Bilan d’activité des staffs de parentalité à Paris : quelle réponse pour quel type de difficultés ?

Bilan d’activité des staffs de parentalité à Paris : quelle réponse pour quel type de difficultés ?

J Gynecol Obstet Biol Reprod 2005 ; 34 (suppl. au n° 1) : 2S74-2S77. Troisième table ronde Aspects périnatals de la maltraitance Bilan d’activité de...

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J Gynecol Obstet Biol Reprod 2005 ; 34 (suppl. au n° 1) : 2S74-2S77.

Troisième table ronde Aspects périnatals de la maltraitance

Bilan d’activité des staffs de parentalité à Paris : quelle réponse pour quel type de difficultés ? V. Dufour Service de Protection Maternelle et Infantile, Direction des Familles et de la Petite Enfance, 94-96, quai de la Râpée, 75012 Paris. RÉSUMÉ À la suite d’une volonté politique, les staffs de parentalité furent créés à Paris en juin 1998. Les dix maternités de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) participèrent à cette mise en place, mais la pérennisation de ces staffs s’avère très différente suivant les lieux. Parallèlement, dans d’autres maternités parisiennes telles les Métallurgistes, ces staffs furent instaurés et sont toujours opérationnels. Le suivi et l’évaluation de ces staffs de parentalité ont alors été confiés d’une part à la Protection Maternelle et Infantile de Paris (PMI) et d’autre part à l’unité U149 de l’INSERM. Fin 2001, cette « surveillance active » s’achevait, et une rencontre le 1er octobre 2004 des différentes maternités concernées a permis de faire le point. Mots-clés : Parentalité • Relation mère-père-enfant • Maltraitance. SUMMARY: Activities of parentality teams in Paris: patient demands and staff responses. In application of public policy, parentality teams were created in Paris in June 1998. All ten maternity units of the Paris Hospital Group (AP-HP) participated in developing these teams but staff implications varied between the institutions. Other maternity units in Paris have also instituted parentality teams which are still operating. The Paris Maternal and Infantile Protection administration together with INSERM Unit 149 were charged with the evaluation of these teams. The first phase of “active monitoring” terminated 2001, and discussions between the different teams in October 2004 allowed an analysis of the current situation. Key words: Parentality • Mother-father-child relationship • Child abuse.

Les staffs de parentalité furent créés à Paris en juin 1998 sur le modèle d’une expérience du Docteur Jean-Yves Diquelou [1], obstétricien à la maternité de l’hôpital de Draguignan dans le Var, à la suite d’une volonté politique. Le développement harmonieux de la relation mèrepère-enfant et la prévention des risques de maltraitance dans les cas les plus extrêmes sont les deux grands objectifs qui sous-tendent l’action des staffs de parentalité. C’est pourquoi les services de maternité ont semblé être le lieu idéal pour une détection très précoce des dysfonctionnements des relations parents-enfants. À Paris, comme dans la plupart des départements français, cette protection de l’enfance était déjà effective en pré-natal, par l’action des services sociaux des maternités aidés par les psychologues, en concertation avec les services extérieurs du département : Protection Maternelle et Infantile (PMI), Aide Sociale à

l’Enfance (ASE), Service Social Polyvalent (SSP), et de l’Etat (psychiatrie, justice, police). Mais la priorité des maternités était et reste, à juste titre, la sécurité médicale des mères et des bébés. Les problèmes psycho-sociaux-affectifs et relationnels (familleenfant) sont souvent délégués par les professionnels de santé (obstétricien et sage-femme) aux psychologues et aux assistantes sociales. Cette expérience de prévention imposait un travail non seulement en équipe pluridisciplinaire, mais aussi inter-institutionnel. La place de l’obstétricien et de la sage-femme devait en constituer la clé de voûte. Dans la plupart des maternités parisiennes, des « tris » hebdomadaires existent aussi en post-natal. Ils donnent la possibilité aux personnels des maternités de signaler en direct, et donc très précocement, les mamans et les bébés en difficultés aux réseaux extérieurs, afin que ceux-ci interviennent dès la sortie de maternité.

Tirés à part : V. Dufour, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

© MASSON, Paris, 2005.

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selon la gravité de la situation. La non-adhésion de la famille à sa prise en charge peut déclencher aussi un signalement. Chaque staff se réunit en moyenne une fois par mois, et les 3 premières années de leur existence, un bilan annuel était effectué.

Les staffs de parentalité devraient remplir la même fonction que ces « tris », mais en anté-natal. CONSTITUTION DES STAFFS DE PARENTALITÉ

Placée sous l’autorité du chef de service de la maternité, cette instance multi-institutionnelle réunit à la maternité tous les acteurs médico-psycho-sociaux concernés par les situations des femmes enceintes suivies : l’équipe hospitalière de la maternité et autres services hospitaliers si nécessaire, les professionnels de la PMI, les représentants des services sociaux polyvalents, de l’Aide Sociale à l’Enfance, des intersecteurs de pédopsychiatrie et de psychiatrie adulte, la médecine libérale et d’autres personnes ressources diversement impliquées (fig. 1). Au delà de la maternité, son action se prolonge grâce à ce réseau qui rassemble outre les services du département (Protection Maternelle et Infantile – Aide Sociale à l’Enfance – Service Social Polyvalent) les autres intervenants pré-cités. Les représentants du substitut du Procureur de la République et de la Brigade des Mineurs peuvent être saisis dès la naissance

OBJECTIFS

La mise en place de ces staffs de parentalité devait permettre la mobilisation de ces équipes avant même la naissance de l’enfant. La grossesse étant une période de grande vulnérabilité [2, 3], cette action pouvait ainsi anticiper les difficultés, définir des mesures concertées, éviter une prise en charge dans l’urgence et ainsi mieux préparer l’arrivée de l’enfant. À partir de critères établis en commun, chaque staff est chargé d’examiner après information et accord souhaité des parents, les situations individuelles. Il en fait une évaluation précise, propose un accompagnement aux parents dès le début de la grossesse et enfin, si nécessaire, transmet par le réseau, les informations

PMI

LES STAFFS DE PARENTALITÉ d’ - Assistantes sociales

fantile)

Service Social de Maternité

di

Equipe Médicale Obstétricale -Obstétriciens -Sages-femmes

Equipe Médicale Pédiatrique -Pédiatres - Puéricultrices

Equipe Psychiatrique de Maternité - Psychologues - Psychiatres Référents

t

(Protection Maternelle et Infantile) Médecins d’arrondissements Sages-femmes, Puéricultrices

Service d’Hygiène Mentale

HÔPITAL

-Pédopsychiatrie - Psychiatrie adulte

MATERNITÉ RÉSEAU

ASE

(Aide Sociale à l’Enfance)

DÉPARTEMENT

EXTÉRIEUR

Médecine Libérale

DE PARIS Personnes Ressources

(intervenants en toxicomanie, CAMSP, Associations, etc…)

Service Social Polyvalent

Et/ou Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris ITÉ

Figure 1

ITAL

Pré-natal

Per-natal

Post-natal

Les différents acteurs des staffs de parentalité. Active members of the parentality staff.

J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 34, supplément au n° 1, 2005

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V. Dufour

permettant une bonne coordination des prises en charge. Ainsi, chaque institution apprend à connaître et à respecter le savoir-faire des autres professionnels. Des « critères de repérage » [4-7] peuvent servir à une évaluation rigoureuse des situations délicates. Il ne s’agit certes pas de stigmatiser, mais d’anticiper pour une meilleure prévention. Sauf dans certains cas précis où le placement de l’enfant est envisagé d’emblée, comme les psychoses graves de la mère non étayées par un entourage familial suffisant, il importe de considérer que la relation mère-enfant nécessite pour advenir de façon satisfaisante, une évaluation et un étayage précoce qui requiert une solide coordination des professionnels concernés. ÉVALUATION RÉALISÉE PAR L’INSERM U 149 ET LA PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE Analyse rétrospective sur l’année 1999, à partir de fiches méthodologiques conçues par les évaluateurs et remplies par 7 maternités de l’AP-HP

(mémoire 2000-2001 sur la « présentation et analyse des staffs de parentalité dans les maternités de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, disponible auprès de l’auteur) Il apparaît des différences de pratiques importantes entre les maternités, allant du nombre de dossiers examinés par staff, aux motifs de signalement. Ces variations peuvent s’expliquer par des différences de remplissage des dossiers, ce qui pouvait faire envisager une discussion pour homogénéiser les critères de soumission et la collection des informations sous une forme standardisée. Étude portant en 2001 sur 328 questionnaires d’évaluation psycho-sociale prénatale

Neuf maternités de l’AP-HP sur 10 ont participé. Ce questionnaire a été rempli pour chaque femme enceinte consultant pour la première fois à la maternité, sur une période de 8 à 15 jours, début 2001. Les groupes « dits à risque » définis dans cette étude ont représenté 10 à 20 % de la population de l’enquête suivant l’association des critères retenus. Se pose donc le problème de la pertinence de ces critères bien que la légitimité de la prise en compte de la dimension psychosociale de la grossesse est manifeste (détails des résultats de l’enquête disponible auprès de l’auteur).

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ÉTATS DES LIEUX FIN 2004

Dans les différentes maternités parisiennes, ces staffs de Paris n’ont cessé de « naître, disparaître et ressusciter »…, au gré des personnes, mais souvent « réanimés » par les situations de certaines familles, toujours en difficulté médico-psycho-sociale. Actuellement, 9 maternités de l’AP-HP sur 10 (différentes d’il y 4 ans !) possèdent ce genre de staffs qui fonctionnent tous sur des modes « personnels ». Leur dénomination suivant les lieux et dans le temps a changé, fluctué, oscillant entre staff de parentalité, de parentologie, dit de parentalité, staff « M.P.S » pour médico-psycho-sociaux, « réunion bleue », cellule de prévention périnatale etc., se différenciant ainsi du staff médical. Leur composition est diversement ouverte sur l’extérieur. Leur rythmicité est aussi établie au gré des maternités, de leur besoin et de la disponibilité des intervenants. Un constat : on reste étonné par la forte mobilisation des professionnels, avec toujours dans le corps médical, une implication supérieure des pédiatres de maternité par rapport aux obstétriciens, probablement due à leur confrontation avec l’aval, en post-natal. Mise à part cette organisation dans les maternités, nous retrouvons trois à quatre ans plus tard, les mêmes difficultés pour trouver des solutions à certains types de problèmes. QUELLE RÉPONSE POUR QUEL TYPE DE DIFFICULTÉS ?

En langage médical pur, il est difficilement concevable d’envisager un diagnostic sans que celui-ci ne soit suivi d’une prise en charge adéquate. De même, il n’est pas souhaitable de mettre en place un dépistage, si celui-ci ne peut faire l’objet d’un suivi de la maladie ou du handicap dépisté, avec une prise en charge plus ou moins complète. Dans le domaine médico-psychosocial, on reste confronté à des problèmes n’ayant que des solutions souvent hasardeuses, d’où une impression de frustration des personnels concernés. Le problème se situe en « aval », et on peut craindre de ne pas empêcher la survenue de la maltraitance, faute de solutions. Car dans ces solutions possibles interviennent souvent des décisions « politico-administratives » qui dépassent nos règles éthiques et compliquent un dénouement logique, mais utopique.

© MASSON, Paris, 2005.

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La problématique du lien

Celui-ci s’entend de façon différente, mais ce mot reste comme un leitmotiv dans les staffs de parentalité. Le lien entre la mère et l’enfant : l’interaction mère-enfant s’établit-elle normalement ? La réponse est dans la possibilité d’une observation après la naissance, dans un lieu adéquat, avec des personnes ressources suffisantes en cas de dysfonctionnement : psychiatres d’adulte, pédopsychiatres. Il existe des possibilité de perspectives sur ces lits de suite qu’ils soient spécialisés ou non : unité mère-enfant, centre maternel, lieu d’hébergement avec accompagnement médico-psycho-social etc. Le lien entre le patient et le soignant. On parle de « clinique de la non-demande ». Donc comment faire le lien entre patient et soignant, pour que ce dernier aille au devant du premier et qu’alors puisse apparaître l’émergence de la demande. Le lien entre les différents soignants qui partagent au moment du staff les nombreuses « parcelles » que le patient a voulu leur révéler lors des consultations et dont il faut reconstituer l’histoire. Enfin, le lien entre l’intra et l’extra-hospitalier, entre les différents métiers, afin de promouvoir une communication fluide et spontanée. Les difficultés récurrentes

L’adhésion des familles avant la présentation de la situation au staff de parentalité, puis la restitution à ces familles des décisions de ce staff : comment s’y prendre ? L’organisation et les traces dans le dossier médical du passage de la situation en staff de parentalité : le fond et la forme ? La présence et l’implication des obstétriciens, car même s’il existe une délégation, celle-ci n’est efficace que si la volonté du chef de service de la maternité est clairement énoncée. La prédominance de 3 types de situations : — problème social avec précarité et problèmes de logement : la réponse dans l’environnement social est souvent difficile à accepter. Comment se résoudre à ce qu’un bébé sorte de la maternité avec sa maman dans une chambre d’hôtel du SAMU social ? ; — maladie psychiatrique de la maman : de l’utilité de la présence de la psychiatrie adulte lors des staffs de parentalité ;

— les problèmes de conduites addictives chez les parents : alcool, drogue, avec tout leur cortège médicopsycho-social. Des solutions toutes prêtes à ces problèmes n’existent pas. La mutualisation des moyens existants, le renforcement du « périnatal » en ville par la création de réseaux ville-hôpital par exemple, une liste commune des structures d’aval connues avec un accès facile aux disponibilités existantes au jour le jour, sont à envisager. Elles ne pourront qu’appuyer la demande auprès des instances politiques et de planification de moyens adéquats. CONCLUSION

La pérennité en 2004 de ces staffs de parentalité, certes sous des formes différentes mais dans la majorité des maternités parisiennes de l’AP-HP donne une note d’optimisme dans le paysage de la périnatalité. La réflexion continue et toute possibilité de perspectives ayant pour objectif d’améliorer la qualité du dépistage précoce, du soutien et de l’orientation des familles en difficulté pour accueillir leur nouveau-né, doit rester le fil conducteur de ces staffs. Seule la participation réelle et la reconnaissance de l’utilité de ces staffs par les sages-femmes et les obstétriciens permettront leur efficacité. L’établissement de critères de repérage simples dans le dossier médico-obstétrical peut aider à une évaluation rigoureuse et permettre d’organiser la prise en charge de ce bébé et de sa mère autrement que dans l’urgence. RÉFÉRENCES 1. Diquelou JY. Facteurs de risque de mauvais traitements à enfants pendant la période périnatale. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1996 ; 25: 809-18. 2. Molena F. Attachement et vulnérabilité. Cahiers de l’AFREE n° 8, 1994, p. 3-8. 3. Pellicia G, Bertrand M, Camaux Massi PA, Viala JL. Les pôles de prévention mère enfant en maternité. Cahiers de l’AFREE n° 5, 1993, p. 151-167. 4. Soule M, Noël J. La prévention médico-psycho-sociale précoce. Ed. C.O.P.E.S, 23, rue Lalande, Paris XIV, 1979. 5. Houzel D. Les enjeux de la parentalité. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité – DAS/Bureau DSF2, novembre 2000. 6. Delassus JM. Protocole maternologique d’évaluation prénatale et post-natale. ProMat, Unité de Maternologie de SaintCyr-l’École 11, square Anatole-France, 78210 Saint-Cyrl’École. 7. Reid AJ, Biringere A, Carrol JD, Midmer D, Wilson LM, Chalmers B, Stewart DE. Using the ALPHA form in practive to assess antenatal psychosocial health. CMAJ 1998 ; 159: 67784.

J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 34, supplément au n° 1, 2005

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