Atteinte digestive d’une maladie de Whipple avec multiples adénomégalies abdominales

Atteinte digestive d’une maladie de Whipple avec multiples adénomégalies abdominales

Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 1148—1155 LETTRE / Digestif Atteinte digestive d’une maladie de Whipple avec multi...

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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 1148—1155

LETTRE / Digestif Atteinte digestive d’une maladie de Whipple avec multiples adénomégalies abdominales夽 Mots clés : Abdominal ; Adénopathie ; Maladie de Whipple ; Scanner ; Tropheryma whipplei Observation Un patient de 51 ans, sans antécédent, consultait aux urgences pour une détresse psychologique aiguë secondaire à un surmenage professionnel. Outre ses problèmes psychologiques, l’interrogatoire révélait une asthénie chronique avec une anorexie et un amaigrissement de 14 kg en un an. Il n’y avait pas de trouble du transit ni de douleur abdominale. L’examen clinique était sans particularité, notamment il n’y avait pas d’adénopathie périphérique perc ¸ue. Le bilan biologique montrait une anémie microcytaire à 10,6 g/dL, une hyperleucocytose modérée à 13 130 GB/mm3 , un syndrome inflammatoire biologique avec une protéine C-réactive à 125 mg/L et un taux de ferritine effondré. L’intradermoréaction (IDR) était négative au troisième jour. Devant ce tableau, un scanner thoracoabdominopelvien sans et avec injection était réalisé. Il mettait en évidence de nombreuses adénomégalies mésentériques et rétropéritonéales, non compressives et à centre hypodense (densité spontanée d’environ — 10 UH). Il n’y avait pas d’épaississement pariétal des anses digestives, en revanche, on notait une infiltration mésentérique diffuse (Fig. 1). À l’étage thoracique, il n’y avait pas d’adénomégalie médiastino-hilaire ni de lésion parenchymateuse. Le caractère ferriprive de l’anémie conduisait à la réalisation d’examens endoscopiques. La gastroscopie et la coloscopie étaient macroscopiquement normales. En revanche, l’analyse histologique des biopsies duodénales révélait des villosités boursouflées contenant des lymphatiques dilatés et un infiltrat tissulaire par des macrophages

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.04.007. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus.

spumeux contenant des corpuscules Periodic-Acid-Schiff (PAS) positifs et négatifs à la coloration de Ziehl-Neelsen apportant le diagnostic de maladie de Whipple. Le bilan d’extension était sans particularité notamment sur le plan neurologique avec une ponction lombaire normale. L’évolution clinique était favorable après un an de traitement antibiotique par cotrimoxazol avec reprise de 17 kg et normalisation du scanner de contrôle. Discussion La maladie de Whipple est une infection chronique, rare et systémique causée par une bactérie d’une famille proche des actinomycètes : Tropheryma whipplei. Cette maladie décrite pour la première fois en 1907 touche principalement les hommes (90 %) caucasiens entre 40 et 50 ans [1,2]. Il s’agit d’une maladie polymorphe à l’origine d’atteintes digestives, ostéoarticulaires, neurologiques ou encore cardiaques dont la physiopathologie est encore incertaine et le mode de contamination inconnu [3]. La bactérie en cause est présente de manière commensale dans l’environnement et a également été retrouvée chez des porteurs sains [4,5]. La pathogénie de la bactérie serait liée à des facteurs individuels de susceptibilité génétique avec notamment des déficiences immunitaires entraînant une incapacité des macrophages à digérer la bactérie [3]. L’atteinte gastro-intestinale est souvent fruste cliniquement. Elle associe le plus fréquemment une diarrhée et une stéatorrhée mais ces symptômes peuvent manquer, comme dans notre cas. Les autres manifestations intestinales comprennent des crampes abdominales, un ballonnement, une anorexie et un amaigrissement [1]. Sur le plan biologique, il peut exister une polynucléose neutrophile et une anémie le plus souvent microcytaire ferriprive secondaire à un syndrome de malabsorption. L’imagerie en coupe de l’atteinte digestive de la maladie de Whipple peut être normale, ce qui n’élimine pas le diagnostic, ou peut montrer un épaississement pariétal peu important des anses grêles, une infiltration de la graisse mésentérique et des adénomégalies mésentériques, voire rétropéritonéales, à centre hypodense dont le diagnostic différentiel n’est pas toujours facile [6]. Pour notre patient, le diagnostic de tuberculose abdominale avait été évoqué mais non retenu devant la négativité de l’IDR. L’absence d’atteinte thoracique et de facteurs d’immunodépression ne plaidait pas non plus pour une affection à mycobactéries.

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Figure 1. Scanner abdominopelvien en coupes axiales sans (a) et avec injection au temps portal (b) et en coupes frontales avec injection au temps portal (c, d) montrant de multiples adénomégalies mésentériques et rétropéritonéales à centre hypodense. Noter également l’infiltration mésentérique diffuse.

Le caractère hétérogène et hypodense des adénomégalies mésentériques n’était pas non plus en faveur d’une atteinte lymphomateuse mais avait fait évoquer la maladie de Whipple. L’aspect hypodense des adénomégalies est en effet le critère le plus spécifique de la maladie de Whipple. Il correspond à une infiltration lipidique du sinus des ganglions à l’origine de la dénomination initiale de la maladie : « lipodystrophie mésentérique » [7]. Cette infiltration lipidique est liée à l’incapacité des macrophages à digérer les bactéries responsables. Le diagnostic repose sur l’histologie qui met en évidence une infiltration tissulaire par des macrophages anormaux comportant des corpuscules de Sieracki PAS positifs. Plus récemment, l’amplification des gènes par PCR a constitué un progrès décisif dans le diagnostic de la maladie de Whipple, notamment au stade précoce ou dans les formes atypiques [5]. L’évolution est fatale en l’absence de traitement. Ce dernier repose sur une antibiothérapie au

long cours associant triméthoprime et sulfaméthoxazole pendant un à deux ans [8].

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Fleming JL, Wiesner RH, Shorter RG. Whipple’s disease: clinical, biochemical, and histiopathologic features and assessment of treatment in 29 patients. Mayo Clin Proc 1988;63: 539—51.

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A. Gervaise a,∗ , D. Corberand b , P. Naulet a , M. Pernin a , Y. Portron a , M. Lapierre-Combes a a Service d’imagerie médicale, hôpital d’instruction des armées Legouest, BP 90001, 27, avenue de Plantières, 57077 Metz cedex 3, France b Service des maladies digestives, hôpital d’instruction des armées Legouest, BP 90001, 57077 Metz cedex 3, France ∗ Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Gervaise) http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.02.020

ORL Une cause rare mais classique de découverte de l’infection VIH夽 Mots clés : VIH (virus de l’immunodéficience humaine) ; Lésions kystiques ; Glandes salivaires ; Lésions lymphoépithéliales bénignes en lien avec le VIH Les lésions lymphoépithéliales bénignes en lien avec le VIH (LLB-VIH) localisées dans les glandes parotides surviennent chez 5 % des patients ayant une sérologie VIH positive sans corrélation avec le degré d’immunodéficience [1,2]. Ces lésions sont moins fréquentes depuis l’instauration des polythérapies antirétrovirales. Les glandes parotides sont le siège prédominant des LLB-VIH qui sont rares dans les glandes salivaires sous-maxillaires ou sublinguales [3]. Nous rapportons ici le cas d’un diagnostic de

DOI of original article: http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.04.011. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus.

VIH consécutif à la découverte en imagerie de lésions kystiques des glandes salivaires identifiées comme étant des LLB-VIH. Cas clinique Une femme de 44 ans nous a été adressée par un chirurgien ORL pour l’exploration d’une organomégalie cervicale bilatérale douloureuse deux mois après les symptômes inauguraux. L’examen clinique retrouvait une augmentation des deux parotides, mais la patiente ne présentait pas de fièvre, de sécheresse buccale, de sialorrhée, de paralysie faciale périphérique ni d’adénomégalie clinique cervicale. L’examen buccal était normal, sans signe d’inflammation de l’ostium des canaux de Stenon ou de Wharton. Une tomodensitométrie (TDM) de la base du crâne aux clavicules, avec injection biphasique de produit de contraste, retrouvait des lésions kystiques bilatérales multiples, de localisation parotidienne et sous-mandibulaire, avec organomégalie des glandes salivaires (Fig. 1). Les lésions kystiques se caractérisaient par une structure uniloculaire, une forme arrondie bien circonscrite, avec un mince rehaussement périphérique. Aucune masse endokystique ou exokystique n’était visible. Les lésions avaient un diamètre compris entre 4 et 30 mm. L’exploration a révélé de multiples ganglions lymphatiques cervicaux antérieurs et postérieurs, non nécrotiques, infracentimétriques, sans hypertrophie tonsillaire ou lithiase salivaire. Aucune anomalie dentaire ou oropharyngée n’était mise en évidence. La présence de ces lésions kystiques salivaires chez une patiente sans antécédents médicaux connus justifiait des explorations complémentaires par échographie et IRM. L’échographie a confirmé l’existence d’une organomégalie parotidienne et sous-mandibulaire bilatérale avec lésions kystiques multiples anéchogènes ou isoéchogènes à paroi épaisse (Fig. 2). Les kystes avaient un contenu homogène ou hétérogène, avec des niveaux liquide-liquide. Le Doppler couleur et le Doppler énergie n’ont pas retrouvé d’hypervascularisation intralésionnelle ou périlésionnelle. L’ostium et les canaux de Stenon et de Wharton n’étaient pas dilatés. L’exploration échographique a ainsi confirmé l’existence d’une organomégalie parotidienne et sousmandibulaire bilatérale avec lésions kystiques. Pour une exploration plus précise des canaux salivaires, la patiente a bénéficié d’examens IRM avec des séquences pondérées en T1, T2, Sialo-IRM et T1 avec injection de gadolinium. L’IRM a aussi retrouvé des lésions kystiques multiples dans les glandes salivaires parotides et sous-mandibulaires (Fig. 3). Les kystes présentaient un signal de faible intensité sur les séquences pondérées en T1 et un hypersignal liquidien sur les séquences pondérées en T2. Des niveaux liquide-liquide ont été retrouvés, ainsi qu’un rehaussement des parois épaisses sans masses nodulaires ou rehaussement central. Les canaux de Stenon et de Wharthon n’étaient pas dilatés. Compte tenu de ce tableau clinique et radiologique inhabituel, nous avons proposé de compléter le bilan biologique par une sérologie de dépistage du VIH. Le résultat a montré une sérologie VIH positive. Le diagnostic de lésions lymphoépithéliales bénignes (LLB) en lien avec le VIH a donc été posé.