Aspects cliniques du syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant

Aspects cliniques du syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant

+ Models ARCPED-4560; No. of Pages 6 Archives de Pédiatrie xxx (2017) xxx–xxx Aspects cliniques du syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant Id...

402KB Sizes 0 Downloads 76 Views

+ Models

ARCPED-4560; No. of Pages 6

Archives de Pédiatrie xxx (2017) xxx–xxx

Aspects cliniques du syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant Idiopathic nephrotic syndrome O. Boyer a,*, V. Baudouin b, E. Bérard c, C. Dossier b, V. Audard d, V. Guigonis e, I. Vrillon f a

Service de néphrologie pédiatrique, centre de référence syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant et de l’adulte, hôpital Necker-EnfantsMalades, institut Imagine, université Paris-Descartes, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 75015 Paris, France b Service de néphrologie pédiatrique, centre de référence syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant et de l’adulte, hôpital Robert-Debré, institut Imagine, université Paris-Diderot, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 75019 Paris, France c Service de néphrologie pédiatrique, CHU de Nice, Archet 2, 06200 Nice, France d Service de néphrologie et transplantation, centre de référence syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant et de l’adulte, hôpital Henri-Mondor, Inserm U955, université Paris-Est-Créteil, 94010 Créteil, France e Département de pédiatrie, hôpital Mère-Enfant, 87000 Limoges, France f Service de pédiatrie, hôpital d’enfants, CHRU de Nancy, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France

Résumé Le syndrome néphrotique (SN) est caractérisé par une albuminurie massive responsable d’une hypo-albuminémie, d’œdèmes, d’une hyperlipidémie et de complications diverses notamment infectieuses et thrombo-emboliques. Le SN idiopathique (SNI) de l’enfant, ou « néphrose lipoïdique » représente plus de 85 % des cas pédiatriques. Son incidence annuelle est de 1–4/100 000 enfants. Il peut survenir à tout âge, mais débute le plus souvent entre 2 et 7 ans, souvent après un facteur déclenchant infectieux ou allergique. Il est le plus souvent découvert devant un syndrome œdémateux d’installation rapide, ou parfois devant une complication inaugurale. Sa physiopathologie est encore mal comprise, mais il résulterait d’un désordre immunologique avec production d’un facteur circulant dit de perméabilité glomérulaire non encore identifié à ce jour. La biopsie rénale n’est indiquée au diagnostic qu’en cas d’atypie : enfant de moins de 1 an ou plus de 12 ans, hématurie macroscopique, début progressif, hypertension artérielle sévère, signes extrarénaux, hypocomplémentémie, insuffisance rénale, sérologie hépatite positive. La corticothérapie constitue le traitement de première intention du SNI de l’enfant. Les traitements symptomatiques associent : une restriction sodée, une restriction hydrique en cas de natrémie < 125 meq/L, un régime limité en sucres rapides, une supplémentation vitaminocalcique, une anticoagulation et une vaccination. Les perfusions d’albumine sont d’indication exceptionnelle. Les diurétiques doivent être d’utilisation prudente car ils peuvent favoriser l’hypovolémie et les complications thrombo-emboliques. Deux catégories de SNI sont définies en fonction de la réponse initiale au traitement et déterminent le pronostic : les SN corticosensibles (85–90 %) et les corticorésistants. Cinquante pour cent des enfants corticosensibles deviennent corticodépendants ou rechuteurs fréquents, ce qui les expose aux effets secondaires des corticoïdes et autres immunosupresseurs. Les enfants qui ne répondent à aucun traitement immunosuppresseur évoluent vers l’insuffisance rénale terminale. Le suivi se fait en étroite collaboration entre le médecin de ville et le néphrologue pédiatre. ß 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Service de néphrologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. Adresse e-mail : [email protected] (O. Boyer). https://doi.org/10.1016/j.arcped.2017.09.022 0929-693X/ß 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

+ Models

ARCPED-4560; No. of Pages 6

2

O. Boyer et al. / Archives de Pédiatrie xxx (2017) xxx–xxx

Abstract Nephrotic syndrome (NS) is defined by massive proteinuria and hypoalbuminemia, with resulting hyperlipidemia and edema. The most common cause of NS in children is idiopathic nephrotic syndrome (INS), also called nephrosis. Its annual incidence has been estimated to 1–4 per 100,000 children and varies with age, race, and geography. Many agents or conditions have been reported to be associated with INS such as infectious diseases, drugs, allergy, vaccinations, and malignancies. The disease may occur during the 1st year of life, but it usually starts between the ages of 2 and 7 years. INS is characterized by a sudden onset, edema being the major presenting symptom, but may rarely be discovered during a routine urine analysis. The disease may also be revealed by a complication such as hypovolemia, infection (pneumonia and peritonitis due to Streptococcus pneumoniae), deep-vein or arterial thromboses, and pulmonary embolism. Renal biopsy is usually not indicated in a child aged 1–10 years with typical symptoms and a complete remission with corticosteroids. Conversely, it is indicated in children under 1 year in case of macroscopic hematuria, hypertension, low C3 levels, persistent renal failure, or steroid resistance. Steroid therapy is applied in all children whatever the histopathology. Initial prednisone therapy in France consists of 60 mg/m2 administered daily for 4 weeks (maximum dose, 60 mg/day), followed by alternate-day prednisone with tapering doses. Eight-five to 90 % patients are steroid-responsive and may relapse, but the majority still responds to steroids over the subsequent courses. Only 1–3 % of patients who are initially steroid-sensitive subsequently become steroid-resistant. Children with primary or secondary steroid-resistance are at risk of end-stage kidney disease. Symptomatic treatment includes salt restriction, fluid restriction when natremia is less than 125 meq/L, reduction of saturated fat and carbohydrates, calcium and vitamin D supplements, anticoagulation, and vaccination. Albumin infusions are only indicated in case of complications. Diuretics should be restricted to cases of severe edema, after hypovolemia has been corrected. ß 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. INTRODUCTION

2. QUAND ÉVOQUER UN SNI ?

Le syndrome néphrotique (SN) est caractérisé par une albuminurie massive responsable d’une hypo-albuminémie, d’œdèmes, d’une hyperlipidémie et de complications diverses notamment infectieuses ou thrombo-emboliques. Le SN rend compte d’une anomalie de la perméabilité glomérulaire qui peut être primaire ou secondaire à des infections parfois congénitales, au diabète, au lupus érythémateux disséminé, à la néphropathie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), aux néoplasies, à certains médicaments et à des anomalies génétiques, entre autres. . . Dans cet article, nous n’abordons que les aspects cliniques du SN idiopathique (SNI) de l’enfant, ou « néphrose lipoïdique » qui représente plus de 85 % des cas pédiatriques. Son incidence annuelle est de 1–4/100 000 enfants [1–6] et varie avec le sexe, l’âge, l’origine ethnique et le lieu d’habitation. Il touche plus fréquemment les garçons avec un sex-ratio de 1 à 3 garçons, les enfants d’origine asiatique [7,8], suggérant un déterminisme génétique et les centres urbains comparés aux zones rurales suggérant le rôle de facteurs environnementaux. Il peut survenir à tout âge, mais débute le plus souvent entre 2 et 7 ans [4]. Sa physiopathologie est encore mal comprise, mais il résulterait d’un désordre immunologique avec production d’un facteur circulant dit de perméabilité glomérulaire dont la nature, l’origine exacte (cellules immunitaires ?), le mécanisme d’action et les propriétés physicochimiques restent énigmatiques. La corticothérapie constitue le traitement de première intention du SNI de l’enfant [9]. Deux catégories sont définies en fonction de la réponse initiale au traitement et déterminent le pronostic : les SN corticosensibles et les corticorésistants.

Le SN de l’enfant est le plus souvent découvert devant un syndrome œdémateux d’installation rapide. Un épisode infectieux, en particulier des voies aériennes supérieures, est retrouvé comme facteur déclenchant dans près de la moitié des cas, une réaction allergique dans un tiers des cas et plus rarement, une piqûre d’insecte, une vaccination, un traitement ou un stress psychologique [4]. Les œdèmes sont déclives, blancs, mous, indolores, symétriques et prennent le godet (Fig. 1). Initialement, ils sont localisés au visage le matin au réveil avec une bouffissure des paupières et l’impression du pli des draps sur la peau et aux chevilles en fin de journée. Sans mesure corrective, ils s’accentuent, deviennent diffus et peuvent aboutir à une anasarque avec ascite, hydrocèle ou un épanchement pleural [4]. Ils peuvent être marqués au niveau de la verge ou de la vulve et s’accompagner d’une hernie ombilicale ou inguinale. C’est la présentation classique du SN pur, i.e., sans hématurie macroscopique, ni insuffisance rénale organique, ni hypertension artérielle sévère. Cependant, une hypertension artérielle modérée est présente dans 20 à 30 % des cas et une hypotension peut révéler un état d’hypovolémie efficace. Une insuffisance rénale fonctionnelle est possible. Une hématurie microscopique est notée dans 20 % des cas environ, l’hématurie macroscopique étant exceptionnelle et devant faire rechercher une thrombose des veines rénales. Toutes les complications du SN peuvent également être inaugurales (cf. infra). Le diagnostic de SN peut ainsi être porté devant des manifestations diverses : douleur abdominale en rapport avec la constitution rapide d’une ascite ou d’une péritonite, hypovolémie sévère, pneumopathie basale, ou

+ Models

ARCPED-4560; No. of Pages 6

O. Boyer et al. / Archives de Pédiatrie xxx (2017) xxx–xxx

3

Fig. 1. ¨dèmes du syndrome néphrotique idiopathique. Ils sont déclives, blancs, mous, indolores, symétriques et prennent le godet ; initialement localisés aux chevilles en fin de journée, et au visage le matin puis diffus avec ascite, hydrocèle ou épanchement pleural.

encore dyspnée conséquence d’un épanchement pleural, d’une volumineuse ascite, ou plus rarement d’une pneumopathie ou d’une embolie pulmonaire. Des signes non spécifiques sont souvent présents au moment du diagnostic et peuvent aussi être le motif de consultation : fatigue, sensation de malaise, maux de tête. 3. PRINCIPAUX PIÈGES DIAGNOSTIQUES L’œdème palpébral, parfois isolé, peut être pris à tort pour une manifestation allergique et retarder le diagnostic, d’autant plus que les faibles doses de corticoïdes parfois prescrites dans ce contexte peuvent diminuer transitoirement les symptômes [4]. L’œdème palpébral est parfois asymétrique au réveil et pris à tort pour des piqûres de moustiques. Une hydrocèle isolée est parfois le seul symptôme. Enfin, le SN n’a pas toujours une traduction clinique évidente et la découverte d’une protéinurie peut être fortuite au cours d’une action de prévention. Plus exceptionnellement, un SN peut être découvert après le diagnostic d’une hypercholestérolémie [10]. 4. PRINCIPAUX DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS Causes extrarénales d’œdèmes : hépatiques (insuffisance hépatocellulaire, cirrhose, syndrome de Budd-Chiari), digestives (entéropathie exsudative, lymphangiectasies, malnutrition), cardiaques, œdème angioneurotique héréditaire. . . Autres causes de SN : infectieuses (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], virus de l’hépatite B [VHB], virus de l’hépatite C [VHC], cytomégalovirus [CMV], toxoplasmose, parvovirus B19), immunitaires (lupus, vascularites à anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles [ANCA], maladie de Berger, syndrome de Goodpasture, glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse, glomérulonéphrite extramembraneuse ou membranoproliférative, micro-angiopathie

thrombotique) ou toxiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], sels d’or). 5. QUELS EXAMENS PRESCRIRE ? Le diagnostic de SN repose sur la constatation d’une hypoalbuminémie et d’une protéinurie glomérulaire. Au cabinet médical, il suffit de réaliser un examen des urines à la bandelette réactive type Albustix1 qui révèle une albuminurie abondante (> 3+). En cas de positivité, il est nécessaire de confirmer par des examens au laboratoire :  dosage de l’albuminémie < 25–30 g/L (rendu en quelques heures) [1,9] ;  dosage de la protéinurie : le recueil des urines de 24 h retarde le diagnostic et n’est pas indispensable (s’il est fait, on constate une protéinurie > 50 mg/kg/24 h). Plus facilement, il suffit d’un échantillon d’urines pour doser protéinurie et créatininurie. La protéinurie est de débit néphrotique si le rapport protéinurie/créatininurie est > 0,2 g de protéines/ mmol de créatinine (ou 2 g de protéines/g de créatinine). La constatation d’une protéinurie élevée avec hypo-albuminémie peut être observée dans toutes les maladies glomérulaires (cf. supra). Certains examens doivent donc être réalisés afin d’éliminer une autre cause de SN. C’est leur négativité qui oriente vers le SNI. Les examens suivants sont donc prescrits dans ce but :  dosage de l’urée sanguine et de la créatininémie qui seront normaux dans le SNI non compliqué,  recherche d’une hématurie : environ 20–30 % des SNI ont une hématurie microscopique, en règle de faible abondance (< 100 000/mL),  dosage du complément (CH50, C3 et C4) qui est normal dans le SNI,  sérologies de l’HBV, du HCV ou du HIV selon le contexte, virus qui peuvent être associés à des glomérulonéphrites extramembraneuses ou membrano-

+ Models

ARCPED-4560; No. of Pages 6

4

O. Boyer et al. / Archives de Pédiatrie xxx (2017) xxx–xxx

prolifératives, ou à la néphropathie associée au VIH, respectivement. D’autres examens doivent être prescrits afin de dépister une complication :  ionogramme sanguin qui peut révéler une hyponatrémie de dilution, une insuffisance rénale fonctionnelle ;  bilan d’hémostase (fibrinogène, ATIII, d-Dimères) qui montre le plus souvent une hypercoagulabilité. Il n’est pas utile de doser la cholestérolémie (qui serait élevée), ni de faire une électrophorèse des protéines plasmatiques (qui révèlerait une hyper-alpha-2-globulinémie et une hypo-gammaglobulinémie) : ces résultats ne sont indispensables ni au diagnostic ni aux choix thérapeutiques.

6. QUAND ADRESSER L’ENFANT AU NÉPHROPÉDIATRE ? Un enfant atteint d’une première poussée de SNI non compliquée peut être pris en charge dans un service de pédiatrie non spécialisée. Néanmoins, le recours au néphrologue est indispensable lorsque la situation est inhabituelle :  enfant de moins de 1 an ou de plus de 12 ans ;  présence d’arguments en faveur d’un diagnostic différentiel : cliniques (hématurie macroscopique, début progressif, hypertension artérielle sévère, présence de signes extrarénaux) ou biologiques (hypocomplémentémie, insuffisance rénale, sérologie des hépatites positive). Une biopsie rénale est alors indiquée afin de confirmer histologiquement le diagnostic de SNI. Dans les autres cas, le traitement initial par prednisone orale pendant quatre semaines  3 bolus de méthylprednisolone fait office de test diagnostique.

7. QUAND HOSPITALISER L’ENFANT ? En cas de :  mauvaise tolérance du syndrome néphrotique (signes d’hypovolémie, douleurs abdominales, vomissements, apathie) ;  suspicion clinique de complications (thrombose, infection) ;  troubles hydroélectrolytiques. Même si elle n’est pas médicalement indispensable, une courte hospitalisation est souvent proposée au moment du diagnostic afin de procéder à l’éducation parentale. En effet, leur coopération est essentielle dans le suivi du traitement et du régime et dans la surveillance de la maladie. Or le temps d’apprentissage nécessaire pour les parents ne peut être réduit à une seule consultation.

8. COMPLICATIONS POTENTIELLES Des complications surviennent au cours de 1 à 4 % des poussées de SNI et peuvent engager le pronostic vital. Le risque persiste à chaque poussée, lorsque l’albuminémie passe en dessous de 20–25 g/L [4].

8.1. Épanchements des séreuses En cas de poussée, des épanchements séreux (péritonéal, pleural, péricardique) peuvent avoir un retentissement sur les fonctions vitales. 8.2. Hypervolémie–Hypovolémie Vingt-cinq pour cent des patients en poussée de SNI ont une pression artérielle élevée qui traduit une hypervolémie, 60 % une volémie normale et 15 % ont des signes d’hypovolémie par fuite capillaire. L’hypovolémie est difficile à diagnostiquer cliniquement et doit être suspectée devant des douleurs abdominales isolées. Il existe des formes graves (tachycardie, pression artérielle pincée, extrémités froides, douleurs abdominales pseudochirurgicales, état de choc) associées à une hémoconcentration (élévation de l’hématocrite) et éventuellement une insuffisance rénale fonctionnelle. Une diminution de l’index cardiothoracique sur la radiographie du thorax et un aplatissement de la veine cave inférieure au doppler sont des éléments d’orientation. 8.3. Thromboses La thrombophilie des poussées de SNI, imparfaitement comprise, résulte d’un déséquilibre entre facteurs pro- et anticoagulants. Les thromboses sont favorisées par l’hypovolémie, les diurétiques, les cathéters centraux et les ponctions artérielles ou veineuses profondes. Les thromboses symptomatiques, toujours graves, peuvent toucher le système veineux : membres inférieurs (30 % des cas), veine cave inférieure ou veines rénales (15 %), sinus veineux cérébral (15 %), cavité cardiaque (7 %), veine cave supérieure (5 %). Les thromboses artérielles peuvent toucher tous les territoires (mésentérique, coronaire, membres inférieurs, carotides et cérébrales). Une embolie pulmonaire doit être évoquée devant un malaise mal déterminé, une angoisse aiguë, une douleur thoracique (dont l’absence n’élimine pas le diagnostic), une tachycardie et une tachypnée intermittentes et isolées, un collapsus cardiovasculaire. Une radiographie du thorax, une mesure des gaz du sang et un électrocardiogramme (ECG) orientent le diagnostic qui est confirmé par l’angioscanner. 8.4. Infections La sensibilité aux infections résulte en partie des perturbations immunologiques observées au cours du SNI auxquelles s’ajoute l’effet des immunosuppresseurs. Les germes les plus fréquemment responsables sont Streptococcus pneumoniae et Escherichia coli. Les péritonites bactériennes médicales (sans perforation digestive) ne sont pas rares. Les autres infections bactériennes sont des pyélonéphrites aiguës, des méningites, des cellulites. La varicelle chez l’enfant néphrotique peut avoir une évolution maligne. Le diagnostic peut être désorienté par des symptômes précédant les lésions cutanées comme une pneumonie, une encéphalite, des douleurs abdominales pseudochirurgicales, un syndrome de

+ Models

ARCPED-4560; No. of Pages 6

O. Boyer et al. / Archives de Pédiatrie xxx (2017) xxx–xxx

sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (ADH), une hépatite fulminante, une pancréatite aiguë, ou une atteinte cutanée atypique. 8.5. Autres complications Peuvent être les suivantes :  hyperlipidémie par augmentation des synthèses hépatiques de lipoprotéines ;  insuffisance staturale secondaire à une perturbation des Insulin-like growth factor binding protein (IGF-BP) dans les SNI corticorésistants et à la corticothérapie prolongée dans les formes corticosensibles ;  surpoids et autres complications liées à la corticothérapie prolongée ;  hypothyroïdie par fuite urinaire des protéines porteuses des hormones thyroïdiennes ;  déminéralisation osseuse secondaire au SNI ou à une corticothérapie prolongée ;  insuffisance rénale terminale (IRT) : apanage des SNI corticorésistants (50 % d’IRT à 10 ans d’évolution) [4], elle complique moins de 3 % des SNI corticosensibles, le plus souvent par néphrotoxicité médicamenteuse. 9. GRANDS PRINCIPES DU TRAITEMENT L’ensemble des traitements est détaillé dans le protocole national de soins (PNDS) « syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant » établi par la Société française de néphrologie pédiatrique et le centre de référence maladie rare SNI de l’enfant et de l’adulte [9]. Le traitement d’une première poussée de SNI repose sur la prednisone par voie orale à la dose de 60 mg/m2/j (maximum 60 mg/j) pendant 4 semaines suivies d’une décroissance, associée à un régime hyposodé et limité en sucres rapides, et à une supplémentation vitaminocalcique tant que persiste la protéinurie ou la corticothérapie à forte dose. Une anticoagulation doit être proposée d’autant plus facilement que le SN est important (albuminémie < 20 g/L) en suivant les recommandations du PNDS. Elle repose sur l’enoxaparine sous-cutanée, les anti-vitamines K, les antiagrégants plaquettaires ou, pour certaines équipes, l’abstention thérapeutique. Dans tous les cas, il convient de contre-indiquer le décubitus prolongé et d’éviter les abords vasculaires, surtout profonds. Les autres traitements symptomatiques sont rarement utilisés à ce stade. Les perfusions d’albumine sont d’indication exceptionnelle (hypovolémie, insuffisance rénale fonctionnelle, épanchements séreux menaçants) et doivent être discutés avec un spécialiste avant prescription. Les diurétiques doivent être d’utilisation prudente, prescrits par des praticiens entraînés car ils peuvent favoriser l’hypovolémie et les complications thrombo-emboliques. L’hyperlipémie ne nécessite pas de traitement dans les formes corticosensibles, le traitement par statines étant réservé aux SNI corticorésistants, hors autorisation de mise sur le marché (AMM). De même, l’hypothyroïdie n’est à substituer que dans les formes corticorésistantes, où le syndrome néphrotique persiste des mois ou années.

5

Pendant les poussées, il faut être vigilant quant aux risques d’infections bactériennes sévères et ne pas sous-estimer un épisode fébrile même banal en le traitant le cas échéant. La prévention par pénicilline orale ou par perfusion d’immunoglobulines n’a jamais fait la preuve de son efficacité. La survenue d’un SNI ne contre-indique pas les vaccinations, mais au contraire justifie de vérifier précisément la couverture vaccinale du patient en respectant les contre-indications (http://www.hcsp.fr/explore.cgi/ avisrapportsdomaine?clefr=504). La vaccination antipneumococcique (y compris au-delà de 2 ans) est particulièrement importante dans ce contexte. Le Prévenar 131 suivi 2 mois plus tard d’un Pneumo 231 administré dès la première poussée de SNI, même en phase de protéinurie et à forte dose de prednisone permet d’obtenir une protection en 4 semaines. La vaccination antigrippale est recommandée chaque année. En l’absence d’antécédent de maladie, les vaccins vivants atténués (varicelle, rougeole) doivent être administrés le plus tôt possible, en rémission et avec des doses de prednisone < 1 mg/ kg 1 jour/2, sans autre immunosuppresseur. Un contage varicelleux doit être traité par acyclovir pendant 5 jours. En cas de contage varicelleux chez un enfant recevant de fortes doses de corticoïdes, un inhibiteur des calcineurines (ciclosporine ou tacrolimus) ou du mycophénolate mofetil, des immunoglobulines spécifiques antivaricelle (Varitect1) peuvent être obtenues sur autorisation temporaire d’utilisation (ATU) (nominative) pour un traitement dans les 48–96 h suivant le contage. Le traitement curatif de la varicelle repose sur l’acyclovir par voie intraveineuse et l’anticorps monoclonal en cas de signes de gravité. Il n’y a aucune indication de traitement par immunoglobulines spécifiques antivaricelle, même dans les cas graves, une fois les 96 h post-contage passées et surtout en cas de varicelle déclarée. Le vaccin par le bacille Calmette et Guérin (BCG) est contre-indiqué sous traitement en raison des risques de bécégite localisée ou systémique. La vaccination par certains vaccins tués (diphtérie, tétanos, poliomyélite) est associée à un risque de rechute du SNI, au même titre que n’importe quelle infection intercurrente et on préconise donc de les effectuer en période « calme » de la maladie, à distance d’une rechute récente. Les enfants à risque doivent être déparasités avant la mise en route de la corticothérapie. La prévention des complications repose principalement sur la détection précoce des rechutes et donc sur une surveillance régulière des urines par bandelette urinaire par les parents au domicile dont les résultats sont consignés dans un carnet. Les parents doivent prévenir le médecin rapidement en cas de rechute. Les autres mesures portent sur l’éviction des facteurs allergènes, la pratique d’une activité physique régulière et l’éviction des foyers infectieux chroniques, un soutien psychologique en cas de besoin, une demande de prise en charge à 100 % et la mise en place d’un projet d’accueil individualisé (PAI). 10. ÉVOLUTION À l’issue de la corticothérapie initiale, 3 situations sont possibles :

+ Models

ARCPED-4560; No. of Pages 6

6

O. Boyer et al. / Archives de Pédiatrie xxx (2017) xxx–xxx

 la rémission complète est définie par un rapport protéinurie/ créatininurie < 0,02 g/mmol (ou 0,2 g/g) ou une protéinurie < 5 mg/kg/j survenant dans un délai médian de 11 jours [4]. Le SNI est alors dit corticosensible (85 % des cas) et son évolution est la suivante : 20 à 30 % des enfants n’auront aucune rechute et 70 à 80 % rechuteront [4]. On distingue les rechutes espacées (10–20 % des SNI) des rechutes fréquentes (2 rechutes en 6 mois ou 4 en un an). On parle de SNI corticodépendant lorsque la rechute survient lors de la décroissance de la corticothérapie ou moins de trois mois après son arrêt. Dans les deux derniers cas (50–60 % des SNI), un traitement d’épargne cortisonique peut être indiqué. De façon exceptionnelle, une corticorésistance peut apparaître secondairement durant l’évolution du SNI. Le plus souvent les rechutes sont plus fréquentes au début de la maladie qui s’atténue au fil des années. Néanmoins, chez certains patients dont la maladie a été particulièrement précoce et active, le risque de rechute persiste à l’âge adulte (15 à 45 % selon les études) [11] ;  la rémission partielle est définie par une diminution franche du débit de protéinurie par rapport au niveau initial avec une albuminémie > 30 g/L ;  la corticorésistance est définie par la persistance d’un rapport protéinurie/créatininurie supérieur à 0,2 g/mmol (ou 2 g/g) ou par une protéinurie supérieure à 50 mg/kg/j, associée à une albuminémie < 30 g/L (8 jours après la corticothérapie orale et les perfusions de solumédrol). En cas de corticorésistance ou de rémission partielle (10–15 % des patients), une intensification thérapeutique doit être instaurée ainsi qu’un complément d’investigation : une biopsie rénale est alors nécessaire ainsi qu’une étude génétique. En effet, plus de 30 % des SNI corticorésistants ont une cause génétique et ne répondent pas aux immunosupresseurs (mutations de NPHS2 codant pour la podocine et plus de 40 autres gènes connus). En cas de résistance à l’ensemble des traitements, l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale devient inéluctable. 11. CONCLUSION Le SNI de l’enfant n’est pas exceptionnel et doit être évoqué devant des œdèmes uni- ou bilatéraux déclives. Les complications, fréquentes et variées peuvent engager le pronostic vital. La plupart des enfants répondent aux corticoïdes et gardent une fonction rénale normale. Cinquante pour cent deviennent corticodépendants ou rechuteurs fréquents, ce qui

les expose aux effets secondaires des corticoïdes et autres immunosupresseurs. Les enfants qui ne répondent à aucun traitement immunosuppresseur évoluent vers l’insuffisance rénale terminale, avec un risque de récidive de la maladie sur le greffon de 30–40 % (faible en cas de cause génétique, jusqu’à 98 % dans les SNI secondairement corticorésistants) [12]. Le suivi se fait en étroite collaboration entre le médecin de ville et le néphropédiatre.

DÉCLARATION DE LIENS D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. RÉFÉRENCES [1] Nephrotic syndrome in children: prediction of histopathology from clinical and laboratory characteristics at time of diagnosis. A report of the International study of kidney. Kidney Int 1978;13:159–65. [2] Dossier C, Sellier-Leclerc AL, Rousseau A, et al. Prevalence of herpesviruses at onset of idiopathic nephrotic syndrome. Pediatr Nephrol 2014;29:2325–31. [3] Dossier C, Lapidus N, Bayer F, et al. Epidemiology of idiopathic nephrotic syndrome in children: endemic or epidemic? Pediatr Nephrol 2016;31:2299–308. [4] Niaudet P, Boyer O. Idiopathic nephrotic syndrome in children: clinical aspects. In: Avner ED, Harmon WE, Niaudet P, et al., editors. Pediatric nephrology. 1. 7th ed., Heidelberg: Springer-Verlag; 2016. p. 839–82. [5] El Bakkali L, Rodrigues Pereira R, Kuik DJ, et al. Nephrotic syndrome in The Netherlands: a population-based cohort study and a review of the literature. Pediatr Nephrol 2011;26:1241–6. [6] Sureshkumar P, Hodson EM, Willis NS, et al. Predictors of remission and relapse in idiopathic nephrotic syndrome: a prospective cohort study. Pediatr Nephrol 2014;29:1039–46. [7] Kikunaga K, Ishikura K, Terano C, et al. High incidence of idiopathic nephrotic syndrome in East Asian children: a nationwide survey in Japan (JP-SHINE study). Clin Exp Nephrol 2017;21:651–7. [8] McKinney PA, Feltbower RG, Brocklebank JT, et al. Time trends and ethnic patterns of childhood nephrotic syndrome in Yorkshire, UK. Pediatr Nephrol 2001;16:1040–4. [9] Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS). Syndrome néphrotique idiopathique de l’enfant. Centre de référence syndrome néphrotique idiopathique; 2016, https://www.has-sante.fr/portail/jcms/ c_2628561/fr/syndrome-nephrotique-idiopathique-de-l-enfant. [10] Asami T, Hayakawa H, Ohkawa K, et al. Hypercholesterolemia and glomerular diseases in urinary screening of school children. Pediatr Nephrol 1999;13:125–8. [11] Fakhouri F, Bocquet N, Taupin P, et al. Steroid-sensitive nephrotic syndrome: from childhood to adulthood. Am J Kidney Dis 2003;41:550–7. [12] Ding WY, Koziell A, McCarthy HJ, et al. Initial steroid sensitivity in children with steroid-resistant nephrotic syndrome predicts posttransplant recurrence. J Am Soc Nephrol 2014;25:1342–8.