Avancées dans le traitement de la spasticité et enfant IMOC

Avancées dans le traitement de la spasticité et enfant IMOC

Archives de pédiatrie 13 (2006) 614–620 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/ Session : L’enfant infirme moteur cérébral spastique Avancées dans ...

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Archives de pédiatrie 13 (2006) 614–620 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/

Session : L’enfant infirme moteur cérébral spastique Avancées dans le traitement de la spasticité et enfant IMOC Spasticity management and progress in ambulatory cerebral palsy Mots clés : Spasticité ; Insuffisant moteur cérébral ; Radicotomie sélective postérieure ; Baclofène intrathécal Keywords: Spasticity; Cerebral palsy; Botulinum toxin; Selective dorsal rhizotomy; Intrathecal baclofen

Les enfants présentant une insuffisance motrice d’origine cérébrale (IMOC) ont un parcours incertain et semé d’embûches tout au long de leur croissance. Ils doivent s’adapter au déséquilibre moteur et aux troubles du tonus qui évoluent avec le temps, aux poussées de croissance, à la prise pondérale. Certains d’entre eux restent pénalisés d’emblée par l’importance du désordre moteur ou perdent en chemin certaines compétences motrices acquises difficilement. Parmi elles, la locomotion représente un réel enjeu pour le maintien d’un certain niveau d’autonomie même avec l’usage d’aides techniques ou pour un faible périmètre de déplacement. Le développement de la capacité fonctionnelle de l’enfant doit passer par une maîtrise, la plus précoce possible, des « premières » anomalies liées à la lésion (faiblesse musculaire, perte du contrôle moteur sélectif, déficit sensitif, tonus musculaire anormal) et, parmi elles, la spasticité. Nous connaissons les effets délétères de la spasticité sur la croissance et la locomotion. Ils sont assez bien identifiés : ● la spasticité agit comme un frein. Cette résistance au mouvement, associée au déficit et aux mécanismes de compensation, augmente la dépense énergétique de 20 % pour un enfant spastique présentant une hémiplégie cérébrale infantile, de 75 % pour un enfant diplégique et de 90 % pour un enfant quadriplégique ; ● la spasticité parasite et désorganise le mouvement volontaire en interférant sur la sélectivité de la commande motrice ; ● la spasticité modifie et inhibe la croissance du muscle. Elle limite l’étirement musculaire, un des facteurs qui fait grandir le muscle, en ajoutant régulièrement des sarcomères à la jonction musculotendineuse. Les enfants IMC spastiques n’ont pas la possibilité d’avoir une grande variété de positions articulaires et leurs muscles ne sont pas étirés de façon adéquate ; ● la spasticité contribue à la perte d’activation des muscles antigravitationnels (exemple : contraction spastique et précoce des ischiojambiers et défaut d’activité du gluteus maxi-

mus ; spasticité des ischiojambiers et affaiblissement de la contraction « concentrique » des chefs monoarticulaires du quadriceps femoris) ; ● la spasticité constitue une force musculaire « anormale » qui modifie le schéma directeur génétiquement préprogrammé de la croissance. Ce schéma dépend de la nutrition, de l’hormone de croissance mais aussi de l’intensité et de la direction des forces musculaires agissant sur l’os. Ce déséquilibre musculaire altère la forme et l’orientation de l’os et des articulations, à l’origine de troubles de torsion au niveau des os longs et de dislocations articulaires ; ● la spasticité affecte la coordination et l’équilibre en modifiant les actions bien réglées des muscles biarticulaires chargés d’assurer une parfaite coordination de la chronologie des actions musculaires (exemple : action coordonnée du muscle rectus femoris qui permet en même temps une flexion de hanche à l’une de ses extrémités et une flexion de genou à l’autre). La spasticité des muscles biarticulaires ne permet plus d’assurer de « transfert d’énergie » efficace d’un segment corporel à l’autre. Au cours de la croissance, la spasticité va constituer un facteur important de déséquilibre associé à la faiblesse, au défaut de contrôle, et créer une cascade d’autres « anomalies » secondaires (rétractions, déformations osseuses) obligeant l’enfant à se réorganiser (mécanismes de compensations) pour maintenir une certaine capacité fonctionnelle. La maîtrise précoce de la spasticité est donc bien l’une des clés de l’efficacité du traitement des troubles moteurs de l’enfant IMOC. Il s’agit de gérer très tôt les anomalies primaires afin d’éviter la survenue de complications et de limiter le développement de mécanismes de compensations. Parmi les traitements actuels de la spasticité proposés à l’enfant IMOC, nous retrouvons les techniques spécifiques d’éducation motrice ou l’utilisation d’orthèses appropriées facilitant l’émergence d’une motricité « libérée ». Les injections d’agents neurolytiques tels que les solutions d’alcool ou de phénol ont toujours une place de choix associée à l’utilisation plus récente (depuis 1995) d’un nouvel agent neurolytique, la toxine botulinique [2]. Cette nouvelle molécule n’a pas encore livré tous ses secrets (diffusion, effet à distance, intérêt des injections multisites, amélioration de la technique d’injection selon la cartographie des jonctions neuromusculaires) mais a déjà modifié nos pratiques et notre approche stratégique de la spasticité. Son efficacité a été en particulier démontré chez le jeune enfant à un moment où la plasticité cérébrale et les potentialités d’adaptation sont encore importantes. La mise en place précoce (de 1 à 6 ans) d’un traitement suivi (éducation motrice, injections

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ciblées, orthèses) permet de conserver souvent un équilibre moteur et orthopédique. L’arsenal thérapeutique peut aussi faire appel à des techniques chirurgicales, avec une action diffuse ou focale, réversible ou non. Les radicotomies postérieures partielles (40 à 60 %) et sélectives agissent sur l’arc réflexe et sont indiquées essentiellement pour des enfants diplégiques possédant un bon équilibre, des forces suffisantes de propulsion et une spasticité diffuse, avant la survenue de complications. L’intérêt de la technique est le réglage de la « coupe » et la sélection des racines (par niveau, par côté). Les neurotomies ont aussi une action sur l’arc réflexe et sont en règle partielles et très sélectives. Elles sont surtout indiquées pour les spasticités focales, si le muscle est suffisamment fort. Une simulation de « la neurotomie partielle » peut être obtenue par la réalisation d’un blocmoteur ciblé aux anesthésiques locaux. La chirurgie de la spasticité s’est récemment enrichie grâce à la possibilité d’utiliser le baclofène intrathécal (action médullaire sur les récepteurs médullaires GABA B) jusqu’à présent réservé aux atteintes médullaires et encéphaliques fixées ou évolutives. L’intérêt de la technique (qui peut être mise en place dès l’âge de 5 à 6 ans) est la réversibilité et la possibilité de réaliser un test préalable plutôt en continu (avec pompe externe programmable) qu’en bolus. En effet, l’enfant IMC est sensible à de petites doses de baclofène et l’infusion régulière permet de percevoir plus facilement l’impact fonctionnel et de porter l’indication [1]. Mais l’analyse fine des troubles moteurs constitue le préalable à toute action : le choix et la cible d’un traitement antispastique, la gestion associée d’une rétraction ou d’un déficit, la prescription d’une orthèse « releveur » ou « anti-talus » ou le geste chirurgical sont liés à la compréhension des différentes composantes du désordre moteur. Le premier outil d’analyse est l’œil du clinicien. L’expérience lui permet de repérer la plupart des problèmes mais certaines anomalies peuvent passer inaperçues, en particulier celles développées par l’enfant pour compenser un déficit, une spasticité, un trouble de torsion… Les anomalies de rotation du bassin ou les stratégies de compensation recherchant le moindre coût énergétique pour progresser, avancer, corriger l’angle du pas en sont des exemples. Le second outil est l’enregistrement vidéo de plus en plus répandu. Cette mémoire visuelle permet de revoir au ralenti et de détailler des prises de vue pour une interprétation plus poussée, une discussion critique. L’analyse actuellement la plus complète permettant une approche assez poussée des désordres du mouvement est l’évaluation quantifiée et tridimensionnelle introduisant l’enregistrement simultané de données sur les trajectoires du mouvement (cinématique), les forces mises en jeu (cinétique) et les activités musculaires (électromyographie dynamique) responsables du mouvement. Cette exploration oriente et éclaire les cibles du traitement. De plus, les données enregistrées permettent de disposer d’un suivi longitudinal plus objectif, de classer les enfants en groupes homogènes, de mesurer l’impact des divers traitements proposés. Le « traitement de la spasticité » doit débuter en néonatologie avec une implication précoce des équipes qui vont accompagner l’enfant tout au long de sa croissance. Dès les premiers mois, lorsque la « spasticité physiologique » laisse

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la place à une « spasticité pathologique », la mise en place de réseaux de soins impliquant néonatalogistes, pédiatres, rééducateurs pédiatres doit permettre d’agir plus rapidement au niveau des « anomalies primaires », de mettre en place une stratégie d’action au long cours et de gérer très tôt le risque de récurrence et de sur handicap. Références [1] Gage JR. The treatment of gait problems in cerebral palsy. Cambridge: Mac Keith Press; 2004 (424 p). [2] Graham HK, Aoki KR, Autti-Ramo I, et al. Recommendations for the use of botulinum toxin type A in the management of cerebral palsy. Gait Posture 2000;11:67–79.

P. Filipetti* C. Caldas Y. Delpierre Service de rééducation neurologique pédiatrique, centre de l’Arche-I, boulevard de Maule, 72000 Le Mans, France Adresse e-mail : [email protected] (P. Filipetti). Disponible sur internet le 12 mai 2006 *Auteur

correspondant.

0929-693X/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2006.03.089

Place de la chirurgie dans la prise en charge de l’infirmité motrice d’origine cérébrale Surgical management of cerebral palsy Mots clés : Analyse de la marche ; Chirurgie multisite en un temps Keywords: Gait analysis; One stage multilevel surgery; Cerebral palsy

Le traitement chirurgical est un des moyens thérapeutiques utilisés pour corriger les déformations orthopédiques qui surviennent dans le cadre de l’infirmité motrice d’origine cérébrale (IMOC) spastique. La spasticité génère des attitudes vicieuses, des rétractions musculotendineuses et des déformations ostéoarticulaires qu’il devient nécessaire de corriger pour éviter l’aggravation fonctionnelle qui en découle habituellement. Certains principes généraux sont communs à cette chirurgie, quelle soit réalisée chez l’enfant marchant ou le sujet grabataire. Mais c’est surtout dans la correction des troubles de la marche que s’inscrivent les progrès de ces dernières années. 1. Principes généraux Un certain nombre de principes énoncés au cours du séminaire du Groupe d’étude en orthopédie pédiatrique de 1992 [1]