ARTICLE
Autosurveillance glycémique pour le patient diabétique de type 2 : qu’en attendre selon le schéma thérapeutique ? S Halimi, N Wion-Barbot, S Lambert, PY Benhamou
SUMMARY
RÉSUMÉ
Self-monitoring of blood glucose in type 2 diabetic patients. What could we propose according to their treatment?
L’autosurveillance glycémique (ASG) est un outil validé pour la prise en charge du diabète de type 1. Dans le diabète de type 2, son utilisation est de plus en plus répandue comme en témoigne les dépenses de santé qu’elle génère. Mais son utilité et son efficacité restent à démontrer, les données de la littérature étant contradictoires à ce propos et les recommandations des agences divergentes selon les pays. Le diabète de type 2 constitue en effet une entité hétérogène, son histoire naturelle s’étendant sur plusieurs décennies. C’est aussi une situation à haut risque de complications à long terme, mais parfaitement asymptomatique durant plusieurs années et souvent les résultats métaboliques comme l’observance sont désastreux. En réalité, les outils de son traitement varient dans le temps : règles hygiéno-diététiques seules, puis antidiabétiques oraux n’exposant à aucun risque hypoglycémique (metformine, glitazones, inhibiteurs des alpha-glucosidases), puis ou d’emblée introduction d’insulinosécréteurs et leur risque potentiel d’hypoglycémie (sulfonylurées, glinides). On voit qu’à chaque étape, l’ASG peut viser des objectifs divers nécessairement différents de ceux du diabétique de type 1 et de sa logique plus immédiate. Plus tard, l’introduction de l’insuline modifie la situation vis-à-vis de l’ASG, rejoignant celle du diabète de type 1 : ajustement des doses d’insuline dès le stade initial, injection unique de semi-lente au coucher, jusqu’aux schémas calqués sur ceux du type 1. Nous proposons ici des exemples d’utilisation de l’ASG selon ces stades, sachant que tout reste à faire dans le futur pour forger les outils éducatifs de telles ASG et en démontrer l’utilité par des protocoles contrôlés.
Self-monitoring of blood glucose (SMBG) is well acknowleged in type 1 diabetes mellitus (DM). However, although its use is widely recommended in some developed countries, with a significant economical cost, SMBG remains questionable in type 2 DM because its efficacy is not demonstrated by high-quality randomized controlled trials. Type 2 diabetes is an heterogenous disease and its natural history covers several decades. Although type 2 DM represents an important risk of microvascular and cardiovascular complications, it remains asymptomatic for a long time with often a very poor metabolic control and low drug compliance. Treatment of type 2 diabetes varies during these decades, changes in lifestyle at the very beginning, then using oral drugs without risk to develop hypoglycemia (metformin, glitazones, alpha-glucosidases inhibitors) and/or insulin secreting drugs (sulfonylureas or glinides) with potential hypoglycemic risks. At every stage, SMBG could sensitize the patient and possibly could improve glycemias and compliance. SMBG must be adapted to provide informations representing a very useful, motivating and pedagogic tool. Obviously SMBG, in noninsulin-treated type 2 DM, targets other objectives when compared to its use in type 1 DM requiring adapted educational programs to avoid its uselessness and depression of the patient. In insulin treated type 2 DM patients, with a bed time regimen, SMBG represents both a major tool for adjusting the insulin and oral hypoglycemic drugs doses and a comprehensive instrument for controling and understanding the disease. Thus SMBG is a logical tool for the management of a large proportion of type 2 DM patients but it requires to be proposed in structured counseling educational programs adapted to the psychological and social profile of the patients. These programs must be evaluated by randomized controlled trials. Key-words: Type 2 diabetes · Self-monitoring blood glucose · Diabetes education · Hypoglycemia · Compliance. Halimi S, Wion-Barbot N, Lambert S, Benhamou PY. Autosurveillance glycémique pour le patient diabétique de type 2 : Qu’en attendre selon schéma thérapeutique ? Diabetes Metab 2003,29,2S26-2S30
Service Endocrinologie Diabétologie Nutrition, CHU de Grenoble, Université J.-Fourier, 38043 Grenoble Cedex, France.
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Mots-clés : Diabète de type 2 · Autosurveillance glycémique · Education thérapeutique · Hypoglycémie · Observance thérapeutique.
Qu’attendre de l’ASG chez le diabétique de type 2 ?
L’
autosurveillance glycémique capillaire (ASG) est aujourd’hui un outil reconnu chez le diabétique de type 1 [1]. Il demeure certes de nombreux désaccords entre diabétologues sur la manière de l’utiliser. Ces choix sont largement dictés par les modalités adoptées pour l’insulinothérapie : sophistication plus ou moins grande des schémas, insulinothérapie fonctionnelle, stratégie anticipatoire ou rétrospective, horaires et nombre de contrôles. Néanmoins, même si ces stratégies diffèrent, rigoureusement mises en place, ces méthodes d’ASG contribuent à la réussite métabolique du traitement, à la qualité de vie et à la sécurité du patient. Ceci tient en premier lieu à la nécessité pour le diabétique totalement insulinodépendant d’adapter ses doses d’insuline en fonction des besoins, apports alimentaires, horaires, activités dont sportives. Chaque décision est ainsi soumise à vérification ou anticipation basée sur une détermination de la glycémie. On voit ainsi qu’il en va tout autrement pour le diabétique de type 2, jusqu’au stade incluant celui du schéma dit “bed-time”. En effet, le diabétique de type 2 ne peut avoir à recourir à l’ASG pour des motifs aussi précis donc des objectifs aussi ciblés. L’article de Grimaldi et al. [2] aborde dans le détail cette question et rappelle qu’à l’heure actuelle l’ASG dans le cadre du diabète de type 2 n’a pas fait ses preuves d’efficacité et que la recommandation de l’utiliser ne s’appuie que sur l’avis de quelques professionnels et non sur un consensus et encore moins sur un niveau de preuve élevé [2-11]. En France, l’ANAES n’a ainsi pas recommandé à ce jour la pratique régulière de l’ASG chez les patients diabétiques de type 2 [12, 13]. Malgré cette restriction, son utilisation est très large, mais avec des résultats pour le moins modestes ou non évalués. Néanmoins, quoique ces restrictions doivent être posées, la connaissance du diabète de type 2 et des patients à travers la pratique permettent de décrire ce qu’il conviendrait de “ne plus faire” et ce qu’il serait “logique” de proposer comme modalités d’ASG selon le type de traitement et l’ancienneté de la maladie. Le profil psychologique des patients est à prendre en considération, mais cette question n’est pas détaillée ici et se trouve développée ailleurs [2, 11]. Voici aujourd’hui les propositions que nous faisons pour l’usage de l’ASG chez le diabétique de type 2 et qui devront être soumises à évaluation avant validation.
L’autosurveillance « Symptôme » Tous les soignants s’accordent sur le fait que cette maladie pose un triple problème : – absence de symptômes, hormis en cas de grande poussée hyperglycémique ou de complication invalidante, – chronicité sur une durée très longue (plusieurs décennies), – interférence avec des facteurs parmi les plus difficilement modifiables chez un adulte : son alimentation et son activité physique.
Jusqu’à récemment, seule la mesure de glycémies au laboratoire, en général à jeun et au mieux une fois par mois ou par trimestre, constituait pour le patient un indicateur de qualité d’équilibre. Vite oublié ou enfoui, ce résultat n’était guère suivi de modifications du traitement ou du comportement. Ce d’autant qu’il était possible pour le patient de restreindre son alimentation peu avant le contrôle pour obtenir un résultat un peu meilleur ou prendre prétexte d’un événement récent perturbateur pour expliquer un mauvais résultat. Certes, l’introduction de l’HbA1c et la recommandation ANAES d’abandonner la glycémie à jeun au profit de cette dernière ont contribué à faire évoluer les attitudes des soignants, mais guère encore des patients. En effet, le constat d’un mauvais chiffre d’HbA1c, au-delà de l’avertissement pour le patient, n’est pas véritablement indicatif de quelles mesures thérapeutiques seront à choisir chez un patient donné, ni n’indique au patient ce qui est bénéfique ou néfaste pour son équilibre glycémique. La mesure par le patient de sa glycémie capillaire peut ainsi constituer une façon de transformer une maladie asymptomatique et négligée en une maladie présente et prise en compte. Encore faut-il, aussi, adapter l’outil qu’est l’ASG au sujet donc à sa situation (type de traitement et profil psychologique) et non la prescrire comme un prêt à porter sommairement examiné lors des consultations médicales.
L’ ASG standard, inutile et démotivante Chez les diabétiques de type 2, beaucoup de patients ont maintenant fait l’acquisition d’un lecteur de glycémie comme en témoignent les dépenses de santé de ce secteur dans les cinq dernières années. Ceci tient aux incitations des spécialistes, mais surtout à des prescriptions faites de plus en plus souvent par des médecins généralistes un peu sensibilisés par les diabétologues et beaucoup par les industriels ! Mais pour quel résultat ? Trop souvent le patient se présente sans carnet, quelques chiffres griffonnés sur des feuilles volantes, sans horaire ni commentaires, généralement des glycémies uniques, à jeun exclusivement, à des intervalles de temps variables, de plus en plus espacés, sans compter les lecteurs laissés dans les placards après quelques temps d’utilisation. Inutile de décrire ces exemples plus avant, nous avons tous connu cela et nul doute que de telles utilisations de l’ASG sont inutiles, sans lendemains, démotivantes et coûteuses. De plus, les résultas sont généralement peu ou pas pris en compte par les soignants, alors que les mesures ont coûté au patient qui voit ainsi ses effort totalement négligés. En somme, l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire. Ces pratiques conduisent à terme le patient à l’anxiété et à la frustration sans aucun bénéfice métabolique [2].
L’autosurveillance, outil de connaissance et de décision C’est ce qu’il convient d’atteindre chez tout diabétique. L’autosurveillance devient l’instrument irremplaçable pour connaître les effets de tel aliment ou tel exercice physique et Diabetes Metab 2003,29,2S26-2S30 • © 2003 Masson, all rights reserved
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selon l’horaire, de tel hypoglycémiant dont on sera amené à adapter la dose. Enfin, au stade de l’insuline et quel que soit le schéma, simple ou similaire à ceux du type 1, l’ASG devient incontournable, mais sera mieux admise et utilisée si elle a été auparavant valorisée et jugée utile. On en revient encore à la notion de pédagogie, de partenariat et de responsabilisation à travers l’investissement du patient, pris en compte par les soignants et les retombées et gratifications que peut en retirer le patient. Nous allons maintenant illustrer quelques usages de l’ASG selon le moment dans l’histoire de la maladie et donc selon le traitement reçu.
L’autosurveillance du diabétique de type 2 avant le stade de l’insuline
Sous régime seul ou sous ADO “non” insulinosécréteurs (metformine, inhibiteurs des alpha-glucosidases, glitazones) A ce stade, il peut être utile de disposer d’une ASG. C’est, bien entendu, l’ASG symptôme qui est ciblée chez un sujet très modérément hyperglycémique. Mais au tout début de cette maladie, l’objectif de ≤ 6,5 % d’HbA1c est atteignable et même dépassable si le patient est jeune et motivable. En réalité, le diagnostic de diabète est certes basé sur une glycémie à jeun à 1,26 g/L, mais une fois le diagnostic posé, cette valeur est excessive et l’euglycémie à jeun (1 g/L ou moins) et des glycémies intermédiaires parfaites sont souhaitables. Pour cela, le patient peut jouer sur l’alimentation, l’exercice musculaire, voire accroître progressivement les doses d’antidiabétiques oraux (ADO) jusqu’à obtenir des glycémies parfaitement normalisées. A ce stade, et avec les ADO utilisés dans cet exemple, il n’existe aucun risque hypoglycémique en monothérapie (metformine), comme en bithérapie (metformine + glitazones). Il devient alors possible pour le patient de vérifier la réussite du traitement et la sécurité annoncée par les soignants, les effets propres de certains aliments et les énormes bénéfices de l’exercice physique même modéré. Le choix des horaires et circonstances de l’ASG seront initiés par le soignant et clairement justifiés, les séances d’éducation thérapeutique constituent un moment privilégié pour mettre en place le maniement optimum de l’ASG. Les recommandations “doivent” être indiquées sur un carnet montrant des exemples d’ASG étalés dans le temps (2 à 4 semaines) : évitant la pratique des seules glycémies à jeun, avec diversification des horaires et commentaires en marge, seuls à même d’optimiser les prochaines consultations et favoriser les échanges dans le cadre d’un partenariat authentique (concept d’alliance thérapeutique). Certes, l’usure du temps se fera immanquablement avec des phases de “dépression” et de moindre observance. Mais avec la venue des nouveaux ADO, comme les glitazones et leurs effets conjugués à ceux de la metformine, les bithérapies précoces, voire initiales (aujourd’hui non recommandées par les “agences”), permettent dès à présent de viser l’euglycémie durable chez des diabétiques de 2S28
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plus en plus jeunes au moment du diagnostic et pour lesquels l’ASG sera le complément logique de ces stratégies ambitieuses. Mais pour cela, il convient d’inventer de nouvelles approches pédagogiques utilisant l’ASG. Ceci reste à faire dans la plupart ou la totalité des centres d’éducation diabétique. Il s’agit d’un travail long et très technique, adapté au profil de chaque patient, il peut être entrepris en ambulatoire par le diabétologue ou le médecin généraliste, il nécessite un lourd investissement préalable très consommateur de temps. C’est en somme dans le cadre des modules d’éducation diabétique que cet enseignement sera le plus logiquement mis en place, en secteur hospitalier ou en ambulatoire dans le cadre de réseaux de soins. La dimension individuelle devra être complétée par le soignant le plus proche du patient ou du moins celui qui consacrera le plus de temps à l’analyse de ses résultats.
Sous ADO associant des “insulinosécréteurs” Cette famille d’ADO est représentée par les sulfamides hypoglycémiants (SH) et, plus récemment, les glinides. Leur action s’exerce par le seul intermédiaire de l’insulinosécrétion. Après quelques semaines de traitement par SH, cette action n’est plus consécutive au comprimé pris avant le repas, mais à l’imprégnation en ces molécules et au renforcement de la sécrétion d’insuline déclenchée par le repas, même lorsque la prise de SH est unique (groupée le matin, par exemple). Toutefois, sous SH, l’excès de sécrétion d’insuline entre les repas et principalement dans l’après-midi constitue un réel risque hypoglycémique vers 16-18 h. Ceci conduit surtout à des fringales souvent retrouvées à l’interrogatoire si on a pris la peine de les rechercher. A terme, ces prises alimentaires conduisent à des gains de poids ou à des malaises parfois sévères. L’effet des SH s’exerçant au maximum dans l’après-midi, on comprend que l’ajustement du traitement sur la seule glycémie à jeun, laboratoire ou capillaire, constitue un risque important de surdosage. Pour les glinides, ce risque semble moindre, sauf à forte dose où la pharmacologie du répaglinide se rapproche de celle des SH. Avec l’introduction des glinides, comme des SH chez un patient, il devient utile de favoriser l’observation des glycémies “ ignorées” du patient et du médecin : postprandiales surtout de l’après-midi et du soir. La répétition même quotidienne des glycémies capillaires à jeun débouche à terme sur une banalisation et une attitude de nouveau passive qui diffère peu de ce qui se passe en l’absence d’ASG ! L’éclairage des “zones d’ombre glycémique” peut signifier changement et attitude active, diversifiée et répondre à la demande légitime des patients de comprendre et gérer, être informés et participer aux décisions.
Les autres indications qui font consensus mais qui ne se justifient pleinement qu’à titre temporaire : – le besoin d’un renforcement thérapeutique, – d’un accroissement de doses d’ADO, sulfamides hypoglycémiants surtout,
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– la gestion des effets glycémiques de maladies intercurrentes comme ceux des médications diabétogènes ou, à l’inverse, majorant l’action des sulfamides hypoglycémiants. Ce sont des objectifs prioritaires qui impliquent une éducation spécifique.
D’autres indications s’inscrivent dans la durée – La reconnaissance des hypoglycémies. – Et la possibilité de les distinguer des sensations subjectives “de manque de sucre” sont à valoriser, y compris chez les patients sans ADO insulinosécréteurs qui se sentent souvent menacés de malaises et que l’ASG bien enseignée peut rassurer et aider à atteindre la normoglycémie. Hormis ces objectifs qui peuvent concerner tous les patients, la pratique d’un “autoconrôle” à visée “d’autogestion thérapeutique” concerne plutôt les patients assez jeunes, au début de la maladie et chez lesquels la pratique de l’ASG n’est pas en contradiction avec leur attitude vis-à-vis du diabète : sujets ne déniant pas la maladie et dont le lieu de contrôle est “interne” plutôt qu’extérieur, soit une proportion importante des jeunes diabétiques de type 2. Néanmoins, jusqu’à présent, y compris chez de tels patients, qu’a-t-il été proposé d’autre qu’une ASG passive, répétitive, rare, lassante, non prise en compte par les soignants au lieu d’un outil “d’autogestion thérapeutique” valorisé et utilisé ? Nul doute toutefois qu’une ASG quotidienne, 365 jours par an ne peut être pratiquée sans lassitude même chez les plus motivés. C’est justement pourquoi des périodes de pause sont à respecter et ne devraient pas affecter la qualité globale du résultat tout en montrant au patient la capacité des soignants à le laisser souffler et à prendre en compte la pénibilité de cette maladie et de cette pratique. Des séances de remotivation sont nécessaires et les moments d’évaluation de l’éducation thérapeutique sont très adaptés pour relancer l’utilisation de l’ASG qui ne manque pas de s’émousser avec le temps. En somme, l’ASG pour le diabétique de type 2 ne peut se concevoir que : – inscrite dans un projet thérapeutique personnalisé, – comme un outil d’ajustement thérapeutique selon des algorithmes précis, visant l’autogestion thérapeutique, – chez des sujets dont on aura identifié le profil favorable à une autonomisation et les capacités de faire face donc adaptés à une telle pratique, et non des sujets dans le déni ou la dépression, – enfin elle devra régulièrement être utilisée par les soignants durant les consultations et évaluée et/ou réactivée lors d’entretiens individuels ou de séances éducatives collectives.
Le stade de la mise à l’insuline Bien entendu, nous n’insisterons pas sur la situation des patients en multi-injections quotidiennes chez lesquels la place de l’ASG est très voisine de celle qu’elle occupe pour le diabétique de type 1. Néanmoins, si l’ASG a été précédemment mal prescrite et utilisée, il y a peu de chance de la voir utilisée de façon satisfaisante après des années d’échec.
C’est sur la situation du passage initial à l’insuline qu’il conviendrait de faire porter l’effort pédagogique. Cette mise à l’insuline devrait être plus précoce. Elle pourrait alors se limiter à une insuline NPH au coucher ou avant repas du soir (mixte NPH/rapide). En effet, cette introduction a pour but premier d’atteindre la normoglycémie à jeun. L’ajustement de la dose du soir sur les glycémies au réveil est très bien compris par le patient et l’effet pédagogique excellent. En effet, comprendre qu’une hyperglycémie n’est pas uniquement la conséquence d’excès d’apport alimentaire, prendre en compte la production endogène de glucose, constituent une “révélation/révolution” pour beaucoup de patients et leur entourage dont les retombées sur l’approche de la maladie sont importantes. De plus, la normoglycémie à jeun peut amener à réduire les posologies d’antidiabétiques oraux par réduction du phénomène de glucotoxicité. A ce stade, et en diversifiant ses horaires, en expliquant pourquoi, l’ASG est indispensable aux ajustements thérapeutiques et d’une formidable valeur pédagogique pour que le patient s’approprie à la fois les outils conceptuels et des objectifs glycémiques rigoureux. De plus, c’est pour lui un facteur de sécurité au moment de la mise sous insuline souvent perçue comme à plus haut risque hypoglycémique que les antidiabétiques oraux. La venue prochaine sur le marché français de l’insuline glargine (Lantus®), dont le profil d’action plus stable réduit le risque hypoglycémique nocturne, devrait permettre une mise à l’insuline plus précoce et viser des glycémies normales à jeun, donc un ajustement des doses basée nécessairement sur l’ASG.
Conclusion Jusqu’à présent, l’autosurveillance glycémique pour le diabétique de type 2 a été utilisée de façon peu convaincante. Elle a trop fréquemment abouti à de la lassitude et de l’anxiété pour le patient. Seules quelques études rigoureuses en ont démontré l’efficacité sur le plan métabolique ou la qualité de vie, avec un recul encore modeste il est vrai, comparé à la durée de la maladie. Pourtant, “le bon sens” plaide pour son utilisation dans cette maladie asymptomatique. Mais, la plupart du temps, les stratégies pour la mettre en place sont médiocres et surtout inexistantes. Le développement des ventes de lecteurs et, en regard, de très peu de bandelettes (1,2/jour/patient au mieux) confirme que l’incitation à acquérir un lecteur ne s’accompagne d’aucune mesure visant à en faire un instrument d’autonomisation et de responsabilisation du patient, mais une prescription faite par convention ou habitude. De même, beaucoup de patients se plaignent du peu de temps consacré à l’analyse des résultats, à peine examinés, ou source de reproches, puisque médiocres... Pour changer cela, la mise en place de stratégies éducatives centrées sur l’outil ASG peut seule permettre de passer de l’ASG banalisée et démotivante à l’autocontrôle actif et l’autogestion dynamique au moins chez les patients dont l’âge et le profil psychologique sont compatibles avec Diabetes Metab 2003,29,2S26-2S30 • © 2003 Masson, all rights reserved
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de telles stratégies, soit au moins la moitié d’entre eux. La crainte qu’un renforcement de la prise en charge entraîne plus d’effets délétères sur la qualité de vie des patients que de bénéfices réels sur l’état pathologique ne semble pas confirmée par certaines données de l’UKPDS [14]. Le dépistage du diabète plus systématique et le rajeunissement prévu des diabétiques de type 2 conduisent à développer de telles stratégies. La mise au point de méthodes “réellement” non invasives [15-18] facilitera certainement la multiplication des mesures, mais ne modifiera pas les effets sur le patient, ni sa capacité au changement. Dans l’avenir de la prise en charge du diabète de type 2, la place de l’investissement humain des soignants tenant compte des souhaits des patients demeurera [19], pour longtemps encore, prioritaire par rapport aux avancées technologiques et thérapeutiques brillantes et indispensables.
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