Archives de pédiatrie 12 (2005) 533–542 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/
Mémoire original
Aspects cliniques des syndromes hypothalamiques idiopathiques : étude rétrospective et revue de la littérature Idiopathic hypothalamic syndrome: retrospective study and literature review R. Reynaud a,*, J. Léger b, M. Polak c, M. Tauber d, V. Sulmont e, J.M. Limal f, G. Simonin a a
Service de pédiatrie multidisciplinaire, hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille, France Service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital Robert-Debré, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France c Service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants–Malades, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris 149 rue de Sèvre, 75015 Paris, France d Service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital des Enfants, 330, avenue Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 09, France e Service d’endocrinologie pédiatrique, American Memorial Hospital, 47, rue Cognac-Jay, 51100 Reims, France f Service d’endocrinologie pédiatrique, Centre hospitalier Robert-Debré, 4, rue Larrey, 49033 Angers, France b
Reçu le 1 juillet 2004 ; accepté le 12 janvier 2005 Disponible sur internet le 23 février 2005
Résumé L’obésité hypothalamique est principalement liée à des lésions tumorales (crâniopharyngiome) ou des anomalies génétiques (Syndrome de Prader-Willi). En l’absence de cause retrouvée, ce syndrome est appelé syndrome hypothalamique idiopathique. Objectifs. – Nous avons essayé de mieux définir ce syndrome, ses modalités d’apparition et la fréquence d’association des différents symptômes. Population et Méthodes. – Nous avons réalisé une étude rétrospective des patients suivis dans les centres français d’endocrinologie pédiatrique ainsi qu’une revue de la littérature. Résultats. – Nous rapportons cinq cas de syndrome hypothalamique idiopathique suivis dans les centres français. Nous avons retrouvé 17 cas rapportés dans la littérature. Le syndrome hypothalamique est une affection grave avec une forte mortalité (un cas sur cinq dans notre série, 25 % littérature incluse) par anomalies neurovégétatives respiratoires ou thermiques. Les manifestations cliniques sont dominées par une obésité sévère dès la petite enfance avec des troubles du comportement alimentaire et social. Sur le plan biologique, les anomalies endocriniennes comprennent une hyperprolactinémie permanente et précoce, un déficit somatotrope constant mais retardé et un déficit thyréotrope dans 80 % des cas. Un hypogonadisme hypogonadotrope est fréquent, mais une précocité pubertaire est possible (un cas dans notre série, deux dans la littérature). Des troubles hydroélectrolytiques avec hypernatrémie neurogène exposent à des complications neurologiques sévères. Conclusion. – La prise en charge de ces enfants doit donc être multidisciplinaire, comprenant une exploration cardiorespiratoire systématique, un suivi endocrinologique régulier et un encadrement psychologique et social du patient et de son entourage. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Abstract Hypothalamic obesity is usually induced by tumoral or genetic alterations such as craniopharyngioma or Prader-Willi syndrome, respectively. However, few cases have been reported without recognized etiology, this syndrome is also called idiopathic hypothalamic syndrome. Objectives. – To improve definition and frequency of complications associated with this syndrome. Population and Methods. – A retrospective cohort study was performed in French endocrine paediatric departments and was associated with a literature review. Results. – We report five cases of idiopathic hypothalamic syndrome. This syndrome is correlated with a high mortality (one of our five cases, 25% in the literature) by neurovegetative dysfunction (breathing or thermal alteration). Obesity began before six years old because of * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (R. Reynaud). 0929-693X/$ - see front matter © 2005 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.arcped.2005.01.006
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compulsive eating and resulted in social behaviour disorders. Abnormal endocrine secretions were characterized by early hyperprolactinemia, permanent but later somatotrope deficiency and 80% of thyreotrope deficiency. Puberty abnormalities included hypogonadotropic hypogonadism as well as precocious (one of our cases, three cases including literature) or normal puberty. Neurogenic hypernatremia and water and electrolytic disorders were also responsible of acute neurological alterations. Conclusion. – This largest study ever reported of idiopathic hypothalamic syndrome emphasizes the need of a multidisciplinary coordination to provide the best care of these patients. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Syndrome hypothalamique Keywords: Hypothalamic diseases; Syndrome; Child
L’obésité secondaire à une dysfonction hypothalamique a été initialement décrite par Babinski en 1900 [1] et Frölich en 1901 [2] chez deux patients porteurs d’un crâniopharyngiome. Devant l’association d’une obésité et d’un hypogonadisme, ils dénommèrent ce syndrome « syndrome adipogénital ». Par la suite, d’autres cas ont été rapportés. La sémiologie s’est précisée associant une obésité, des altérations endocriniennes multiples à des troubles neurovégétatifs et comportementaux. Cependant il n’existe actuellement aucune définition clairement établie du syndrome hypothalamique. Ce syndrome est habituellement lié à la présence d’une lésion hypothalamique tumorale [3,4] ou associé à des syndromes génétiques tels que le syndrome de Prader-Willi [5]. Parfois, il est secondaire à des lésions infectieuses [6], inflammatoires [7,8] ou malformatives [9]. Dans certains cas où aucune étiologie n’est retrouvée, ce syndrome hypothalamique est dit idiopathique (SHI). Nous avons voulu mieux définir ce syndrome, ses modalités d’apparition et la fréquence d’association des différents symptômes.
mation cérébrales, traumatisme, maladies inflammatoires), absence de syndrome génétique caractérisé et imagerie cérébrale normale. Les données ont été recueillies soit par envoi d’une synthèse de dossier par le médecin traitant soit par étude du dossier dans le centre de suivi. Les tailles ont été mesurées par un stadiomètre et exprimées en cm et en déviation standard (SDS) selon les courbes de références [10]. Le stade pubertaire a été déterminé selon la classification de Tanner [11]. L’âge osseux a été établi selon la méthode de Greulich et Pyle. Le calcul de la taille prédictive adulte a été réalisé selon la méthode de Bayley et Pinneau [12] et celui de la taille cible à partir des tailles parentales [13]. L’obésité et le surpoids sont définis à partir de l’indice de masse corporelle selon les courbes établies par Rolland-Cachera et al. [14]. La mesure de la leptine a été réalisée selon les techniques utilisées dans les différents centres ; les résultats sont exprimés en ng/ml et interprétés en fonction des courbes réalisées par Caro et al. [15] et Lahlou et al. [16].
1. Population et méthodes Nous avons réalisé une étude rétrospective multicentrique des patients atteints de SHI suivis dans les centres français d’endocrinologie pédiatrique. La recherche des patients porteurs d’un SHI a été réalisée par envoi d’un questionnaire à tous les membres de la société française d’endocrinologie pédiatrique (SFEP). Les critères d’inclusion étaient : obésité ou surpoids pouvant alterner avec des phases d’anorexie ; troubles de l’humeur (apathie, léthargie et/ou comportement agressif) ; anomalies végétatives respiratoires (avec ou sans explorations fonctionnelles respiratoires) ou de la température corporelle ; troubles endocriniens : hyperprolactinémie, hypothyroïdie centrale et/ou réponse de type hypothalamique de la TSH lors du test au TRH (si réalisé), anomalie du développement pubertaire (le développement normal de la puberté n’excluant pas le patient si ce dernier présentait les autres critères demandés), la présence d’autres anomalies endocriniennes n’excluait pas le patient ; éventuellement des troubles de la soif et des anomalies hydroélectrolytiques : hypo- ou adipsie avec hypernatrémie neurogène (l’alternance avec une polyuropolydipsie n’excluant pas le patient) ; absence d’étiologie retrouvée dans les antécédents (chirurgie du SNC, tumeur ou malfor-
2. Résultats Huit patients ont été retrouvés ; deux étaient suivis à l’hôpital Rober-Debré à Paris, deux à l’American Memorial Hospital à Reims, deux à l’hôpital Debrousse à Lyon, un à l’hôpital des Enfants à Toulouse et un à l’hôpital Robert-Debré d’Angers. Trois dossiers nous ont été envoyés, quatre ont été consultés sur place par le même examinateur. Une patiente a été exclue car les différentes explorations n’étaient pas achevées, un autre patient présentait une obésité avec boulimie à révélation très précoce (un an) mais le dosage de prolactine était normal sans anomalie végétative ni endocrinienne. Enfin un dossier d’un enfant décédé n’a pas été retrouvé. Nous rapportons brièvement les cinq cas cliniques. 2.1. Cas no 1 (Fig. 1a et b) Ce garçon, aîné d’une famille non consanguine, était né macrosome après une grossesse sans particularité. Son développement psychomoteur était normal mais des troubles du comportement (accès colériques, épisodes léthargiques inexpliqués) et des crises boulimiques ont débuté à l’âge de trois ans. À quatre ans il était obèse (poids (P) : + 4,8 DS pour
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l’âge statural (/AS), indice de corpulence (IC) 20,6 kg/m2). La vitesse de croissance staturale s’infléchissait à sept ans malgré l’aggravation de son obésité (P : + 3,8 DS, taille (T) : 0 DS, IC : 22,9 kg/m2). À onze ans et quatre mois, il était hospitalisé en réanimation pour hypothermie sévère (33 °C) et coma stade I après une exposition prolongée au froid. Les troubles de conscience avaient été précédés par des douleurs abdominales et des membres inférieurs, une faiblesse musculaire empêchant la station debout, une irritabilité et une anorexie. Son poids était à + 10,9 DS pour l’AS (T : –1,7 DS, IC : 32,2 kg/m2). Il existait une bradycardie sans retentissement hémodynamique, une absence de déficit moteur objectif ni de point d’appel infectieux. Le bilan biologique initial retrouvait une défaillance polyviscérale avec cytolyse hépatique, insuffisance rénale et leucothrombopénie, une hyperosmolarité par hyperglycémie (23,6 mmol/l) sans cétose, une hypernatrémie (164 mmol/l) et une acidose respiratoire non
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compensée hypoxémique. Une assistance ventilatoire transitoire a été nécessaire 24 heures après son admission, suite à l’aggravation brutale de l’hypoventilation (PaCO 2 = 100 mmHg) avec hypoxémie sévère (PaO2 = 46 mmHg). La thermorégulation était très labile après correction progressive de l’hypothermie. Des troubles vasomoteurs majeurs apparurent (hypersudation paroxystique, alternance de zones cutanées froides ou hyperhémiées). Biologiquement persistaient une hypernatrémie (169 mmol/l) et une hyperosmolarité plasmatique (375 mOsmol/l, après normalisation glycémique) sans sensation de soif, sans polyurie ni altération du pouvoir de concentration urinaire. Les explorations endocriniennes montrèrent une hypothyroïdie centrale (TSH US : 1,5 mUI/l (N : 0,2-3,5 mUI/l), T4 l : 6,5 pmol/l (N : 7–17 pmol/l), T3 l : 2,1 pmol/l (N : 3,8– 6,8 pmol/l)) de type hypothalamique (test au TRH), une hyper-
Fig. 1. Évolution staturo-pondérale (A, C et E) et de l’indice de corpulence (B, D et F) des trois premiers patients. Cas no 1 (A et B) et cas no 3 (E et F) : H indique la première hospitalisation. Cas no 2 (C et D) : H1 et H2 indiquent les deux hospitalisations, R1 indique la ménarche. Les flèches indiquent les dates de mise en route des traitements (GH : hormone de croissance, LT4 : L Thyroxine, DDAVP : Desmopressine, HC : hydrocortisone).
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prolactinémie (PRL : 81,2 mg/L, N : 4,6 à 9,2 mg/L), un déficit somatotrope complet (tests par arginine-insuline et GRF : pic : 0,3 ng/ml et 1,9 ng/ml, n > 10 ng/ml et n > 17 ng/ml, respectivement ; IGF 1 : 65 ng/ml, N : (70–250 ng/ml)). Le test au LHRH était de type prépubère (pic LH : 0,5 UI/l ; pic FSH : 4,1 UI/l). La fonction corticotrope était conservée. Une hypernatrémie neurogène était confirmée avec adipsie sans polyurie, trouble de concentration urinaire lors du test de restriction hydrique nocturne, sensibilité normale au DDAVP et normalisation par réhydratation orale forcée de 2 l/jour. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) confirmaient une hypoventilation alvéolaire centrale (insensibilité à l’hypercapnie et à l’hypoxie à l’éveil, hypoventilation nocturne sans apnée centrale ni obstructive et hypercapnie lors de l’effort sans hyperventilation compensatoire, désaturation progressive en oxygène majorée en fin d’effort). L’hypercapnie était permanente (60–62 mmHg) avec une hypoxie relative (SaO2 minimale : 85 %, SaO2 moyenne : 92 %) sans polypnée. L’exploration cardiologique était normale (échographie, ECG, épreuve d’effort sous maximale) Aucune cause n’était retrouvée (scanner cérébral et IRM normaux, bilan infectieux négatif, radiographies squelettiques normales, pas de syndrome inflammatoire ni d’autoanticorps, de cryoglobulinémie ou de déficit en protéine C et S, leptinémie normale (85 ng/ml, IC = 36,8 kg/m2)). Un traitement substitutif thyroïdien et somatotrope (selon le poids théorique) était instauré avec une hydratation forcée à 2 l/j, DDAVP et un régime hypocalorique (1,8 KCal/jour). Une prise en charge pédopsychiatrique avec un soutien neuroleptique à dose minimale était débuté sans aggravation de l’hypoventilation (contrôle de la polysomnographie sous traitement). Une ventilation nocturne au masque en pression positive pendant six heures imposait une prise en charge de l’enfant dans un établissement spécialisé. Son intégration scolaire très altérée nécessitait un suivi personnalisé et isolé. Dès les six premiers mois de traitement, la vitesse de croissance s’accélèrait (+3,9 DS) avec normalisation staturale en un an et demi (taille à –0,3 DS) sans évolution pubertaire. La prise pondérale transitoirement stabilisée s’aggravait par l’accentuation des troubles addictifs. L’équilibre hydrosodé était difficilement maintenu avec des épisodes hyponatrémiques par compulsion hydrique parfois supérieure à 3 l/24 heures. La ventilation nocturne améliorait la capnie (50 mmHg) sans modification des EFR. Sous neuroleptiques, les accès d’agressivité diminuaient, permettant un retour à domicile et une prise en charge en hôpital de jour. Des troubles mnésiques, probablement iatrogènes, ont aggravé les difficultés d’intégration sociale et scolaire. 2.2. Cas no 2 (Fig. 1c et d) Cette patiente âgée de 11 ans, a été hospitalisée pour hypothermie et dysfonction thyroïdienne. Elle était née à terme, eutrophique de parents non consanguins. Elle ne présentait aucun antécédent médical jusqu’à
l’âge de huit ans. Des accès boulimiques débutaient alors, avec un gain pondéral de 4 kg en trois mois et une hypersomnie. À huit ans neuf mois, son poids atteignait + 2,6 DS/AS et sa croissance était régulière (+ 2 DS). Sa puberté s’amorçait (S2P3 de Tanner). Aucune anomalie endocrinienne n’était mise en évidence. Les troubles du sommeil étaient confirmés (Holter EEG : somnolence diurne trop importante, tracés de sommeil trop amples). L’IRM cérébrale était normale. Une origine psychogène des troubles était évoquée et une prise en charge pédopsychiatrique débutée. À dix ans et demi apparaissait un strabisme divergent intermittent. Six mois plus tard, une hypothyroïdie était recherchée devant une altération des performances scolaires par inhibition psychomotrice et hypersomnie, une constipation, une froideur cutanée et un prurit sine materia (TSH : 18, 6 mUI/l, T3 : 5 pmol/l, T4 : 15,2 pmol/l). Avant tout traitement, la patiente fut hospitalisée pour hypothermie sévère (33 °C) avec un ralentissement psychomoteur, une bradycardie, une hyporéflexie des membres inférieurs et une acidose respiratoire non compensée par hypoventilation. Sa taille était à + 2,2 DS, son poids à + 2 DS pour l’AS et l’IC à 22,4 kg/m2. Sa vitesse de croissance s’était infléchie depuis un an ; ses premières règles étaient survenues à dix ans. Aucune cause infectieuse n’était retrouvée devant un syndrome inflammatoire sans anomalie hématologique (VS : 69 mm, 1e heure, fibrinogène : 4,2 g/l) et une cytolyse hépatique (ASAT : 4 N ; ALAT : 6 N) sans cholestase (sérologies virales (EBV, hépatite B, hépatite A et C) négatives ou immunité ancienne). Après réchauffement progressif, le ralentissement psychomoteur et l’acidose respiratoire régressaient. L’hypothyroïdie compensée mesurée ne pouvant expliquer l’hypothermie, un syndrome hypothalamique était suspecté. Les explorations endocriniennes révélaient un déficit somatotrope (arginine-insuline et GRF : pic (GH) : 3 ng/ml et 8,3 ng/ml respectivement ; IGF1 à 190 ng/ml (N : 310–870)), une hypothyroïdie hypothalamique (test au TRH : TSH : T 0 minutes : 9,3 mUI/l, T + 40 minutes (pic) : 31,1 mUI/l, T + 120 minutes n : 19,6 mUI/l), une hyperprolactinémie (PRL : 71 mg/L) et une hypernatrémie neurogène. Les fonctions gonadotrope et corticotrope étaient normales. Les EFR montraient un syndrome d’apnée du sommeil sans hypoventilation alvéolaire. Le bilan étiologique de syndrome hypothalamique était négatif (IRM cérébrale, ponction lombaire (cytologie, a-fœtoprotéine, bHCG), radiographies du squelette, EEG, bilan auto-immun et leptinémie (60 ng/ml, IC : 22,4 kg/m2) normaux). Des accès d’agressivité apparaissaient. L’évaluation psychologique montrait une efficience intellectuelle moyenne (WISC III) avec des troubles de concentration et une lenteur d’idéation. Une prise en charge pédopsychiatrique sans soutien médicamenteux était débutée. Un contrôle de la prise hydrique (1 l/j) avec DDVAP et un traitement substitutif (L thyroxine et hormone de croissance recombinante, posologie adaptée au poids théorique) étaient débutés. À l’âge de 11 ans, son poids était stable (P : + 2,2 DS/AS), la vitesse de croissance staturale s’améliorait (+ 0,9 cm/mois
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en deux mois de traitement vs + 0,2 cm/mois les neuf mois précédents). Aucune anomalie thermique n’était retrouvée et l’hypernatrémie semblait équilibrée. 2.3. Cas no 3 (Fig. 1e et f) Première et unique enfant née d’une famille non consanguine, la patiente n’avait pas d’antécédents néonatals et son développement psychomoteur était normal. Son obésité a débuté très précocement vers l’âge de six mois avec un rebond d’adiposité à deux ans (gain de 15 kg en deux ans). À trois ans neuf mois, son poids était à + 12,8 DS (T : 3 DS, IMC : 28,8 kg/m2) sans avance de maturation osseuse et associé à des sueurs profuses. L’apport calorique était excessif (2000 Cal/jour, N : 1600 Cal/jour). Il existait une insulinorésistance. Les fonctions thyroïdienne et corticotrope étaient normales. Une prise en charge diététique et un suivi médical rapproché étaient instaurés. À quatre ans trois mois apparaissaient des accès colériques. Trois mois plus tard, elle présentait un état de mal convulsif avec fièvre, ataxie aiguë et hypoventilation nécessitant une assistance respiratoire en réanimation. Elle était en coma stade II avec abolition des réflexes ostéotendineux aux membres inférieurs et strabisme divergent (présent depuis huit mois). Un traitement par veinoglobulines et corticoïdes était prescrit pour suspicion d’encéphalite ou de syndrome de Guillain-Barré. Aucune cause infectieuse ou toxique n’était retrouvée (sérologie, hémoculture, ponction lombaire, IDR 10 U, recherche de toxiques). En revanche, une hypernatrémie (167 mmol/l) était retrouvée sans autre signe clinique ou biologique de déshydratation. La souffrance cérébrale diffuse initiale (EEG) se normalisait rapidement. L’imagerie cérébrale (TDM puis IRM) révélait une dilatation ventriculaire sus-tentorielle mineure sans anomalie hypothalamique ni hypophysaire. Progressivement son état s’améliorait avec normalisation de la conscience, réapparition de la déglutition, mais la dépendance respiratoire imposait une trachéotomie. Une ventilation spontanée quatre heures par jour était acquise deux mois plus tard. Des troubles neurovégétatifs (instabilité thermique (38°– 41,9 °C), hypersialorrhée, rétention vésicale, hyperesthésie douloureuse) apparaissaient et les troubles du comportement (alternance léthargie/agitation) s’aggravaient. Les explorations endocriniennes montraient alors une hyperprolactinémie (test TRH : pic : 72 mg/L), les fonctions thyroïdienne, somatotrope et corticotrope étaient normales. Le caryotype était normal. Les troubles du comportement étaient améliorés par un traitement neuroleptique. L’enfant a dû être placée à l’âge de cinq ans, en pouponnière. À six ans quatre mois, la vitesse de croissance s’infléchissait. Un déficit isolé en hormone de croissance associé à une hypoplasie hypophysaire était mis en évidence (test arginineinsuline et GRF : pic GH : 5,8 ng/ml et 1,1 ng/ml respectivement ; IGF1 à 63 ng/ml, hauteur hypophysaire : 3 mm). À sept ans, le déficit hypophysaire se complétait avec une hypothyroïdie centrale (T4 l : 10,9 pmol/l, TSH : 1,2 mUI/ml),
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une insuffisance corticotrope (ACTH < 1 pmol/L ; cortisolémie : 15 mg/dL en situation de stress) et un diabète insipide. Un traitement hormonal était instauré. À huit ans six mois sa taille s’était normalisée (–0,7 DS) et la surcharge pondérale diminuait (poids à + 4,2 DS/AS). À dix ans et demi, la patiente était dépendante d’une ventilation nocturne avec autonomie diurne. À 13 ans et demi, un hypogonadisme central était affirmé et une induction pubertaire démarrée. À 14 ans, elle mesurait 144 cm (–2 DS) pour 57 kg ; elle ne savait ni lire ni écrire. L’IRM hypophysaire retrouvait une hypoplasie hypophysaire sévère isolée et stable. Deux dosages de leptine étaient normaux pour l’indice de corpulence. 2.4. Cas no 4 [17] (Fig. 2a et b) Cadette d’une famille de quatre enfants sans antécédents familiaux, la patiente a consulté à l’âge de trois ans huit mois pour une obésité sévère récente. Son poids était de + 6,8 DS/AS (prise pondérale de 11 kg en 20 mois). Elle présentait des troubles du comportement (compulsion boulimique, comportement apathique, troubles de l’humeur), une hypersomnie majeure (18 heures par jour), un prurit intense avec lésions de grattage, des troubles trophiques (acrocyanose) et un strabisme récent. Il n’existait ni dysrégulation thermique ni trouble de la soif. Le bilan hydroélectrolytique était normal. Le scanner cérébral montrait une discrète atrophie corticale hémisphérique isolée. À sept ans et demi, elle était hospitalisée en hiver pour hypothermie (32,3 °C). L’interrogatoire révélait une absence d’ascension thermique au-delà de 38 °C lors d’épisodes infectieux antérieurs avec des sensations de brûlures. Le réchauffement permettait de stabiliser la température entre 34 et 36 °C. Un tremblement d’attitude des membres supérieurs était noté et un infléchissement temporaire de la vitesse de croissance était noté entre quatre et six ans. Les explorations endocriniennes montraient une déficit complet de sécrétion de GH (tests de stimulation ornithine, arginine-insuline et GRF : pic : 1 ng/ml), un déficit thyroïdien central de type hypothalamique (test TRH) et une hyperprolactinémie (48 Bg/l). La fonction corticotrope était normale. L’enregistrement polysomnographique éliminait un syndrome d’apnée du sommeil ; le Holter EEG objectivait les phases d’endormissement et une pauvreté de phases de sommeil paradoxal. Scanner et IRM hypophysaires et cérébraux étaient normaux. Un traitement par L-thyroxine débuté améliorait l’hypersomnie sans modification des autres atteintes neurovégétatives. À neuf ans et demi, l’introduction de clomipramine était bénéfique sur la régulation thermique, le tremblement et la somnolence, sans réduire la prise pondérale. À 13 ans trois mois, un traitement par GH était débuté devant un nouvel infléchissement de la vitesse de croissance avec une altération de pronostic de taille finale (PTF : 148,6 cm, taille cible : 170 cm). La vitesse de croissance augmentait la première année (gain de six cm) puis se maintenait les deux années suivantes (respectivement + 0,8 et + 3,8 DS).
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Fig. 2. Évolution staturo-pondérale (A et C) et de l’indice de corpulence (B et D) des cas no 4 et no 5 . H indique la première hospitalisation.. Les flèches indiquent les dates de mise en route des traitements (GH : hormone de croissance, LT4 : L Thyroxine, DDAVP : Desmopressine, E2 : induction pubertaire).
À 15 ans neuf mois, le traitement était arrêté (taille : – 1,7 DS, PTF : 156 cm). Il existait un hypogonadisme hypogonadotrope (test LH-RH et échographie pelvienne prépubères, AO : 13,5 ans). Un traitement substitutif était commencé. L’IRM réalisée alors montrait une hypoplasie antéhypophysaire. À 20 ans, la patiente présentait une obésité majeure avec boulimie (P : 106,3 kg, T : 156 cm, IC : 43,6 kg/m2). Son développement pubertaire était achevé. La fonction thyroïdienne était stable sous traitement substitutif et la fonction corticotrope n’avait pas été réévaluée. Le traitement par clo-
mipramine était moins efficace, normalisant les troubles trophiques et l’instabilité thermique mais avec récurrence des troubles du sommeil (trois à quatre heures d’endormissement par nuit, absence de sommeil profond, épisodes d’hypersomnie diurne) et du tremblement d’attitude. 2.5. Cas no 5 (Fig. 2c et d) Dernière-née d’une famille de trois enfants sans antécédent, la patiente était née à terme avec une taille de –2,2 DS
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et poids normal sans problèmes périnatals. Sa croissance était initialement satisfaisante avec un rattrapage statural complet en deux ans et demi. La prise pondérale s’accélérait sans facteur déclenchant ni efficacité du régime hypocalorique. À six ans et demi elle pesait 42,5 kg (+9,2 DS) pour 118 cm (+0,6 DS). Une hypothyroïdie (TSH = 5,9 mUI/ml, FT4 = 9,6 pmol/l) était substituée sans modification de la prise pondérale. La fonction corticotrope était normale. À sept ans quatre mois sa surcharge pondérale atteignait + 17,3 DS. Trois mois plus tard, elle était admise en réanimation pour une insuffisance respiratoire aiguë par broncho-pneumopathie infectieuse sévère avec une décompensation cardiaque droite. L’évolution était favorable en cinq jours. Elle était transférée en service de pédiatrie pour prise en charge cardiorespiratoire et bilan d’obésité. Outre son obésité (P : + 13 DS, T : + 0,8DS, IC : 37,4 kg/m2), elle présentait une dysmorphie modérée (faciès lunaire et extrémités larges), des troubles du comportement et une énurésie. Sa puberté était avancée (stade II de Tanner, échographie pelvienne pubère, avance de maturation osseuse de trois ans et demi) et son pronostic de taille finale altéré (PTF : 141,5 cm, taille cible : 153 cm). Les explorations endocriniennes confirmaient l’existence d’une puberté précoce centrale (pic de LH : 33 UI/l, pic FSH : 23 UI/l). Une hypothyroïdie centrale de type hypothalamique était retrouvée après arrêt de l’opothérapie (test au TRH : TSH T0 minute 3,7 mUI/l, T + 30 minutes (pic) : 55,1 mUI/l, T + 90minutes : 37,9 mUI/l). La fonction corticotrope était normale. Le taux d’IGF1 était abaissé à 210 ng/ml (N : 345 à 765 ng/ml pour le stade pubertaire), associé à un amaigrissement de 10 kg depuis l’hospitalisation. Une hyperprolactinémie était notée (72 mg/L) ainsi qu’une augmentation modérée de la parathormone sans anomalie du bilan phosphocalcique (PTH intacte : 88,9 pg/ml (N : 10–71 pg/ml), Calcémie : 2,67 mmol/l, Phosphorémie : 1,32 mmol/l). Le bilan hydroélectrolytique montrait une hypernatrémie neurogène. Aucune cause spécifique n’était retrouvée (IRM cérébrale et hypothalamohypophysaire ; ponction lombaire (afœtoprotéine et bHCG négatifs)). Le caryotype en haute résolution retrouvait une formule à 46 chromosomes mais 12 mitoses sur 35 observées présentaient une fragilité chromosomique en position 10q25,1. Cette fragilité n’était rapportée à aucun syndrome génétique d’obésité ou de syndrome hypothalamique. Une tumeur médiastinale postérieure était découverte sur la radiographie thoracique puis le scanner. L’analyse anatomopathologique après exérèse chirurgicale confirmait le diagnostic de ganglioneuromes (scintigraphie et catécholamines urinaires normales). La puberté a été bloquée pendant trois ans avec un freinage complet et rapide de sa progression et restauration du pronostic de taille finale. À l’arrêt du traitement, le pronostic de taille finale était de 151,8 cm. Le développement des organes génitaux redémarrait, mais la vitesse de croissance se ralentissait. De nouvelles explorations endocriniennes confirmaient le déficit somatotrope et la réactivation de l’axe gonadotrope. Un traitement par hormone de croissance était ins-
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tauré. L’hypernatrémie chronique était maîtrisée par un apport hydrique suffisant et l’administration de DDAVP au coucher contrôlait l’énurésie. La perte pondérale se poursuivit jusqu’à l’âge de neuf ans (P : + 8,2 DS, IC : 31,4 kg/m2) puis la reprise pondérale rapide était observée, favorisée par un grignotage intempestif. À 11 ans et demi son poids était à + 10,2 DS, motivant une demande de prise en charge dans un centre d’amaigrissement. Une surveillance cardiorespiratoire annuelle avec polysomnographie et oxymétrie nocturne ne montrait pas de syndrome apnéique ni d’anomalie gazométrique mais un syndrome restrictif lié à son obésité. La patiente est décédée subitement dans un contexte fébrile évoluant depuis 72 heures à l’âge de 12 ans alors qu’elle débutait son séjour dans le centre d’amaigrissement.
3. Discussion Cette étude rétrospective multicentrique réunit cinq patients atteints de syndromes hypothalamiques idiopathiques suivis dans des centres d’endocrinologie pédiatrique français. Il s’agit de la plus grande série de SHI rapportée à ce jour. Les critères d’inclusion comprenaient l’obésité, les troubles du comportement, des troubles endocriniens ainsi que la présence d’une anomalie végétative (respiratoire ou thermique) ou d’une hypernatrémie neurogène. Aucune anomalie radiologique de la région hypothalamique ne devait être présente. Aucune autre étiologie ne devait avoir été retrouvée. Dans la littérature, 17 cas ont été décrits comme SHI. [6,18–26]. Cependant deux patients avaient une lésion de la tige pituitaire proximale ou une tumeur du troisième ventricule mises en évidence après, respectivement, 1,3 et 3,5 ans de suivi [18] ; un autre patient présentait un diabète insipide central isolé [18] et une patiente non obèse, sans hyperprolactinémie ni anomalie végétative, était considérée par l’auteur comme SHI devant l’association d’une hypernatrémie neurogène et d’un déficit somatocorticotrope [18]. Nous nous sommes donc intéressé aux 13 autres cas rapportés (Tableau 1). Pour l’ensemble des patients, il n’existe pas de prédominance de sexe (sexe ratio : 1). Il n’y a ni consanguinité ni obésité familiale. Les premiers symptômes apparaissent toujours avant la puberté, principalement à l’âge préscolaire (12 cas sur 18 entre deux et cinq ans). Nous rapportons le plus jeune cas dont les symptômes sont apparus avant l’âge d’un an (patiente 3). Pour l’ensemble de nos patients, le tableau clinique débute par une accélération brutale et majeure de la prise pondérale, associée à des troubles du comportement alimentaire (absents pour la patiente 5) ou une désorganisation du sommeil (patient 2). Les anomalies végétatives ne sont pas décrites initialement. Dans la littérature, l’obésité est toujours présente dès le début du tableau clinique avec boulimie [19–21,23] ou trouble thymique [6,18,21–24]. Les anomalies thermiques, respiratoires, neurologiques ou du sommeil sont d’emblée présentes pour 5 cas [18,21,22,24,25]. Elles réduisent le délai moyen de consultation de 2,1 ± 2,4 ans
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Tableau 1 Revue de la littérature des syndromes hypothalamiques idiopathiques références Cianfari [18]
patients 1 garçon (7,5 ans) suivi 3,5 ans
Proulx [25]
1 fille (4 ans) suivi 4 ans
mode d’apparition obésité troubles du sommeil troubles du comportement dysrégulation thermique obésité troubles du sommeil troubles du comportement
Dunger [22]
1 garçon (4,5 ans) suivi 5,4 ans
obésité troubles du sommeil troubles du comportement
Gurewitz [26]
1 garçon (4 ans) suivi 14 ans 1 fille (1,75 an) suivi 18,5 ans
obésité
1 garçon (2 ans) suivi 20 ans
obésité et boulimie
1 garçon (7,4 ans) suivi 10 ans 1 garçon (2,3 ans) suivi 2 ans
obésité et boulimie troubles du comportement
Loeuille [20]
Moskowitz [23]
North [21]
1 fille (2,75 ans) suivi 1 an Hayek [24]
Durivage [6]
Katz [19]
1 garçon (5 ans) suivi 4 ans 1 fille (4 ans) suivi 9,5 ans 1 garçon (9 ans) suivi 6,5 ans 1 fille (1,5 an) suivi 5,6 ans
obésité et boulimie
obésité troubles du sommeil troubles du comportement dysrégulation thermique obésité et boulimie troubles du sommeil troubles du comportement dysrégulation thermique obésité dysrégulation thermique et sommeil troubles du comportement obésité
obésité troubles du comportement anomalie neurologique obésité boulimie
à 1,3 ± 1,4 ans. Parmi les perturbations endocriniennes multiples et d’installation progressive, l’hyperprolactinémie est toujours présente dès les premières explorations endocriniennes avec des valeurs mesurées modérées (moyenne : 55,4 ± 19 mg/L, valeur maximale : 81 mg/L). Un cas de la littérature n’a pas bénéficié de dosage de prolactine [19]. Aucun traitement symptomatique de l’hyperprolactinémie n’a
évolution déficit somatotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie
déficit somatotrope, corticotrope, thyréotrope puberté précoce centrale hyperprolactinémie, hypernatrémie dysrégulations thermique, respiratoire et sommeil anesthésie cutanée, anomalie neurologique déficit somatotrope, thyréotrope et gonadotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie dysrégulations thermique, respiratoire et sommeil anesthésie cutanée déficit somatotrope, thyréotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie dysrégulations respiratoire et sommeil déficit somatotrope, corticotrope, thyréotrope et gonadotrope hyperprolactinémie dysrégulation thermique et sommeil troubles du comportement anomalies neurologiques, troubles vasomoteurs, prurit décès (hypothermie) déficit somatotrope, thyréotrope et gonadotrope hyperprolactinémie dysrégulation thermique, troubles vasomoteurs, prurit troubles du comportement déficit somatotrope, thyréotrope et gonadotrope hyperprolactinémie dysrégulation respiratoire déficit somatotrope, thyréotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie anesthésie cutanée décès (apnée) déficit somatotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie anomalie neurologique et anesthésie cutanée décès (hyperthermie) déficit somatotrope, corticotrope, thyréotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie troubles vasomoteurs déficit somatotrope, thyréotrope et gonadotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie dysrégulation respiratoire déficit somatotrope, thyréotrope et gonadotrope hyperprolactinémie, hypernatrémie dysrégulation respiratoire déficit somatotrope et puberté précoce centrale troubles du comportement dysrégulation respiratoire anomalie neurologique
été prescrit pour nos patients. Trois cas rapportés ont été traités par bromocriptine sans bénéfice [20,22,24] voire délétère (hypothermie et un SIADH [22]). Le déficit somatotrope est constant mais retardé et d’interprétation difficile dans le cadre d’obésité majeure. Pour deux patients, ce déficit était initialement sans traduction clinique et le ralentissement de la vitesse de croissance est survenu secondairement. Son traite-
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ment a alors permis un rattrapage satisfaisant (patients 3 et 4). Un patient issu de la littérature n’a pas répondu initialement au traitement substitutif puis trois ans après, un deuxième test thérapeutique a permis un rattrapage statural en l’absence de toute évolution pubertaire [22]. Le déficit thyréotrope est également constant pour tous nos patients et pour 10 sur 12 patients explorés dans la littérature [6,20–26]. La substitution par L thyroxine ne modifie pas l’évolution des anomalies végétatives. La fonction gonadique est le plus souvent déficitaire, mais une précocité pubertaire est possible (patiente 5), [19,25]. Quatre patients ont un déficit corticotrope asymptomatique (patient 3), [20,24,25]. L’hypernatrémie neurogène est définie comme une hypernatrémie chronique associée à une adipsie par anomalie des osmorécepteurs hypothalamiques régulant la soif ou la sécrétion d’ADH. La sensibilité rénale à l’ADH est sujette à controverse, rapportée comme hypersensible [27,28] ou résistante [29]. L’hypernatrémie est le plus souvent asymptomatique et découverte lors du premier bilan biologique. Lors d’une décompensation aiguë, elle est associée à une somnolence croissante et une faiblesse musculaire majeure qui régressent dès la normalisation ionique (patient 1, [24,26]). Cependant, elle n’est pas constante : deux patientes suivies pendant 16,3 ans et 5,6 ans respectivement, n’ont jamais présenté d’anomalie ionique (patient 4, [19]) ; aucune anomalie ionique n’est précisée pour trois cas de la littérature [20,23]. Le traitement a consisté en un contrôle quotidien des prises hydriques avec DDAVP (patients 1,2,3 et 5). La prise en charge a été parfois compliquée d’épisodes hypo- ou hypernatrémiques liés respectivement à une hyperhydratation compulsive ou à une adipsie (patient 1). Le traitement par DDAVP augmente le risque d’accident hyponatrémique par l’absence de régulation dipsique ; son indication doit donc être discutée et régulièrement évaluée. Les dysfonctions végétatives sont caractérisées par des anomalies de régulation thermique, respiratoire ou d’organisation du sommeil. Elles ont été révélées par des facteurs déclenchants tels une exposition au froid avec hypothermie sévère (cas no 1, 2, [20]), une pneumopathie avec détresse respiratoire aiguë nécessitant une assistance ventilatoire (cas no 3, [6,21]) ou un épisode infectieux avec hyperthermie maligne [21]. Elle ont été létales pour trois patients rapportés dans la littérature [20,21]. Les altérations du contrôle respiratoire par insensibilité à l’hypoxie, l’hypercapnie ou par apnées du sommeil sont présentes chez trois de nos patients (cas 1,2,3). Deux ont nécessité au moins une assistance ventilatoire nocturne (patient 1 et 3). Dans la littérature, huit patients ont une altération de ce contrôle [6,19,21–23,25,26] dont trois ont nécessité une ventilation permanente transitoire [6,21]. Un patient est décédé après arrêt de la ventilation nasale nocturne [21]. D’autres thérapeutiques ont été décrites tels les stimulateurs diaphragmatiques [6] ou le lit à bascule [18] et les analeptiques respiratoires sont sans effet. Les troubles de la thermorégulation comportent des fluctuations thermiques importantes sans lien avec un processus infectieux. Ils sont présents chez trois de nos patients (cas 1, 2 et 3) et huit issus de la
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littérature [18,20–22,24,25]. Ils sont responsables de deux décès [20,21]. Cette labilité thermique semble améliorée au long cours par la prise de naltrexone [20] et de clomipramine (patiente 4, suivi 11 ans et [25]). D’autres symptômes sont moins connus bien que rapportés de manière récurrente : les manifestations cutanées avec troubles vasomoteurs (patients 1, 3, 4, [20,24]) ou troubles sensitifs (hyperesthésie (patient 3), anesthésie [21,22,25]), un strabisme sans description de ses caractéristiques ni de son évolution (patients 2,3, 4, [19–21,25]). Aucune cause n’a été retrouvée y compris la recherche d’une anomalie de sécrétion de leptine pour nos quatre plus jeunes patients (cas 1,2,3,5). L’inclusion de la patiente 5 a été discutée devant une sémiologie atypique. Le syndrome hypothalamique est certain par l’association d’une obésité majeure infantile avec hyperphagie, endocrinopathies caractéristiques, hypernatrémie neurogène et troubles du comportement. Cependant la présence d’une puberté précoce, l’augmentation de la parathormone, l’anomalie du caryotype et la découverte d’un ganglioneurome nous ont confrontés à différents diagnostics étiologiques : une pseudohypoparathyroïdie est évoquée par la présence d’une obésité majeure avec faciès lunaire, extrémités larges et augmentation de la parathormone mais la puberté précoce centrale et l’absence d’anomalies du bilan phosphocalcique hors PTH récusent cette hypothèse. La fragilité 10q25,1 n’est pas décrite dans les différents syndromes génétiques associés à une dysfonction hypothalamique. Les gènes connus en position 10q25,1 ne sont pas rattachés à une pathologie humaine. Un d’entre eux attire cependant l’attention : NEURL (Neuralized drosophilia homolog-like ; OMIM 603804). Ce gène initialement décrit chez la drosophile serait impliqué dans la neurogénèse. Sa délétion a été retrouvée dans les astrocytomes malins le faisant considérer comme un gène suppresseur de tumeur [30]. La présence d’une tumeur, un ganglioneurome, a été rapportée chez notre patiente et par North et al. [21] [31]. L’autopsie des deux patients rapportés par ces derniers auteurs a montré une infiltration lymphocytaire et histiocytaire de la région hypothalamique associé à un ganglioneuroblastome paravertébral thoracique ou abdominal. Ils ont par ailleurs mis en évidence dans un cas, des anticorps anti-Hu. Ces anticorps sont associés aux syndromes paranéoplasiques de l’adulte. Aussi faudrait-il peut-être considérer certaines dysfonctions hypothalamiques dites idiopathiques comme des syndromes paranéoplasiques lorsqu’elles sont associées à des ganglioneuromes [31]. L’absence de certitude nous a cependant conduit à considérer notre cinquième cas comme idiopathique.
4. Conclusion Notre étude rapporte donc la plus grande série de syndrome hypothalamique idiopathique. Par l’étude de nos patients et de ceux précédemment publiés, nous avons pu mieux définir ce syndrome. Il s’agit d’une affection grave,
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fréquemment létale et à l’origine d’une morbidité sévère. Devant une obésité de l’enfant, la suspicion clinique d’un syndrome hypothalamique repose sur un faisceau d’arguments à rechercher à l’interrogatoire (modalités d’installation de l’obésité, altération du comportement alimentaire et social, adipsie, désorganisation du sommeil et éventuellement troubles thermiques ou sensitifs). Les données paracliniques confirment ce diagnostic notamment par la présence constante d’une hyperprolactinémie alors que l’absence initiale d’autres endocrinopathies ne doit pas faire récuser le diagnostic. L’hypogonadisme hypogonadotrope, élément fondateur de la définition historique, n’est pas constant et la puberté peut être normale voire précoce. Les dysfonctions végétatives respiratoire ou thermique à l’origine du décès de ces enfants sont souvent méconnues initialement et doivent être systématiquement recherchées pour proposer des traitements symptomatiques. Pour l’ensemble de ces patients, aucune cause n’a été mise en évidence. Cependant, une recherche causale doit être exhaustive et récurrente avec une surveillance radiologique prolongée, certaines tumeurs ayant été découvertes tardivement. Après cinq ans de suivi, lorsque aucune cause n’a été retrouvée, le syndrome hypothalamique peut être dit idiopathique (SHI). Enfin la prise en charge thérapeutique de ces enfants est complexe et doit être multidisciplinaire associant les compétences de différents spécialistes endocrinopédiatre, pneumopédiatre, pédopsychiatre et de nombreux partenaires socioéducatifs pour favoriser leur intégration sociale et scolaire.
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