Imagerie de contrôle de positionnement : quelle fréquence pour quel objectif ?

Imagerie de contrôle de positionnement : quelle fréquence pour quel objectif ?

Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 439–443 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Imagerie de contrôle de positionnement : quelle...

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Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 439–443

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Mise au point

Imagerie de contrôle de positionnement : quelle fréquence pour quel objectif ? Image guidance for the evaluation of setup accuracy L. Cartier a,∗ , M. Alfonsi a , N. Pourel a , E. Jaegle b , B. Chauvet a a b

Département de radiothérapie, institut Sainte-Catherine, 1750, chemin du Lavarin, BP 846, 84000 Avignon, France Département de physique médicale, institut Sainte-Catherine, 1750, chemin du Lavarin, BP 846, 84000 Avignon, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ˆ 2012 Disponible sur Internet le 24 aout Mots clés : Radiothérapie guidée par l’image Fréquence Erreurs de positionnement

r é s u m é Les informations obtenues par les différentes modalités de la radiothérapie guidée par l’image (imageguided radiotherapy ou IGRT), nous permettent de passer d’un repositionnement orienté sur le patient, à un repositionnement centré sur le volume cible. Cette évolution entraîne ainsi une modification des pratiques de contrôle de positionnement. Afin de maîtriser les erreurs de positionnement systématiques, un contrôle lors des trois à cinq premières séances est nécessaire. Les erreurs de repositionnement aléatoires, comme les mouvements de volume cible ne peuvent être maîtrisés que par la réalisation d’une imagerie quotidienne. Enfin, les modalités de radiothérapie guidée par l’image permettent d’évaluer les modifications anatomiques survenant en cours de traitement et ouvrent le champ de la radiothérapie adaptative. © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Image-guided radiotherapy Frequency Setup errors

Information obtained by different methods of image-guided radiotherapy now allows us to reposition the target volume. This evolution causes a change in practice and positioning control. In order to control positioning errors, a systematic control during the first three to five sessions is required. Random repositioning errors and clinical target volume motions can be mastered only by performing a daily imaging. Finally, image-guided radiotherapy allows assessing anatomical changes occurring during treatment, and opens the field of adaptive radiotherapy. © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La radiothérapie ne cesse d’évoluer vers une plus grande précision grâce aux progrès de l’imagerie, de l’informatique et de la technologie. D’une part, l’utilisation des différentes modalités d’imagerie (scanographie, imagerie par résonance magnétique [IRM], tomographie par émission de positons [TEP]) permet une meilleure définition des volumes cibles, d’autre part, l’essor des techniques de radiothérapie conformationnelle et particulièrement la radiothérapie avec modulation d’intensité (RCMI) assure une distribution de dose optimale dans la cible tumorale en protégeant mieux les tissus sains. Cependant, ce haut degré de conformation implique une meilleure maîtrise des différentes sources d’imprécision des processus de préparation et de traitement.

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Cartier).

La radiothérapie guidée par l’image (image-guided radiotherapy [IGRT]) correspond à l’utilisation dans ce but des différentes modalités d’imagerie disponibles dans la salle de traitement. Cela permet de prendre en compte les variations anatomiques survenant en cours d’irradiation, afin que la distribution de dose délivrée à chaque séance, corresponde à la distribution planifiée. Les traitements de radiothérapie ont toujours été guidés par l’image, mais l’intérêt grandissant des modalités de radiothérapie guidée par l’image est ravivé en raison de la mise en œuvre clinique de gradients de dose élevés et étroits [1]. Actuellement, les dispositifs d’imagerie embarquée sont de plus en plus répandus et systématiquement proposées par les constructeurs lors de l’installation de tout nouvel accélérateur : fin 2010, 30 % des accélérateurs étaient équipés d’un dispositif d’imagerie embarqué, ce pourcentage a progressé de 18 points depuis 2007 [2]. La radiothérapie guidée par l’image s’intègre peu à peu dans l’ensemble du programme d’assurance qualité de la radiothérapie moderne [3].

1278-3218/$ – see front matter © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2012.06.003

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Toutefois, il s’agit d’une technique consommatrice de temps, nécessitant une parfaite organisation entre manipulateurs, radiothérapeutes, parfois difficile à intégrer dans l’activité intense des services de radiothérapie. Les modalités d’application de ce contrôle de positionnement, les recalages à appliquer en fonction des localisations traitées doivent encore être précisées. Dans cette revue de la littérature, nous abordons les informations obtenues par la radiothérapie guidée par l’image, son utilisation pour les principales localisations tumorales, afin de proposer des recommandations de rythme de contrôle de positionnement par l’image. 2. Quelles sont les informations obtenues par l’imagerie embarquée ?

2.2.2. Mouvements intrafraction Les incertitudes de positionnement intervenant au cours de la séance de radiothérapie sont des variations intrafraction. Il s’agit principalement des mouvements liés aux mouvements respiratoires et accessoirement des mouvements liés au patient lui-même (limités par les systèmes de contention). Certaines modalités de radiothérapie guidée par l’image (Novalis® , CyberKnife® , Truebeam® , etc.) permettent un enregistrement en continu de la position de la tumeur et ainsi un traitement en gating ou en tracking, qui suit les mouvements. Toutefois, la pose de repères fiduciels intra- ou péritumoraux est le plus souvent nécessaire pour ces techniques et l’image obtenue ne peut être que bidimensionnelle. 2.3. Modifications anatomiques

2.1. Repères anatomiques internes Les différentes modalités de radiothérapie guidée par l’image permettent une visualisation directe ou indirecte du volume cible à traiter. L’image obtenue, qu’elle soit en deux ou trois dimensions est ainsi analysée comparativement aux images, reconstruites ou natives, de la scanographie dosimétrique. La visualisation directe du volume tissulaire tumoral est rendue possible grâce à la réalisation d’une reconstruction tridimensionnelle d’images obtenues par un capteur plan de basse énergie (2D kV) ou de haute énergie (MV) (tomographie conique–cone-beam computed tomography [CBCT]). Une image du volume tumoral en deux dimensions peut aussi être obtenue avec les ultrasons [4]. Toutefois, de nombreux systèmes de radiothérapie guidée par l’image reposent sur la visualisation indirecte du volume cible. Les structures osseuses peuvent être utilisées comme un substitut (images portales, images bidimensionnelles de basse énergie, etc.). Lorsque le volume cible est susceptible de se déplacer indépendamment des repères osseux, des marqueurs radio-opaques peuvent être implantés au sein de la tumeur, avec un risque de migration au cours du traitement.

La procédure d’imagerie utilisée pour vérifier la position du patient permet, lorsqu’une imagerie tridimensionnelle à type de tomographie conique est réalisée, d’apprécier également toute modification du volume tumoral en réponse au traitement. De la même manière, il est possible d’évaluer les conséquences anatomiques d’une perte pondérale ou les modifications dans le voisinage d’une tumeur, comme la reventilation d’une atélectasie ou la modification d’un épanchement dans le traitement du carcinome bronchique. Ces variations détectées tôt peuvent être prises en compte afin de diminuer leur impact sur la distribution de dose. Aussi, l’imagerie de repositionnement en mode tomographie conique peut-elle être exploitée pour ajuster le calcul de la répartition de la dose, ouvrant le champ de la radiothérapie adaptative : modifier le plan de traitement en cours d’irradiation afin de l’optimiser. 3. Quels sont les résultats obtenus par la radiothérapie guidée par l’image selon les localisations anatomiques et quelle doit être la fréquence d’utilisation ?

2.2. Erreurs de positionnement

3.1. Cancers de prostate

2.2.1. Mouvements interfractions Les modifications et les écarts de positionnement pouvant survenir d’une séance de traitement à l’autre sont décrits comme des variations interfractions. Ces écarts de positionnement sont de deux types : systématiques ou aléatoires. Les premiers sont la résultante d’écarts cumulés lors du processus de planification de traitement et se répercutent à toutes les séances de traitement. Les écarts aléatoires varient de jour en jour et représentent une incertitude de positionnement imprévisible, mais de moindre conséquence. Pour tenir compte de ces mouvements potentiels, l’International Commision on Radiation Units and Measurements (ICRU) a proposé avec l’avènement de la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle, la définition d’un volume cible prévisionnel (planning target volume [PTV]), qui tient compte de cette incertitude de repositionnement. Van Herk et al. ont identifié 17 sources d’erreurs potentielles dans la chaîne de traitement et ont ainsi pu établir un formalisme permettant de calculer à partir d’un groupe de patient homogène, des marges, garantissant avec une probabilité de 90 % la présence du volume cible anatomoclinique (clinical target volume [CTV]) dans l’isodose 95 % (en fonction des erreurs systématiques et aléatoires calculées) [5]. Actuellement, les différentes modalités de radiothérapie guidée par l’image permettent la détection des erreurs de positionnement à chaque séance et d’effectuer une correction immédiate pour réduire les erreurs systématiques et aléatoires. Cette approche nécessite un contrôle automatisé de la table de traitement pour la rendre efficace en routine clinique, d’autant qu’elle rallonge le temps de la séance, ce qui peut compromettre la reproductibilité du repositionnement.

Les données les plus nombreuses sur la radiothérapie guidée par l’image portent sur la radiothérapie des cancers de la prostate. Depuis plusieurs années, il est prouvé par plusieurs études randomisées qu’il existe un bénéfice à l’escalade de dose dans les adénocarcinomes prostatiques. L’utilisation de la RCMI avec de forts gradients de dose est nécessaire à cet effet, car elle permet de limiter la toxicité rectale et urinaire. Par ailleurs, la prostate peut présenter des déplacements importants, jusqu’à 2 cm dans l’axe antéropostérieur [6], alors que les marges classiquement utilisées pour la définition du volume cible prévisionnel sont de 1 cm dans toutes les directions, souvent limitées à 5 ou 6 mm en arrière. Ces marges permettent d’inclure le volume prostatique dans 95 % des cas selon une étude récente avec de radiothérapie guidée par l’image, mais il existe toutefois un risque d’erreurs aléatoires non négligeable [7]. Ces mouvements sont dus aux mouvements internes des organes et particulièrement à la réplétion rectale qui reste un facteur important du déplacement prostatique. Aussi, il a été montré, dans deux études rétrospectives, qu’une distension rectale importante au moment de la scanographie de simulation était responsable d’une diminution du taux de contrôle biochimique [8,9]. En effet, si le rectum est moins dilaté durant le traitement, il existe une forte probabilité de déplacement postérieur systématique de la prostate, conduisant à un « sous dosage » de la partie postérieure de la prostate. De ce fait, le contrôle du positionnement prostatique à chaque séance permettrait d’avoir un impact positif. L’augmentation de dose à la prostate pourrait ainsi correspondre à un bénéfice théorique de 33 % de probabilité de contrôle local et de 10 % de probabilité de survie à cinq ans [10,11].

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Les études cliniques restent encore peu nombreuses. Toutefois, plusieurs études ont montré une diminution de la toxicité urinaire et de la toxicité digestive en utilisant quotidiennement l’imagerie embarquée pour la RCMI des cancers de prostate [12–14]. Récemment, Zelefsky et al. ont analysé rétrospectivement chez 376 patients traités par irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité de haute dose, deux groupes homogènes avec ou sans recalage quotidien [15]. Les deux groupes ont été traités avec une dose identique et des marges similaires pour le volume cible prévisionnel. Il a été observé une différence significative en termes de toxicité urinaire tardive entre ces deux groupes. En outre, parmi les patients atteints de cancer à haut risque, il a été observé une amélioration significative des résultats de survie sans récidive biochimique, en faveur de la radiothérapie guidée par l’image. Il n’existe à ce jour aucune étude randomisée évaluant l’impact de la radiothérapie guidée par l’image dans la radiothérapie des cancers de prostate. Toutefois, les résultats du Stic IGRT (programme de soutien aux techniques innovantes et coûteuses radiothérapie guidée par l’image) prostate sont en attente. Il s’agit d’une étude médico-économique comparant deux fréquences de contrôle par l’image dans les cancers de prostate (hebdomadaire ou quotidien). L’objectif clinique était de comparer la toxicité et les taux de contrôle biochimique entre les deux bras [16].

était de 78 %, validant la réduction possible de la marge entre les volume cibles anatomocliniques et prévisionnels [23]. Ces données nous indiquent le potentiel d’une imagerie quotidienne, permettant de fait une escalade de dose et une épargne des organes à risque, mais doivent encore être confirmées. Des déformations tissulaires peuvent survenir en cours d’irradiation du fait d’une fonte tumorale, d’un amaigrissement ou d’un œdème. En fin d’irradiation, la diminution de volume du volume tumoral macroscopique et des parotides a pu être évaluée à respectivement 69 et 28 % [24]. En cas de perte pondérale importante, il existe une erreur systématique moyenne supérieure à 6 mm dans le sens antéropostérieur, qui n’est plus prise en compte par les marges du volume cible prévisionnel [22]. Par ailleurs, ces modifications anatomiques ont un impact dosimétrique sur les organes à risque [25]. La capacité de l’imagerie volumétrique pour détecter les changements des tissus mous et de la tumeur nous amène ainsi vers une radiothérapie adaptative, qui a le potentiel d’améliorer les résultats, en particulier chez les patients atteints de volumineuses lésions de la base du crâne ou des sinus paranasaux qui jouxtent les tissus normaux critiques. Cela implique d’établir des niveaux d’actions les plus appropriées pour une replanification. Jusqu’à présent, aucune donnée clinique n’a montré quelle amélioration peut permettre la radiothérapie adaptative.

3.2. Cancers des voies aérodigestives supérieures

3.3. Cancers bronchopulmonaires

Le repositionnement en radiothérapie des cancers des voies aérodigestives supérieures est facilité par une contention semirigide grâce aux masques tête-épaule. La marge entre les volumes cibles anatomoclinique et prévisionnel habituellement recommandée est de 5 mm. Toutefois, en l’absence d’imagerie de contrôle, il a été montré que 37 % des séances seraient réalisées avec une erreur de positionnement supérieure à 5 mm [17]. La réalisation d’une imagerie de contrôle lors des cinq premières séances permet de réduire ce taux d’imprécision de plus de 5 mm, à 19 % [18] ou 26 %, en identifiant les écarts systématiques [17]. Toutefois, il persiste une erreur résiduelle liée à celles aléatoires qui ne peut être limitée que par la réalisation d’images de repositionnement quotidiennes. Les mouvements de la région tête et cou ne sont pas simplement des translations, mais le repositionnement peut engendrer des mouvements de rotation complexe [19]. En dépit de l’utilisation de dispositifs d’immobilisation rigides, il existe d’importantes variations d’installation, ainsi qu’une variation de positionnement d’une séance à l’autre selon les régions d’intérêt de la sphère ORL [20]. La précision des modalités d’imagerie de contrôle de positionnement bidimensionnelle de basse énergie et tridimensionnelle par tomographie conique a été comparée. Aux incertitudes près, propres à chacune de ces modalités, les écarts mis en évidence étaient cohérents et similaires [21]. Une attention doit toutefois être portée aux régions anatomiques présentant de déplacements potentiellement plus importants (larynx, base de langue). Nous ne disposons actuellement pas de résultat d’essai clinique évaluant le bénéfice clinique à la réalisation d’images de contrôle quotidienne. Toutefois, une imagerie de contrôle quotidienne peut permettre une réduction des marges du volume cible anatomoclinique vers le volume cible prévisionnel. Une étude prospective chez 28 patients suggérait la réduction possible de la marge de 5 mm à 3 mm chez des patients traités par irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité pour des cancers des voies aérodigestives supérieures [22]. Une étude non randomisée n’a pas retrouvé de différence en termes rechutes locales chez 225 patients traités par irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité avec une tomographie conique quotidienne : 95 patients ont été traité avec une marge de 5 mm et 130 autres patients avec une marge de 3 mm, avec un contrôle quotidien pour chacun des patients traités. Dans les deux groupes, le taux de contrôle locorégional à deux ans

Compte tenu des mouvements respiratoires, d’importantes incertitudes géométriques sont associées à la radiothérapie des tumeurs pulmonaires. En règle générale, des marges importantes sont appliquées autour du volume cible afin d’éviter un « sousdosage » tumoral. La réduction des incertitudes géométriques et des marges de sécurité associées est justifiée pour réduire l’exposition des organes à risque et permettre l’escalade de dose. En dehors des modalités de blocage respiratoire, de gating ou de tracking, l’imagerie embarquée permet de quantifier la variabilité de la respiration du patient au cours du traitement et de mesurer les incertitudes de repositionnement. De nombreuses études ont évalué la précision du repositionnement quotidien en radiothérapie thoracique [26–29]. Une évaluation quotidienne par tomographie conique chez 68 patients traités pour un cancer bronchique par irradiation conformationnelle a montré une divergence géométrique supérieure à 10 mm dans 43 % des cas [30]. Par ailleurs, l’impact d’un contrôle de positionnement quotidien par l’utilisation de contrôles bidimensionnel de basse énergie orthogonaux quotidiens, a pu être analysée dans une étude sur pièce opératoire. Cinquante-trois patients ont rec¸u pour un carcinome bronchique non à petites cellules de stade IIIA/IIIB une chimioradiothérapie avant la résection pulmonaire. Dix patients ont bénéficié d’un repositionnement quotidien par des images orthogonales de basse énergie. Il existait dans ce groupe une augmentation du taux de réponse pathologique : le traitement guidé par l’image chez ces patients a entraîné des taux élevés de stérilisation médiastinale (90 % contre 67 %, p = 0,0769) et de réponse complète pathologique (60 % contre 35 %, p = 0,0728) [31]. Par ailleurs, le tissu pulmonaire peut progressivement se déformer au cours des cinq à sept semaines de traitement. C’est particulièrement le cas des patients atteints de tumeur pulmonaire centrale ou obstructive, pour lesquels une atélectasie, un épanchement pleural ou une infection peuvent apparaître. En outre, la reventilation du poumon due à la réouverture des voies aériennes peut changer à la fois le mode de respiration et la configuration régionale de la tumeur ou des ganglions lymphatiques. Van Zwienen et al. ont analysé les tomographies coniques de 114 patients consécutifs traités pour un cancer pulmonaire (de stade cT1N0 à cT4N3) par irradiation classique [32]. Une régression tumorale a été observée chez 46 patients (40 %). L’apparition d’une

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atélectasie a été rapportée pour 33 patients (29 %) et sa disparition chez 26 patients (23 %). Ces modifications anatomiques sont donc fréquentes, mais restent difficiles à prévoir. Un contrôle fréquent est donc nécessaire en cas d’atélectasie préexistante ou de tumeur centrale, de grand volume. Ainsi, un nouveau plan de traitement tenant compte de l’écart entre la dose prévue et effectivement délivrée peut être effectué [33]. Le développement de la radiothérapie adaptative semble donc pertinent dans les cancers bronchiques mais nécessite, tout comme les cancers des voies aérodigestives supérieurs, l’élaboration d’essais thérapeutiques.

3.4. Cancers du système digestif 3.4.1. Canal anal Il existe un intérêt actuel pour la RCMI dans le traitement des cancers du canal anal. Cette technique permet en effet une épargne dosimétrique des tissus sains et une diminution des toxicités de haut grade [34]. En revanche, dans les différentes études réalisées, avec escalade de dose jusqu’à 63 Gy, le contrôle du positionnement n’était effectué que par image portale. Une seule étude récente a évalué les erreurs de repositionnement en effectuant une tomographie conique de haute énergie avant chaque séance chez 12 patients. Les auteurs suggèrent que les marges du volume cible prévisionnel pourraient être réduites [35].

3.4.2. Rectum À ce jour, la mise en œuvre clinique de la radiothérapie guidée par l’image dans le cancer du rectum n’a été que peu étudiée [36]. Cela peut s’expliquer par le fait que les modalités de traitement (radiothérapie préopératoire) actuellement réalisées dans le cancer du rectum, utilisent des faisceaux sans gradient de dose étroits, dans des volumes larges. De plus, les niveaux de dose prescrits (45 à 50,4 Gy) n’impliquent pas de contrainte forte pour les organes à risque à proximité et suffisent pour apporter un taux de contrôle tumoral local de 90 %.

3.4.3. Œsophage Dans le cadre du traitement des cancers de l’œsophage, il a été constaté que la fréquence de réalisation de séances guidées par l’image (de 0 à 60 %) permettait une réduction des erreurs de repositionnement systématique de 23 à 26 %. Toutefois, en l’absence d’image de contrôle quotidienne, il persistait d’importantes erreurs de repositionnement, ce qui conduit à un « sous dosage » du volume cible anatomoclinique et à un surdosage du cœur et du parenchyme pulmonaire [37]. Nous manquons actuellement de données cliniques évaluant le bénéfice clinique de la radiothérapie guidée par l’image dans cette localisation tumorale.

3.5. Gynécologie La radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité dans l’irradiation des cancers du col utérin est une méthode d’optimisation efficiente pour la protection des organes à risque (digestif et urinaire) [38]. Des recommandations récentes ont été publiées pour la délinéation des volumes cibles dans les cancers du col utérin. Il est préconisé une marge de 1,5 à 2 cm autour du volume cible prévisionnel tumoral. En effet, le mouvement interne des organes, la déformation et la régression tumorale peuvent être responsables de déplacements interfractions de 0,6 mm à 4 cm selon les études [39]. Aussi, ce même groupe d’expert recommande la réalisation quotidienne d’une imagerie de contrôle avec recalage/analyse des tissus mous.

4. Quelles recommandations pouvons-nous proposer pour la fréquence de réalisation des images de repositionnement et selon quels objectifs ? La fréquence de réalisation des images de contrôle de positionnement doit dépendre de la technique de traitement utilisée. Une RCMI génère des gradients de dose étroits et tout déplacement minime risque de se traduire par une importante modification de la distribution de dose. Un contrôle quotidien quelle que soit la localisation est alors nécessaire pour réduire les erreurs de repositionnement, que cette erreur soit systématique ou aléatoire. Aussi, tout décalage significatif constaté doit être corrigé avant la réalisation de la séance de traitement. Le bénéfice clinique d’une imagerie quotidienne n’est cependant démontré que dans les cancers de prostate et à ce jour sans essai randomisé, puisque les résultats du Stic « IGRT prostate » sont en attente. Par ailleurs, la modalité d’imagerie utilisée dépendra de la localisation traitée : en effet une tomographie conique sera nécessaire pour la visualisation des tissus mous dans les cancers de prostate, alors qu’une imagerie bidimensionnelle de basse énergie est suffisante pour les cancers des voies aérodigestives supérieures ou si le volume cible peut être suivi par la présence de repères fiduciels intratumoraux. D’autre part, toute radiothérapie à visée curative nécessite le dépistage, dès les premières séances, d’une erreur systématique. Ainsi, une image de contrôle de positionnement est communément réalisée lors des trois ou cinq premières séances, puis chaque semaine, un contrôle plus fréquent ne permettant pas de mieux détecter ce type d’erreurs. Enfin, des modifications anatomiques significatives peuvent survenir en cours de traitement, responsables d’une modification de la distribution de dose calculée (surdosage des organes à risque et éventuel « sous-dosage » tumoral). Les différentes modalités de radiothérapie guidée par l’image permettent ainsi un développement de la radiothérapie adaptative. Il n’existe à ce jour, pas de critère nous permettant de préciser le moment à partir duquel une nouvelle planification est nécessaire. Aussi, un contrôle de positionnement hebdomadaire par une tomographie conique, semble acceptable pour les radiothérapies des cancers des voies aérodigestives supérieures et des cancers bronchopulmonaires. L’élaboration d’essais cliniques est toutefois nécessaire pour établir toute recommandation.

5. Conclusion Dans une pratique standard de la radiothérapie, seule la bonne position du patient et non de la tumeur, est contrôlée sous l’accélérateur. Grâce aux informations obtenues par les différentes modalités de radiothérapie guidée par l’image, nous passons d’un repositionnement orienté sur le patient, à un repositionnement centré sur le volume cible. Cette évolution entraîne ainsi une modification des pratiques de contrôle de positionnement et ce d’autant que les techniques de RCMI se diffusent. Une imagerie de contrôle quotidienne devient ainsi nécessaire pour détecter les erreurs de repositionnement aléatoires et les mouvements de la cible. Par ailleurs, une évolution des traitements vers une radiothérapie adaptée aux modifications anatomique est possible en réalisant une imagerie de contrôle hebdomadaire et doit faire l’objet d’évaluations complémentaires [40].

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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