Revue du rhumatisme 80 (2013) 409–412
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Fait clinique
Atteinte axiale avec arthropathie des articulaires postérieures et ankylose osseuse dans un syndrome de camptodactylie, arthropathie, coxa vara et péricardite (CACP)夽 Yasser Emad a,∗,b , Yasser Ragab c,d , Maher Khalifa e , Iman Bassyouni a , Nashwa El-Shaarawy f , Johannes J. Rasker g a
Service de rhumatologie et de rééducation fonctionnelle, faculté de médecine, université du Caire, Caire, Égypte Service de rhumatologie et de rééducation, hôpital général Dr. Erfan et Bagedo, Djeddah, Arabie saoudite c Service de radiologie, faculté de médecine, université du Caire, Caire, Égypte d Service de radiologie, hôpital général Dr. Erfan et Bagedo, Djeddah, Arabie saoudite e Service de neurologie pédiatrique, hôpital général Dr. Erfan et Bagedo, Djeddah, Arabie saoudite f Service de rhumatologie et de rééducation, université du canal Suez, Ismailia, Égypte g Service de rhumatologie, université de Twente, Twente, Pays-Bas b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Accepté le 17 janvier 2013 Disponible sur Internet le 28 juin 2013 Mots clés : Syndrome camptodactylie Arthropathie Coxa vara Péricardite (CACP) Atteintes des articulations Arthropathie des articulaires postérieures Ankylose des articulaires postérieures
r é s u m é L’arthropathie familiale associée à la camptodactylie congénitale a été précédemment reconnue comme entité clinique bien définie dans la littérature. Le spectre clinique de cette maladie semble variable. Les caractéristiques cliniques typiques du syndrome camptodactylie congénitale, arthropathie, coxa vara et péricardite (syndrome CACP) semblent être plus fréquent chez les enfants provenant du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. La présentation ostéoarticulaire de cette forme familiale rare d’arthropathie est unique et hétérogène. Dans tous les articles précédents, une atteinte non inflammatoire type arthropathie incluant les articulations périphériques avec une coxa vara typique a été décrite, et dans certains cas des anomalies rachidiennes incluant la cyphose, la lordose ou la scoliose. Nous décrivons le premier cas d’atteinte axiale dans le cadre d’un syndrome CACP avec une arthropathie des articulaires postérieures et une ankylose rachidienne au niveau L5/S1. © 2013 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Présentation clinique Une fillette âgée de huit ans, s’est présentée en neurologie pédiatrique pour prise en charge diagnostique, ses parents ayant noté une démarche dandinante et une douleur des hanches associée à une douleur lombaire basse intermittente. L’examen neurologique était normal et la patiente a été orientée en rhumatologie. L’examen ostéoarticulaire montrait un gonflement symétrique des articulations interphalangiennes proximales (IPP), des métacarpophalangiennes (MCP) des deux mains, des poignets, des genoux et des chevilles. Les articulations atteintes n’étaient ni rouges, ni douloureuses ni chaudes à la palpation, avec une mobilité normale. Le début des symptômes ne pouvait pas être précisé vu l’indolence de cette affection, le motif de consultation étant la
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2013.01.010. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (Y. Emad).
boiterie notée depuis quelques mois. L’examen clinique montrait, par ailleurs, une déformation des articulations interphalangiennes du cinquième rayon (camptodactylie) apparue neuf mois après la naissance. L’enfant n’avait pas présenté de fièvre ni d’autres manifestations particulières depuis l’apparition de ces plaintes. L’analyse de la démarche montrait des difficultés lors de la marche et une limitation du mouvement des deux hanches ; la patiente se plaignant par ailleurs d’une lombalgie basse intermittente. La possibilité d’un syndrome camptodactylie, arthropathie, coxa vara, péricardite (CACP) était évoquée. Des examens complémentaires biologiques ont été demandés afin d’établir le diagnostic de cette affection rare. Le bilan biologique montrait une VSG à 5 mm à la première heure, un taux normal de CRP, l’absence de facteur rhumatoïde (FR), d’anti-citrullinated peptide (CCP) et d’anticorps antinucléaires (ANA). Les radiographies standard de face des mains montraient un gonflement fusiforme des articulations IPP avec une mise au carré des métacarpes et des phalanges et l’absence d’érosion articulaire (Fig. 1a). Les radiographies de face du bassin et des hanches montrait un aspect typique de coxa vara avec un aplatissement des têtes fémorales et une réduction de
1169-8330/$ – see front matter © 2013 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2013.02.012
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Fig. 1. a : radiographie standard des deux mains de face objectivant un gonflement des articulations interphalangiennes proximales (IPP) et métacarpophalangiennes (MCP) des deux mains et une mise au carré des têtes des métacarpes ; b : vue de face des deux hanches montrant un coxa vara (réduction de l’angle cervicodiaphysaire, proche de 90◦ , associé à un aplatissement de la tête fémorale) avec une protrusion acétabulaire bilatérale ; c : coupe TDM coronale avec images de reconstruction montrant une protrusion acétabulaire bilatérale et une coxa vara bilatérale.
l’angle entre le col fémoral et la diaphyse (Fig. 1b). L’examen cardiaque était normal ; cependant, l’échocardiographie était réalisée et a démontré un aspect de péricardite inférieure avec un discret épanchement péricardique. L’IRM du rachis lombaire était demandée afin d’étudier la cause de la lombalgie basse. À notre surprise, l’IRM a montré une hypertrophie bilatérale des articulaires postérieures au niveau L5/S1 ; et après injection de produit de contraste, sont apparues des images d’hypertrophie synoviale des articulaires postérieures (Fig. 2a–c) et le scanner objectivait une ankylose bilatérale des articulaires postérieures L5/S1 (Fig. 2c, d). 2. Discussion Notre cas illustre les caractéristiques typiques d’un syndrome CACP, avec un aspect clinique et radiographique non suggestif du diagnostic d’arthrite juvénile idiopathique (AJI). À ce jour, il n’existe malheureusement pas encore de traitement efficace de l’arthropathie secondaire au syndrome CACP. Cependant, un diagnostic précis est important afin d’éviter des diagnostics erronés d’AJI et des traitements inutiles par disease modifying anti-rheumatic drugs (DMARDs). Le syndrome CACP a été décrit pour la première fois en 1986 par Bulutlar et al. [1]. Il peut être associé à des cataractes congénitales [2]. L’étiologie de ce syndrome a été découverte en 1999 par Marcelino et al. [3] qui a étudié cette maladie autosomique récessive (CACP ; MIM 208250) et identifié les voies biologiques qui mènent à l’hyperplasie synoviale et les principaux traits pathologiques de ce syndrome. À l’heure actuelle, nous savons que le syndrome CACP est lié à des mutations du gène de la protéoglycane 4 (PRG4). Les manifestations peuvent varier d’une famille à une autre de même qu’entre les membres
de la même famille, la camptodactylie et l’arthropathie des genoux restent les caractéristiques les plus fréquentes, alors que la péricardite n’est retrouvée que dans un cas sur cinq [4]. Le syndrome CACP peut stimuler une forme polyarticulaire de l’AJI, qui peut comporter une atteinte péricardique. Classiquement, le syndrome ne répond pas aux DMARDs du fait de la nature non inflammatoire de la maladie [4]. Les enfants avec un syndrome CACP présentent souvent des articulations gonflées, avec une atteinte non érosive. Le liquide synovial dans le syndrome CACP est typiquement visqueux, clair, couleur miel, avec cytologie basse [5] et histologie montrant un liquide synovial non inflammatoire avec les cellules géantes multinucléées [6]. L’origine des cellules géantes dans le syndrome CACP a été identifiée comme étant une cellule macrophagique, car exprimant le CD68 avec un aspect caractéristique en microscopie électronique. La protéine anormale agit comme un lubrifiant et probablement dans le contrôle de la prolifération cellulaire. La perte de l’une ou de l’autre des fonctions pourrait induire une prolifération synoviale dans le syndrome CACP [7]. Le syndrome CACP se présente comme une arthropathie non érosive avec un aplatissement lisse des surfaces articulaires. Au bassin, l’anomalie la plus constante est une coxa vara associée à un raccourcissement des cols fémoraux. Parmi les anomalies les plus évocatrices, nous retrouvons des géodes intraosseuses remplies de liquide, situées au niveau de l’acétabulum se traduisant sur une radiographie standard par un aspect de lésions acétabulaires bénignes radiotransparentes. Des kystes intraosseux de cette taille et de cette nature sont rarement observés dans l’AJI, seulement en cas d’atteinte érosive sévère. La camptodactylie est universelle, mais peut varier en sévérité et n’est pas toujours objectivée sur les radiographies. Une des caractéristiques typiques et qui peut être observée sur les radiographies des mains est représentée par
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Fig. 2. a : coupe axiale T2 (WI) ; b : axiale T1 WI FAT-SAT après injection du produit de contraste montrant une ankylose des articulaires postérieures et une prise contraste plus évidente à gauche ; c : coupe axiale TDM fenêtre osseuse ; d : image de reconstruction parasagittale gauche, les deux images montrant une ankylose des articulaires postérieures au niveau de L5/S1 ; e : IRM sagittale T1 FAT-SAT après injection de produit de contraste montrant un rehaussement du signal au niveau des articulaires postérieures en L5/S1.
la mise au carré ou bien l’aplatissement des têtes phalangiennes et métacarpiennes. À l’inverse de l’AJI, le rachis cervical est strictement normal dans le syndrome CACP même dans les formes sévères [4]. L’étude en IRM des patients présentant un syndrome CACP montre généralement des épanchements articulaires des grosses articulations, une prise de contraste des synoviales épaissies, et l’absence de destruction cartilagineuse [6]. Cependant, dans les formes anciennes évoluées, des anomalies érosives peuvent survenir, à type de pincement cartilagineux témoignant de la destruction cartilagineuse [4]. La prise de contraste linéaire peut aider dans la distinction entre syndrome CACP et AJI, car celle-ci est homogène et multinucléée dans ce dernier [8,9]. De ce fait, l’IRM pourrait être considérée comme un outil diagnostique utile qui permet de différencier le syndrome CACP des connectivites chez l’enfant parmi lesquels l’AJI [6]. Bien qu’elle soit non érosive, l’arthropathie dans le syndrome CACP a été bien documentée, tout comme les autres manifestations cliniques de la maladie. Mais un seul article [10] a décrit une atteinte rachidienne radiographique dans le syndrome CACP. Aucune étude précédente n’avait décrit les caractéristiques à l’IRM de l’arthropathie des articulaires postérieures, telles que décrites dans notre cas. Faivre et al. [10] ont évalué 12 individus présentant un syndrome CACP appartenant à huit familles distinctes (quatre consanguines, quatre non consanguines). Les auteurs ont observé que l’atteinte des hanches et du rachis survenait fréquemment au cours de cette maladie (respectivement dix patients sur 12 et quatre patients sur 12). Dans leur série, les radiographies standard montraient une scoliose dans deux cas et une cyphose dans deux
autres cas. Les auteurs concluaient que les anomalies rachidiennes et coxofémorales doivent être recherchées systématiquement car faisant parti des manifestations cliniques et radiographiques du syndrome CACP. Dans notre observation, nous n’avons pas noté de cyphose ni de scoliose comme cela a été rapporté par Faivre et al. [10]. Nous considérons l’atteinte des articulaires postérieures dans notre cas comme faisant parti du syndrome CACP pour les raisons suivantes : • les articulaires postérieures sont des articulations synoviales, sujettes à l’atteinte articulaire dans le syndrome CACP qui affecte le tissu synovial induisant une hypertrophie synoviale ; • dans notre cas, les images IRM montrent un rehaussement typique du signal des articulaires postérieures reflétant la chronicité de l’atteinte synoviale pouvant amener à une ankylose osseuse ; • L’atteinte des articulaires postérieures et bilatérales suggérant un processus systémique, en l’absence de cause locorégionale discale, ostéoblastique, ou des parties molles et de l’absence d’anomalie à l’IRM suggérant une autre pathologie habituellement associée à l’atteinte des articulaires postérieures (ex. dysplasie spondyloépiphysaire, fracture, arthrite septique, spondylodiscite). Bien que l’arthrite septique des articulaires postérieures lombaires ne soit pas évoquée comme diagnostic différentiel dans notre cas, il est important de noter que l’arthrite septique de ses articulations n’est pas très rare en pédiatrie. Le rehaussement sous gadolinium semble être l’examen d’imagerie de référence
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pour diagnostiquer cette atteinte. De plus, l’IRM permet de diagnostiquer de fac¸on fiable les autres situations pathologiques telles que la spondylodiscite [11]. À notre connaissance, notre cas clinique est le premier décrivant un patient présentant un syndrome CACP, avec des caractéristiques à l’IRM et à la TDM évocatrices d’une atteinte bilatérale des articulaires postérieures au niveau L5/S1 avec une ankylose osseuse et une hypertrophie synoviale et un rehaussement caractéristique à l’IRM. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Bulutlar G, Yazici H, Ozdo˘gan H, Schreuder IA. familial syndrome of pericarditis, arthritis, camptodactyly, and coxa vara. Arthritis Rheum 1986;29(3):436–8. [2] Akawi NA, Ali BR, Al-Gazali LA. Novel mutation in PRG4 gene underlying camptodactyly-arthropathy-coxa vara-pericarditis syndrome with the possible expansion of the phenotype to include congenital cataract. Birth Defects Res A Clin Mol Teratol 2012;94(7):553–6.
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