Aspects diagnostiques et thérapeutiques actuels des cancers thyroïdiens

Aspects diagnostiques et thérapeutiques actuels des cancers thyroïdiens

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Presse Med. 2009; 38: 210–219 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits r...

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en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Presse Med. 2009; 38: 210–219 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mise au point

Endocrinologie/ Cance´ rologie

Aspects diagnostiques et thérapeutiques actuels des cancers thyroïdiens Christine Do Cao, Jean-Louis Wémeau

Service d’endocrinologie, Clinique endocrinologique Marc Linquette, CHRU de Lille, F-59037 Lille Cedex, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 14 janvier 2009

Christine Do Cao, Service d’endocrinologie, Clinique endocrinologique Marc Linquette, 6 rue du Pr Laguesse, F-59037 Lille Cedex, France. [email protected]

Key points Current management of thyroid malignancies Approximately 5000 new cases of thyroid cancer are diagnosed each year in France. These cancers affect mainly people who are middle-aged or older, and predominantly women. The principal varieties are papillary and follicular, far ahead of medullary and anaplastic cancers and thyroid lymphomas. Most patients have forms that are histologically well differentiated, develop slowly and can be cured. Their management must be multidisciplinary for it requires competence in surgery, pathology, nuclear medicine and endocrinology.

Épidémiologie

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Selon les dernières estimations épidémiologiques, les cancers de la thyroïde représentent près 4 % de l’ensemble des cancers diagnostiqués en France, se situent au 15e rang des cancers chez l’homme, au 4e rang des cancers chez la femme [1]. Environ 5 000 nouveaux cas de cancers thyroïdiens sont reconnus en France chaque année, trois fois plus souvent chez la femme que chez l’homme. Leur incidence est en augmenta-

Points essentiels Environ 5 000 nouveaux cas de cancers thyroïdiens sont diagnostiqués chaque année en France. Ces cancers affectent principalement les sujets d’âge moyen ou plus âgés, avec une large prépondérance féminine. Les variétés principales sont les cancers papillaires et vésiculaires, devançant largement les cancers médullaires, anaplasiques et les lymphomes thyroïdiens. La majeure partie des malades développe des formes histologiques bien différenciées d’évolution lente et peut bénéficier de traitements curateurs. Leur prise en charge implique une pluridisciplinarité de compétences en chirurgie, en pathologie, en médecine nucléaire et en endocrinologie.

tion dans tous les pays développés [2]. Les principales raisons de cette hausse d’incidence, outre le vieillissement de la population, sont l’amélioration des outils de surveillance des nodules thyroïdiens, l’élargissement des indications de thyroïdectomie totale et l’optimisation des techniques histopathologiques qui permettent de diagnostiquer des tumeurs de taille millimétrique. Ces cancers de rencontre correspondent en général à une forme histologique d’excellent pronostic, le microcarcinome papillaire. Dans l’ensemble, le pronostic de tome 38 > n82 > février 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2008.05.018

Aspects diagnostiques et thérapeutiques actuels des cancers thyroïdiens

ces cancers est très favorable puisque les survies à 5 ans et 10 ans sont respectivement de 94 % et de 90 %. La mortalité par cancer thyroïdien est faible, de l’ordre de 400 décès par an en France. Elle n’a pas été modifiée par la meilleure reconnaissance de ces tumeurs [3]. Les cancers de la thyroïde développés à partir des cellules thyroïdiennes folliculaires représentent plus de 85 % des tumeurs malignes de la thyroïde. Ce groupe est essentiellement représenté par les formes différenciées (85 %) rassemblant le cancer papillaire (80 %) et le cancer vésiculaire (20 %), tous deux d’évolution lente et d’excellent pronostic. Des cancers vésiculaires moyennement ou peu différenciés peuvent survenir dans 10 % à 15 % des cas de cancers de souche folliculaire et ont un comportement histologique plus agressif. On décrit à l’extrême des formes dédifférenciées ou anaplasiques (2 %), apparaissant chez des sujets âgés, d’évolution rapidement péjorative. Le seul facteur de risque reconnu est l’irradiation de la thyroïde, surtout avant l’âge de 15 ans. Les études épidémiologiques et la surveillance sanitaire réalisée en France après l’explosion de la centrale de Tchernobyl en 1986 n’ont pas mis en évidence de lien de causalité entre l’accident nucléaire et l’incidence des cancers de la thyroïde. L’augmentation régulière du nombre de cancers thyroïdiens depuis plusieurs décennies constatée en France comme dans tous les pays occidentaux est attribuée à une amélioration des pratiques diagnostiques [4]. Les cancers médullaires développés à partir de cellules parafolliculaires thyroïdiennes (ou cellules C) représentent 5 % à 8 % des tumeurs thyroïdiennes. On peut les dépister par le dosage de la calcitonine et par une enquête rigoureuse dans les familles porteuses d’une prédisposition génétique. Les autres formes rares de cancers sont les lymphomes thyroïdiens (ils compliquent l’évolution d’environ 1 % des cas de thyroïdite de Hashimoto), les sarcomes de la thyroïde, les angiomes, neurinomes et paragangliomes, les localisations

Encadre´ 1 Varie´te´s histopathologiques des cancers thyroı¨diens (d’apre`s la classification histologique des tumeurs des organes endocrinesOMS 2004) Cancer papillaire Forme typique Autres variétés - microcancer papillaire - cancer papillaire à forme vésiculaire

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Endocrinologie/Cance´ rologie

- cancer papillaire sclérosant diffus - cancer papillaire à cellules hautes ou cylindriques - cancer papillaire à cellules oncocytaires Cancer vésiculaire Forme typique - à invasion minime - largement invasive Autres variétés - à cellules claires - à cellules oncocytaires Cancer peu differencié Cancer anaplasique À cellules fusiformes À cellules polygonales À cellules géantes Cancer médullaire Forme sporadique et familiale Formes mixtes : papillovésiculaire et médullaire Autres Lymphomes - lymphome primitif, plasmocytome - lymphome de type MALT - lymphome généralisé Cancer épidermoïde et muco-épidermoïde (épithélioma d’Herrenschmidt) Fibrosarcome Tératome Paragangliome Métastases intrathyroïdiennes

Glossaire Antigène carcino-embryonnaire Cancer médullaire thyroïdien familial Fluoro-déoxyglucose Imagerie par résonance magnétique Néoplasie endocrinienne multiple de type 2a NEM-2b Néoplasie endocrinienne multiple de type 2b TEP Tomographie à émission de positons TEP- FDG Tomographie à émission de positons au fluoro-déoxyglucose Tg Thyroglobuline TDM Tomodensitométrie

tome 38 > n82 > février 2009

thyroïdiennes de cancers d’organe en diffusion métastatique (encadré 1) [5].

Cancers thyroïdiens de souche folliculaire Définition Les cancers thyroïdiens de souche folliculaire se développent à partir des thyréocytes et prennent la forme de cancers papillaires (80 %) ou de cancers vésiculaires (20 %).

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ACE F-CMT FDG IRM NEM-2a

C Do Cao, J-L Wémeau

Histologie

Tableau I

Cancer papillaire Le cancer papillaire est reconnu à l’examen histopathologique par un aspect caractéristique du noyau des cellules tumorales. Parfois, le diagnostic peut être suggéré en amont du traitement chirurgical devant des présentations échographiques et cytologiques évocatrices : foyers de microcalcifications au sein d’un nodule hypo-échogène mal délimité, adénopathie kystique, anomalies nucléaires typiques à l’examen cytologique. Un facteur de risque admis est l’exposition à des radiations ionisantes dans l’enfance. L’âge moyen de survenue du cancer papillaire est de 45 ans. Il est volontiers multifocal, lymphophile et peut donner des adénopathies cervicales voire médiastinales dans 15-80 % des cas. Toutefois, la présence d’un envahissement ganglionnaire au diagnostic ne modifie pas la survie globale mais peut augmenter le risque ultérieur de rechute locale. Des métastases pulmonaires sous la forme de miliaires ou de micronodules surviennent dans 5 à 10 % des cas. Le microcancer papillaire de la thyroïde, défini par un carcinome papillaire mesurant moins de 10 mm, a un potentiel évolutif très faible. Les études autopsiques ont révélé chez l’adulte une prévalence de ces cancers occultes de 3 à 36 %, fonction des critères anatomopathologiques et des populations étudiées. A contrario, une agressivité tumorale supérieure est décrite dans les formes histologiques suivantes : les cancers papillaires oxyphiles, les cancers à papillaires à cellules hautes, les cancers papillaires sclérosants diffus.

Classification TNM des cancers de la thyroïde (OMS 2002)

Cancer vésiculaire Le cancer vésiculaire se distingue de l’adénome folliculaire par la mise en évidence à l’étude histologique de critères d’agressivité de la tumeur vis-à-vis de la capsule tumorale ou des vaisseaux intrathyroïdiens. Ces critères (présence d’une invasion capsulaire et/ou d’emboles vasculaires) ne peuvent pas être appréciés à l’examen cytologique d’où les difficultés pour étayer le diagnostic de malignité des lésions folliculaires thyroïdiennes en préopératoire. Le degré d’angio-invasion local est d’ailleurs un élément pronostique clé et a entraîné la distinction des formes à invasion minime des formes franchement invasives. Ce cancer survient plus tard, vers l’âge de 50 ans en moyenne. La diffusion de la maladie se fait plus volontiers par voie hématogène (métastases pulmonaires, osseuses, cérébrales) que par voie lymphatique. Certaines variétés histologiques sont de moins bon pronostic : les cancers vésiculaires moyennement ou peu différenciés, les cancers oncocytaires ou oxyphiles, les cancers insulaires. . .

Facteurs pronostiques et survie

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Les principaux facteurs de mauvais pronostic sont l’âge au diagnostic supérieur à 45 ans, la taille tumorale de plus de 4–5 cm et notamment l’extension extrathyroïdienne, une histologie moins différenciée, la présence de métastases,

T

pT1

Tumeur < 2 cm

pT2

Tumeur 2–4 cm

pT3

Tumeur > 4 cm ou invasion extrathyroïdienne minime (muscle, tissu adipeux périthyroïdien)

pT4

pT4a : invasion macroscopique : tissu adipeux, larynx, trachée, oesophage, nerf laryngé pT4b : invasion du fascia prévertébral, des carotides, des vaisseaux du médiastin

N

M

R

pN1a

Envahissement ganglionnaire du niveau VI (ganglions prétrachéaux paratrachéaux, prélaryngés)

pN1b

Autres envahissements ganglionnaires (latéro-cervical et /ou médiastin)

M0

Absence de métastases à distance

M1

Présence de métastases à distance

Rx

Résidu tumoral inconnu

R0

Pas de résidu tumoral

R1

Résidu tumoral microscopique

R2

Résidu tumoral macroscopique

le captage du fluoro-déoxyglucose (FDG) en tomographie à émission de positons (TEP). Ces paramètres conditionnent le pronostic de la maladie ainsi que les stratégies de traitement ou de surveillance. Dans le consensus de prise en charge des cancers thyroïdiens de souche vésiculaire, établi par les experts européens réunis en 2006, trois niveaux de risque sont établis selon le TNM initial (tableau I) [6,7] :  groupe a ` tre`s faible risque de rechute (tumeur de moins de 1 cm, unifocale, N0M0) ;  groupe a ` faible risque de rechute (T1 > 1 cm a` T2 N0M0) ;  groupe a ` haut risque de rechute (T3-T4 ou N1 ou M1) et histologies de´favorables. Les recommandations thérapeutiques et les modalités de surveillance sont déclinées selon l’appartenance du malade à l’un de ces trois groupes pronostiques. Les personnes atteintes de cancers papillaires ou vésiculaires bien différenciés ont une survie à 10 ans de plus de 90 % et une mortalité spécifique liée au cancer thyroïdien de d’ordre de 1–2 %. Cependant, des rechutes tardives peuvent être observées imposant un suivi prolongé pendant 10 à 30 ans. Les patients à très faible risque ont une survie identique à celle de la population générale. Les patients à faible risque, mis en rémission après avoir reçu une dose ablative d’iode 131, ont un risque de rechute inférieur à 1 % à 10 ans. Les patients les plus exposés à une évolution péjorative cumulent souvent les facteurs défavorables : sujets âgés, cancers vésiculaires tome 38 > n82 > février 2009

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Classification des cancers de la thyroïde en stades selon l’American joint committee on cancer (AJCC) < 45 ans

 45 ans

Stade I

M0

T1, N0, M0

Stade II

M1

T2, N0, M0

Stade III



T3, N0, M0 T1-3, N1a, M0

Stade IV



T1-3, N1b, M0-1 T4, N0-1, M0-1

invasifs moins bien différenciés, diagnostic tardif à un stade localement évolué voire métastatique. Ainsi, la mortalité spécifique du groupe de patients âgés de > 40 ans (H) ou de > 50 ans (F), avec une tumeur extracapsulaire > 5 cm métastatique au diagnostic, est de 36 % à 20 ans. La classification en stades permet de tenir compte en priorité des deux principaux facteurs pronostiques que sont l’âge et la présence de métastases (tableau II) [8].

Circonstances du diagnostic En général, le cancer est diagnostiqué chez un sujet euthyroïdien, asymptomatique. Certains éléments cliniques et paracliniques doivent cependant éveiller l’attention et faire indiquer une ponction des nodules pour étude cytologique ou conduire d’emblée à une décision opératoire :  examen clinique : nodule solitaire chez un homme, consistance ferme ou indure´e, contours irre´guliers, caracte`re douloureux, tume´faction fixe´e aux plans profonds, ade´nopathie(s) cervicale(s) palpable(s), dysphonie par paralysie re´currentielle, croissance rapide d’un nodule tissulaire ;  examen e ´ chographique et/ou ponction cytologique : nodule hypoe´choge`ne, de contours flous, vascularisation intranodulaire, microcalcifications, ade´nopathies homolate´rales au nodule suspect, cytologie suspecte ou affirmant la malignite´. La plupart des cancers papillaires de petite taille sont des découvertes fortuites de l’examen histologique à l’occasion d’une thyroïdectomie totale pour goitre multinodulaire normofonctionnel ou goitre hyperfonctionnel. Plus rarement une lésion thyroïdienne primitive peut être évoquée dans un contexte de maladie métastatique à point de départ inconnu. Les circonstances du diagnostic sont alors : une thyroglobuline (Tg) sérique considérablement élevée (> 1 500 ng/mL), un examen histologique et un profil immunohistochimique évocateurs à partir de biopsies de métastases pulmonaires, ganglionnaires, osseuses, ou de fractures pathologiques opérées. tome 38 > n82 > février 2009

Traitement des cancers thyroïdiens différenciés [6,9–11] Chirurgie Les objectifs du traitement chirurgical sont :  de re ´ se´quer la tumeur et d’explorer les ganglions ;  d’assimiler le malade a ` un groupe pronostique donne´ selon la classification TNM et les constatations pathologiques ;  d’enlever le maximum de tissu thyroı¨dien en pre ´ servant les parathyroı¨des pour permettre au traitement radio-ablatif a` l’iode 131 d’eˆtre efficace. Le geste chirurgical recommandé de principe est une thyroïdectomie totale, associée au curage ganglionnaire du compartiment central lorsque le cancer a été suspecté avant l’intervention ou en peropératoire à l’étude extemporanée. Certaines équipes pratiquent également un prélèvement ganglionnaire des compartiments latéraux, le long des axes jugulocarotidiens, pour réaliser un curage complet si l’analyse extemporanée indique un envahissement ganglionnaire à ce niveau. Néanmoins, aucun geste ganglionnaire n’est effectué si le cancer est découvert incidemment sur la pièce de thyroïdectomie. Il n’est pas utile de réopérer dans le seul but d’évaluer le statut ganglionnaire. Le traitement radio-isotopique à venir et les échographies de surveillance ultérieures permettent de s’assurer de l’absence d’adénopathies ou de discuter d’une deuxième cervicotomie si un envahissement ganglionnaire est éventuellement mis en évidence. Lorsqu’une chirurgie thyroïdienne partielle a permis le diagnostic d’un cancer de moins de 10 mm, ou un cancer mesurant entre 10 et 20 mm avec un lobe thyroïdien résiduel homogène à l’examen échographique, il n’est pas nécessaire de réopérer pour enlever la totalité de la thyroïde si une surveillance prolongée peut être mise en place. Les complications spécifiques à la chirurgie thyroïdienne sont l’hypocalcémie par dévascularisation ou exérèse parathyroïdienne et la dysphonie par lésion du nerf récurrent. Le risque de survenue de ces deux atteintes varie de 1 à 5 % suivant l’expertise des équipes chirurgicales et la difficulté opératoire prévisible selon l’indication opératoire. Dans la période postopératoire précoce, des altérations vocales momentanées liées à l’intubation et une hypocalcémie transitoire nécessitant un apport calcique pendant quelques jours ou semaines sont plus fréquemment observées. Traitement radiométabolique par l’iode 131 après la chirurgie Le traitement radiométabolique vient en complément de la thyroïdectomie totale. Il a plusieurs buts : détruire tout tissu thyroïdien résiduel pour octroyer à la Tg la valeur de marqueur tumoral, traiter d’éventuels foyers tumoraux micro ou macroscopiques, réaliser le bilan d’extension par une cartographie corps entier des éventuels foyers captant l’iode.

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Tableau II

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Ce traitement est administré sous la forme d’une gélule d’iode 131 (activité de 30 à 100 mCi = 3,7 GBq) à ingérer en une fois chez un patient en hypothyroïdie clinique (TSH > 30 mU/L) ou ayant reçu deux injections intramusculaires de TSH recombinante humaine exogène (rhTSH, thyrotropine alfa, ThyrogenW) à 24 heures d’intervalle. En effet, l’élévation de la TSH augmente l’expression membranaire de la protéine responsable du transfert intracellulaire de l’iodure et favorise ainsi le captage sélectif de l’iode par les cellules thyroïdiennes saines et tumorales. L’iode 131 émet alors un rayonnement qui détruit sur un parcours de 1 à 2 mm le tissu avoisinant. L’hospitalisation en chambre protégée est nécessaire pendant 3 à 5 jours selon les pratiques de chaque centre de médecine nucléaire. Pour ne pas compromettre l’efficacité de l’iode 131, il faudra éviter une contamination par d’autres composants iodés en amont du traitement (amiodarone, agents de contraste iodés, antiseptiques iodés). Le choix des modalités de stimulation de la TSH dépend du centre, de l’état général du malade et du stade du cancer. Pour obtenir une élévation de la TSH endogène à plus de 30 mU/L, il faut interrompre pendant 3 à 4 semaines la substitution par lévothyroxine ce qui implique une période d’hypothyroïdie iatrogène parfois pénible à vivre pour les patients. L’utilisation de la rhTSH en alternative au sevrage des hormones thyroïdiennes est possible chez les patients à faible risque. Le coût de ce progrès thérapeutique est à confronter à l’économie des arrêts de travail et au bénéfice en termes de qualité de vie pour le malade. Une imagerie scintigraphique du corps entier est réalisée 3 à 7 jours après l’ingestion de la gélule d’iode. L’image scintigraphique post-thérapeutique permet de visualiser une fixation cervicale antérieure correspondant au reliquat thyroïdien sain captant l’iode qui sera détruit ultérieurement. L’intensité de la fixation du lit thyroïdien est corrélée au volume du résidu à traiter. Si la palpation cervicale et l’échographie montrent un reliquat thyroïdien postopératoire important, plusieurs traitements utilisant des activités plus faibles d’iode 131 (30 mCi) sont parfois nécessaires pour éviter une réaction inflammatoire cervicale. Dans la grande majorité des cas, la thyroïdectomie totale a été curative. Le traitement radiométabolique permet de vérifier l’absence de fixation anormale de l’iode en dehors du lit thyroïdien et de se fonder sur le dosage de la Tg, une fois le reliquat thyroïdien normal détruit, pour asseoir la surveillance carcinologique à long terme et affirmer l’état de rémission. En cas de maladie résiduelle, l’administration de l’iode permet d’une part, une cartographie des différentes localisations tumorales avant de préciser ces atteintes par des moyens d’imagerie adaptés (échographie, tomodensitométrie [TDM], radiographies centrées, scintigraphie osseuse, imagerie par résonance magnétique [IRM] du squelette axial) et, d’autre part, d’indiquer la poursuite du traitement par des doses itératives d’iode 131 si le degré de fixation de l’iode apparait suffisant.

Cependant, lorsque ce bilan isotopique décèle une ou plusieurs adénopathies cervicomédiastinales persistantes, ces dernières doivent faire l’objet d’une exérèse chirurgicale. Les effets secondaires de la radiothérapie métabolique interne sont transitoires et d’intensité modérée : nausées, parotidite, modification du goût, rarement xérostomie, oedème cervical si le reliquat est volumineux. Une hydratation abondante est conseillée, la réaction oedémateuse cervicale répond à une corticothérapie orale courte. Le traitement radio-métabolique est contre-indiqué en cas de grossesse. Le respect des mesures de radioprotection, expliquées au malade, est essentiel. Il doit éviter en particulier le contact de femmes enceintes ou de très jeunes enfants pendant les quelques premiers jours. Traitement hormonal substitutif et frénateur Le cancer thyroïdien différencié est hormonodépendant et sa croissance peut être stimulée par des taux élevés de TSH. Une hormonothérapie thyroïdienne est toujours nécessaire chez les patients opérés d’un cancer de la thyroïde et doit être adaptée aux facteurs pronostiques du cancer, à l’étendue du traitement chirurgical initial, à l’ancienneté du suivi, au terrain cardiaque et au statut osseux du malade. La lévothyroxine ou LT4 (LévothyroxW ou L-ThyroxineW en gouttes) est le traitement de référence car elle permet, par sa longue demi-vie, une libération continue et stable de la LT3, principal dérivé actif des hormones thyroïdiennes. Toutefois, la LT3 de synthèse (CynomelW) peut être utilisée en relais de la LT4 en fin de procédure de sevrage hormonal pour limiter la durée de l’hypothyroïde iatrogène. Les doses de lévothyroxine requises varient entre 1,2 à 2,8 mg/ kg/j en fonction de l’âge des patients (les besoins diminuent avec l’âge) et du degré de suppression souhaité de la TSH qui doit être d’autant plus basse que le pronostic est défavorable. Au décours de la chirurgie, la TSH doit être comprise entre 0,1 et 0,5 mU/L en cas de cancer de bon pronostic et à une valeur inférieure ou égale à 0,1 mU/L dans les autres cas. Dans les situations requérant une frénation appuyée de la TSH, le dosage des hormones thyroïdiennes libres permet de mieux ajuster la posologie de lévothyroxine. La T4 libre doit être à la limite supérieure de la normale et la T3 libre normale pour éviter d’induire une thyrotoxicose iatrogène. Les valeurs cibles de la TSH sont réajustées au cours du suivi, notamment après le contrôle carcinologique réalisé à 6-12 mois qui permet de différencier les malades en rémission qui sont à faible risque de rechute (objectif de TSH entre 0,3-2 mU/L) et à fort risque de récidive (objectif de TSH entre 0,1-0,5 mU/L), des malades non guéris (objectif de TSH < 0,1 mU/L). Traitement des récidives et des métastases Les rechutes locales peuvent concerner la loge thyroïdienne, les ganglions cervicaux voire médiastinaux, parfois l’axe trachéal. Les métastases à distance intéressent prioritairement le tome 38 > n82 > février 2009

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Surveillance [12] Surveillance clinique Elle comporte une palpation attentive du cou pour dépister une récidive dans la loge de thyroïdectomie ou la présence d’adénopathies cervicales et l’évaluation de la tolérance du traitement hormonal freinateur, surtout au plan cardiaque. Un traitement b-bloqueur peut s’avérer utile. Surveillance biologique La surveillance biologique est basée tous les 6 à 12 mois sur la mesure de la TSH, de la Tg, validée par la recherche des anticorps antithyroglobuline (qui peuvent être une source d’interférence dans le dosage et minorer la concentration de Tg). La concentration de Tg est un reflet du volume de tissu thyroïdien résiduel et de la différenciation de ce tissu. Il est influencé par la stimulation fonctionnelle TSH-dépendante des cellules thyroïdiennes. Après thyroïdectomie totale et radioablation à l’iode 131, la Tg doit devenir indétectable. L’élévation de la TSH obtenue par sevrage du traitement hormonal ou par stimulation exogène (administration de TSH recombinante humaine injectable) permet d’améliorer la sensibilité du dosage de Tg. Le seuil de positivité de la Tg au-delà duquel une maladie résiduelle doit être suspectée, diffère selon les trousses de dosage utilisées, ce seuil est ordinairement de l’ordre de 1 ng/mL. Quand la concentration de Tg est élevée, sa surveillance doit être assurée dans le même laboratoire. Il faut tenir compte à la fois de sa valeur brute, de sa tendance évolutive et de la différenciation tumorale pour présumer du site de progression de la maladie et organiser la prise en charge diagnostique et thérapeutique. tome 38 > n82 > février 2009

Échographie cervicale L’échographie cervicale est le prolongement de la palpation clinique. C’est un examen essentiel dans la surveillance des cancers thyroïdiens opérés. Il permet de repérer les rechutes locales dans le lit de thyroïdectomie et les ganglions pathologiques. Une cytoponction échoguidée capable de cibler des lésions centimétriques, peut apporter la preuve d’une maladie persistante par l’examen cytologique des étalements cellulaires et le dosage de Tg dans le liquide de rinçage de l’aiguille de ponction. La première échographie est réalisée 6 à 12 mois après la chirurgie thyroïdienne. Elle est indispensable en cas d’élévation de la Tg. Si la Tg est normale, l’échographie peut être ou non renouvelée selon les risques individuels de rechute. Scintigraphie à l’iode 131 Elle figurait parmi les examens clé de la surveillance du cancer thyroïdien mais a été supplantée par la combinaison de l’échographie cervicale et du dosage de la Tg sous stimulation par la rhTSH. Elle conserve un intérêt chez les malades à risque élevé de rechute ou en cas d’ascension de la Tg mais dans ce cas, l’activité d’iode 131 administrée est forte (100 mCi) pour augmenter la sensibilité diagnostique, et apporter dans le même temps un bénéfice thérapeutique. Certains centres de médecine nucléaire conservent le principe d’une scintigraphie diagnostique corps entier utilisant une faible activité d’iode 131 (2-5 mCi) réalisée à distance du traitement radioablatif, sous stimulation par la TSH. Cet examen n’est plus indispensable et a été déclaré obsolète par les récentes conférences de consensus d’experts. Cependant, dans les régions où la prise en charge du cancer thyroïdien est dispersée et hétérogène, cette étape permet de systématiser le suivi des malades dans une structure spécialisée, de vérifier visuellement l’absence de fixation résiduelle de l’iode, de contrôler la normalité du marqueur tumoral avant de mettre en place le suivi médical ambulatoire. Autres examens La tomodensitométrie cervicothoracique, la scintigraphie osseuse, l’IRM du squelette axial, les radiographies standard du rachis et des os longs, la TEP-FDG, plus rarement la tomodensitométrie hépatique et cérébrale sont discutées :  en cas d’e ´ le´vation de la Tg sans foyer visible sur la scintigraphie a` l’iode ;  en cas de maladie me ´ tastatique connue pour identifier de nouveaux foyers tumoraux ;  dans les formes de cancer moins diffe ´ rencie´s a` risque de rechute e´leve´ produisant peu de Tg. Schéma de surveillance Les critères de rémission pour les cancers de la thyroïde différenciés traités par chirurgie et radioablation à l’iode 131 sont :

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parenchyme pulmonaire sous la forme de miliaire ou de nodules, le squelette axial et les os longs, plus rarement le parenchyme cérébral et hépatique. Les récidives locorégionales peuvent bénéficier d’un nouveau traitement chirurgical dans 60 % des cas. Une réintervention augmente cependant le risque de survenue d’hypoparathyroïdie et de lésion récurrentielle. Une radiothérapie externe cervicale ou cervicomédiastinale est à envisager en cas de résidu tumoral inextirpable, ne captant pas l’iode et visible en TEP-FDG. Les métastases pulmonaires peuvent continuer à répondre au traitement radiométabolique à l’iode 131 dans 30 à 50 % des cas, surtout quand elles surviennent chez des sujets jeunes avec un faible volume tumoral à traiter. D’autres approches thérapeutiques sont discutées au cas par cas : irradiation externe à but antalgique ou de contrôle tumoral, métastasectomie pulmonaire ou osseuse, chirurgie de stabilisation vertébrale, cimentoplastie, chimiothérapie, inclusion dans des essais thérapeutiques. Ces stratégies doivent être débattues en réunion de concertation pluridisciplinaire.

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Figure 1 Algorithme de surveillance des patients opérés de cancers thyroïdiens différenciés de bon pronostic (consensus français 2007)

un taux de Tg stimule´e sous le seuil de de´tection de la me´thode de dosage utilise´e ;  une scintigraphie postthe ´ rapeutique sans foyer anormal de fixation ;  une palpation et une e ´ chographie cervicale normales. La surveillance, maintenue à vie, est progressivement espacée et modulée pour chaque malade selon son groupe pronostique d’appartenance. Le schéma de surveillance issu du consensus français 2007 sur la prise en charge des cancers thyroïdiens est rapporté sur la figure 1. 

Cancers indifférenciés ou anaplasiques [13,14] Définition

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Ils représentent 2 % des cancers thyroïdiens et surviennent dans une population plus âgée. Le pic de fréquence est observé dans la 7e décennie. La plupart des cancers anaplasiques proviennent de la dédifférenciation d’un cancer thyroïdien

papillaire ou vésiculaire méconnu chez des patients porteurs d’anciens goitres. Certains cas de cancers anaplasiques peuvent toutefois se développer chez des sujets sans pathologie thyroïdienne préexistante. Le diagnostic est affirmé par l’étude cytologique ou la biopsie chirurgicale qui montre la présence de cellules géantes, fusiformes, indifférenciées, détruisant les structures thyroïdiennes et envahissant les muscles et les organes périthyroïdiens. Ces tumeurs très peu différenciées ne sont pas capables de produire de la Tg, ne captent pas l’iode radioactif et ne répondent pas au traitement frénateur par l’hormone thyroïdienne.

Clinique Le cancer anaplasique se manifeste typiquement par l’apparition en quelques semaines d’une masse cervicale antérieure développée aux dépens d’un lobe thyroïdien, indurée, parfois douloureuse, adhérente aux plans musculaires et viscéraux. Des adénopathies sont fréquentes. Le patient peut se plaindre d’un enrouement de la voix, d’une dysphagie d’aggravation progressive, puis de toux productive, de dyspnée inspiratoire et tome 38 > n82 > février 2009

Aspects diagnostiques et thérapeutiques actuels des cancers thyroïdiens

Prise en charge Elle est urgente. À l’heure actuelle, seuls les patients pris en charge à un stade localisé peuvent espérer un bénéfice du traitement sur leur survie. Le bilan d’extension comprend une TDM cervicothoracoabdominale, un examen ORL à la recherche d’une paralysie laryngée qui peut être non symptomatique. Des métastases sont présentes au moment du diagnostic dans 20 à 50 % des cas et se développent d’abord à l’étage thoracique. Les cancers anaplasiques relèvent de traitements lourds par chimiothérapie à base de doxorubicine, radiothérapie externe cervicale accélérée et hyperfractionnée, éventuellement associés à une chirurgie thyroïdienne. Ces traitements combinés ont amélioré le contrôle de la tumeur cervicale sans éviter le développement des métastases. L’envahissement locorégional et la compression viscérale constituent la difficulté thérapeutique majeure. Si les conditions anatomiques ne permettent pas la mise en place d’endoprothèse trachéale ou oesophagienne, l’éventualité d’une trachéotomie souvent transtumorale, ou d’une alimentation par gastrostomie doit être soulevée.

Pronostic des cancers anaplasiques Le pronostic est sombre. Le taux de mortalité à 1 an est de 80 %. La survie médiane est de 4 à 9 mois. Le confort de vie du malade doit être autant que possible privilégié.

Cancers médullaires de la thyroïde [15,16] Définition Les cancers médullaires de la thyroïde représentent 5 à 8 % des cancers thyroïdiens. Ils sont développés à partir de cellules parafolliculaires (ou cellules C), qui sont des cellules d’origine endocrine ayant la capacité de sécréter des peptides hormonaux, en particulier la calcitonine. On décrit des présentations sporadiques (75 %) et des présentations familiales génétiquement déterminées (25 %) et transmises sur le mode dominant autosomique. Ces formes familiales sont liées à des mutations germinales du gène RET donnant lieu à trois types d’association syndromique, mais l’expression des atteintes et l’âge de leur survenue est variable au sein d’une même famille [17] :  cancer me ´ dullaire thyroı¨dien familial (F-CMT) : le cancer me´dullaire thyroı¨dien est isole´ ;  ne ´ oplasie endocrinienne multiple de type 2a (NEM-2a) : association d’un cancer me´dullaire de la thyroı¨de, d’un phe´ochromocytome et/ou d’une hyperparathyroı¨die ;  ne ´ oplasie endocrinienne multiple de type 2b (NEM-2b) : association d’un cancer me´dullaire de la thyroı¨de, d’une tome 38 > n82 > février 2009

neuromatose cutane´omuqueuse, d’une dysmorphie de Marfan, d’un phe´ochromocytome et/ou d’une hyperparathyroı¨die. La survie à 10 ans des patients atteints de cancer médullaire de la thyroïde est de 65 %. Les facteurs de moins bon pronostic sont l’âge, le sexe masculin, l’extension initiale de la tumeur (taille, invasion locale, adénopathies, métastases).

Histologie Le cancer médullaire se présente comme une tumeur de taille variable, localisée à la jonction des tiers supérieur et moyen des lobes thyroïdiens, en raison de la distribution topographique des cellules C. Les cellules sont rondes ou polyédriques, le stroma tumoral comporte de la substance hyaline et amyloïde. Il existe une immunoréactivité pour la calcitonine et l’antigène carcino-embryonnaire (ACE). Une hyperplasie des cellules C est constante dans les cas de cancers médullaires familiaux. C’est un cancer lymphophile (où l’extension ganglionnaire peut être observée pour des tumeurs de 5 mm), mais qui possède aussi une haute propension aux diffusions métastatiques par voie hématogène [5].

Circonstances du diagnostic Le mode de présentation peut être un nodule thyroïdien unique localisé dans la moitié supérieure des lobes thyroïdiens, bien limité ou invasif, très souvent hypo-échogène. Le diagnostic de cancer médullaire est possible par le dosage systématique de la calcitonine dans le bilan initial de nodules thyroïdiens significatifs ou à l’occasion du bilan préopératoire des goitres. Dans près de la moitié des cas, une extension ganglionnaire locorégionale est présente au moment du diagnostic. La révélation du cancer médullaire thyroïdien par un syndrome sécrétoire est plus rare et peut associer des diarrhées motrices, des manifestations vasomotrices, un syndrome de Cushing. Ces formes sont liées à la production paranéoplasique de calcitonine, sérotonine, VIP, ACTH. . . Il s’agit alors en général de formes métastatiques évoluées.

Examens Le diagnostic peut être suggéré par l’examen cytologique du produit de ponction du nodule tumoral et par le dosage de la calcitonine sérique réalisé en base et après stimulation par la pentagastrine (PentagastrinW, PeptavlonW). La calcitonine sérique est un marqueur biologique sensible et spécifique du cancer médullaire de la thyroïde, dont la concentration est corrélée au volume tumoral. L’interprétation de la concentration de calcitonine à l’échelon individuel doit tenir compte des circonstances où une hyperplasie bénigne des cellules C peut être observée. L’ACE est un marqueur moins fiable. Le bilan d’extension doit comprendre une échographie cervicale pour établir l’extension ganglionnaire, une TDM thoracique et abdominale. La recherche d’une hyperparathyroïdie ou d’un phéochromocytome concomitants repose sur les dosages de

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de cornage. Des signes généraux tels qu’une fébricule au long cours, une altération de l’état général avec anorexie, amaigrissement, asthénie peuvent s’installer.

Mise au point

Endocrinologie/Cance´ rologie

C Do Cao, J-L Wémeau

calcémie, de phosphorémie, de parathormone, de métanéphrines sériques et urinaires, de chromogranine A.

biologique annuel de dépistage du phéochromocytome et de l’hyperparathyroïde primaire.

Traitements

Lymphomes thyroïdiens [18]

Si un phéochromocytome est découvert, il doit être opéré en premier. Le traitement chirurgical du cancer médullaire de la thyroïde consiste en une thyroïdectomie totale associée à un curage récurrentiel bilatéral, éventuellement complété de curages jugulocarotidiens en fonction de l’envahissement ganglionnaire. L’irradiation cervicomédiastinale est proposée dans certains cas d’évolution locorégionale non accessibles à un nouveau traitement chirurgical. La radiothérapie externe reste encore le traitement majeur des métastases osseuses symptomatiques à visée antalgique mais aussi antitumorale. La chimiothérapie intraveineuse fait appel à la dacarbazine (DeticeneW), au 5 fluoro-uracile, à la streptozocine (ZanosarW) pour des malades en progression métastatique rapide avec cependant une efficacité médiocre. Des essais cliniques récents ont testé l’intérêt de molécules inhibant spécifiquement l’activité tyrosine kinase de l’oncogène RET chez des patients présentant des formes familiales et sporadiques de cancers médullaires avec des résultats très engageants. Ces inhibiteurs de tyrosine kinase ont l’avantage de pouvoir être administrés par voie orale.

Les lymphomes thyroïdiens représentent 2 à 3 % des tumeurs thyroïdiennes. Il peut s’agir d’un lymphome primitif de la thyroïde ou d’une localisation thyroïdienne d’un lymphome généralisé. Les lymphomes thyroïdiens primitifs sont souvent des lymphomes à grandes cellules de type B ou des lymphomes MALT. Ils surviennent chez des sujets âgés (âge moyen 70 ans), avec une prédominance féminine (3/1). Le foyer de lymphome peut se présenter comme une tuméfaction nodulaire sensible, évolutive, douloureuse, très hypoéchogène et hypervasculaire au sein d’un parenchyme thyroïdien remanié par une thyroïdite chronique marquée. Le diagnostic peut être suggéré par la ponction cytologique mais doit être confirmé par un prélèvement biopsique pour permettre l’étude des marqueurs immunohistochimiques caractérisant la population lymphoïde. Le traitement dépend des critères histopronostiques du lymphome, de son degré d’extension, de l’état général du patient et peut faire appel à une chimiothérapie orale ou systémique, une irradiation cervicale. Certains cas de lymphome localisés ont pu être guéris par la chirurgie mais le traitement chirurgical n’est pas la règle.

Surveillance La surveillance repose sur le dosage de la calcitonine sérique réalisée au moins 2 mois après la thyroïdectomie puis annuellement. Une concentration de calcitonine inférieure à 10 pg/mL en base et non stimulable après le test à la pentagastrine affirme la rémission. Une élévation persistante de la calcitonine signe une maladie résiduelle. Les interventions thérapeutiques ultérieures sont discutées collégialement en fonction du suivi dynamique des valeurs de calcitonine, couplé au dosage d’ACE et du bilan d’extension radiologique.

Dépistage des formes familiales

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La recherche d’une forme familiale comporte les évaluations suivantes : arbre généalogique, recherche d’antécédents de mort subite, de lithiases calciques, d’hypertension, de nodules thyroïdiens ou de goitre, recherche d’une dysmorphie, examen dermatologique, dosages de calcémie, PTH, métanéphrines plasmatiques et urinaires, chromogranine A. Tout nouveau cas de cancer médullaire de la thyroïde impose une enquête génétique. On effectue une recherche directe des mutations les plus fréquentes du gène RET par un prélèvement sanguin après information au malade et obtention de son consentement. L’identification des sujets génétiquement à risque de développer la maladie permet de proposer un traitement chirurgical thyroïdien prophylactique et un examen

Autres tumeurs rares Les autres tumeurs rares de la thyroïde sont le sarcome thyroïdien, les métastases thyroïdiennes de cancers solides (rein, bronche, sein. . .) qui peuvent bénéficier de la chirurgie d’exérèse.

Conclusion La prise en charge des patients atteints d’un cancer de la thyroïde de souche folliculaire doit faire considérer deux situations diamétralement opposées. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de tumeurs de très bon pronostic guéries par l’acte chirurgical. Le traitement radioisotopique permet de s’assurer de l’absence de localisations extrathyroïdiennes et surtout de faciliter la surveillance à long terme par le dosage de la Tg sérique. La palpation du cou, l’échographie cervicale et la mesure annuelle de la Tg, couplée à la détermination des anticorps antithyroglobuline et au dosage de la TSH permettent de vérifier l’état de rémission. Le risque de rechute est faible et les récidives peuvent de nouveau être traitées avec efficacité. L’hormonothérapie doit être adaptée aux facteurs pronostiques initiaux et au recul de la surveillance. Il faut éviter chez ces malades d’induire des effets délétères cardiaques ou osseux d’une hormonothérapie trop appuyée ou de multiplier les examens de surveillance. À l’inverse, il faut savoir identifier les malades à risque élevé de rechute et ceux dont la maladie continue à progresser en dépit tome 38 > n82 > février 2009

Aspects diagnostiques et thérapeutiques actuels des cancers thyroïdiens

des traitements isotopiques répétés pour intensifier la surveillance pulmonaire et osseuse, renforcer le traitement frénateur. Les rares cancers peu différenciés ou anaplasiques sont une urgence diagnostique et thérapeutique. Le cancer médullaire de la thyroïde peut être diagnostiqué sur un dosage sérique de la calcitonine, dont l’interprétation de la concentration est toujours à circonstancier. La découverte d’un cancer médullaire doit conduire à une enquête génétique. Elle peut aboutir en cas de résultat positif, à proposer aux membres de la famille porteurs de l’anomalie génétique, une chirurgie thyroïdienne prophylactique et un dépistage précoce des autres atteintes endocriniennes. Les patients présentant des formes localement avancées ou métastatiques de cancers folliculaires ou médullaires de la

thyroïde pourront dans un avenir proche être traités par certains inhibiteurs de tyrosine kinase. Il s’agit d’une nouvelle classe d’agents chimiothérapiques qui connaît un important développement pharmacologique sur le concept d’une approche ciblée des perturbations oncogéniques cellulaires. Les molécules de cette famille actives dans les cancers thyroïdiens agissent principalement par inhibition des voies de signalisation tyrosine kinase dépendante anormalement dérégulées (RET, EGFR, BRAF. . .) ou par effet antiangiogénique. Les essais thérapeutiques actuellement ou récemment menés concernant par exemple le vandetanib ou ZD 6474, le sunitinib (SutentW), et l’axitinib offrent ainsi des perspectives encourageantes [19].

Mise au point

Endocrinologie/Cance´ rologie

Conflits d’intérêts : aucun

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