinuclear antibody-positive juvenile idiopathic arthritis constitute a homogeneous subgroup irrespective of the course of joint disease. Arthritis Rheum 2005;52: 826–32. [7] Felici E, Novarini C, Magni- Manzoni S, et al. Course of joint disease in patients with antinuclear antibody positive juvenile idiopathic arthritis. J Rheumatol 2005;32:1805–10. [8] Stoll MW, Lio P, Sundel RP, et al. Comparison of Vancouver and international league of associations for rheumatology classification criteria for juvenile psoriatic arthritis. Arthritis Rheum 2008;59:51–8. [9] Stoll ML, Zurakowski D, Nigrovic LE, et al. Patients with juvenile psoriatic arthritis comprise two distinct populations. Arthritis Rheum 2006;54:3564–72. [10] Manners P, Lesslie J, Speldewinde D. Classification of juvenile idiopathic arthritis: should family history be included in the criteria? J Rheumatol 2003;30:1857–63.