ou immunosuppresseurs : analyse de neuf cas et revue de la littérature

ou immunosuppresseurs : analyse de neuf cas et revue de la littérature

La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Article original Aspergilloses au cours de maladies systémi...

373KB Sizes 0 Downloads 26 Views

La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Article original

Aspergilloses au cours de maladies systémiques traitées par corticoïdes et/ou immunosuppresseurs : analyse de neuf cas et revue de la littérature Aspergillosis in systemic diseases treated with steroids and/or immunosuppressive drugs: report of 9 cases and literature review K. Stankovica,*, P. Sèvea, A. Hotb, N. Magyc, I. Durieud, C. Broussollea a

Service de médecine interne, Hôtel-Dieu, 1, place de l’Hôpital, 69288 Lyon cedex 02, France b Service de médecine interne, hôpital Édouard-Herriot, 69437 Lyon cedex 03, France c Service de médecine interne et immunologie clinique, CHU Jean-Minjoz, 25030 Besançon cedex, France d Service de médecine interne, centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite, France Reçu le 10 mars 2006 ; accepté le 12 juillet 2006 Disponible sur internet le 24 août 2006

Résumé Propos et méthodes. – Étude rétrospective multicentrique d’aspergilloses au cours de maladies systémiques (MS) traitées par corticoïdes et/ou immunosuppresseurs et revue de la littérature. Résultats. – Neuf patients ont été inclus ; 62,8 ans en moyenne ; maladie de Horton (trois cas), lupus érythémateux disséminé (deux), polymyosite (un), polyangéite microscopique (un), purpura thrombopénique idiopathique (un), polyarthrite rhumatoïde (un). L’aspergillose était survenue 28 mois après le début du traitement de la MS : corticoïdes dans tous les cas, en moyenne 50,8 mg/j ; cyclophosphamide (deux cas) ; méthotrexate (un) ; immunoglobulines intraveineuses puis dapsone (un), leflunomide (un). Les aspergilloses étaient invasives ou pulmonaires chroniques, de localisation pulmonaire (quatre cas) ou cérébrale (un) ou pulmonaire et cérébrale (deux cas). La lymphopénie était marquée, en moyenne 472 lymphocytes/mm3. Le délai au diagnostic était de 20,75 jours dans les formes invasives et de 18,5 mois dans les formes pulmonaires chroniques, obtenu par culture dans sept cas (LBA : quatre, biopsie cérébrale : trois) et à l’examen direct du LBA dans deux cas. La sérologie était positive dans quatre cas. Les traitements reçus étaient : voriconazole (quatre cas), itraconazole (deux), amphotéricine B (un), association caspofungine et voriconazole (un), traitement séquencé par voriconazole et itraconazole (un patient). Six patients ont guéri ; trois patients sont décédés rapidement après le diagnostic. Cinquante-quatre cas publiés dans la littérature sont analysés. Conclusion. – Les signes révélateurs des aspergilloses sont aspécifiques et torpides chez les patients traités par corticoïdes et/ou immunosuppresseurs pour une MS. L’évolution reste sévère mais un traitement spécifique précoce peut permettre une guérison complète. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract This is a multicentric retrospective study of aspergillosis in patients treated by corticosteroids and/or immunosuppressive drugs for systemic diseases and a review of the literature. Nine patients, 5 men and 4 women, mean age of 62.8 years old were included among which Horton’s diseases (3 cases), systemic lupus erythematosus (2), polymyositis (1), microscopic polyangiitis (1), idiopathic thrombocytopenic purpura (1), rheumatoid polyarthritis (1). Aspergillosis occurred in average 28.4 month after the diagnosis of systemic disease, and 28 months after the beginning of its treatment: corticosteroids in all cases, at a dose of 50.8 mg/day (equivalent prednisone) in average, cyclophosphamide (2 cases), methotrexate (1), intravenous immunoglobulins (1), leflunomide (1). All cases were invasive or chronic pulmonary aspergillosis located in the lungs (6 cases), or in the brain (3). Revealing symptoms were mild and non specific. Lymphopenia was severe in most cases, in average 472 lymphocytes/mm3 and 283 CD4+/mm3. The diagnosis was confirmed 20.75 days after the first symptoms in invasive aspergillosis, and 18.5 months in the chronic pulmonary cases, by cultures in 7 cases (broncho-alveolar lavage: 4; cerebral biopsy: 3), and direct microscopy

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K. Stankovic).

0248-8663/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2006.07.007

814

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

examination of broncho-alveolar lavage in 2 cases. Specific serology was positive in 4 cases. Patients were treated by voriconazole (4 cases), itraconazole (2), amphotericin B (1), association of caspofungin and voriconazole (1), successive voriconazole and itraconazole (1). Six patients recovered from aspergillosis with 10.8 months of following time, 3 patients died a few days after confirmation of the diagnosis. Fifty-four cases of the literature are analysed. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Aspergilloses ; Maladies systémiques ; Corticoïdes ; Immunosuppresseurs Keywords: Aspergillosis; Systemic disesases; Steroids; Immunosuppressive drugs

1. Introduction L’aspergillose est une infection opportuniste grave chez des patients immunodéprimés. Elle est bien connue en oncologie et en hématologie maligne où les tableaux cliniques sont souvent rapidement révélateurs [1]. Elle a été décrite chez des patients atteints du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et après transplantation d’organe. L’aspergillose peut également se greffer sur des lésions pulmonaires chroniques, bronchopneumopathie obstructive sévère, où elle est favorisée par une corticothérapie inhalée ou systémique [2], mucoviscidose, ou sur des lésions granulomateuses de sarcoïdose, ou sur des cavités séquellaires d’une tuberculose [3]. Elle se développe sur d’autres terrains immunocompromis, diabète, alcoolisme chronique, insuffisance hépatocellulaire ou rénale chronique [4]. Enfin, des cas d’aspergillose ont été décrits chez des patients atteints de pathologies systémiques traitées par corticoïdes et/ou immunosuppresseurs au long cours. Dans cette situation, l’aspergillose se développe le plus souvent de façon torpide avec des signes cliniques aspécifiques et frustes, expliquant des délais diagnostiques parfois prolongés et un retard thérapeutique. À travers neuf observations et une revue de la littérature, l’objectif de ce travail est de décrire les caractéristiques cliniques, biologiques, radiologiques, et l’évolution des aspergilloses survenant sur ce terrain. 2. Patients et méthode 2.1. Patients Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique réalisée dans les services de médecine interne de la région Centre-Est avec la collaboration du laboratoire de mycologie centralisant les recherches d’Aspergillus dans cette région. La première observation a été recueillie en 1989, et les dernières données du suivi des patients en janvier 2006. Les critères d’inclusion étaient les suivants : patients suivis pour une pathologie systémique, recevant ou ayant reçu une corticothérapie et/ou un autre traitement immunosuppresseur. Le diagnostic d’aspergillose était retenu lorsqu’il y avait une concordance entre les éléments cliniques et radiologiques et une documentation mycologique par une culture sur milieu de Sabouraud ou un examen direct. Une sérologie par immunofluorescence indirecte, électrosynérèse et immunoélectrophorèse (arc spécifique) avec recherche des antigènes aspergillaires en technique Elisa, avait également été réalisée pour sept des neuf patients de la série.

Les patients ayant une pathologie systémique ou des lésions favorisant une greffe aspergillaire (par exemple lésions granulomateuses pulmonaires de sarcoïdose, pathologie pulmonaire chronique, etc.) étaient exclus. Les données suivantes étaient recueillies : ● âge au diagnostic d’aspergillose ; ● durée de la pathologie systémique, traitement et durée de celui-ci ; ● pathologies associées ; ● éléments cliniques, et radiologiques ayant orienté le diagnostic d’aspergillose ; ● données mycologiques, sérologiques, immunologiques et histologiques ayant confirmé le diagnostic d’aspergillose ; ● délai diagnostique ; ● localisation de l’aspergillose ; ● traitement ; ● infections associées ; ● évolution. La définition des aspergilloses a été faite selon la classification de Denning [5]. 2.2. Revue la littérature Elle a été effectuée à partir de la base de données Medline (PubMed, National Library of Medicine, Bethesda, MD) analysée de 1966 à 2005 et articles référencés remontant jusqu’à 1956. Cette recherche a été complétée par une revue des abstracts des congrès de la Société française de médecine interne (SNFMI) et des Journées nationales d’infectiologie des dernières années. Certaines données n’étaient pas précisées dans les articles (notées par NS dans les tableaux), en particulier les durées et posologies des traitements antifongiques. La classification des aspergilloses des différents cas a été reprise telle qu’elle était présentée dans les articles. En effet, les données de la description des cas étaient souvent insuffisantes pour redéfinir les types d’aspergillose selon la classification de Denning. 3. Résultats 3.1. Caractéristiques générales des patients (Tableaux 1 et 2) Neuf patients suivis entre 1989 et 2006 ont été inclus dans l’étude : cinq hommes et quatre femmes, d’âge moyen 62,8 ans

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

815

Tableau 1 Antécédents, infections concomitantes et traitements associés des neuf patients de la série personnelle Patient 1

Âge/sexe 63 M

Antécédents HTA, dépression, migraines Pneumothorax — talcage — première aspergillose invasive dans les suites immédiates (13 ans avant) VHB guérie, VHC chronique, cirrhose + cryoglobuline type II–Interféron + ribavirine, fracture os propres du nez et dents Hémochromatose, ulcère duodénal et péritonite opérés, dénutrition, phlébite et embolie pulmonaire

2

69 M

3

66 M

4

78 F

Fracture poignet, cataracte, HTA, Biermer, diabète, panaris doigt, neuropathie sensitivomotrice, perforation de diverticule sigmoïdien

5 6 7

60 F 52 F 22 M

8

75 M

Hépatite B guérie Dépression, AVP (coma), cancer du sein opéré, 3FCS Hémophilie A (FVIII 3 %), synovectomie coude et genou G, hépatite C chronique active cirrhose + cryoglobuline, diabète, HTA, hypothyroïdie, hématome cavum Asthme, cholécystectomie, sigmoïdite, adénocarcinome prostatique

Infections concomitantes–traitements associés Enterobacter cloacae dans LBA–C3G

0 Colite à CMV, septicémie et arthrite épaule à Staphylococcus aureus Ganciclovir puis valganciclovir, teicoplanine–fosfomycine puis acide fucidique + synergistine Candida albicans, Streptococcus α-hémolytique + Enterococcus faecalis + HSV1 (LBA), puis Escherichia coli (sang + urines) C3G + quinolone puis tazocilline + amikacine 0 PénicillineA + quinolone + aciclovir Imipénème, GM–CSF

Sigmoïdite Tazocilline puis pénicilline A + acide clavulanique puis C3G + fosfomycine + métronidazole 9 81 F DDB, dépression, canal carpien, HTA, cholécystectomie, Pseudomonas aeruginosa (LBA) puis Klebsiella pneumoniae appendicectomie, ostéoporose, fracture col fémur, hygroma coude (urines) infecté à Staphylococcus aureus, thrombose murale crosse aortique, C3G puis ticarcilline + acide clavulanique puis gastrite atrophique, myélodysplasie ceftazidime + quinolone HTA : hypertension artérielle ; VHB et VHC : virus de l’hépatite B et C ; AVP : accident de la voie publique ; FVIII : facteur VIII ; DDB : dilatation des bronches ; C3G : céphalosporine de troisième génération ; CMV : cytomégalovirus ; HSV1 : herpes simplex virus 1 ; LBA : lavage bronchoalvéolaire ; GM–CSF : granulocyte-macrophage-colony stimulating factor. Tableau 2 Caractéristiques des maladies systémiques (MS) et de leurs traitements dans les neuf cas de la série personnelle Patient

Maladie systémique

Durée d'évolution de la MS

Corticothérapie (dose équivalent prednisone)

Immunosuppresseur associé

1 2

Horton PTI

2 mois 11 mois

20 mg/j 40 mg/j

3 4 5

Horton Horton LED

7 mois 5 mois 10 ans

40 mg/j 60 mg/j Dose dégressive de 90 à 10 mg/j

0 IgIV, embolisation splénique, disulone 0 0 Cyclophosphamide per os (3 ans) puis antipaludéens de synthèse

6 7

LED Polymyosite post-IFN

3 mois 8 mois

Bolus (500 mg/j) puis 200 mg/j 80 mg/j

8

Polyangéite microscopique (ANCA+) PR

4 mois

Prednisone 1 mg/kg par jour

8 ans

10 mg/j

9

Interféron (2 mois) + ribavirine, méthotrexate (15 mg/j), IgIV Cyclophosphamide bolus IV/mois

Durée de traitement de la MS lors de la survenue de l'aspergillose 2 mois 11 mois 3 mois 5 mois 10 ans 3 mois 8 mois 4 mois

Méthotrexate per os (8 ans) puis 8 ans leflunomide PTI : purpura thrombopénique idiopathique ; LED : lupus érythémateux disséminé ; ANCA : anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; IgIV : immunoglobulines intraveineuses.

(22–81 ans) au moment du diagnostic d’aspergillose. Les pathologies systémiques étaient les suivantes : ● polyarthrite rhumatoïde (un cas) ; ● polyangéite microscopique anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles+ (un cas) ; ● polymyosite postinterféron (un cas) ; ● lupus érythémateux disséminé (LED) [deux cas] ; ● maladie de Horton (trois cas) ; ● purpura thrombopénique immunologique idiopathique (un cas).

La pathologie systémique avait été diagnostiquée en moyenne 28,4 mois (deux mois à dix ans) et son traitement avait débuté en moyenne 28 mois avant la survenue de l’aspergillose. Tous les patients recevaient une corticothérapie par voie générale, à la dose moyenne de 50,8 mg d’équivalent prednisone/jour. Un autre traitement immunosuppresseur était associé chez cinq patients : immunoglobulines intraveineuses (IV) puis dapsone (un patient), cyclophosphamide (oral un patient, bolus IV mensuels un patient), méthotrexate per os (un patient), leflunomide (un patient). Tous ces patients avaient de nombreux antécédents et des comorbidités parfois sévères.

816

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

La plupart d’entre eux avaient également une infection aiguë concomitante à l’aspergillose nécessitant un traitement spécifique : infections bactériennes (Enterobacter cloacae, Staphylococcus aureus Meti-R, Streptocoque β-hémolytique, Enterococcus faecalis, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella pneumoniae), virale (cytomégalovirus, herpès simplex virus de type 1) ou fongique (Candida albicans). Biologiquement, la lymphopénie était marquée avec en moyenne 472 lymphocytes/mm3 ; la numération des CD4 n’a été effectuée que chez trois patients et était en moyenne à 283 CD4/mm3. Une neutropénie n’était retrouvée que chez une patiente présentant un lupus érythémateux disséminé avec des polynucléaires neutrophiles oscillant entre 510 et 1500/mm3 et un nadir au moment de la première poussée lupique révélatrice de la maladie systémique ayant duré 10 à 15 jours (cas no 6). 3.2. Caractéristiques des formes d’aspergillose (Tableaux 3 et 4) L’aspergillose était pulmonaire chronique dans trois cas, invasive subaiguë dans quatre cas et invasive aiguë dans deux cas. Sa localisation était pulmonaire dans six cas, cérébrale dans un cas, et double, pulmonaire et cérébrale dans deux cas. Les signes cliniques étaient le plus souvent frustes et peu spécifiques : altération modérée de l’état général ; toux et dyspnée d’installation très progressive dans les formes pulmonaires, sans aucun cas d’hémoptysie ; céphalées peu intenses puis crises convulsives généralisées et coma dans un cas, signes de localisation d’apparition secondaire (amblyopie et paralysie de la troisième paire crânienne gauche, amaurose transitoire et hémiplégie droite) dans un second cas de forme cérébrale.

Les anomalies biologiques n’étaient pas spécifiques et n’orientaient pas le diagnostic ni la gravité de l’aspergillose : présence d’un syndrome inflammatoire (CRP = 143 mg/l en moyenne), augmentation des lactates deshydrogénases (à moins de trois fois la normale), cytolyse hépatique et cholestase anictérique, hypo- ou hypergammaglobulinémie selon les observations. Une ponction lombaire réalisée chez un patient révélait une hyperprotidorachie (8 g/l) avec une cellularité panachée (600/mm3). Radiologiquement, les lésions pulmonaires se caractérisaient par leur évolutivité dans le temps, leur type interstitiel diffus micronodulaire avec parfois des atélectasies et un épanchement pleural, épaississement pleural (Fig. 1). À l’étage cérébral, les lésions étaient multiples et diffuses avec un centre nécrotique et un halo périphérique œdémateux (Fig. 2). Le diagnostic d’aspergillose était fondé sur la conjonction d’arguments cliniques (terrain immunodéprimé, signes respiratoires d’installation fruste ou cérébrale suivant la localisation), radiologiques (infiltrats interstitiels évolutifs dans le temps avec bilatéralisation pour les formes pulmonaires, abcès cérébraux pour les formes cérébrales) et mycologiques avec mise en évidence de filaments à l’examen direct du liquide d’aspiration bronchique dans deux cas ou culture positive d’Aspergillus dans le LBA dans quatre cas ou dans les biopsies cérébrales dans les trois cas avec localisation cérébrale. La sérologie, effectuée chez six patients, était positive dans quatre cas, dont deux des patients qui avaient une culture positive dans le LBA, à des titres très variables (160 à 1280) avec présence d’arcs spécifiques dans deux cas. L’antigène circulant aspergillaire était retrouvé à très faible taux chez un seul des cinq patients chez lesquels cette recherche avait été réalisée, permettant ainsi de retenir le diagnostic d’aspergillose chez ce

Tableau 3 Caractéristiques de l’aspergillose dans les neuf cas de la série personnelle Patient 1 2 3 4

Classification aspergillose Aspergillose pulmonaire chronique Aspergillose invasive subaiguë Aspergillose invasive subaiguë Invasive aiguë

Localisation aspergillose Poumons

Tableau clinicoradiologique

Anomalies biologiques

Pneumopathie interstitielle bilatérale

Cerveau

Céphalées, paralysie III, abcès préhypophysaire

Lymphopénie (300/mm3), élévation des LDH (817 UI/l), IgM lambda monoclonale Lymphopénie (1000/mm3)

Poumons

Pneumopathie nodulaire bilatérale

Poumons

Pneumopathie micronodulaire bilatérale avec lésions excavées puis défaillance multiviscérale Fièvre, pleuropneumopathie alvéolointerstitielle bilatérale évolutive, détresse respiratoire Pneumopathie interstitielle bilatérale au cours d'une poussée lupique Céphalées, convulsions, coma, abcès cérébraux et cérébelleux multiples, pleuropneumopathie bilatérale alvéolaire, splénomégalie Fièvre, céphalées, écoulement mucopurulent nasal, pneumopathie interstitielle, hémiplégie sur abcès frontal puis AVC massif

5

Aspergillose pulmonaire chronique

Poumons

6

Aspergillose invasive subaiguë Aspergillose invasive subaiguë

Poumons

7

Poumons, cerveau

8

Invasive

Poumons, cerveau

9

Aspergillose pulmonaire chronique

Poumons

Fièvre, pleuropneumopathie interstitielle bilatérale, lésions excavées du lobe supérieur droit AVC : accident de la voie publique ; LDH : lactates deshydrogénases ; PL : ponction lombaire.

Lymphopénie (300/mm3), syndrome inflammatoire Lymphopénie (890/mm3, CD4/CD8 < 1), syndrome inflammatoire Pancytopénie, lymphopénie (460/mm3), élévation des LDH Lymphopénie (CD4 = 141/mm3), cytolyse hépatique PL = hyperprotidorachie Lymphopénie (410/mm3 dont CD4 = 168/mm3), syndrome inflammatoire PL = 600GB/mm3 panaché, hyperprotidorachie (8 g/l), stérile Thrombopénie, lymphopénie (500/mm3), hypogammaglobulinémie, élevation des LDH (1000 UI/l)

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

817

Tableau 4 Méthodes diagnostiques, traitements et évolution de l’aspergillose chez les neuf patients de la série personnelle Patient

Méthode diagnostique

Souche

Traitement aspergillose

Évolution

Aspergillus fumigatus

Délai diagnostique NS

1

Culture LBA, sérologie positive

Première épisode : lobectomie droite + itraconazole pendant 3 mois Deuxième épisode 13 ans après : voriconazole (7 mois) puis itraconazole en continu

Biopsie cérébrale

Aspergillus spp

1 mois

3

Examen direct du LBA, sérologie négative

Aspergillus spp

15 jours

4

Culture LBA, sérologie positive LBA stérile, sérologie positive dont 4 arcs spécifiques Examen direct et culture LBA Ag circulant faiblement positif Culture biopsie cérébrale, Sérologie positive

Aspergillus fumigatus

NS

Aspergillus spp

3 ans

Voriconazole (2 mois) puis itraconazole puis voriconazole (200 mg/j), 1 mois puis itraconazole (400 mg/j) en continu Voriconazole (200 mg/j), 4 mois puis 100 mg/j) jusqu'à la fin de la corticothérapie (18 mois) Itraconazole (400 mg/j) pendant 2 mois puis fungizone IV (35 mg/j) Itraconazole (200 mg/j) pendant 1 an

Progression lente sur 13 ans, franche aggravation sous corticothérapie malgré la diminution des doses de celle-ci, et traitements antifongiques Détresse respiratoire, hospitalisation en réanimation Guérison (1 an de recul)

2

Aspergillus fumigatus

Plusieurs semaines

Voriconazole (200 mg/j) pendant 8 mois

Guérison (1 an de recul)

Aspergillus fumigatus

10 jours

Caspofungine IV (70 mg/j) seul pendant 7 jours puis associé au voriconazole (200 mg/j) pendant 10 jours puis adjonction d'amphotéricine B liposomale Amphotéricine B Voriconazole pendant 3 mois

Guérison (au sixième mois de traitement)

5

6

7

8 9

Culture biopsie cérébrale Aspergillus fumigatus 15 jours Culture LBA, sérologie Aspergillus fumigatus 1 mois négative LBA : lavage bronchoalvéolaire ; Ag : antigène ; NS : non spécifié.

patient qui avait par ailleurs une culture de LBA positive. L’espèce aspergillaire a été déterminée dans six cas, il s’agissait d’un Aspergillus fumigatus, non précisé dans les trois autres cas. Pour le patient 9, le diagnostic a été retenu sur l’association d’arguments cliniques, radiologiques, la culture du LBA positive et l’amélioration sous traitement spécifique par voriconazole. Le délai diagnostique était de 20,75 jours dans les formes invasives et de 18,5 mois (un mois à trois ans) dans les formes chroniques. Le délai diagnostique d’aspergillose de trois ans chez la patiente 5 est expliqué par le fait que l’évolution fibrosante rétractile avait été longtemps attribuée au lupus érythémateux disséminé devant la négativité des prélèvements mycologiques ; ce n’est que lorsque la sérologie a été retrouvée positive avec présence des arcs spécifiques que le diagnostic a été confirmé et que le traitement a été commencé. Les traitements étaient les suivants : voriconazole chez quatre patients pendant 3,4 mois en moyenne, itraconazole chez deux patients pendant 6,6 mois, amphotéricine B chez un patient, association caspofungine + voriconazole chez un patient, traitement séquencé par voriconazole puis itraconazole puis voriconazole puis itraconazole chez un patient. Les effets secondaires étaient : photosensibilisation après voriconazole dans deux cas, pancytopénie après ce même traitement dans un autre cas (expliquant le séquençage avec l’itraconazole),

Guérison (1 an de recul)

Décès Décès

Décès en quatre jours Guérison (1 an de recul)

douleurs osseuses et thoraciques sous amphotéricine B dans un cas. Un patient avait bénéficié d’un traitement chirurgical suivi d’itraconazole pour un premier épisode d’aspergillose invasive 13 ans auparavant. Dans tous les cas, la corticothérapie a été diminuée rapidement au moment du diagnostic d’aspergillose et dans un cas, arrêt du traitement par méthotrexate, parallèlement à l’introduction du traitement antifongique. Il n’y a cependant pas de corrélation entre la diminution de l’immunosuppression et l’amélioration du pronostic lié à l’infection mais plutôt à la précocité du diagnostic et de l’instauration du traitement antifongique. L’évolution était favorable avec guérison de l’aspergillose chez six patients qui avaient reçu un traitement par voriconazole pendant 4,8 mois en moyenne avec une rémission maintenue après 10,8 mois de suivi en moyenne. Une reprise évolutive s’était produite 13 ans après un premier épisode d’aspergillose traité par lobectomie suivie d’itraconazole, et n’avait pas répondu après sept mois de voriconazole. Trois patients sont décédés : dans deux cas, il s’agissait de formes pulmonaires chroniques évolutives malgré dix mois de traitement par itraconazole et diminution de la corticothérapie à une dose inférieure ou égale à 20 mg/j d’équivalent prédnisone ; le troisième patient est décédé d’un accident vasculaire cérébral massif du tronc quatre jours après l’instauration d’un traitement par amphotéricine B.

818

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

Fig. 1. Aspergillose pulmonaire (cas 5). a : radiographie simple de face ; b : coupe de TDM thoracique. Présence de foyers d’alvéolite, bronchectasies, épaississement des sommets, épanchement pleural avec un aspect festonné de la plèvre.

3.3. Revue de la littérature La revue de la littérature a permis de réunir 54 observations d’aspergilloses survenues chez des patients ayant une ou plusieurs pathologies(s) systémique(s) traitée(s) par corticothérapie et/ou immunosuppresseurs [9,10,12, 15–50]. Certaines informations de la grille de recueil de données manquent pour quelques observations. Il y avait 15 hommes et 22 femmes, le sexe n’étant pas précisé dans 17 cas. Les patients présentaient de nombreux antécédents et infections concomitantes à l’aspergillose (Tableau 5). L’âge moyen au moment du diagnostic d’aspergillose était de 35,3 ans. Les pathologies sous-jacentes, parfois associées entre elles, étaient les suivantes : ● ● ● ● ●

LED (38 cas) ; anémie hémolytique auto-immune (quatre cas) ; syndrome des antiphospholipides (quatre cas) ; polyarthrite rhumatoïde (un cas) ; purpura thrombopénique immunologique idiopathique (quatre cas) ;

Fig. 2. Aspergillose cérébrale (cas 7). a : TDM cérébrale ; b : IRM cérébrale, séquence T1 avec gadolinium : coupe sagittale. Six des 12 lésions diffuses bilatérales (ici : frontales et occipitales) au centre nécrotique entourées d’un halo périphérique œdémateux.

● dermatomyosite et polymyosite (deux cas) ; ● sclérose en plaques (un cas) ; ● vascularite systémique (trois cas) dont deux cas de maladie de Wegener ; ● maladie de Horton (trois cas). La pathologie systémique avait été diagnostiquée en moyenne 48 mois avant la survenue de l’aspergillose, et un traitement corticoïdes et/ou immunosuppresseur avait été instauré depuis 21,5 mois. Tous les patients avaient reçu un traitement par corticoïdes, parfois en bolus puis au long cours, expliquant la dose moyenne élevée de 120,5 mg/j au moment de la survenue de l’infection aspergillaire. Les autres traitements immunosuppresseurs étaient : ● cyclophosphamide (13 patients) ; ● azathioprine (cinq patients) ; ● méthotrexate (un patient) ;

Tableau 5 Revue de 54 cas de la littérature : antécédents et comorbidités, infections concomitantes et leurs traitements ; caractéristiques des maladies systémiques et leurs traitements ; caractéristiques cliniques, radiologiques et biologiques, méthodes diagnostiques, traitements et évolution de l’aspergillose Âge/

[15]

31 F

[16]

23 F

[17]

53 M

[18]

19 F

[19]

52 M

[20]

[21]

Antécédents

Infections concomitantes– traitements associés

Maladie systémique

Durée d'évolution de la MS

Klebsiella pneumoniae et Candida albicans (LBA) Neisseria sicca et Candida albicans (sang et LBA)

AIHA

2 mois

LED + syndrome antiphospholipides

Pneumocystis carinii triméthoprime/ sulfaméthoxazole

Corticothérapie (dose équivalent prednisone) 160 mg/j

Immunosuppresseur associé

Durée du traitement de la MS

Classification aspergillose

Localisation aspergillose

Tableau clinicoradiologique

Anomalies biochimiques

Méthode diagnostique

Souche

Délai diagnostique

Traitement aspergillose

Évolution

IgIV

5 jours

Invasive

Poumons, cerveau, pancréas

AVC hémorragique frontal gauche

Cytolyse hépatique, insuffisance rénale

Autopsie

Aspergillus spp

Postmortem

0

Décès

5 mois

Bolus IV (1 g/j)

CycPh en bolus IV, plasmaphérèses

5 jours

Invasive

Arbre trachéobronchique

Détresse respiratoire sur pneumopathie, état de choc

Cytolyse hépatique, insuffisance rénale, CIVD

Aspergillus fumigatus

5 jours

Fluconazole puis ampho B

Décès

PR

12 ans

50 mg/j

0

12 ans

Invasive

Larynx

Fièvre, dysphonie, hépatosplénomégalie

Aspergillus flavus

21 jours

LED

8 ans

Bolus puis 20 mg/j

CycPh en bolus puis étanercept

NS

Invasive

Poumons, cerveau, thyroïde, valves cardiaques

Culture de biopsie cérébrale

Aspergillus fumigatus

7 jours

Diabète corticoinduit

NS

PTI

2 mois

30 mg/j

0

2 mois

Invasive

Poumons, cerveau

Fièvre, céphalées, convulsions sur abcès cérébraux, pneumopathie interstitielle Fièvre, hémoptysie– pneumopathie interstitielle nodulaire, convulsions sur abcès cérébraux

Ampho B (1 mg/kg par jour) puis Ambisome puis itraconazole, filgrastim Ampho B + 5fluorocytosine

Guérison

NS

Pancytopénie dont lymphopénie (500/mm3) et neutropénie (200/mm3), cytolyse hépatique PL : hémorragie méningée

Culture LBA + biopsie bronchique Culture de biopsie de corde vocale

PL : hémorragie méningée, hypoglycorachie, hyperprotidémie (0,55g/l)

Culture LBA

Aspergillus fumigatus

10 jours

Guérison (12 mois de recul)

46 F

Diabète corticoinduit

NS

Dermatomyosite

40 mg/j

Méthotrexate

NS

Invasive

Poumons

Fièvre, pneumopathie nodulaire bilatérale

Lymphopénie (266/mm3)

Aspergillus fumigatus

6 jours

58 M

Hypothyroïdie, abcès diverticulaire opéré, phlébite et embolie pulmonaire postchirurgicales, hypertrophie bénigne de la prostate

Péritonite

PTI + AIHA + anticardiolipides

Bolus puis 20 mg/j

IgIV, splénectomie, danazol, vincristine, dapsone, ciclosporine A, polychimiothérapie (CycPh + vinblastine + prednimustine), fludarabine, CycPh IV, azathioprine

4 ans 2 mois

Invasive

Poumons, duodénum

Gastrite et duodénite hémorragiques

NS

Culture crachats + biopsie bronchique Autopsie

Fluconazole puis amphoB (1,5 mg/kg jour) + Itraconazole (400 mg/j) puis ambisome (5 mg/kg par jour) + itraconazole (800 mg/j) 2 mois, puis itraconazole seul (400 mg/j) Ampho B

Aspergillus spp

Postmortem

Sexe

Fleuriste

3 ans

0

Décès

Guérison (15 mois de recul)

Décès

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

Références

(suite) 819

Sexe

53 M

33 F

49 M

80 F

16 M

23 F

25 M

39 F

36 F

32 M

Références

[22]

[23]

[24]

[25]

[26]

[26]

[26]

[27]

[9]

[9]

Âge/

Valvulopathie aortique, épilepsie généralisée

Épilepsie partielle

HTA, insuffisance rénale

BPCO, HTA, iléite terminale opérée, péritonite

Urétérohydronéphrose sur fibrose rétropéritonéale après méthysergide (sondes JJ)

Antécédents

Tableau 5 (suite)

1 mois

LED

LED + syndrome antiphospholipides

NS

Streptococcus viridans (sang)

NS

9 ans

Bolus (1 g/j)

7 ans

LED

LED + syndrome antiphospholipides

Bolus

10 ans

LED

NS

Pseudomonas aeruginosa (sang), Candida et Acinetobacter (abcès pulmonaire), colite à CMV NS

1 an

LED

Staphylococcus aureus (sang), Candida tropicalis (crachats)

Bolus puis 60 mg/j 10 mg/j

NS

NS

90mg/j

2 mois

PTI

NS

Bolus

Corticothérapie (dose équivalent prednisone) 40 mg/j

Candidose buccale, Acinetobacter calcoaceticus (crachats)

NS

NS

5,5 ans

Durée d'évolution de la MS

PTI

SEP

Horton

Maladie systémique

Septicémie à Staphylocoque

NS

BK (LBA)–Traitement anti-BK

Infections concomitantes– traitements associés

CycPh per os

CycPh per os

0

0

0

CycPh

Splénectomie

0

0

0

Immunosuppresseur associé

10 jours

2 ans

15 jours

1 mois

NS

4 jours

2 mois

NS

6 mois

6 mois

Durée du traitement de la MS

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Localisée

Invasive

Invasive

NS

Invasive

Localisée

Classification aspergillose

Poumons, thyroïde, cœur, ganglions, vaisseaux, testicules

Poumons

Poumons, cerveau, thyroïde, myocarde, tractus digestif, foie, rate, reins

Poumons, thyroïde, myocarde, reins

Transplant rénal

Poumons, plèvre, cerveau, moelle épinière, thyroïde, myocarde, endocarde, tractus digestif, reins, vaisseaux

Poumons, plèvre, péritoine, estomac, myocarde

Rachis

Poumons, rachis

Prostate

Localisation aspergillose

Hémoptysies– pneumopathie interstitielle bilatérale Fièvre, hémoptysies– pneumopathie lobaire, neuropahtie périphérique

Nécroses cutanées, détresse respiratoire sur pneumonie abcédée, coma, état de choc Détresse respiratoire sur pleuropneumopathie interstitielle bilatérale

Fièvre, pleuropneumopathie interstitielle bilatérale avec abcès pulmonaire, pneumothorax et détresse respiratoire, IDM et défaillance multiviscérale Fièvre, adénopathies et hépatosplénomégalie, convulsions et paraparésie sur spondylodiscite D7, détresse respiratoire– pneumopathie alvéolaire diffuse Anurie, épanchements pleuraux

Spondylodiscite L1

Fièvre, fracture– tassements L4, spondylodiscite L4– L5, abcès épidural

AEG, prostatisme, hémoptysies– pneumopathie alvéolointerstitielle bilatérale

Tableau clinicoradiologique

Culture LBA Culture de crachats

Insuffisance rénale

Culture LBA, autopsie

15 jours

10 jours Aspergillus fumigatus

Fluconazole (400 mg/j) puis ambisome (50 mg/j) + 5fluorocytosine Ampho B + itraconazole Ampho B

11 jours Aspergillus fumigatus

Aspergillus spp

0

Transplantectomie

Postmortem

NS

Aspergillus spp Biopsie du transplant rénal Autopsie

Laminesctomie, ampho B

Aspergillus spp

Postmortem

NS Aspergillus terreus et Aspergillus fumigatus

Aspergillus spp

Ampho B

NS

Aspergillus fumigatus

Ampho B (1 g au total) puis ketoconazole (800 mg/j) 1 an

Traitement aspergillose

Laminectomie + discectomie et drainage, itraconazole 6 mois AmphoB + 5fluorocytosine

3 mois

Délai diagnostique

4 mois

Aspergillus fumigatus

Aspergillus spp

Souche

Autopsie

Culture de biopsie vertébrale Culture de biopsie vertébrale Culture de crachats puis LBA

Examen direct de biospie de prostate, sérologie positive

Méthode diagnostique

NS

Lymphopénie (360/mm3) CD4/CD8 < 1, insuffisance rénale

Leucopénie, anémie, insuffisance rénale, CIVD–PL : normale

Leucopénie et thrombopénie, insuffisance rénale

Pancytopénie

Hyperleucocytose, insuffisance rénale et hépatique

NS

Syndrome inflammatoire

Syndrome inflammatoire, augmentation des taux de PSA

Anomalies biochimiques

Décès

Décès

Décès

Décès

(suite)

Guérison (10 ans de recul)

Décès

Décès

Décès

Guérison

Guérison (2 ans de recul)

Évolution

820 K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

Sexe

50 M

27 F

24 M

45 M

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

19 F

23 F

32 M

Références

[28]

[29]

[29]

[29]

[30]

[30]

[30]

[31]

[31]

[32]

[10]

[10]

[10]

[33]

[34]

[13]

Âge/

Phlébites et embolies pulmonaires à répétition

Antécédents

Tableau 5 (suite)

NS–Rifampicine + pyrazinamide

HSV (lèvre), Candida albicans (larynx et tube digestif), Staphylococcus aureus (crachats, sang), Pneumocystis carinii (LBA), Cryptococcus (sang)–Aciclovir + C1G + Pénicilline A puis aciclovir + gentalline + clindamycine + vancomycine + pentamidine NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Candida, Histoplasma

NS

Candida

Pneumocystis carinii

Klebsiella, Pneumocystis carinii

Pseudomonas aeruginosa

NS

Infections concomitantes– traitements associés

LED, néphrite lupique

NS

Bolus puis 50 mg/j

5 ans

12 ans

3 ans

LED

NS 1 mg/kg par jour puis 30 mg/j

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

20 mg/j

Corticothérapie (dose équivalent prednisone) 100 mg/j + Hydrocortisone (500 mg/ j) Bolus puis 20 mg/j NS

LED, glomérulonéphrite stade IV

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Durée d'évolution de la MS

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

Vascularite systémique

LED

LED

LED

Maladie systémique

NS

12,5 ans

CycPh

Invasive

Invasive

1 an

0

Invasive Invasive

NS

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

NS

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Classification aspergillose

Antipaludéens de synthèse puis azathioprine puis CycPh IV

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

73 jours

40 jours

40 jours

4 mois

Durée du traitement de la MS

0

0

0

0

0

0

0

Azathioprine

CycPh per os puis azathioprine CycPh per os puis azathioprine puis échanges plasmatiques 0

Échanges plasmatiques

0

Immunosuppresseur associé

Méninges, rachis

Poumons, trachée, bronches, cerveau

Poumons, cerveau, thyroïde, myocarde, pancréas, péritoine

Poumons

Poumons

Poumons

Poumons

Poumons

Poumons, méninges, tractus gastrointestinal Tractus gastrointestinal Poumons

Poumons

Poumons

Poumons

Poumons

Poumons

Localisation aspergillose

Polynucléose ; PL : 1220GB/mm3 lymphocytaire, sang, hyperprotidorachie (0,69g/l), normoglycorachie

NS

Culture LCR et ponction vertébrale, sérologie positive

Insuffisance rénale, syndrome néphrotique, anémie, lymphopénie (120/mm3), hypogammaglobulinémie

Fièvre, hémoptysies– pneumopathie, confusion Fièvre, céphalées, syndrome méningé, paralysie VI

Autopsie Autopsie

NS

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Culture LBA Culture LBA NS

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Méthode diagnostique

Pneumopathie interstitielle bilatérale, convulsions sur abcès cérébraux

NS

NS

NS

NS

NS

Syndrome inflammatoire Insuffisance rénale, syndrome néphrotique NS

Insuffisance rénale

NS

Insuffisance rénale

Insuffisance rénale, syndrome néphrotique

Anomalies biochimiques

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Fièvre, pneumopathie

Fièvre, pneumopathie

Fièvre, pneumopathie

Fièvre, pneumopathie lobaire

Tableau clinicoradiologique

NS

Ampho B + 5fluorocytosine

NS

4 mois Aspergillus fumigatus

NS Ampho B + 5fluorocytosine

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

0

0

0

NS

Traitement aspergillose

Postmortem

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Postmortem

Postmortem

Postmortem

Postmortem

Délai diagnostique

Aspergillus spp

Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus fumigatus

Aspergillus fumigatus Aspergillus fumigatus Aspergillus fumigatus

Aspergillus spp

Souche

(suite)

Guérison

NS

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

NS

NS

NS

Décès

Décès

Décès

Décès

Évolution

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827 821

Sexe

20 F

32 F

39 F

NS

NS

NS

13 F

NS

NS

49 F

15 F

20 F

NS

14 M

Références

[35]

[36]

[37]

[38]

[38]

[38]

[39]

[40]

[40]

[41]

[42]

[43]

[44]

[45]

Âge/

Antécédents

Tableau 5 (suite)

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Cocci Gram + (LCR)– Ampicilline (24 g/j) puis céfotaxime (12 g/ j)

Staphylococcus aureus, Candida

NS

Infections concomitantes– traitements associés

LED, néphrite lupique

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

LED

Maladie systémique

1 mois

9 mois

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

2 ans

NS

NS

Durée d'évolution de la MS

80 mg/2 j

NS

1,5 mg/ kg par jour

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

80 mg/j

Bolus puis dose NS

Corticothérapie (dose équivalent prednisone) 80 mg/j

0

0

NS 6 mois

Azathioprine

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

4 mois

12 ans

3 mois

Durée du traitement de la MS

0

0

0

0

0

0

0

0

CycPh per os

0

CycPh per os

Immunosuppresseur associé

Invasive

Invasive

Pulmonaire chronique

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Localisée Localisée Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Invasive

Classification aspergillose

Cerveau, thyroïde

Poumons

Poumons, cerveau

Poumons, cerveau, thyroïde, foie, rate, reins, cœur, tractus digestif, œil Poumons, cerveau, cœur Poumons, cerveau, cœur Poumons, cœur

Cerveau, sinus

Poumons, cerveau

Poumons, méninges, reins

Localisation aspergillose

Troubles cognitifs sur abcès cérébraux frontaux, cavité pulmonaire gauche, nodule thyroïdien gauche

NS

Abcès cérébraux multiples Fièvre, pneumopathie interstitielle gauche

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Fièvre, syndrome méningé–Horner– pyramidal gauche– paralysie faciale droite sur abcès cérébraux multiples avec infarcissements, HTIC et compression du tronc, épaississements sinus sphénoïdaux NS

NS

NS

Tableau clinicoradiologique

Aspergillus spp

Autopsie

NS Culture LBA et thyroïde

NS

Biospie bronchique

NS

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Autopsie

Aspergillus spp Aspergillus spp

Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus fumigatus

Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp

Apergillus terreus

Autopsie

Autopsie

Aspergillus spp

Souche

Autopsie

Méthode diagnostique

NS

Pancytopénie, neutropénie (210/mm3)

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Leucopénie (2500/mm3), insuffisance rénale, syndrome nephrotique Leucopénie (1000/mm3), insuffisance rénale (dialyse) Lymphopénie (1000/mm3) PL : 3750GB/mm3, 84 % PNN, hyperprotidorachie (1 g/l) hypoglycorachie

Anomalies biochimiques

Thyroïdectomie partielle, ampho B

5 mois

NS

NS Ampho B (0,5 mg/kg par jour) 2 jours puis itraconazole (400 mg/j) NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

0

NS

NS

Traitement aspergillose

2 semaines

NS

NS

NS

NS

NS

NS

NS

Postmortem

NS

NS

Délai diagnostique

(suite)

Guérison

Décès

Guérison

Guérison

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Décès

Évolution

822 K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

Tableau 5 (suite) Références

Âge/

[46]

Antécédents

Maladie systémique

Durée d'évolution de la MS

9F

NS

AIHA

NS

[47]

NS

NS

Horton

NS

[48]

NS

NS

Horton

NS

[49]

70 M

NS

Polymyosite

NS

[49]

63 F

NS

Wegener

NS

[50]

39 F

NS

LED + AIHA

NS

[50]

51 M

NS

Wegener (reins, sinus)

5 ans

Corticothérapie (dose équivalent prednisone) Bolus

1 mg/kg par jour NS Dose cumulée = 127 g Dose cumulée = 125,5g Bolus puis 1,5 mg/ kg par jour 1,5 mg/ kg par jour puis 10 mg/j

Immunosuppresseur associé

Durée du traitement de la MS

Classification aspergillose

Localisation aspergillose

Tableau clinicoradiologique

Anomalies biochimiques

Méthode diagnostique

Souche

Délai diagnostique

Traitement aspergillose

Évolution

IgIV, échanges plasmatiques, CycPh, mycophénolate mofétil 0

NS

Invasive

Poumons

Altération de l'état général, état de choc

Anémie, insuffisance hépatique et rénale

NS

Aspergillus spp

NS

NS

Décès

NS

Invasive

NS

NS

NS

Aspergillus spp Aspergillus spp Aspergillus spp

NS

NS

Décès

NS

NS

Décès

NS

NS

Décès

0

Invasive

Poumons

NS

NS

NS

NS

Invasive

Poumons

NS

Neutropénie (380/mm3)

Autopsie

Polychimiothérapie

NS

Invasive

Poumons

NS

Neutropénie (210/mm3)

Autopsie

Aspergillus spp

NS

NS

Décès

IgIV, splénectomie

4 mois

Invasive

Poumons, cerveau

Pneumopathie nodulaire, abcès cérébraux multiples

NS

Culture LBA, sérologie positive

Aspergillus fumigatus

NS

Guérison (24 mois de recul)

CycPh per os

2 mois

Invasive

Cerveau, sinus

Abcès cérébraux et ethmoïdaux

NS

Culture sinus, biopsie cérébrale

Aspergillus fumigatus

NS

Ambisome 3 mois puis voriconazole puis itraconazole 12 mois Itraconazole (400 mg/j) 7 mois puis chirurgie sinus + amphoB 33 j puis voriconazole 17 mois

Guérison (7 mois de recul)

AEG : altération de l’état général ; AIHI : anémie hémolytique auto-immune ; ampho B : amphotéricine B ; Ambisome : amphotéricine B ; AVC : accident vasculaire cérébral ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée ; CMV : cytomégalovirus ; CycPh : cyclophosphamide ; C1G : céphalosporine de première génération ; HSV : herpès simplex virus ; HTA : hypertension artérielle ; HTIC : hypertension intracrânienne ; IDM : infarctus du myocarde ; Ig IV : immunoglobulines intraveineuses ; LBA : lavage bronchoalvéolaire ; LCR : liquide céphalorachidien ; LED : lupus érythémateux disséminé ; NS : non spécifié ; PL : ponction lombaire ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; PSA : antigène spécifique de prostate, PTI : purpura thrombopénique idiopathique ; SEP : sclérose en plaques.

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

Infections concomitantes– traitements associés

Sexe

823

824

● ● ● ● ●

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

hydroxychloroquine (deux patients) ; étanercept (un patient) ; immunoglobulines IV (deux patients) ; plasmaphérèses (trois patients) ; splénectomie (trois patients) [Tableau 5].

L’aspergillose était invasive dans la grande majorité des cas (44 cas), localisée dans quatre cas (prostate, transplant rénal, non précisé dans deux cas), pulmonaire chronique dans un cas. Dans cinq cas, cette information était manquante. Les localisations étaient très diverses, bien documentées dans les cas autopsiques : ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●

poumons (37 cas), cerveau (17 cas) ; cœur (myocarde ou endocarde valvulaire, 11 cas) ; thyroïde (huit cas) ; tractus gastro-intestinal et péritoine (sept cas) ; reins (cinq cas) ; larynx (trois cas) ; ganglions et rate (trois cas) ; sinus (deux cas) ; foie (deux cas) ; endothélium des petits vaisseaux (deux cas) ; rachis (deux cas) ; prostate (un cas) ; testicules (un cas) ; œil (un cas) [Tableau 5].

Les signes cliniques étaient souvent peu évocateurs et peu spécifiques, au moins au début. L’hémoptysie, classiquement décrite dans cette infection, n’était retrouvée que dans cinq cas (Tableau 5). L’hémogramme révélait une neutropénie à 200/mm3 dans un seul cas et une lymphopénie entre 120 et 1000 lymphocytes/mm3 dans dix cas. Les autres anomalies biologiques étaient en rapport avec la pathologie systémique : anémie et thrombopénie, cytolyse hépatique (trois cas) avec une insuffisance hépatocellulaire dans un cas, insuffisance rénale modérée à sévère dans 11 cas, coagulation intravasculaire disséminée dans deux cas. La ponction lombaire, réalisée dans trois cas d’aspergillose du système nerveux central, était normale dans le cas où l’aspergillose était de localisation uniquement cérébrale ; elle montrait la présence de sang, une hypoglycorachie et une hyperprotidorachie modérée (0,55 g/l) dans les deux cas d’aspergillose à localisation mixte pulmonaire et cérébrale (Tableau 5). Les anomalies radiologiques pulmonaires étaient, le plus souvent un syndrome interstitiel nodulaire diffus, parfois un épanchement pleural. Au niveau cérébral, les anomalies radiologiques étaient des images d’abcès multiples. En endoscopie bronchique, les lésions avaient un aspect de plaques blanchâtres « en pavés ». L’examen histologique décrivait des lésions inflammatoires avec, parfois, présence d’un granulome et de

cellules géantes multinucléées, des foyers de nécrose centrale, et parfois des filaments visibles à l’examen direct (Tableau 5). Le diagnostic d’aspergillose était posé après autopsie dans 27 cas, par culture du liquide de lavage bronchoalvéolaire dans 13 cas, par culture du LCR dans un cas, par culture de biopsie dans huit cas (cérébrale : deux cas ; vertébrale : deux cas ; corde vocale : un cas ; prostate : un cas ; transplant rénal : un cas ; thyroïde : un cas). La sérologie était positive dans trois cas. L’espèce était précisée dans 20 cas : A. fumigatus (17 cas), Aspergillus terreus (deux cas), Aspergillus flavus (un cas). En dehors des cas diagnostiqués par l’autopsie, le délai diagnostique était de 37,6 jours en moyenne (Tableau 5). Le traitement antifongique était très variable d’un patient à l’autre, composé d’une ou plusieurs molécules administrées simultanément ou successivement ou alternativement: amphotéricine B (15 cas) et ambisome (cinq cas), itraconazole (sept cas), 5-fluorocytosine (cinq cas), fluconazole (trois cas), voriconazole (deux cas), kétoconazole (un cas), chirurgie/drainage d’abcès (5 cas). Ces traitements étaient poursuivis en moyenne pendant 10,75 mois. De nombreuses autres infections étaient concomitantes de l’aspergillose: infections bactériennes (K. pneumoniae, Acinobacter calcoaceticus, P. aeruginosa, Neisseria sicca, S. aureus, Streptococcus viridans, tuberculose), virale (cytomégalovirus, herpès simplex virus), fongique (C. albicans et tropicalis, Pneumocystis carinii, Cryptococcus). Onze patients traités initialement par amphotéricine B avec un relais prolongé d’un à deux ans par itraconazole ou voriconazole ont guéri. Trente-trois patients (61 % des cas) sont décédés en moyenne 22 jours après le diagnostic d’aspergillose (Tableau 5). 4. Discussion L’aspergillus est un champignon ubiquitaire trouvé de façon habituelle dans la terre, l’eau, les végétaux et débris organiques en voie de dégradation, les moisissures aéroportées. Les spores peuvent être présentes dans les épices, les fleurs séchées, la paille. Parmi les 200 espèces identifiées, une vingtaine est pathogène pour l’homme. La plus fréquente est A. fumigatus à l’origine des aspergilloses bronchopulmonaires allergiques et aspergilloses invasives. L’A. flavus est plus souvent en cause dans les aspergilloses cutanées invasives primitives et infections endémiques sinusiennes. Les autres espèces rencontrées sont Aspergillus glaucus, niger qui est la plus souvent en cause dans les mycoses de l’oreille, terreus et nidulans. L’aspergillus peut être isolé dans l’oropharynx et le tractus gastro-intestinal de sujets sains [3]. L’aspergillose invasive survient sur des terrains immunodéprimés, en particulier lorsqu’il existe des anomalies des polynucléaires neutrophiles ou des macrophages [1]. Ainsi, elle est diagnostiquée en premier lieu en oncohématologie chez des patients neutropéniques après des polychimiothérapies lourdes. Dans l’étude de Lortholary et al., le taux moyen de polynucléaires neutrophiles au moment du diagnostic d’aspergillose était de 137/mm3, 42 % des patients ayant moins de 100 polynucléaires neutrophiles/mm3 [6]. Les autres terrains à risque

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

sont les granulomatoses chroniques, le sida [1], les transplantations d’organes. Chez les patients atteints de pathologies systémiques, l’aspergillose est favorisée par une perturbation des fonctions macrophagiques et neutrophiliques induite par les traitements corticoïdes et/ou immunosuppresseurs et, dans les maladies auto-immunes, par la pathologie systémique elle-même. Les corticoïdes interférant avec les fonctions macrophagiques et neutrophiliques [7], une forte imprégnation de corticostéroïdes favorise la survenue d’une aspergillose que ce soit dans les syndromes de Cushing endogène [8] ou lors de corticothérapies prolongées. Le risque d’infection fongique augmente avec la dose et la durée de la corticothérapie [7]. Dans les maladies auto-immunes, le dysfonctionnement de la réponse cellulaire T nécessaire à la stimulation des granulocytes augmente le risque d’aspergillose [1]. Dans notre série, comme dans les observations de la littérature, l’aspergillose survient sur un terrain polypathologique avec de nombreuses comorbidités et infections concomitantes. On observe également que de nombreux cas d’aspergillose invasive de la revue de la littérature surviennent chez des patients ayant une insuffisance rénale [9,15,26–30,33,35,36]. Celle-ci pourrait traduire une sévérité de la maladie systémique et est en soit à l’origine de perturbation du système immunitaire, constituant ainsi un facteur de risque supplémentaire. L’âge plus jeune des cas de la littérature s’explique par le profil différent des pathologies sous-jacentes, un tiers des patients de notre série ayant une maladie de Horton et 70 % des patients de la littérature un LED. L’aspergillose est invasive ou pulmonaire chronique dans tous les cas de notre série et dans la grande majorité des cas de la littérature. La paucité des symptômes cliniques, leur manque de spécificité, leur évolution très lente expliquent les difficultés diagnostiques. De plus, lorsque la localisation est pulmonaire, en l’absence de signe infectieux patent et devant des prélèvements infectieux négatifs, l’hypothèse d’une localisation de la maladie systémique, notamment du LED, peut égarer le diagnostic [10]. Tous ces facteurs expliquent les délais diagnostiques très longs, allant jusqu’à trois ans. La localisation pulmonaire prédomine largement dans notre série et dans la littérature. À la différence des aspergilloses invasives des sarcoïdoses où l’infection se développe dans la quasi-totalité des cas à partir d’un aspergillome greffé sur une lésion granulomateuse [11], il n’est pas retrouvé d’aspergillome dans ce travail ; Cela est probablement lié au fait que les patients ayant une pathologie systémique ou des lésions favorisant une greffe aspergillaire ont été exclus. Si la culture d’Aspergillus peut être positive dans les expectorations de 15 % des sujets sains, elle est négative chez 70 % des sujets atteints d’aspergillose invasive, d’où la nécessité de procéder à un lavage bronchoalvéolaire, voire à une biopsie bronchique [9]. L’examen direct et la culture du liquide de lavage bronchoalvéolaire ont diagnostiqué six des neuf aspergilloses de notre série et 13 des 54 cas de la littérature. En fait, la conférence de consensus admet que la culture a une sensibilité faible pour le diagnostic d’aspergillose invasive, la présence d’asper-

825

gillus pouvant être observée dans les sécrétions bronchiques de patients immunocompromis en dehors de toute complication infectieuse opportuniste et des contaminations environnementales pouvant être à l’origine de « faux positifs ». Le diagnostic repose donc sur un faisceau d’arguments clinicoradiologiques et sur des données histologiques (recherche d’invasion tissulaire aspergillaire et de granulomes), immunologiques (sérologie et recherche d’anticorps spécifiques) et de biologie moléculaire (technique de PCR) [12]. Les aspergilloses cérébrales se développent le plus souvent à partir d’infections sinusiennes ou orbitaires. Les céphalées sont les premiers symptômes, aspécifiques, la fièvre est souvent absente, et l’infection évolue à bas bruit jusqu’à un tableau aigu avec des signes de localisation traduisant la formation d’abcès ou d’hémorragies. En effet, l’Aspergillus envahit l’endothélium vasculaire entraînant la formation de thrombi et de nécrose hémorragique fragilisant la paroi des vaisseaux [13]. Le diagnostic nécessite donc la conjonction entre des éléments cliniques et radiologiques, et une culture fongique et/ou la présence de filaments à l’examen histologique des lésions [9]. La sérologie est un argument positif supplémentaire, mais elle est souvent négative, probablement du fait du dysfonctionnement de la réponse cellulaire T chez ces patients immunodéprimés. L’évolution est fatale dans plus de 50 % des cas de la littérature et dans un tiers des cas de notre série. La dose moyenne journalière de corticoïdes plus élevée dans les cas de la littérature a pu participer à une plus large diffusion de l’infection. Ce sont, cependant, avant tout les progrès des méthodes diagnostiques et des moyens thérapeutiques qui expliquent cette différence, la revue de la littérature étant remontée jusqu’en 1956 alors que les patients de notre série étaient suivis entre 1989 et 2006. Néanmoins, chez ce type de patients, l’aspergillose reste une infection sévère, le retard diagnostique aggravant encore le pronostic. En oncohématologie, un traitement préventif est discuté mais des études complémentaires sont nécessaires pour préciser les patients qui en bénéficieraient, les molécules et les doses préconisées [14]. Le traitement curatif de référence des formes invasives est désormais le voriconazole qui a montré une supériorité par rapport à l’amphotericine B et une meilleure tolérance, les échecs dus à l’amphotéricine B étant en partie liés à des interruptions de traitement suite à la survenue d’insuffisance rénale [51]. Des essais récents proposent également l’association de la caspofungine avec un azole ou de l’amphotéricine B dans des formes sévères en cas d’échec du traitement conventionnel, sous surveillance stricte de la fonction hépatique [52]. Le relais est pris soit par l’itraconazole, soit par le voriconazole. Le traitement chirurgical a peu d’indication dans ces formes invasives ; il est parfois proposé dans des localisations telles qu’endocardite, ostéomyélite et arthrite, atteinte oculaire. La durée du traitement n’est pas standardisée, poursuivie jusqu’à disparition des signes cliniques et radiologiques, négativation des prélèvements infectieux, et restauration

826

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827

des défenses immunitaires. Il est toujours prolongé un voire deux ans suivant les auteurs [1]. 5. Conclusion L’aspergillose est une infection grave peu fréquente chez les patients suivis en médecine interne pour une pathologie systémique traitée par corticoïdes et/ou immunosuppresseurs. La difficulté diagnostique est surtout liée à l’absence de spécificité des signes cliniques et radiologiques. Cette infection doit donc être systématiquement évoquée devant des tableaux de bronchopneumopathie traînante non résolutive sous antibiothérapie habituelle ou de céphalées chroniques inhabituelles, a fortiori s’il existe des signes de focalisation neurologique. L’aspergillose survient majoritairement chez des patients fragilisés par de lourds antécédents ou autres comorbidités ou co-infections. Le risque augmente avec la dose et la durée de la corticothérapie et des autres immunosuppresseurs, ainsi que la gravité de la pathologie systémique, notamment lorsqu’il existe une insuffisance rénale comme nous avons pu l’observer à travers les cas de la littérature et dans notre série. Un traitement antiaspergillaire entrepris suffisamment tôt et prolongé peut permettre une guérison complète. L’intérêt d’un traitement préventif chez des patients ciblés n’est pas encore validé. Références [1]

Kontoyiannis DP, Bodey GP. Invasive aspergillosis in 2002: an update. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2002;21:161–72. [2] Palmer LB, Greenberg HE, Schiff MJ. Corticosteroid treatment as a risk factor for invasive aspergillosis in patients with lung disease. Thorax 1991;46:15–20. [3] Bodey GP, Vartivarian S. Aspergillosis. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1989;8:413–37. [4] Denning DW, Stevens DA. Antifungal and surgical treatment of invasive aspergillosis: review of 2,121 published cases. Rev Infect Dis 1990;12: 1147–201. [5] Denning DW, Riniotis K, Dobrashian R, Sambatakou H. Chronic cavitary and fibrosing pulmonary and pleural aspergillosis: case series, proposed nomenclature change, and review. Clin Infect Dis 2003;37:S265– 80. [6] Lortholary O, Ascioglu S, Moreau P, Herbrecht R, Marinus A, Casassus P, et al. Invasive aspergillosis as an opportunistic infection in nonallografted patients with multiple myeloma: a European Organization for Research and Treatment of Cancer/ Invasive Fungal Infections Cooperative Group and the Intergroupe français du Myelome. Clin Infect Dis 2000;30:41–6. [7] Lionakis MS, Kontoyiannis DP. Glucocorticoids and invasive fungal infections. Lancet 2003;362:1828–38. [8] Graham BS, Tucker WS. Opportunistic infections in endogenous Cushing’s syndrome. Ann Intern Med 1984;101:334–8. [9] Gonzales-Crespo MR, Gomez-Reino JJ. Invasive aspergillosis in systemic lupus erythematosus. Semin Arthr Rheum 1995;24:304–14. [10] Haupt HM, Moore GW, Hutchins GM. The lung in systemic lupus erythematosus. Analysis of the pathologic changes in 120 patients. Am J Med 1981;71:791–8. [11] Winterbauer RH, Kraemer KG. The infectious complications of sarcoidosis: a current perspective. Arch Intern Med 1976;136:1356–62. [12] Ascioglu S, Rex JH, de Pauw B, Bennett JE, Bille J, Crokaert F, et al. Defining opportunistic invasive fungal infections in immunocompromised patients with cancer and hematopoietic stem cell transplants: an international consensus. Clin Infect Dis 2002;34:7–14.

[13] Salaki JS, Louria DB, Chmel H. Fungal and yeast infections of the central nervous system. A clinical review. Medicine 1984;63:108–32. [14] Walsh TJ, Lee JW. Prevention of invasive fungal infections in patients with neoplastic disease. Clin Infect Dis 1993;17:S468–80. [15] Cleri DJ, Moser RL, Villota FJ, Wang Y, Husain SA, Nadeem S, et al. Pulmonary aspergillosis and central nervous system hemorrhage as complications of autoimmune hemolytic anemia treated with corticosteroids. South Med J 2003;96:592–5. [16] Angelotti T, Krishna G, Scott J, Berry G, Weinacker A. Nodular invasive tracheobronchitis due to Aspergillus in a patient with systemic lupus erythematosus. Lupus 2002;11:325–8. [17] Morelli S, Sgreccia A, Bernardo ML, Della Rocca C, Gallo A, Valesini G. Primary aspergillosis of the larynx in a patient with Felty’s syndrome. Clin Exp Rheumatol 2000;18:523–4. [18] Naidech A. A young woman with ring-enhancing lesions. J La State Med Soc 2003;155:158–61. [19] Apostolidis J, Tsandekidi M, Kousiafes D, Pagoni M, Mitsouli C, Karmiris T, et al. Short-course corticosteroid-induced pulmonary and apparent cerebral aspergillosis in a patient with idiopathic thrombocytopenic purpura. Blood 2001;98:2875–7. [20] Kristan SS, Kern I, Music E. Invasive pulmonary aspergillosis. Respiration (Herrlisheim) 2002;69:521–5. [21] Vandenberghe P, Zachee P, Verstraete S, Demuynck H, Boogaerts MA, Verhoef GE. Successful control of refractory and life-threatening autoimmune hemolytic anemia with intravenous immunoglobulins in a man with the primary antiphospholipid syndrome. Ann Hematol 1996;73: 253–6. [22] Cherasse A, Herin M, Oana M, Marievoet C. Aspergillus prostatitis and prolonged corticotherapy. Apropos of a case report. Acta Urol Belg 1997;65:43–8. [23] Vinas FC, King PK, Diaz FG. Spinal Aspergillus osteomyelitis. Clin Infect Dis 1999;28:1223–9. [24] Tack KJ, Rhame FS, Brown B, Thompson Jr. RC. Aspergillus osteomyelitis. Report of four cases and review of the literature. Am J Med 1982; 73:295–300. [25] Hara KS, Ryu JH, Lie JT, Roberts GD. Disseminated Aspergillus terreus infection in immunocompromised hosts. Mayo Clin Proc 1989;64:770–5. [26] Katz A, Ehrenfeld M, Livneh A, Bank I, Gur H, Pauzner R, et al. Aspergillosis in systemic lupus erythematosus. Semin Arthritis Rheum 1996; 26:635–40. [27] Nenoff P, Horn LC, Mierzwa M, Leonhardt R, Weidenbach H, Lehmann I, et al. Peracute disseminated fatal Aspergillus fumigatus sepsis as a complication of corticoid-treated systemic lupus erythematosus. Mycoses 1995;38:467–71. [28] Pillay VK, Wilson DM, Ing TS, Kark RM. Fungus infection in steroidtreated systemic lupus erythematosus. JAMA 1968;205:261–5. [29] Cohen J, Pinching AJ, Rees AJ, Peters DK. Infection and immunosuppression. A study of the infective complications of 75 patients with immunologically-mediated disease. Q J Med 1982;51:1–15. [30] Ginzler E, Diamond H, Kaplan D, Weiner M, Schlesinger M, Seleznick M. Computer analysis of factors influencing frequency of infection in systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum 1978;21:37–44. [31] Hellmann DB, Petri M, Whiting-O’Keefe Q. Fatal infections in systemic lupus erythematosus: the role of opportunistic organisms. Medicine 1987; 66:341–8. [32] Carpenter RR, Sturgill BC. The course of systemic lupus erythematosus. J Chronic Dis 1966;19:117–31. [33] Kattwinkel N, Cook L, Agnello V. Overwhelming fatal infection in a young woman after intravenous cyclophosphamide therapy for lupus nephritis. J Rheumatol 1991;18:79–81. [34] Keye Jr. JD, Magee WE. Fungal diseases in a general hospital; a study of 88 patients. Am J Clin Pathol 1956;26:1235–53. [35] Wang QL, Yin JN, Han ZR. A case of fulminant systemic lupus erythematosus complicated by severe aspergillar septicemia confirmed by pathologic findings. Chin Med J (Engl) 1986;99:493–7. [36] Kimura M, Udagawa S, Shoji A, Kume H, Iomori M, Satou T, et al. Pulmonary aspergillosis due to Aspergillus terreus combined with staphylococcal pneumonia and hepatic candidiasis. Mycopathologia 1990; 111:47–53.

K. Stankovic et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 813–827 [37] Lammens M, Robberecht W, Waer M, Carton H, Dom R. Purulent meningitis due to aspergillosis in a patient with systemic lupus erythematosus. Clin Neurol Neurosurg 1992;94:39–43. [38] Young RC, Bennett JE, Vogel CL, Carbone PP, DeVita VT. Aspergillosis. The spectrum of the disease in 98 patients. Medicine 1970;49:147– 73. [39] Gottschalk J, Eggert W. Generalisierte endomykose nach hochdosierter immunosuppresiver therapie. Dt Gesundh-Wesen 1981;36:2070–2. [40] Juega J, Pedreira JD, Adega M, Valdes F, Echaniz A. Infection in systemic lupus erythematosus. Rev Clin Esp 1989;184:245–6. [41] Molina M, Ortega G, de Paco M, Sempere M. Nodular pulmonary infiltrates and cardiac insufficiency. Enferm Infecc Microbiol Clin 1991;9: 655–6. [42] Suragawa A, Ebina K, Hirano T, Ohi H, Yoshimura S, Akabane M. Multiple Aspergillus brain abscess complicated with systemic lupus erythematosus. Case report. Neurol Med Chir (Tokyo) 1991;31:986–90. [43] Collazos J, Martinez E, Flores M, Mayo J. Aspergillus pneumonia successfully treated with itraconazole in a patient with systemic lupus erythematosus. Clin Investig 1994;72:920–1. [44] Urowitz MB, Bookman AA, Koehler BE, Gordon DA, Smythe HA, Ogryzlo MA. The bimodal mortality pattern of systemic lupus erythematosus. Am J Med 1976;60:221–5. [45] Lisbona R, Lacourciere Y, Rosenthall L. Aspergillomatous abscesses of the brain and thyroid. J Nucl Med 1973;14:541–2.

827

[46] Friedmann AM, King KE, Shirey RS, Resar LM, Casella JF. Fatal autoimmune hemolytic anemia in a child due to warm-reactive immunoglobulin M antibody. J Pediatr Hematol Oncol 1998;20:502–5. [47] Garcia A, Mazuecos A, Clayo A, Perez-Requena J, Mangas A, Alonso F, et al. Isolated cerebral aspergillosis without a portal of entry-complete recovery after liposomal amphotericin B and surgical treatment. Nephrol Dial Transplant 1998;13:2385–7. [48] Wiggins Jr. RE. Invasive aspergillosis. A complication of treatment of temporal arteritis. J Neuroophthalmol 1995;15:36–8. [49] Remiszewski P, Langfort R, Podsiadlo B, Kus J, Plodziszewska M, Radzikowska E, et al. Invasive aspergillosis in autopsy material of patients treated at the Institute of Tuberculosis and Chest Diseases during the years 1993–2000. Pneumonol Alergol Pol 2002;70:251–7. [50] Memain N, Bruneel F, Boutin Z, Palazzo E, Guillevin L, Piette JC, Lortholary O. Aspergillose cérébrale (AC) d’évolution favorable chez deux patients immunodéprimés présentant une maladie inflammatoire systémique (MIS). 3es Journées nationales d’infectiologie. [51] Herbrecht R, Denning DW, Patterson TF, Bennet JE, Greene RE, Oestmann JW, et al. Voriconazole versus amphotericin B for primary therapy of invasive aspergillosis. N Engl J Med 2002;347:408–15. [52] Nivoix Y, Zamfir A, Lutun P, Kara F, Remy V, Lioure B, et al. Combination of caspofungin and an azole or an amphotericin B formulation in invasive fungal infections. J Infect 2006;52:67–74.