Cancer canalaire in situ du sein avec micro-invasion. Place du ganglion sentinelle

Cancer canalaire in situ du sein avec micro-invasion. Place du ganglion sentinelle

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 35 (2007) 317–322 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/ Article original Cancer canalaire in situ du sein av...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 35 (2007) 317–322 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Article original

Cancer canalaire in situ du sein avec micro-invasion. Place du ganglion sentinelle Microinvasive ductal carcinoma of the breast. Role of sentinel lymph node biopsy G. Le Bouëdec*, C. de Lapasse, F. Mishellany, G. Chêne, T. Michy, P. Gimbergues, J. Dauplat Service de chirurgie, centre Jean-Perrin (centre de lutte contre le cancer d’Auvergne), 58, rue Montalembert, BP 392, 63011 Clermont-Ferrand cedex 01, France Reçu le 3 juillet 2006 ; accepté le 15 décembre 2006 Disponible sur internet le 06 mars 2007

Résumé Objectifs. – Évaluer l’intérêt de la recherche du ganglion axillaire sentinelle dans les carcinomes canalaires in situ du sein avec microinvasion. Patientes et méthodes. – Entre janvier 2001 et janvier 2006, l’adénectomie sentinelle a été réalisée par technique isotopique et/ou colorimétrique pour 41 carcinomes canalaires in situ avec micro-invasion prouvée sur biopsie percutanée initiale ou sur pièce d’exérèse opératoire. Le curage axillaire complet a été accompli dans les dix premiers cas de façon systématique, puis chaque fois que le ganglion sentinelle était envahi, qu’il s’agisse d’une macrométastase ou d’une micrométastase. Résultats. – Le taux de détection du ganglion sentinelle était de 98 % (40/41), l’échec survenant après biopsie–exérèse chirurgicale. Le nombre moyen de ganglions sentinelles prélevés était de deux (extrêmes 1–5). Le taux d’envahissement du ganglion sentinelle était de 10 % (4/40) : une macrométastase pN1, deux micrométastases visibles en coloration standard (HES, hématoxyline–éosine–safran) pN1 (mi), une micrométastase détectée en immunohistochimie pN0 (mi). Discussion et conclusion. – La recherche du ganglion sentinelle ne devrait pas se développer pour l’ensemble des carcinomes canalaires in situ mais pour les plus péjoratifs d’entre eux, sélectionnés sur des critères cliniques, radiologiques et histologiques. Grâce aux prélèvements percutanés micro-/macrobiopsiques initiaux, la planification du ganglion sentinelle est permise pour les carcinomes canalaires in situ microinvasifs prouvés ou probables dès le début de la prise en charge chirurgicale avant que les remaniements cicatriciels — et a fortiori la mammectomie éventuelle — ne viennent compromettre techniquement son application. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. – To investigate the role of sentinel lymph node biopsy for microinvasive ductal carcinoma in situ of the breast. Patients and methods. – From January 2001 to January 2006, lymphatic mapping was performed using radiocolloid and/or blue dye technique. Full axillary lymph node dissection was accomplished systematically in 10 instances at the beginning of the study, and furthermore when the sentinel node was involved (macrometastatic or micrometastatic disease). Results. – Identification rate was 98% (40/41), the unsuccessful procedure occurred after incisional biopsy for diagnosis. The number of sentinel nodes removed was 2 in average (1–5). Sentinel node involvement was found in 10% of cases (4/40): 1 sentinel node macrometastasis pN1, 2 sentinel node micrometastases determined by hematoxylin and eosin staining pN1 (mi), 1 sentinel node micrometastasis detected only by immunohistochemical staining pN0 (mi). Discussion and conclusion. – Sentinel lymph node sampling should not be currently applied for management of every ductal carcinoma in situ of the breast but a selective utilization is proposed in documented high risk subset of patients according to clinical, mammographic, and histologic features obtained by percutaneous biopsies. Ductal carcinoma in situ (DCIS) with proved or suspected microinvasion could be scheduled

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Le Bouëdec).

1297-9589/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gyobfe.2006.12.024

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for sentinel node procedure a fortiori in cases undergoing mastectomy because of extensive DCIS before the occurrence of disturbances of lymphatic drainage induced by surgical breast dissection. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cancers micro-invasifs du sein ; Ganglion sentinelle Keywords: Microinfiltrating breast cancer; Sentinel lymph node

1. Introduction Le carcinome canalaire in situ (CCIS) encore appelé carcinome intracanalaire ou intragalactophorique ne donne en théorie ni métastases ganglionnaires ni métastases à distance puisque le processus néoplasique se trouve confiné à l’épithélium des canaux où la membrane basale est optiquement intacte [1–4]. Le terme carcinome canalaire in situ micro-invasif (CCIS– MI) désigne un CCIS émaillé de foyer(s) d’invasion microscopique de taille inférieure ou égale à 1 mm, ce qui explique le risque d’envahissement ganglionnaire, de l’ordre de 5 à 10 % dans la littérature [5–9], de 7 % dans notre expérience [10]. Les techniques de repérage du ganglion sentinelle (GS) à l’aide d’un lymphotraceur colorimétrique, isotopique, ou de leur combinaison sont l’objet d’évaluations prospectives multidisciplinaires, le concept étant d’éviter, en cas de négativité, les curages axillaires et, ipso facto, leurs rançons séquellaires. Les cancers du sein à faibles risques de N+, classés T0T1N0 — parmi lesquels figurent les CCIS–MI — représentent, dans les institutions spécialisées, les principales indications de l’adénectomie sentinelle en routine [11,12]. La recherche du GS, inutile a priori dans les CCIS purs, serait optionnellement justifiée par le potentiel de microinvasion occulte et l’impossibilité d’appliquer cette technique une fois la mammectomie effectuée. Ainsi, la recherche du GS peut être proposée pour les lésions CCIS étendues relevant d’une mammectomie d’emblée ou en cas de suspicion de micro-invasion sur biopsie percutanée préopératoire [2]. Les facteurs prédictifs du caractère (micro-) invasif d’un CCIS sont connus : masse palpable, opacité, taille supérieure ou égale à 4 cm, haut grade nucléaire [13–15]. Il n’est donc pas question de GS en routine pour tout CCIS [16–18], en particulier lorsqu’une chirurgie conservatrice est réalisable, mais d’une sélection rationnelle de son utilisation sur des critères cliniques, radiologiques et histologiques [19– 23]. L’objectif de ce travail anatomoclinique monocentrique était d’évaluer la place du GS dans les CCIS avec micro-invasion hautement probable et/ou prouvée. 2. Patientes et méthodes Entre janvier 2001 et janvier 2006, la recherche du GS a été effectuée dans 85 cas de CCIS. L’exploration chirurgicale du creux de l’aisselle était motivée par la constatation formelle d’une micro-invasion ou par la forte suspicion d’une sousestimation de la gravité lésionnelle sur les biopsies initiales.

Le diagnostic initial de CCIS (MI) a été formulé sur microbiopsies stéréotaxiques (14 G), sur macrobiopsies assistées par le vide (MAMMOTOME® 11 G) ou sur pièces de biopsie–exérèse chirurgicale. La biopsie du GS était effectuée pour les CCIS microinvasifs de toute taille, pour les CCIS purs multicentriques ou très étendus nécessitant une mammectomie et ceux qui présentaient des risques de micro-invasion occulte sur des critères cliniques, mammographiques ou histologiques : masse indurée palpable, opacité surajoutée aux microcalcifications, sous-type architectural comédo, haut grade nucléaire. Les circonstances de découverte étaient variables. Les cancers infracliniques ont été révélés par des microcalcifications — avec ou sans opacité — distinguées sur des mammographies de dépistage individuel ou organisé dans les départements de l’Allier (ABIDEC : Association bourbonnaise interdépartementale de dépistage des cancers), du Puy-de-Dôme, du Cantal ou de la Haute-Loire (ARDOC : Association régionale de dépistage organisé des cancers). Dans ce travail rétrospectif où nous disposions de l’intégralité des documents anatomopathologiques et des éventuelles discordances entre histologie préopératoire et histologie définitive, nous nous sommes focalisés sur les CCIS–MI. Les carcinomes canalaires à prédominance endocanalaire (CCI-PE) et les carcinomes infiltrants supérieurs ou égaux à 2 mm (n = 16) sur lesquels les biopsies initiales ne montraient que du CCIS avec ou sans micro-invasion ont été exclus. De la même façon, parmi les CCIS investigués par GS parce qu’une mammectomie était indiquée ou qu’un haut grade nucléaire était identifié, les CCIS réellement purs à l’analyse histologique finale (n = 28) ont été exclus tandis que les 12 CCIS effectivement émaillés de micro-invasion ont été inclus. Le matériel d’étude rassemblait donc 41 CCIS–MI : le caractère micro-invasif avait été déterminé 29 fois avant la biopsie du GS et 12 fois à l’analyse exhaustive de la pièce opératoire, après la biopsie du GS. Le franchissement de la membrane basale avait été observé sur les préparations standard HES (hématoxyline-éosinesafran) ou sur les colorations spéciales (PAS, réticuline) des spécimens biopsiques et/ou des pièces opératoires. Au minimum, des cellules néoplasiques isolées ou agrégées avaient été reconnues dans le stroma. Au maximum, des foyers de micro-invasion s’étaient constitués, cependant, conformément aux recommandations des pathologistes experts européens [24], leur taille unitaire — lorsqu’ils étaient mesurables — ne dépassait pas 1 mm. La recherche du GS faisait appel dans 36 cas à la technique isotopique utilisant le nanocolloïde sulfure de rhénium marqué

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au technetium 99 m NANOCIS® (Schering Cis Bio International™) sous forme d’une injection unique juxta-aréolaire intradermique d’une activité de 60 MBq [25], dans deux cas à la technique colorimétrique utilisant le bleu patent V (Guerbet, Aulnay-sous-bois) sous forme d’une injection de 2 ml non dilués là encore unique juxta-aréolaire mais sous-cutanée, dans trois cas à la technique combinée isotopique + colorimétrique. La sonde de détection peropératoire de photons gamma était une sonde GAMMA SUP® fabriquée par CLERAD™, de 14 mm de diamètre dotée d’un cristal scintillant de type iodure de césium activé au thallium CsI (TP). Le chirurgien prélevait tous les ganglions émetteurs d’un signal photonique significatif, aboutissant le cas échéant à un étiquetage hiérarchisé isolant le ganglion sentinelle le plus réactif et les ganglions sentinelles secondaires ou accessoires de plus faible intensité sonore tout de même trois ou quatre fois supérieure à celle du bruit de fond. L’examen extemporané du (ou des) GS identifié(s) n’était pas un examen histologique sur coupe en congélation mais un examen cytologique par appositions sur lame après hémisection en bivalve, sous réserve d’un diamètre supérieur ou égal à 5 mm. L’examen histologique définitif après inclusion en paraffine comprenait trois niveaux de coupes sériées après coloration standard par l’HES. En cas de négativité une étude immunohistochimique (IHC) était entreprise à l’aide d’anticorps anticytokératines AE1-AE3 (DAKO Corporation™, Carpinteria, États-Unis). Le curage axillaire complet était systématique à titre de contrôle en début d’expérience sur les dix premiers cas [10]. Par la suite le curage immédiat ou différé n’était réalisé qu’en présence d’un envahissement du GS, de toute catégorie, qu’il s’agisse d’une macrométastase pN1, d’une micrométastase visible en HES pN1 (mi) ou d’une micrométastase décelée en IHC pNO (mi). 3. Résultats L’âge moyen des 41 malades ayant un CCIS–MI était 54,5 ans (32–80 ans). Les lésions étaient infracliniques dans 35 cas (i.e. 88,5 %) sinon la symptomatologie était représentée par une tuméfaction palpable ou un placard mastosique induré dans six cas. Le diagnostic de CCIS était connu dans tous les cas : par prélèvement percutané dans 36 cas, par biopsie chirurgicale

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dans cinq cas. La micro-invasion — permettant d’affirmer le diagnostic de CCIS–MI — a été mise en évidence sur le prélèvement percutané initial dans 24 cas (dont 21 cas sur macrobiopsie MAMMOTOME®), sur la biopsie chirurgicale première dans cinq cas, a posteriori sur la pièce opératoire d’exérèse dans les 12 autres cas. La chirurgie mammaire a finalement consisté en une mammectomie totale pour 15 malades (36,5 %), en une conservation sous forme d’une tumorectomie, d’une zonectomie ou d’une quadrantectomie alors suivie d’une radiothérapie complémentaire délivrant 50 + 10 Gy pour 26 malades (63,5 %). La taille du territoire CCIS — cumulative pour les plurifocaux — était en moyenne de 31,5 mm (extrêmes : 10–80 mm). Le taux de détection du GS a été de 98 % (i.e. 40/41). Toutes les procédures ont été contributives après microbiopsies ou macrobiopsies MAMMOTOME®, le seul échec de détection ayant été enregistré après biopsie–exérèse chirurgicale faite par voie radiaire pour un CCIS siégeant dans le quadrant supéroexterne. Le nombre de GS prélevés était compris entre un et cinq, deux en moyenne. Le taux d’envahissement des GS identifiés était de 10 % (i.e. 4/40) : une macrométastase pN1, deux micrométastases visibles en coloration HES pN1 (mi), une micrométastase décelée par immunohistochimie IHC pN0 (mi). Le curage axillaire complet a été réalisé, de façon immédiate dans le premier cas macrométastatique puisque l’examen cytologique extemporané par appositions était positif, de façon différée dans les trois autres cas micrométastatiques HES ou IHC où les appositions cytologiques étaient au contraire négatives : il y avait un ganglion macrométastatique additionnel sur les 12 prélevés dans ce premier cas, tandis que dans les trois autres cas les ganglions axillaires non-sentinelles, au nombre de 11, 14 et 13, étaient histologiquement indemnes. Le curage axillaire après non-détection du GS était négatif. Les curages axillaires complets de contrôle suivant les dix premiers GS négatifs n’ont révélé aucun N+ supplémentaire. Les 26 GS négatifs ultérieurs n’ont pas été soumis au curage complémentaire systématique, de sorte que le taux de fauxnégatifs global n’a pas été calculable. Les caractéristiques anatomocliniques des quatre CCIS–MI avec envahissement du GS sont rassemblées dans le Tableau 1. La taille lésionnelle moyenne du CCIS était de 47,5 mm (± 17,8) en cas de GS positif versus 29,5 mm (± 19,2) en cas de GS négatif ; test de Student-Fischer, NS (p = 0,14).

Tableau 1 Caractéristiques des quatre cas N+ sentinelle/CCIS–MI Taille

Micro-invasion

Chirurgie

Ganglion sentinelle

Curage axillaire

Comédo

CCIS Grade Intermédiaire

20 mm

Conservateur

54

Comédo

Haut grade

70 mm

Non mesurable Mammotome® ≤ 1 mm × 2

No 3

58

Comédo

Haut grade

50 mm

< 1 mm × 3

Mammectomie

No 4

50

Papillaire

Haut grade

45 mm

Non mesurable Mammotome®

Mammectomie

Appositions + 2 N+ HES Appositions– 2 N+ HES Appositions– 1 N+/ 2 IHC Appositions– 1 N+ HES

Immédiat 1 N+/ 14 Différé 11 N– Différé 14 N– Différé 13 N–

Cas

Âge

Sous-type

No 1

48

No 2

Mammectomie

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Parmi les cas N+ se distinguaient la prépondérance du soustype architectural comédo (trois sur quatre) et l’absence de bas grade nucléaire. Le taux d’envahissement du GS était de 20 % (3/15) dans le groupe des CCIS–MI traités par mammectomie versus 4 % (1/25) dans le groupe des CCIS–MI traités de manière radiochirurgicale conservatrice. Test Chi2 NS (p = 0,2). 4. Discussion Le risque d’envahissement ganglionnaire (N+) axillaire dans les CCIS est lié aux foyers de micro-invasion occulte ou décelable. Le taux de N+ axillaire dans les CCIS stricts en apparence n’est pas nul, mais de l’ordre de 1 à 2 % [26,27], exceptions qui témoignent de brèches infimes de la membrane basale parfois retrouvées à la relecture [10]. Le taux de N+ axillaire dans les CCIS–MI prouvés s’avère très inégal, allant de 0 % à 13 %, essentiellement en raison des fluctuations nosologiques [5–10]. Les CCIS–MI, qui appartiennent à la catégorie pT1a, représentent une entité nosologique hétérogène. Selon les recommandations européennes [24], un CCIS est considéré comme micro-invasif lorsqu’il est ponctué d’un ou plusieurs petits foyers infiltrants distincts inférieurs ou égaux à 1 mm tandis que selon les institutions nordaméricaines à l’instar de Tavassoli la zone d’infiltration peut atteindre 2 mm ou correspondre au maximum à trois foyers inférieurs ou égaux 1 mm [5]. Les techniques de recherche du GS dans les CCIS et les CCIS–MI ont permis de découvrir des taux élevés de N+ axillaire compris entre 3 et 20 % [30] (Tableau 2). La gestion du matériel ganglionnaire a évolué. L’analyse macroscopique du ganglion est passée d’une analyse bivalve (où le ganglion est coupé en son milieu en deux parties égales) à une analyse sériée (où le ganglion est entièrement débité en

tranches tous les 2 ou 3 mm). Le taux de N+ a été augmenté du fait de la multiplication des nombres de sections examinées. La recherche par IHC de cellules néoplasiques non visibles en coloration HES sur les coupes microscopiquement sériées tous les 150 microns augmente là encore le taux de N+ mais on ne connaît pas la signification pronostique de ces submicrométastases. L’initiative d’une recherche précoce du GS sur la notion de CCIS par biopsie préopératoire nonobstant sa taille, ses caractéristiques microscopiques, son potentiel micro-invasif, menace de promouvoir des procédures inutiles et des dissections axillaires excessives [21]. La découverte d’une micrométastase à l’analyse immunohistochimique du GS indique-t-elle obligatoirement la réalisation du curage axillaire complet ? Dans notre série, les trois curages axillaires différés, en raison d’un envahissement micrométastatique du GS — dont une micrométastase IHC exclusive pN0 (mi) — étaient négatifs. Dans l’expérience de Butarelli sur trois cas [22], dans celles de Giard, un cas, [12], de Veronesi, cinq cas, [18] et de Zavotsky, un cas, [28] les curages complémentaires pour ce motif n’ont pas retrouvé d’envahissement ganglionnaire supplémentaire. L’étude multicentrique — Groupe des chirurgiens de la fédération des centres de lutte contre le cancer — colligée par G. Houvenaeghel [31] portant sur les facteurs prédictifs de N+ au-delà du ganglion sentinelle micrométastatique a rassemblé 700 observations. Les auteurs estiment que l’omission du curage axillaire additionnel pourrait être envisagée lorsque la micrométastase HES ou IHC du GS correspondait à une tumeur primitive de petite taille inférieure ou égale à 1 cm, soit pT1a/pT1b. Le taux d’envahissement supplémentaire du ganglion non sentinelle lorsque la tumeur mesurait entre 0 et 5 mm — pT1a — était de 4 % (1/26).

Tableau 2 Recherche du ganglion axillaire sentinelle dans les CCIS–MI Revue de la littérature Auteurs (année) [ref] Zavotsky (1999) [28]

Méthode Colorimétrique

Nombre de cas 14

Klauber-Demore (2000) [20]

Combinée

31

Cox (2001) [19]

Combinée

15

Wong (2002) [29] Buttarelli (2004) [22] Giard (2005) [12] Wilkie (2005) [30]

Colorimétrique ± isotopique Combinée Isotopique ± colorimétrique Combinée

24 11 32 51

Nombre N+ 2 (1 H et E) (1 IHC) 3 (2 H et E) (1 IHC) 3 (2 H et E) (1 IHC) 2 (2 H et E) (1 H et E) 1 (IHC) 7 (2 H et E) (5 IHC)

Taux de N+ 14 % 10 % 20 % 8% 9% 3% 14 %

Tableau 3 Micrométastases ganglionnaires axillaires immunohistochimiques dans les CCIS

Tamhane (2002) [32] Lara (2003) [33] El-Tamer (2005) [34] Total

Nombre de cas 26 102 229 357

Nombre de N+ 6 13 13 32

Taux de N+ 23 % 13 % 5,7 % 9%

Suivi 5 ans (3–9) 19 ans (10–28) 10 ans

Évolution Récidive ∅ ∅ ∅ ∅

Décès ∅ ∅ 1 (autre cause) ∅

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En matière de CCIS, l’impact pronostique des micrométastases IHC semble insignifiant. Nous disposons de données rassurantes à travers trois publications [32–34] récentes et concordantes récapitulées dans le Tableau 3. Aucun événement carcinologique — récidive ou décès — n’a été enregistré sur un effectif obtenu par compilation de 357 cas d’envahissement ganglionnaire axillaire détecté par IHC alors que les examens histologiques standard étaient normaux. Comme les techniques de recherche du GS ne sont plus applicables après l’ablation du sein, les patientes doivent être informées du risque de nouvelle intervention pour curage axillaire secondaire si une micro-invasion ou une invasion est découverte lors de l’examen histologique définitif de la pièce de mammectomie pour CCIS étendu [2]. En réalité pratique, il existe une catégorie de CCIS à haut risque de micro-infiltration [12–15] vis-à-vis de laquelle le principe d’une lymphadénectomie sélective sentinelle paraît intéressant avant que les remaniements cicatriciels ne soient rédhibitoires. Les critères de gravité d’un CCIS sont cliniques (masse palpable, placard mastosique induré), radiologiques (opacité ou surdensité surajoutée aux microcalcifications) et histologiques (sous-type comédo, haut grade nucléaire). La dimension du CCIS de même que sa multifocalité sont aussi prises en compte car la perspective d’une mammectomie représente pour la plupart des auteurs un argument suffisant à indiquer la recherche du GS [3,10,23]. Dans notre travail, dans tous les cas, la recherche du GS n’avait été proposée qu’en possession de diagnostic minimum de CCIS par zonectomie ou prélèvement percutané micro- ou macrobiopsique. La détermination du caractère micro-invasif du CCIS avait été obtenue en préopératoire dans 29 cas tandis que dans les 12 autres cas la mise en œuvre de la procédure sentinelle avait été décidée sur des critères péjoratifs de CCIS, synonymes de suspicion de micro-infiltration confirmée en définitive sur la pièce opératoire. La sous-estimation de la gravité lésionnelle — CCIS pur au lieu de CCIS–MI ou CCI — sur matériel parcellaire des différents systèmes de prélèvements percutanés est estimée entre 10 et 25 % [12,15,23,35–37], jusqu’à 29 % pour Lee [13] et 38 % pour Goyal [38]. Giard et al. [12] ont recherché le GS chez 112 patientes ayant un CCIS diagnostiqué sur biopsie percutanée lorsqu’il y avait une suspicion de micro-infiltration et/ou lorsque la taille radiologique justifiait une mastectomie. À l’examen histologique définitif, on retrouvait un CCIS pur dans 55 cas (1 GS macro N+), un CCIS–MI dans 32 cas (1 GS micro N+) et un cancer invasif dans 25 cas (8 GS macro N+ et 4 GS micro N+). Ces résultats, avec une sous-estimation calculée à 22 % c’est-àdire 25/112, illustrent les difficultés d’établir un diagnostic lésionnel précis avant d’intervenir dans les CCIS diffus ou multifocaux qui relèvent d’une mammectomie totale. Buttarelli et al. [22] ont trouvé 7,7 % de N+ sentinelle dans une population présélectionnée de 52 CCIS présentant un risque « supposé majoré » d’atteinte ganglionnaire à cause de la taille supérieure ou égale à 2 cm, du grade élevé (grade 3), de la micro-invasion, d’une masse palpable ou d’une opacité

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mammographique. Les différents sous-types architecturaux de CCIS n’ont pas été spécifiés, cependant, une influence du grade tumoral sur le statut ganglionnaire a été constatée : les quatre sentinelles N+ se répartissent en deux cas de grade 3 sans micro-invasion, un cas de grade 3 avec micro-invasion, un cas de grade 2 sans micro-invasion. Dans leurs commentaires, ces auteurs conseillent la recherche du GS dans les CCIS dès la notion de grade 2 préopératoire. D’après Yen et al. [15] les deux plus puissants facteurs prédictifs d’infiltration — et de micro-infiltration — en présence d’un diagnostic biopsique initial de CCIS sont, à l’analyse multivariée, la taille mammographique supérieure ou égale à 4 cm et le grade 3. Parmi les 99 CCIS purs explorés via la technique sentinelle, trois cas d’envahissement micrométastatique pN1 (mi) ont été découverts. Le profil histologique des trois CCIS N+ était similaire : sous-type mixte solide et cribriforme de grade 2. D’après Goyal [38], c’est la notion de masse palpable à l’examen clinique et d’opacité à l’examen mammographique qui dénonce le plus pertinemment le potentiel (micro-) invasif du CCIS. 5. Conclusion La certitude ou la forte présomption argumentée du caractère micro-invasif d’un CCIS de toute taille permet de planifier opportunément la technique du GS. La faisabilité et la performance de l’adénectomie sentinelle sélective ne semblent pas réduites au décours des biopsies–exérèses chirurgicales [39, 40]. Cependant, à cause d’altérations inévitables du drainage lymphatique naturel consécutives aux remaniements cicatriciels des tumorectomies et zonectomies, nous préférons, comme d’autres, le recours aux macrobiopsies aspiratives [15,21,41] pour formuler le diagnostic histologique préopératoire de CCIS–MI et proposer l’application précoce et rationnelle des techniques de GS. En ce qui concerne le CCIS pur, la mammectomie représente la seule circonstance d’utilisation, encore optionnelle, du GS. Dans le rapport SOR (Standards, Options, Recommandations) — version réactualisée en 2004 — il est mentionné comme standard de prise en charge des CCIS que le ganglion sentinelle ne devait pas être réalisé en cas de traitement conservateur [2]. Une étude prospective multicentrique est en cours d’élaboration pour évaluer la place du GS dans les CCIS opérés de manière non conservatrice : essai CINNAMONE (investigateurs : institut Bergonié, Bordeaux). Références [1] de Roquancourt A, Cottu PH, Cuvier C, Nowak H, Espie M. Cancers canalaires in situ. Presse Med 2003;32:134–40. [2] Cutuli B, Fourquet A, Luporsi E, Arnould L, Caron Y, de Cremoux P, et al. Recommandations pour la pratique clinique : Standards, Options et Recommandations 2004 pour la prise en charge des carcinomes canalaires in situ du sein (rapport abrégé). Bull Cancer 2005;92:155–68. [3] Burstein HJ, Polyak K, Wong JS, Lester SC, Kaelin CM. Ductal carcinoma in situ of the breast. N Engl J Med 2004;350:1430–41. [4] Leonard GD, Swain SM. Ductal carcinoma in situ, complexities and challenges. J Natl Cancer Inst 2004;96:906–20.

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