Atteinte des derniers nerfs crâniens révélatrice d’une métastase occipitovertébrale d’un cancer du col de l’utérus

Atteinte des derniers nerfs crâniens révélatrice d’une métastase occipitovertébrale d’un cancer du col de l’utérus

FAIT CLINIQUE Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 268-72 Cranial nerve palsy revealing an occipitovertebral metastasis from carcinoma of the uterine cervix...

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FAIT CLINIQUE

Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 268-72 Cranial nerve palsy revealing an occipitovertebral metastasis from carcinoma of the uterine cervix – Joint Bone Spine 2001 ; 68 : 170-4 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved S1169833001000084/SCO

Atteinte des derniers nerfs crâniens révélatrice d’une métastase occipitovertébrale d’un cancer du col de l’utérus Jean-Pierre Ferroir1*, Caroline Le Breton2, Antoine Khalil2, Jean-Marie Antoine3, Thierry Ponnelle4, Christophe Billy5, Thierry Judet6 1 Service de neurologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France ; 2service de radiologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France ; 3service de gynécologie-obstétrique, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France ; 4service d’anatomopathologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France ; 5cabinet de neurologie, 13, rue de l’Égalité, 89000 Auxerre, France ; 6service de chirurgie orthopédique, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France

(Reçu le 4 juillet 2000 ; accepté le 29 novembre 2000)

Résumé – Les auteurs rapportent la survenue, chez une femme de 37 ans, d’une métastase osseuse occipitovertébrale d’un carcinome épidermoïde invasif du col de l’utérus, confirmée histologiquement, découverte trois mois après le cancer du col, traitée par radiothérapie locale puis chimiothérapie générale. La radiothérapie a été efficace sur les douleurs, même si elle n’a pas modifié les images IRM. La chimiothérapie a été entreprise. Mais des métastases ganglionnaires, une extension des lésions locales sont survenues et la patiente est décédée à peine plus d’une année après la découverte de la métastase osseuse. Une revue de la littérature est faite à l’occasion de cette localisation exceptionnelle de métastases d’un cancer du col utérin. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cancer utérin / métastase osseuse / nerfs crâniens / rachis cervical

Summary – Cranial nerve palsy revealing an occipitovertebral metastasis from carcinoma of the uterine cervix. A 37-year-old woman had a histologically documented occipitovertebral metastasis from an invasive epidermoid carcinoma of the uterine cervix. The metastasis was found three months after the primary and was treated by local radiation therapy followed by systemic chemotherapy. Radiation therapy was highly effective in relieving the pain but was not associated with changes in magnetic resonance imaging findings. Lymph node involvement and local extension occurred. The patient died one year after the diagnosis of the metastasis. Involvement of the occipitovertebral junction by uterine cervix carcinoma metastasis is exceedingly rare. The relevant literature is reviewed. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS bone metastasis / cervical spine / cranial nerves / uterine cervix carcinoma

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (J.P. Ferroir).

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Les métastases osseuses des cancers de l’utérus sont rares. Une localisation osseuse occipitovertébrale, unique, semble exceptionnelle. Nous en rapportons un cas. OBSERVATION Mme M. était suivie pour condylomes du col de l’utérus (1990) et dysplasie de type CIN2 (1993). En 1995 a été découvert un carcinome épidermoïde invasif du col de l’utérus, traité par curiethérapie, la dose totale délivrée étant de 65 Gy. Six semaines plus tard, en juillet 1995, une colpo-hystérectomie élargie de type Wertheim fut effectuée. Sur le plan histologique, il n’existait pas d’éléments carcinomateux résiduels au col. La recoupe vaginale, les paramètres, les ganglions iliaques externes et obturateurs étaient indemnes d’envahissement tumoral. La tumeur pouvait être classée en stade IB sans signe d’extension régionale ni à distance initialement. C’est alors qu’apparurent des douleurs latérocervicales droites, de plus en plus intenses, diurnes et nocturnes. Mi-août, survinrent des paresthésies de l’hémiface droite et de la face latérale droite du cou. Quelques troubles de la phonation et de la déglutition leur firent suite. À l’examen étaient constatées une amyotrophie de l’hémilangue droite avec déviation à droite de sa pointe lors de la protraction, une hypoesthésie de l’hémiface droite ne respectant pas l’encoche massétérine et atteignant la face latérale droite du cou. Les douleurs devinrent intenses, à l’origine d’une attitude antalgique du cou et nécessitant la prescription d’antalgiques majeurs. Une telle sémiologie, évocatrice d’une atteinte des Ve, IXe, Xe et XIIe paires crâniennes droites ainsi que des racines sensitives de C1 et C2 amenèrent à faire rapidement un bilan paraclinique. Les radiographies de la charnière occipitovertébrale montraient un discret pincement de l’articulation atloïdoaxoïdienne à droite. L’examen scanographique objectivait une lyse osseuse du clivus prédominant à droite, une atteinte de la base du crâne s’étendant jusqu’au trou déchiré postérieur ainsi que jusque dans le canal condylien antérieur (figure 1). Le massif articulaire droit de l’atlas était atteint. L’IRM confirmait l’existence d’une masse tumorale de la base du crâne prenant le contraste de façon hétérogène envahissant le canal condylien antérieur et le trou déchiré postérieur, ainsi que la masse latérale droite de C1 et les parties molles adjacentes (figure 2). Il existait un refoulement du tronc cérébral avec angulation de la jonction bulbomédullaire. Ces données faisaient craindre une métastase osseuse occipitoatloïdienne avec atteinte des dernières paires crâ-

Figure 1. Coupe TDM de la base du crâne. Fenêtre osseuse : ostéolyse occipitale droite et de la masse latérale droite de l’atlas.

niennes et des premières racines cervicales droites. Une scintigraphie osseuse objectivait le caractère unique de cette lésion. Une biopsie chirurgicale par voie rétromastoïdienne fut effectuée dont l’analyse confirmait l’existence d’une métastase osseuse d’un carcinome épidermoïde. Les lames concernant le cancer du col de l’utérus furent

Figure 2. Coupe transversale de la base du crâne en IRM T1 avec contraste : la métastase envahit l’espace épidural antérolatéral D.

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Figure 3. Carcinome épidermoïde moyennement différencié et mature. Les deux localisations ont un aspect morphologique strictement superposable. A : lésion cervicale initiale. B : localisation osseuse (détail d’un globe corné signant la maturation de la prolifération).

relues. Il ne semblait pas faire de doute que les deux lésions étaient de même nature (figure 3). Une radiothérapie fut entreprise immédiatement en septembre 1995. L’évolution fut favorable puisque fin octobre les douleurs avaient régressé, les dysesthésies de la face et du cou avaient disparu, de même que les troubles de la déglutition et l’attitude antalgique inquiétante du cou. L’IRM de contrôle ne montrait pas d’évolution des lésions. Une chimiothérapie fut entreprise, faite de cisplatine et de 5 FU dès le mois de décembre. Six cures furent effectuées entre janvier et juillet 1996. À cette date, en dépit du traitement, des métastases ganglionnaires pelviennes furent notées, de même nature histologique que le cancer du col de l’utérus. Une radiothérapie locale de 40 Gy fut effectuée, tenant compte de la curiethérapie antérieure. En septembre 1996, apparaissait une adénopathie cervicale. Une imagerie de contrôle montrait une extension vers les parties molles de la lésion osseuse de C1. Un relais de la chimiothérapie fut proposé. Mais la patiente décéda quelques mois plus tard. DISCUSSION Chez notre patiente, la localisation des anomalies explique parfaitement la sémiologie clinique. La lésion vertébrale et l’atteinte avoisinante des parties molles réalisent l’aspect habituellement décrit dans les métastases osseuses rachidiennes des cancers du col

de l’utérus, bien que celles-ci soient très rares. Seule la localisation, occipitovertébrale, est en marge des descriptions habituelles. Nous n’en avons trouvé aucun cas dans la littérature. L’étude comparative des lames de la lésion osseuse et de la tumeur du col de l’utérus ne laisse pas planer de doute, il s’agissait bien d’une métastase osseuse du cancer du col de l’utérus. La radiothérapie rapidement entreprise a permis la disparition des douleurs, l’amélioration des signes cliniques et la stabilisation des images IRM. La survie n’a néanmoins été que de dix-huit mois, une aggravation secondaire étant survenue principalement du fait d’une récidive ganglionnaire pelvienne résistant à une chimiothérapie générale complétée d’une radiothérapie pelvienne. C’est l’évolution d’ordinaire constatée dans un tel cas. Notre observation est donc représentative des complications heureusement rares des cancers du col de l’utérus de la femme jeune. La fréquence des métastases osseuses des cancers du col de l’utérus varie selon les divers travaux de 1,8 à 8,2 %, la plupart des auteurs s’accordant à penser que la fréquence moyenne n’excède pas 3 à 4 % [1-4]. Toutefois, elle serait de 6 % pour Yeh et al. et 8 % pour Fagundes et al. [5, 6]. Cette variabilité de fréquence des métastases osseuses pourrait être en rapport avec le stade évolutif de la maladie et le mode de détection des métastases. Ainsi pour Fagundes et al., la fréquence des métastases (tous sites confondus) des cancers du col utérin varie de 3 % au stade IA à 75 % au stade IVA [6]. Par ailleurs, la précocité du diagnostic varie selon la méthode de détection employée, la scintigraphie osseuse au Tc99m étant beaucoup plus sensible que la radiographie standard [7]. Les métastases osseuses du cancer du col siègent essentiellement sur le squelette axial et avant tout les os du bassin et du rachis mais essentiellement le rachis lombaire ; le rachis dorsal, cervical et le crâne étant très rarement atteints. Par ordre de fréquence décroissant viennent ensuite les côtes, les os longs, le sternum. Pour Barmeir et al., les métastases rachidiennes du cancer du col utérin représentent 54 % de l’ensemble des métastases, celles des os du bassin 25 % [8]. Pour Matsuyama et al. les métastases vertébrales lombaires représentent 48 % de l’ensemble des métastases osseuses [9]. Pour Yu et al. 45 % des métastases osseuses siègent aux vertèbres lombaires [10]. Dans la série de Blythe et al., sur 55 patientes ayant des métastases osseuses et totalisant 66 localisations, 29 sont vertébrales mais aucune au rachis cervical, 17 pelviennes, dix aux os longs, dix d’autres localisations mais une seule au crâne [4]. Tou-

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tefois, des métastases osseuses au crâne isolées ont pu être rapportées par Hiramatsu [11]. Les métastases osseuses sont rarement isolées, celles-ci étant souvent associées à des métastases ganglionnaires, hépatiques et surtout pulmonaires. Pour Fagundes et al., sur deux patientes ayant une métastase osseuse, une avait aussi une métastase pulmonaire [6]. Ratanatharathorn et al. signalent chez 27 des 41 patientes de leur série ayant des métastases osseuses l’existence d’autres métastases, ganglionnaires, pulmonaires, hépatiques [3]. Les métastases osseuses accompagnent souvent une récidive pelvienne. C’est le cas pour 25 des 41 patientes de Ratanatharathorn et al. [3]. Les mêmes constatations sont faites par Fagundes et al. [6]. La place des métastases osseuses par rapport aux autres métastases à distance est appréciée de façon identique dans les grandes séries. Les plus fréquentes sont les métastases pulmonaires, puis ganglionnaires. Viennent ensuite les métastases osseuses, hépatiques, à la cavité abdominale et au tractus digestif, au cerveau. Le délai écoulé entre la découverte du cancer du col et l’apparition d’une métastase osseuse est variable. Il est exceptionnel que la métastase osseuse existe lors de la découverte du cancer du col (deux cas sur 496 patientes ayant un cancer du col dont 41 avec métastases osseuses pour Ratanatharathorn et al. [3]). Le délai écoulé s’échelonne de 0 à 212 mois avec une médiane de 17 mois. Soixante-quinze pour cent sont découvertes à trois ans, 88 % à cinq ans et seulement 0,4 % après dix ans toujours pour le même auteur. Yu et al. signalent leur survenue au cours des trois premières années dans plus de la moitié des cas [10]. Les atteintes osseuses des cancers du col de l’utérus peuvent être dues, au niveau du pelvis, à une extension par contiguïté d’une tumeur du petit bassin volumineuse envahissant les parties molles. De même, un ganglion métastatique paravertébral peut favoriser l’apparition par contiguïté d’une atteinte vertébrale. Par contiguïté toujours, une métastase pulmonaire peut entraîner une atteinte costale ou sternale. Une dissémination par voie veineuse est possible, principalement par l’intermédiaire des plexus veineux de Batson, pouvant expliquer les métastases rachidiennes non liées à une extension locale. Des disséminations par voie artérielle sont aussi possibles, expliquant les métastases aux os longs, à l’omoplate et au crâne. Cette dissémination hématogène se fait à partir des vaisseaux nourriciers, la lésion radiologique étant caractérisée par l’intégrité de la corticale avec atteinte première de la médullaire osseuse. La

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survenue de métastases osseuses est de mauvais pronostic. Pour Ratanatharathorn et al., 64 % des patientes sont décédées à six mois, 80 % le sont à un an et 95 % à deux ans [3]. Dans cette série, la durée de survie s’échelonne de un à 44 mois avec une médiane de survie de trois mois et demi. Le pronostic de la métastase osseuse ne semble pas dépendre de son délai de survenue, même si celui-ci est de dix ou 15 années par rapport à la découverte du cancer du col de l’utérus. La nature du cancer du col ne semble pas influer, pour la plupart des auteurs, sur la survenue de métastases à distance, qu’il s’agisse d’adénocarcinome ou de carcinome épidermoïde [3, 6]. Les éléments semblant avoir une influence sont avant tout le stade évolutif du cancer avec une plus grande fréquence pour les cancers au stade III et IV et surtout la faible différenciation de la tumeur lors de sa découverte, l’extension plus ou moins importante au moment de la chirurgie au paramètre et au vagin [3, 6, 8, 12], une évolution défavorable de la tumeur, principalement une récidive locale de celle-ci, un cancer du col en « tonneau ». L’histologie, le volume de la tumeur et l’âge de la patiente n’auraient pas d’incidence [6]. L’aspect radiologique des métastases osseuses du cancer du col de l’utérus est rarement rapporté et les descriptions concernent essentiellement le rachis lombaire qui est la région la plus fréquemment touchée [2, 9, 13]. Les métastases apparaissent ostéolytiques dans presque tous les cas [14], un aspect condensant étant exceptionnel. Au rachis, la lésion ostéolytique, touche une partie du corps vertébral et est associée à une masse tumorale envahissant les parties molles avoisinantes. Cet aspect correspond à celui que nous avons observé dans notre cas. Les localisations occipitovertébrales des métastases osseuses, quelque soit d’ailleurs le cancer primitif, sont rares et sont habituellement associées à d’autres lésions métastatiques osseuses [15], le caractère isolé de cette métastase chez notre patiente est tout à fait exceptionnel. L’atteinte isolée de la charnière cervico-occipitale résulte vraisemblablement d’un envahissement par contiguïté de l’espace épidural et des structures osseuses adjacentes à la lésion initiale. Sur les clichés standard, l’ostéolyse des condyles occipitaux est difficile à mettre en évidence en raison des superpositions osseuses de la base du crâne ; il est donc nécessaire de les rechercher avec des techniques d’imagerie plus performantes tel le scanner ou l’IRM. L’exploration scintigraphique de la charnière occipitovertébrale reste difficile du fait de l’existence de zones d’hyperfixation physiologique nor-

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male. Loevner et Yousem rapportent une série de neuf métastases occipitovertébrales explorées par scanner et/ou IRM [16]. Aucun cancer du col de l’utérus ne figure parmi les cancers primitifs. Lorsque l’étude IRM de la charnière est effectuée dans les deux plans, axial et sagittal, il est possible d’obtenir un bilan d’extension précis, en particulier au niveau des parties molles et de l’espace épidural et d’effectuer une comparaison avec le côté sain, la métastase étant le plus souvent unilatérale. Le dosage d’un marqueur tumoral dans les carcinomes épidermoïdes du col utérin, le squamous cell carcinoma antigen (SCC) est possible. Il n’a pas d’intérêt dans le dépistage du cancer du col, les frottis étant beaucoup plus sensibles mais il peut être intéressant dans la surveillance post-thérapeutique, son élévation amenant à rechercher précocement des métastases ou une récidive [17]. Le traitement des métastases osseuses des cancers du col de l’utérus repose essentiellement sur la radiothérapie dont l’effet sur la douleur est bon dans 68 à 78 % des cas [3, 4, 9, 11]. L’effet de la chimiothérapie mériterait d’être précisé [3]. REMERCIEMENTS Nous remercions Mlle Karine Couderc pour avoir effectué le travail de secrétariat. RE´FE´RENCES 1 Peeples WJ, Inalsingh CHA, Hazra TA, Graft D. The occurrence of metastasis outside the abdomen and retroperitoneal space in invasive carcinoma of the cervix. Gynecol Oncol 1976 ; 4 : 307-10. 2 Kim RY, Weppelmann B, Salter MM, Brascho DJ. Skeletal metastases from cancer of the uterine cervix : frequency, pat-

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