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Arthropathies microcristallines
Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2011; 40: 865–868 ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Atteintes uro-néphrologiques des hyperuricémies Xavier Hurtes1, Paul Meria2
1. CHRU de Tours, service d’urologie, 37000 Tours, France 2. CHU de Saint-Louis, service d’urologie, 75475 Paris, France
Correspondance : Paul Meria, Hôpital Saint-Louis, service d’urologie, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris, France.
[email protected]
Key points Hyperuricemia and uro-nephrological disorders Hyperuricemia is a specific risk factor for cardiovascular morbidity and mortality. Uric acid lithiasis is urological symptom of hyperuricemia. In case of uric acid lithiasis, you must search a metabolic syndrome, an insulin resistance, a type 2 diabetes. Chronic tubular interstitial nephropathy is the renal disease of hyperuricemia. Hyperuricemia is a specific risk factor for chronic renal failure. Metabolism of uric acid involves the uromodulin.
L’
acide urique est le produit final du catabolisme des purines. Celles-ci ont un rôle majeur dans l’organisme : en tant que source d’énergie des réactions cellulaires (adénosine triphosphate), pour la transduction des signaux cellulaires (adénosine monophosphate cyclique, guanine triphosphate) et le codage des informations génétiques (acide désoxyribonucléique ou ADN, acide ribonucléique).
tome 40 > n89 > septembre 2011 doi: 10.1016/j.lpm.2011.05.006
Points essentiels L’hyperuricémie est un facteur de risque indépendant de morbidité et de mortalité cardiovasculaire. La lithiase urique est l’atteinte urologique de l’hyperuricémie. La lithiase urique doit faire rechercher un syndrome métabolique, une résistance à l’insuline, un diabète de type 2. La néphropathie tubulaire interstitielle chronique est l’atteinte rénale principale de l’hyperuricémie. L’hyperuricémie est un facteur de risque indépendant d’insuffisance rénale chronique. Le métabolisme de l’acide urique fait intervenir l’uromoduline.
L’élimination de l’acide urique est mixte : un tiers par voie digestive et deux tiers par voie urinaire. De bas poids moléculaire, l’acide urique est filtré par le glomérule, puis est réabsorbé par le tubule contourné proximal. Il existe ensuite une sécrétion luminale suivie d’une seconde réabsorption. Au total, 95 % de l’acide urique filtré est réabsorbé le long du tubule proximal [1]. Au niveau cellulaire, la physiologie du transport de l’acide urique est assez complexe et n’est que partiellement
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Disponible sur internet le : 17 juin 2011
X Hurtes, P Meria
élucidée. De récentes études sur le génome ont permis d’identifier certains transporteurs [2,3]. L’absorption au niveau des cellules tubulaires se fait principalement par les molécules URAT1 (cible de nombreux uricosuriques), OAT4 et GLUT9. Le passage vers le sang à la partie basolatérale des cellules est presque exclusivement réalisé par GLUT9. Il s’agit d’une molécule initialement décrite comme transporteur du glucose et du fructose, dont le rôle principal est en fait de réguler le taux sanguin d’acide urique. L’expression du gène qui code pour la protéine GLUT9 (SLC2A9) est étroitement liée à l’augmentation del’uricémie. Enfin, l’excrétion dans la lumière tubulaire est réalisée principalement par les molécules NPT1, ABCG2 et MRP4. La solubilité de l’acide urique dans les urines varie en fonction du pH : peu soluble à pH acide (1 mmol/L pour un pH = 5), il se dissout complètement dans les urines basique (12 mmol/L pour un pH = 8). À l’inverse l’urate, base conjuguée de l’acide urique, est d’autant moins soluble que le pH augmente et peut cristalliser à pH urinaire très alcalin. Ce phénomène reste rare puisque l’urate d’ammonium ou de sodium ne représentent que 0,1 % de l’ensemble des calculs [4], mais peut contribuer à empêcher la dissolution d’un calcul d’acide urique qui en cas d’alcalinisation trop importante se recouvre de cristaux d’urate. La fraction d’éjection rénale de l’acide urique varie avec le sexe, de 8 % chez l’homme contre 12 % chez la femme et l’âge, et diminue avec l’âge. Elle est maximale chez le nourrisson, atteignant des valeurs proches de 30 % chez l’enfant. L’hyperuricémie est donc plus volontiers une pathologie de l’homme adulte. L’hyperuricémie n’a pas de définition standard dans la littérature, mais on peut retenir le seuil de 70 mg/L chez l’homme et de 54 mg/L chez la femme. Quelles que soient sa cause (augmentation des apports exogènes, augmentation de la production endogène, déficit d’excrétion rénal, trouble de réabsorption), l’hyperuricémie a un retentissement important sur l’appareil uro-néphrologique.
Atteinte urologique
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La principale affection urologique due à l’hyperuricémie est la lithiase d’acide urique. Les calculs d’acide urique sont au 3e rang des calculs en termes de fréquence dans la population française (après les calculs d’oxalate de calcium et de phosphate de calcium), représentant 10,8 % des calculs [4]. Il s’agit de calculs facilement multiples, mais de petite taille, volontiers latéralisés à gauche sans que l’on ait d’explication claire à cette observation. Les calculs d’acide urique sont plus fréquents chez l’homme que chez la femme, et leur prévalence augmente avec l’âge. Parmi l’ensemble des constituants chez l’homme, l’acide urique ne représente ainsi que 1 % des calculs avant l’âge de 30 ans, 13 % entre 50 et 60 ans et plus de 37 % à 80 ans. Les proportions varient de façon identique chez la femme (10 % entre 50 et 60 ans et 20 % entre 70 et 80 ans) [4].
La physiopathologie de la lithiase urique est complexe, mais fait intervenir trois facteurs principaux : l’abaissement du pH urinaire (facteur le plus important), l’hyperuricurie (souvent associée à une hyperuricémie) et une diurèse insuffisante. Une situation clinique classique est l’association d’une maladie goutteuse et d’une lithiase urique. Entre 15 à 30 % des patients atteints de goutte sont porteurs de calculs [5,6], le plus souvent asymptomatiques [6]. La goutte, dont la physiopathologie repose sur l’accumulation d’acide urique dans les tissus du fait d’une hyperuricémie persistante, est un facteur de risque indépendant de lithiase urique. Dans une étude portant sur 51 529 patients [5], il a été montré que le risque relatif de faire un calcul était de deux pour un patient goutteux par rapport à un patient indemne de goutte. Les autres situations cliniques pourvoyeuses de lithiase urique par hyperuricémie sont : les excès d’apports par surconsommation de purines (viandes, abats, fruits de mer, bière), les déficits enzymatiques (glucose-6-phosphatase, hypoxanthine-guanine phosphorybosil transférase) déshydratation, patients porteurs d’iléostomie, syndrome de lyse tumorale. Enfin, la lithiase urique est clairement associée à l’insulinorésistance, le plus souvent en cause dans la diminution du pH urinaire chez les patients lithiasiques [1]. L’obésité, le diabète de type 2, l’insulinorésistance et le syndrome métabolique sont des facteurs majeurs de la lithogénèse urique [1,7] de par leur participation à l’abaissement du pH urinaire et à l’hyperuricémie. Leur dépistage ainsi que leur prise en charge doivent être systématiques chez les patients porteurs de calculs d’acide urique. L’association de l’hyperuricémie et du syndrome métabolique a été nettement mise en évidence dans l’étude de See au sein d’une population de 28 000 patients [8], et de récents travaux ont montré que l’hyperuricémie n’était pas seulement une conséquence du syndrome métabolique, mais peut être aussi un facteur prédictif d’apparition du syndrome métabolique [9], voire du diabète de type 2 [10]. De plus, il a récemment été mis en évidence une association significative entre hyperuricémie et fructose. Plusieurs travaux ont montré un lien direct entre la surconsommation de fructose dans les boissons sucrées (sodas, jus de fruits, boissons contenant du sirop de maïs) et l’hyperuricémie [11], voire la goutte [12]. Les patients qui consomment un soda par jour ont 74 % de risque de goutte en plus que ceux qui en consomment seulement un par mois. Et le risque relatif passe à 2,4 pour les patients qui consomment plus de 2 sodas par jour. Les enfants aussi sont exposés à ce sur-risque [13]. Le mécanisme physiologique est double [12] : d’une part, le fructose est métabolisé au niveau hépatique par phosphorylation, en dégradant de l’ATP en AMP, ce qui augmente le catabolisme des purines et conduit à la formation d’acide urique en excès ; d’autre part, l’augmentation du fructose induit une augmentation de l’insulinorésistance et de l’insulinémie, ce qui accroît l’uricémie. tome 40 > n89 > septembre 2011
Atteintes uro-néphrologiques des hyperuricémies
Atteintes rénales Une hausse brutale et importante de l’uricémie peut induire des lésions de néphropathie tubulaire aiguë dite « néphropathie uratique aiguë » qui peut réaliser un réel tableau d’insuffisance rénale aiguë. Ces hyperuricémies aiguës (parfois supérieures à 150 mg/L) se rencontrent surtout dans les syndromes de lyse tumorale (par exemple au décours d’une chimiothérapie dans un lymphome avec volumineuse masse tumorale). Le traitement est basé sur les mesures de prévention, avec hyperhydratation et alcalinisation par voie générale, généralement en utilisant des solutions de bicarbonate par voie intraveineuse. La prévention et le traitement des hyperuricémies aiguës dans les syndromes de lyse tumorale ont été facilités depuis quelques années par l’utilisation d’une molécule uricolytique hautement active, la rasburicase. Il s’agit d’une enzyme recombinante qui catalyse l’oxydation de l’acide urique en allantoïne, catabolite éliminé par voie urinaire. En dehors des situations d’urgence, il a été montré que l’acide urique est un facteur de risque indépendant d’insuffisance tome 40 > n89 > septembre 2011
rénale chronique, par néphropathie tubulaire interstitielle chronique (infiltration uratique parenchymateuse, siégeant initialement dans la médullaire, avec dépôts cristallins interstitiels et réaction inflammatoire). La goutte est ainsi responsable de 0,5 à 1 % des insuffisances rénales terminales en France [17]. See [18] a ainsi montré chez 81 799 patients une association entre hyperuricémie et développement d’une insuffisance rénale chronique, indépendamment du sexe ou de la présence d’un syndrome métabolique. De même, Jung [19] a récemment montré chez 3376 patients que le taux plasmatique d’acide urique est inversement corrélé à la fonction rénale. Dans cette étude, une augmentation de 10 mg/L de l’uricémie diminue le débit de filtration glomérulaire de 5 mL/min/1,73 m2 chez l’homme et de 6 mL/min/ 1,73 m2 chez la femme. La majorité des agents uricosuriques perdent leur efficacité quand l’insuffisance rénale apparaît, ce qui implique qu’il faut probablement traiter l’hyperuricémie de façon préemptive, notamment chez les patients qui ont des facteurs de risque d’insuffisance rénale associés (HTA, diabète, obésité, facteurs de risques cardiovasculaires). Les travaux sur l’hyperuricémie ont fait apparaître une relation entre l’acide urique et une protéine très répandue dans les urines, la protéine de Tamm-Horsfall ou « uromoduline ». Des mutations sur les gènes codant pour cette protéine ont permis de relier certaines formes de néphropathies tubulointerstitielles chroniques héréditaires que sont la néphropathie hyperuricémiante juvénile familiale (ou « goutte juvénile ») et la maladie kystique de la médullaire [17,20]. Ces affections induisent une hyperuricémie par diminution de la fraction d’éjection rénale de l’acide urique. L’apparition de la dégradation de la fonction rénale peut se voir dans l’enfance, même si les symptômes sont soumis à une variabilité interindividuelle assez importante. On nomme dorénavant ces affections les « néphropathies liées à l’uromoduline » ou affections « umod ». Outre les mesures générales de néphroprotection, le traitement des néphropathies tubulo-interstitielles chroniques liées à l’hyperuricémie (surtout chez les patients atteints de néphropathie goutteuse) fait appel aux traitements hypouricémiants type allopurinol. Récemment, une nouvelle molécule, le fébuxostat (AdénuricW), a montré une efficacité supérieure à l’allopurinol [21] pour des doses inférieures et prend une place majeure dans l’arsenal thérapeutique de ces affections. Elle agit en diminuant la synthèse de l’acide urique par inhibition de l’activité xanthine oxydase. Enfin, en transplantation rénale, il existe une association entre l’hyperuricémie et la dégradation de fonction des greffons rénaux ainsi que sur la survie des greffons [22,23], sans que l’on ait pour l’instant d’explications physiopathologiques précises, ni de lien de causalité.
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Plusieurs travaux ont aussi montré que l’hyperuricémie est de plus un facteur de risque indépendant de morbidité [14] et de mortalité [15] cardiovasculaire. Ces notions sont à intégrer dans le cadre global du développement épidémique du syndrome métabolique dans les pays industrialisés. Le traitement du calcul d’acide urique en lui-même pose rarement de problème en urgence, puisqu’il se dissout dans les urines alcalines. De plus, les calculs d’acide urique sont ceux qui présentent le plus fort taux d’expulsion spontanée : jusqu’à 80 % chez l’homme et 70 % chez la femme [4]. Cette particularité s’explique en partie par la possibilité de dissolution sous traitement médical. Le traitement consiste en une alcalinisation des urines. Celle-ci se fait per os, par la prise de citrate de potassium en préparation magistrale, 6 g à dissoudre dans 1,5 litre d’eau par jour, que l’on préférera au citrate de sodium [16]. On peut aussi utiliser une eau riche en bicarbonate de sodium type Vichy CélestinW, mais il faut alors tenir compte de la fonction cardiaque du patient et éviter la surcharge hydrosodée. Ces traitements alcalinisants doivent être pris sur une période prolongée, la durée pouvant varier avec le volume des calculs à dissoudre. Il faut surveiller le pH urinaire par du papier réactif avec pour objectif un chiffre entre 6 et 7. Le recours aux traitements chirurgicaux n’est le plus souvent pas nécessaire. Les mesures associées sont fondamentales : augmenter les apports hydriques pour atteindre une diurèse au moins égale à 2 litres par jour ; manger de tout, mais modérément et restreindre les aliments riches en purines comme les abats (le foie surtout, les rognons) les sardines à l’huile, les harengs fumés, les crustacés, les graines de soja, la bière. Une prise en charge urologique adaptée permettra au patient d’éviter l’évolution vers la lithiase compliquée, soit d’infection soit d’insuffisance rénale.
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Conclusion L’hyperuricémie est responsable d’atteintes uro-néphrologiques variées qui peuvent s’exprimer de façon aiguë ou chronique et risquent de mettre en jeu le pronostic fonctionnel rénal. Elle doit aussi être prise en charge comme la manifestation
possible d’une maladie générale qui nécessite une prise en charge multidisciplinaire (résistance à l’insuline, syndrome métabolique, diabète, maladie cardiovasculaire). Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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