Bactériémies à Pseudomonas aeruginosa. Mise au point

Bactériémies à Pseudomonas aeruginosa. Mise au point

Antibiotiques (2010) 12, 75—81 INFECTIONS BACTE´RIENNES — ANTIBIOTIQUES Bactériémies à Pseudomonas aeruginosa Pseudomonas aeruginosa bacteremia J. G...

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Antibiotiques (2010) 12, 75—81

INFECTIONS BACTE´RIENNES — ANTIBIOTIQUES

Bactériémies à Pseudomonas aeruginosa Pseudomonas aeruginosa bacteremia J. Gellen-Dautremer ´ decine interne, ho ˆ pital Beaujon, 100, boulevard du Ge ´ ne ´ ral-Leclerc, 92110 Clichy, France Service de me

MOTS CLÉS Pseudomonas aeruginosa ; Bactériémie ; Antibiotiques ; Résistance

KEYWORDS Pseudomonas aeruginosa; Bacteremia; Antibiotics; Resistance

Résumé Les bactériémies à Pseudomonas aeruginosa sont des maladies essentiellement nosocomiales ou liées aux soins, survenant préférentiellement chez des sujets âgés, immunodéprimés, porteurs de dispositifs invasifs ou prétraités par antibiotiques. Elles représentent 3,8 % des bactériémies en France. Leurs portes d’entrée sont, en premier lieu urinaires et pulmonaires. Elles ont un pronostic sévère avec une mortalité de 30 % en moyenne. Un choc septique, une porte d’entrée pulmonaire, une neutropénie ou une antibiothérapie empirique inappropriée aggravent le pronostic. Les difficultés thérapeutiques sont en rapport avec des pourcentages élevés de résistance du germe aux antibiotiques qui sont augmentés par des prises antérieures d’antibiotiques ou des procédures ou matériels invasifs. L’évaluation du risque de responsabilité de P. aeruginosa et du risque de résistance aux antibiotiques devant tout tableau de bactériémie est nécessaire pour prescrire rapidement le traitement approprié. Une bithérapie est justifiée jusqu’à réception de l’antibiogramme. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Pseudomonas aeruginosa bacteremia are mainly nosocomial or health-related diseases. They occur, above all, in old patients who are immunocompromised, who care invasive devices or have been previously treated with antibiotics. It accounts for 3,8% of bacteremia in France. The main origins are urinary or pulmonary infections. It is a severe disease, with an average mortality of 30%. Factors associated with a poor prognosis are: a collapse, a pulmonary origin, a neutropenia or an inappropriate empirical antimicrobial therapy. Treatment is difficult, due to high resistance rates to antibiotics, which are increased by previous antibiotic therapies and invasive devices or procedures. Evaluation of the risk of P. aeruginosa bacteremia and the risk of resistance to antibiotics is necessary in front of a patient with signs of bacteremia, in order to prescribe quickly an appropriate therapy. A combination therapy is justified until the receipt of antibiogramm. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Adresse e-mail : [email protected]. 1294-5501/$ — see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.antib.2010.01.009

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Introduction Pseudomonas aeruginosa est un germe ubiquitaire et opportuniste, fréquemment impliqué dans les infections nosocomiales. Il est associé à une importante morbimortalité. En France, il est responsable de 10 % des infections nosocomiales tous sites confondus et de 3,8 % des bactériémies [1,2]. Il est particulièrement répandu dans les services de réanimation, d’onco-hématologie et de pneumologie. Les bactériémies à P. aeruginosa sont des infections rares mais particulièrement sévères. Leur survenue est favorisée par un terrain débilité sous-jacent. Leur traitement doit être rapidement initié pour améliorer le pronostic, mais peut être difficile du fait d’une importante résistance aux antibiotiques. Nous abordons ici l’épidémiologie, la physiopathologie et le pronostic des bactériémies à P. aeruginosa et détaillons leur antibiothérapie et son évaluation dans la littérature.

Épidémiologie des bactériémies à Pseudomonas aeruginosa P. aeruginosa représentait 10,9 % des micro-organismes responsables d’infections nosocomiales dans la dernière enquête nationale française de prévalence des infections nosocomiales de 2006 (à la troisième place, après Escherichia coli et S. aureus). La prévalence des infections nosocomiales à P. aeruginosa était de 0,44 % (soit 1724 souches isolées) [1]. Contrairement aux autres bactéries à Gram négatif, dont la place dans les infections nosocomiales a tendance à décroître depuis dix ans au profit des bactéries à Gram positif, P. aeruginosa conserve sa place prépondérante dans les infections nosocomiales [3]. En réanimation, l’enquête européenne EPIC réalisée en 1996 dans 17 pays retrouvait P. aeruginosa impliqué dans 28,7 % des infections nosocomiales documentées microbiologiquement (à la troisième place après les entérobactéries et Staphylococcus aureus) [4]. Dans les bactériémies, une étude multicentrique réalisée dans l’ensemble des services de 24 hôpitaux français en 1996 retrouvait une responsabilité de P. aeruginosa dans 3,8 % des bactériémies, et celles-ci étaient nosocomiales dans 60 % des cas [2]. Aux États-Unis, P. aeruginosa était le septième germe responsable de bactériémie nosocomiale selon l’enquête du National Nosocomial Infections Surveillance System (NNIS) et le troisième au sein des bacilles à Gram négatif (après E. coli et Klebsiella spp.) [5]. Il est impliqué dans 4,3 % des bactériémies nosocomiales et 20 % des bactériémies nosocomiales à bacilles à Gram négatif [6]. Les bactériémies à P. aeruginosa sont majoritairement nosocomiales. Le délai moyen entre l’admission et la survenue d’une bactériémie à P. aeruginosa est de 20 jours [6]. Les bactériémies communautaires représentent moins de 30 % des épisodes en moyenne dans la plupart des études [7,9]. Cette proportion est plus importante dans certaines populations : 30 à 40 % chez des patients infectés par le VIH et jusqu’à 50 % chez des patients atteints de cancer [10—12]. Actuellement, se substitue de plus en plus à la notion d’infection nosocomiale celle d’infection « liée aux soins » qui ne prend pas en compte uniquement une hospitalisation récente mais d’autres facteurs comme l’administration au patient de soins intraveineux au domicile, une hémodialyse

J. Gellen-Dautremer chronique ou une vie en établissement de soins de longue durée [13]. Un grand nombre de bactériémies à P. aeruginosa classées initialement communautaires serait, en fait, lié aux soins [14].

Physiopathologie Bactériologie P. aeruginosa est un bacille à Gram négatif aérobie strict ubiquitaire, se développant dans les sols, les végétaux et les milieux aquatiques. Il possède de nombreux facteurs de virulence structuraux ou diffusibles. Il est caractérisé par sa grande flexibilité nutritionnelle lui permettant de s’adapter à des environnements hostiles. Son génome est le plus grand génome bactérien jamais séquencé, support de sa virulence et de sa capacité de résistance à de nombreux antibiotiques. Il possède un système de régulation de la virulence dépendant de la densité bactérienne, appelé quorum-sensing, qui inhibe certaines défenses de l’hôte et jouerait un rôle dans la dissémination et la persistance de P. aeruginosa, notamment pulmonaire. Chez l’homme, P. aeruginosa peut exister à l’état commensal, avec une prédilection pour les zones humides des appareils cutané, digestif, ORL et génital. À l’hôpital, P. aeruginosa peut contaminer les points d’eau, surtout les siphons des lavabos, mais aussi le matériel hospitalier, les solutions antiseptiques et les solutés injectables ou les produits réfrigérés alimentaires ou pharmaceutiques, et être ainsi à l’origine d’épidémies chez les patients hospitalisés [15,16].

Facteurs de risque d’infection à P. aeruginosa La colonisation par P. aeruginosa est le plus souvent d’origine endogène, à partir de la flore fécale du patient et vers de nombreuses zones comme l’oropharynx, les plis axillaires, le conduit auditif externe, les oreilles, le nasopharynx et le tractus génital. Une colonisation d’origine exogène peut aussi survenir à partir de l’environnement, notamment via l’ingestion d’une eau contaminée [3] ou une transmission manuportée à partir d’un patient colonisé. Ce dernier mécanisme peut ainsi expliquer la colonisation respiratoire de patients sous ventilation mécanique, l’autre voie de colonisation étant, chez ces patients, la colonisation endogène d’origine gastrique ou trachéale [17,18]. Le passage de la colonisation à l’infection invasive est dû à une forte charge bactérienne et à des facteurs favorisant l’expression de la virulence, comme une immunodépression. C’est ce qui confère à P. aeruginosa un caractère de bactérie opportuniste. Les principaux facteurs de risque d’infection à P. aeruginosa sont résumés dans le Tableau 1. L’analyse de la littérature permet d’évaluer, chez les patients atteints de bactériémies à P. aeruginosa, la prévalence de certains de ces facteurs de risque. L’âge médian des patients dans la plupart des études est inférieur à 60 ans. Pour certains auteurs, l’âge ne serait pas un facteur de risque indépendant de bactériémie à P. aeruginosa, mais favoriserait leur survenue du fait des nombreuses comorbidités sous-jacentes, dispositifs invasifs et des antécédents fréquents d’antibiothérapies [19]. La proportion de patients atteints d’affec-

Bactériémies à Pseudomonas aeruginosa Tableau 1 Facteurs de risque d’infection par Pseudomonas aeruginosa. Risk factors for Pseudomonas aeruginosa infection. Colonisation a ` P. aeruginosa Longue dure ´e d’hospitalisation [17] Hospitalisation en services de : re´animation, de grands bru ˆle´s, de mucoviscidose [17] Rupture de barrie `re cutane´omuqueuse (notamment les bru ˆlures graves) [17] Dispositif invasif [15,17] Antibiothe´rapie pre´alable inactive contre P. aeruginosa (e´limination de l’effet barrie `re joue´ par la flore saprophyte) [15,17] Causes d’immunode´pression Âge avancé [16] Dénutrition [16] Diabète Insuffisance respiratoire chronique Insuffisance rénale chronique Corticothérapie Cancer ou hémopathie maligne [12,15,16] Neutropénie [15] Séropositivité pour le VIH [10,11] Transplantation d’organe ou de moelle [10,15,16]

tions malignes est très variable selon les séries : entre 15 et 70 % [20,21]. Dans une revue, l’incidence retrouvée des infections à P. aeruginosa chez les patients cancéreux est de 1 à 2,5 % des patients cancéreux fébriles et de 5 à 12 % des patients cancéreux ayant une infection microbiologiquement documentée [22]. Dans une étude prospective française, P. aeruginosa était responsable de 5 % des bactériémies chez les patients porteurs de cancer solide ou d’hémopathie maligne [23]. Les facteurs de risque de bactériémies à P. aeruginosa chez les patients cancéreux seraient : la présence d’un cathéter central ou d’une ventilation mécanique et un traitement antibiotique à large spectre préalable [24]. La présence d’une neutropénie ne serait pas un facteur de risque indépendant de bactériémie à P. aeruginosa chez les patients cancéreux, mais plutôt un facteur de mauvais pronostic [8,12,22].

77 céphalosporines de troisième génération, cotrimoxazole, kanamycine, macrolides, cyclines, chloramphénicol, quinolones de première génération, rifampicine, glycopeptides, acide fusidique), ainsi que sa capacité à acquérir de novo de nombreux mécanismes de résistance suite à l’exposition à des traitements antibiotiques. La résistance peut être d’origine enzymatique ou non enzymatique. Les principaux mécanismes de résistance acquise de P. aeruginosa aux antibiotiques sont résumés dans le Tableau 2. Épidémiologie de la résistance de P. aeruginosa Les taux de résistance de P. aeruginosa varient selon la localisation géographique, le caractère communautaire ou nosocomial de l’infection, le type de service hospitalier et le type de prélèvement. En France, des données sur la résistance aux antibiotiques de P. aeruginosa sont issues des statistiques régionales et nationales réalisées par l’Observatoire national d’épidémiologie et de la résistance au antibiotiques (Onerba) [28,29]. Les résultats de la dernière enquête Onerba de la résistance aux antibiotiques dans les bactériémies apparaissent dans le Tableau 3. Facteurs de risque de résistance Plusieurs facteurs de risque de sélection de souches résistantes aux antibiotiques ont été isolés, dont le principal est la prise antérieure d’antibiotiques. Le risque est plus important pour les traitements de longue durée, naturellement actifs contre P. aeruginosa et reçus en monothérapie [30]. Globalement, l’exposition à tout antibiotique anti-Pseudomonas favorise l’émergence d’une résistance à ce même antibiotique [31—33]. Le risque serait particulièrement important pour la ticarcilline, la pipéracilline, l’imipénème et la ciprofloxacine. Mais il existe aussi des risques de résistance à une classe d’antibiotique suite à l’exposition à une autre classe, du fait du phénomène de résistance croisée par le mécanisme d’efflux actif (exemple : résistance à la ciprofloxacine après exposition à l’imipénème) [32]. L’ensemble des facteurs de risque de résistance de P. aeruginosa aux antibiotiques est résumé dans le Tableau 4.

Pronostic des bactériémies à P. aeruginosa Mortalité

Portes d’entrée des bactériémies à P. aeruginosa Les portes d’entrée principales retrouvées pour les bactériémies communautaires sont les bronchopneumopathies, les infections cutanées et de cathéters centraux et les infections urinaires hautes et abdominales [9]. En situation nosocomiale, les portes d’entrée principales dans la littérature sont urinaires, pulmonaires et digestivobiliaires [7,9,20,25—27]. Plus rarement, sont impliquées des portes d’entrée cutanées (grands brûlés) et des infections postopératoires (méningites, endocardites).

Les bactériémies à P. aeruginosa sont des pathologies graves associées à un taux de mortalité supérieur à 30 % en moyenne, avec d’importantes variations selon les études : de 18 à 46 %, en partie explicables par la grande hétérogénéité des populations étudiées [8,36]. Une étude américaine rassemblant 24 179 cas de bactériémies nosocomiales dont 1040 cas de bactériémies à P. aeruginosa retrouve un taux de mortalité de 38 % pour ces dernières, ce qui place P. aeruginosa à la deuxième place en termes de gravité après Candida spp [6].

Résistance aux antibiotiques

Facteurs pronostiques

Mécanismes de résistance P. aeruginosa est caractérisé par sa résistance naturelle à de nombreux antibiotiques (pénicillines G, A et M, céphalosporines de première et deuxième générations et certaines

On distingue des facteurs pronostiques liés au germe, à l’hôte ou au traitement antibiotique. Les facteurs bactériens sont en rapport avec la virulence intrinsèque du germe et à ses multiples mécanismes de

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J. Gellen-Dautremer

Tableau 2 Mécanismes de résistance acquise de Pseudomonas aeruginosa. Acquired resistance mechanisms of Pseudomonas aeruginosa. Mécanisme de résistance

Antibiotique affecté

Hydrolyse enzymatique Pénicillinases plasmidiques (PSE, OXA, TEM) Dépression de la céphalosporinase AmpC b-lactamase à spectre élargi (BLSE) Imipénèmase Aminoacétyltransférases(AAC), nucléotidyltransférases (ANT), phosphotransférases (APH)

Ticarcilline, pipéraciline, céphalosporines Pénicillines, céphalosporines, aztréonam Pénicillines, céphalosporines, aztréonam Toutes b-lactamines Aminosides

Imperme´abilite´ Perte de porine D2

Imipénème

Modification de la cible Modifications de l’ADN gyrase (gène gyrA) et de la toposisomérase IV (gène parC)

Fluoroquinolones

Efflux actif Hyperproduction des pompes d’efflux (MexAB-oprM, MexXY-oprM, MexCD-oprJ, MexEF-oprN)

Résistances croisées : b-lactamines (ticarcilline, céfépime, aztréonam), Aminosides, Fluoroquinolones

résistance aux antibiotiques. Ainsi, dans plusieurs études, l’isolement de P. aeruginosa plutôt qu’un autre germe est un facteur indépendant de mortalité [37]. La gravité de l’infection serait maximale dans les premiers jours de l’infection [31,38]. Une étude basée sur des scores quantitatifs de morbidité évalue que la gravité est maximale dans les 48 premières heures [39]. L’influence de la résistance sur la mortalité n’est pas univoque. Certaines études retrouvent une surmortalité chez les patients porteurs d’une souche résistante par rapport à ceux porteurs de souches sensibles, notamment pour les souches résistantes à l’imipénème et les souches multirésistantes [32,35]. D’autres résultats ne vont pas dans le même sens, comme l’absence de lien retrouvé entre la résistance aux quinolones et la mortalité [40]. Enfin, dans plusieurs études, la mortalité des bactériémies polymicrobiennes est significativement supérieure à celle des bactériémies monomicrobiennes [37].

L’isolement de facteurs pronostiques liés à l’hôte est important pour tenter de définir des sous-groupes de patients pour lesquels le traitement devrait être plus agressif. L’existence d’un choc septique est un facteur de risque de mortalité [8,20,21]. Une porte d’entrée pulmonaire est associé à un pronostic péjoratif, tandis qu’un point de départ urinaire ou endovasculaire (infection de cathéter) serait de bon pronostic [7,10,12,20,21]. L’existence d’une neutropénie n’est retrouvée comme facteur de mauvais pronostic que dans une seule étude [7]. Ce serait plutôt l’absence de remontée des neutrophiles au cours du traitement qui serait de mauvais pronostic [12,41]. Enfin, d’autres facteurs de mauvais pronostic sont décrits de manière plus inconstante dans certaines études comme : un âge avancé, un statut fonctionnel altéré, une hospitalisation en réanimation chirurgicale, l’existence d’une insuffisance rénale ou de localisations septiques secondaires [20,36,39,42,43]. Il est notable que les bactériémies nosocomiales ne sont pas

Tableau 3 Pourcentage de sensibilité aux antibiotiques des souches de P. aeruginosa isolés d’hémocultures selon les réseaux de l’Onerba [28]. Rate of susceptibility to antibiotics of Pseudomonas aeruginosa strains isolated in blood cultures, according to ONERBA network [28].

Ticarcilline Pipéracilline Pipéracilline + tazobactam Ceftazidime Imipénème Ciprofloxacine Tobramycine Amikacine

Réussir

CCLIN

Paris-Nord

Col-BVH

IDF

1999 (n = 287)

2000 (n = 106)

2002 (n = 178)

2002 (n = 55)

2003 (n = 58)

2001 (n = 68)

2002 (n = 47)

2003 (n = 6)

62 79 82 87 86 71 82 87

64 — — 82 83 66 — 83

58 — — 81 81 63 — 80

64 — — 85 85 71 — —

52 73 82 79 90 79 — —

56 — — 84 78 66 85 84

68 — — 91 72 74 79 85

62 — — 87 75 79 81 92

Réussir : réseau des utilisateurs du système SIR ; CCLIN Paris-Nord : réseau des microbiologistes du CCLIN Paris-Nord ; IDF : réseau des microbiologistes d’Île-de-France ; Col-BVH : réseau du collège de bactériologie—hygiène des hôpitaux généraux.

Bactériémies à Pseudomonas aeruginosa Tableau 4 Facteurs de risque de sélection de souches de Pseudomonas aeruginosa résistantes aux antibiotiques. Risk factors of selection of resistant Pseudomonas aeruginosa strains. Inoculum bactérien important (notamment en début de traitement) Hospitalisation en service de : réanimation, grands brûlés, hémato-oncologie [34,35] Matériel étranger (ventilation mécanique, cathéter veineux central, sonde urinaire) [32,35] Procédure invasive récente [32] Antibiothérapie préalable [31,32] Âge avancé [19] Certains sites infectieux Infections urinaires pour la résistance à la ciprofloxacine (50 % des cas) Infections respiratoires chez les patients mucoviscidosiques pour la résistance à l’amikacine

associées dans la littérature à une gravité plus élevée que les bactériémies communautaires [25,26]. Concernant l’influence du traitement antibiotique, le caractère approprié de l’antibiothérapie empirique et définitive et l’utilisation ou non d’une bithérapie sont les deux éléments déterminants à prendre en compte. Plusieurs études ont montré qu’il existait un lien significatif entre une antibiothérapie empirique appropriée et la mortalité, de même qu’entre l’antibiothérapie définitive et la mortalité [8,9,20,21,26,36]. Le lien retrouvé entre l’antibiothérapie empirique et la mortalité soulève la question de la sélection des patients devant être considérés particulièrement à risque d’infection à P. aeruginosa, voire de P. aeruginosa résistant, et qui doivent recevoir une antibiothérapie empirique active sur P. aeruginosa. En effet, le diagnostic microbiologique de la bactériémie, autrement dit le germe en cause et son profil de résistance, n’est jamais connu à la phase initiale de suspicion clinique, du fait des délais incompressibles des cultures au laboratoire. La couverture empirique de P. aeruginosa n’est la règle que dans des situations particulières comme le choc septique ou le sepsis sévère présumés à bacilles à Gram négatif, ou dans des populations particulières comme les patients d’onco-hématologie ou de soins intensifs. Dans des populations plus polyvalentes (patients consultant aux urgences ou hospitalisés dans des services médicaux variés), la question de couvrir ou non P. aeruginosa par l’antibiothérapie initiale est essentielle, à la fois pour des raisons individuelles (risque de méconnaître chez un patient une infection à P. aeruginosa) mais aussi collectives (à l’opposé un usage abusif d’antibiotiques anti-Pseudomonas pourrait avoir un impact écologique négatif avec augmentation des taux de résistance, mais aussi un impact nocif en termes de coût et de majoration des effets secondaires) [14,44]. La recherche de facteurs prédictifs de bactériémie à P. aeruginosa a fait l’objet de plusieurs études, qui seront discutés plus loin. Des doses appropriées d’antibiotiques sont un facteur pronostique important, le sous-dosage étant un facteur de risque majeur d’émergence de germes résistants au traitement [45]. Enfin, l’utilisation d’une bithérapie versus une monothérapie antibiotique dans le traitement des infections à

79 P. aeruginosa est un facteur pronostique controversé. Plusieurs études ne retrouvent aucun bénéfice d’une bithérapie [9,10,12,21,36]. Dans la méta-analyse de Safdar et al. évaluant les associations antibiotiques dans le traitement des bactériémies à bacilles à Gram négatif, cinq études concernent les bactériémies à P. aeruginosa [45]. Celles-ci révèlent une tendance à une réduction de la mortalité avec une bithérapie, particulièrement significative dans l’étude de Hilf et al. où la réduction relative de mortalité est de 50 % ( p = 0,02) [7]. Mais les populations de malades variaient considérablement selon les études, en termes de maladies sous-jacentes ou de monothérapies utilisées (aminosides seuls, ou b-lactamines seules, de différents types). Enfin, le caractère rétrospectif des études incluses dans la métaanalyse laisse la place possible à des biais. Récemment, l’étude de Chamot et al. retrouve une supériorité de la bithérapie uniquement dans les 48 premières heures de traitement, ce qui suggère fortement que la bithérapie pourrait être justifiée en début de traitement jusqu’à réception de l’antibiogramme [20].

Traitement des bactériémies à Pseudomonas aeruginosa Qui traiter ? Détermination de facteurs prédictifs d’une bactériémie à P. aeruginosa Un moyen de prédire la probabilité de responsabilité de P. aeruginosa devant un tableau clinique de bactériémie est de rechercher la présence de facteurs favorisants les infections à P. aeruginosa décrits précédemment. Plusieurs auteurs ont essayé d’établir des scores de probabilité de bactériémie à P. aeruginosa devant un patient suspect de bactériémie [44,45]. Pour Schechner et al., les facteurs de risque de P. aeruginosa devant une bactériémie survenant moins de 48 heures avant l’admission à l’hôpital seraient : un âge supérieur à 90 ans, une immunodépression sévère, une antibiothérapie dans les 30 jours précédents, et une sonde urinaire ou un cathéter veineux central, le risque augmentant avec le nombre de facteurs présents (la présence d’au moins trois de ces facteurs étant, par exemple, corrélée à 100 % de risque de bactériémie à P. aeruginosa) [44]. Pour Gransden et al., les facteurs prédictifs de P. aeruginosa sont : une infection nosocomiale, une hospitalisation en réanimation, le sexe masculin, une neutropénie, une corticothérapie ou une chimiothérapie, une antibiothérapie antérieure, une porte d’entrée urinaire ou inconnue (les patients ayant plus de ou trois de ces facteurs ayant 20 % de risque d’être infectés par P. aeruginosa) [45]. Pour Cheong et al., les facteurs de risque de bactériémie communautaire à P. aeruginosa sont : une neutropénie, un cathéter veineux central, un choc septique initial, une infection liée aux soins [14]. La validation de ces scores nécessite, cependant, d’autres études de plus grande ampleur.

Comment traiter ? Caractéristiques générales du traitement Le traitement recommandé comme dans toutes les infections sévères à P. aeruginosa repose sur une association de

80 deux antibiotiques actifs sur la souche, à bonnes doses, initialement par voie intraveineuse. Le but d’associer plusieurs antibiotiques est d’obtenir un effet synergique, d’augmenter la vitesse de bactéricidie, d’augmenter les chances que le traitement initial soit efficace d’emblée sur la souche et d’éviter l’émergence de mutants résistants au cours du traitement [26,46]. Les inconvénients potentiels d’une bithérapie sont : un coût plus élevé, le cumul des effets secondaires des classes médicamenteuses associées, le risque d’émergence de germes de plus en plus résistants à plusieurs classes d’antibiotiques, le risque de surinfection fongique [26]. L’association d’une b-lactamine et d’un aminoside est synergique sur P. aeruginosa, même quand la souche est de sensibilité intermédiaire à la b-lactamine, et même dans 50 % cas quand la souche est intermédiaire ou résistante aux deux antibiotiques [47]. La rifampicine a un effet synergique in vitro avec les b-lactamines ou les aminosides. Les associations entre b-lactamine et fluoroquinolones ou fluoroquinolones et aminosides sont additives ou indifférentes, de même que l’association entre fosfomycine et b-lactamine ou fluoroquinolone ou aminoside [47].

Choix de l’antibiothérapie anti-Pseudomonas en probabiliste Il est basé sur la présence de facteurs de risque de résistance aux antibiotiques, l’écologie du service, la présence d’une insuffisance rénale ou d’antécédents d’allergie aux b-lactamines et le site de l’infection. Le plus souvent, il est conseillé de débuter par l’association d’une b-lactamine et d’un aminoside, la ceftazidime étant la b-lactamine de référence et l’amikacine l’aminoside de référence. L’utilisation d’une fluoroquinolone en première intention est déconseillée du fait de la fréquence des résistances acquises et, notamment, de résistances croisées avec les b-lactamines. L’aztréonam est la molécule de choix en cas d’allergie aux b-lactamines classiques. La ciprofloxacine sera préférée à un aminoside en cas d’insuffisance rénale. L’imipénème devra être réservé aux patients présentant un risque élevé d’infection par une souche hyperproductrice de céphalosporinase, c’est-à-dire, ayant des antécédents récents de traitement par b-lactamine. Dans tous les cas, l’antibiothérapie sera à adapter aux résultats de l’antibiogramme. En cas de souche multirésistante, la fosfomycine peut être intéressante en association avec la ceftazidime (notamment sur les souches de sérotype O:12, qui sont multirésistantes mais restent le plus souvent sensibles à la fosfomycine). En cas d’impasse thérapeutique due à une souche résistante à toutes les familles d’antibiotiques, des tests d’association in vitro peuvent s’avérer nécessaires, pour rechercher une synergie entre deux molécules auxquelles la souche est intermédiaire, voire résistante.

Conflit d’intérêt L’auteur n’a pas transmis de conflit d’intérêt.

Références [1] Institut national de veille sanitaire. Enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales, juin 2006. In: Rapport de janvier 2007; 2007. p. 1—45.

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