Caractéristiques cliniques du paludisme sévère d’importation de l’adulte à la Réunion de 2000 à 2011

Caractéristiques cliniques du paludisme sévère d’importation de l’adulte à la Réunion de 2000 à 2011

Anesth Reanim. 2015; 1: 305–312 Caractéristiques cliniques du paludisme sévère d'importation de l'adulte à la Réunion de 2000 à 2011 Article spécial...

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Anesth Reanim. 2015; 1: 305–312

Caractéristiques cliniques du paludisme sévère d'importation de l'adulte à la Réunion de 2000 à 2011

Article spécial

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/anrea www.sciencedirect.com

Dorothée Valance 1, David Vandroux 1, Emmanuel Antok 2, Arnaud Winer 2, Bernard-Alex Gaüzère 1,3

Disponible sur internet le : 29 mai 2015

1. CHU de La Réunion, hôpital Félix-Guyon, service de réanimation polyvalente, allée des Topazes, CS 11021, 97400 Saint-Denis, Réunion 2. Groupe hospitalier Sud Réunion, CHU de La Réunion, service de réanimation polyvalente, 97410 Saint-Pierre, Réunion 3. Université de Bordeaux, centre René-Labusquière, 33000 Bordeaux, France

Correspondance : Bernard-Alex Gaüzère, CHU de La Réunion, hôpital Félix-Guyon, service de réanimation polyvalente, allée des Topazes, CS 11021, 97400 Saint-Denis, Réunion. [email protected]

Keywords Imported malaria Malaria ICU Reunion Indian Ocean

Résumé Étudier les cas de paludisme sévères admis en service de réanimation dans une région subtropicale ayant obtenu le label d'éradication du paludisme en 1979, mais ayant recensé 1437 cas de paludisme d'importation pendant la période de l'étude. Étude rétrospective menée de 2000 à 2011 des patients adultes atteints de paludisme d'importation sévère hospitalisés dans les services de réanimation de l'île. Deux sous-groupes ont été distingués selon les critères de l'OMS : cas très sévères et cas moins sévères. Cent trois patients, d'âge médian 46 (35– 56 ans) ans, avec un ratio homme/femme de 3:3. Parmi les patients, 81,5 % étaient des voyageurs non résidents dans un pays d'endémie palustre, 82,5 % n'avaient pris aucune chimioprophylaxie. En cas de chimioprophylaxie, celle-ci était rarement adaptée. Le pays le plus pourvoyeur de paludisme sévère d'importation est Madagascar (63 %). Le traitement a associé : ventilation mécanique (24,3 %), épuration extra-rénale (16 %), support hémodynamique (21 %). Soixante et un cas étaient classés très sévères dont 25 % avec des complications respiratoires (dont 8 SDRA) ; 21 % des patients très sévères vs 4,3 % des patients moins sévères ont développé une infection nosocomiale. Six décès (mortalité : 5,8 %) sont survenus précocement par défaillance polyviscérale. À La Réunion, la mortalité du paludisme grave d'importation de l'adulte est de 5,8 %, malgré la diminution du nombre de cas importés, et avec des transferts tardifs en réanimation de patients en défaillance multiviscérale.

Summary Clinical spectrum of severe imported malaria in Reunion Island from 2000 to 2011 To study patients admitted for severe malaria in ICU in Reunion, a subtropical island declared free of malaria in 1979, where 1437 imported malaria cases were reported between 2000 and 2011.

tome 1 > n84 > juillet 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2015.02.003 © 2015 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

305

Mots clés Paludisme d'importation Paludisme Réanimation Réunion Océan Indien SDRA Chimioprophylaxie Quinine

Article spécial

D. Valance, D. Vandroux, E. Antok, A. Winer, B-A Gaüzère

ARDS Chemoprophylaxis Quinine

Retrospective study conducted from 2000 to 2011 of cases of severe imported malaria in the intensive care units of Reunion Island. According to the WHO guidelines, 2 sub-groups were identified: very severe and less severe. One hundred and twenty-three patients (109 adults, 19 children), mean age 39.6 years, male/female ratio 3:3; 81.5% were travelers non-resident in malaria-endemic areas; 82.5% had not taken any chemoprophylaxis and when taken not appropriate. Very severe cases originated from Madagascar (63%). 24.3% underwent mechanical ventilation; 16% renal replacement therapy; 21% hemodynamic support with amines. Twenty-five percent presented severe respiratory complications (including 8 ARDS); 21% of very severe patients vs. 4.3% of less severe patients had a nosocomial infection, 6 deaths were recorded. The proportion of severe case increases since 2000, although the overall number of cases of imported malaria decreases. In Reunion Island, the mortality rate of severe imported malaria on adults is 5,8%, despite a decrease of the total number of cases, with late referrals to ICU of patients with multiple organ failures.

Introduction La Réunion déclarée indemne de paludisme autochtone en 1979 [1], entourée de pays fortement impaludés [2] : Madagascar [3], Comores [4,5], Afrique de l'Est, est exposée au paludisme d'importation, en raison du nombre croissant de voyageurs, notamment réunionnais, retournant temporairement dans leur pays d'origine [6]. En France métropolitaine, le nombre de cas de paludisme d'importation a diminué de 8000 cas en 2000, à 4640 en 2010, avec en revanche un nombre croissant de cas graves passant de 83 cas en 2000 à 181 en 2010 [7]. Le nombre de cas de paludisme d'importation à la Réunion a suivi la même évolution, passant de 200 cas en 2000 à 34 cas en 2011 (soit 1437 cas recensés entre 2000 et 2011 pour 833 000 habitants). Aucune étude récente n'y a été menée sur les cas graves de paludisme d'importation [8]. L'objectif principal de notre étude est de décrire les caractéristiques des adultes hospitalisés en réanimation pour un paludisme d'importation sévère de 2000 à 2011.

Patients et méthode

306

L'étude rétrospective descriptive a été menée à partir des dossiers de patients hospitalisés dans tous les services de réanimation adulte de l'île (nombre de lits de réanimation adulte variant de 32 en 2000 à 38 en 2011, pour environ 800 000 habitants) pour paludisme d'importation à Plasmodium falciparum, du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2011. Le diagnostic biologique de paludisme a reposé sur la positivité du frottis sanguin ou d'un test de diagnostic rapide confirmé par la positivité du frottis sanguin, toutes espèces confondues. Les enfants (âge inférieur à 18 ans) ont été exclus. Ont été recueillies les données démographiques (âge, sexe), épidémiologiques (voyageur ou résident, espèce plasmodiale, pays d'endémie, parasitémie, chimioprophylaxie, provenance du patient, durée de séjour en réanimation), cliniques (délai entre début des signes cliniques et diagnostic, entre début des

signes et hospitalisation en réanimation, critères de sévérité de l'OMS à l'admission, scores IGS II et SOFA, type et durée du traitement spécifique et des défaillances d'organes, complications, co-infection bactérienne, infection nosocomiale, décès), biologiques (hémoglobine, plaquettes, gazométrie artérielle, créatinine, CRP, PCT, ASAT, ALAT, leucocytes, bilirubine, parasitémie, lactatémie). Deux sous-groupes ont été distingués a posteriori : cas très sévères et cas moins sévères, définis en s'inspirant de la révision 2007, sous forme de Recommandations pour la pratique clinique, de la conférence de consensus française de 1999 sur le paludisme grave d'importation à P. falciparum, plus adaptée à la prise en charge des patients dans un contexte européen de soins [9–11] que les critères de l'OMS [12]. Le choix de cette classification en sous-groupe est basé sur l'évaluation de la pertinence des critères OMS réalisée lors d'étude unicentrique récente de 188 cas de paludisme grave d'importation [11]. Les critères de paludisme grave d'importation de l'adulte définis en France métropolitaine selon les Recommandations pour la pratique clinique sont précisés dans le tableau I. À partir du tableau I, nous avons défini un cas de paludisme très sévère par la présence d'au moins un critère côté 3 croix en termes de valeur pronostique ; et un paludisme moins sévère chez un patient présentant un ou plusieurs critères moins sévères (côtés moins de 3 croix en termes de pronostic), ou bien appartenant à une population à haut risque : femme enceinte, personne âgée ou porteuse de comorbidité, soit présentant des vomissements nécessitant le recours à un traitement parentéral. L'étude observationnelle et rétrospective ne nécessite pas au regard de la législation française le consentement des patients. Elle a néanmoins bénéficié d'un avis favorable du comité d'éthique local de l'hôpital Félix-Guyon du CHU de La Réunion. Les comparaisons de variables quantitatives ont été réalisées à l'aide du test de t de Student ou de Mann-Whitney ; les comparaisons de proportions à l'aide du test du Chi2 ou du test exact de Fisher. Tous les tests statistiques ont été effectués au

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TABLEAU I Paludisme sévère d'importation de l'adulte : définition en France métropolitaine selon les Recommandations pour la pratique clinique Pronostic

Critères de gravité

Fréquence

+++

Toute défaillance neurologique incluant : obnubilation, confusion, somnolence, prostration, coma avec score de Glasgow < 11

+++

+++

Toute défaillance respiratoire incluant

+

Article spécial

Caractéristiques cliniques du paludisme sévère d'importation de l'adulte à la Réunion de 2000 à 2011

Si VM ou VNI : PaO2/FiO2 300 mmHg Si non ventilé : PaO2 < 60 mmHg et/ou SpO2 < 90 % en air ambiant et ou FR > 32/min Signes radiologiques : images interstitielles et/ou alvéolaires +++

Toute défaillance circulatoire incluant

++

++

Pression artérielle systolique < 80 mmHg en présence de signes périphériques d'insuffisance circulatoire

+

++

Patient recevant des drogues vasoactives quel que soit le chiffre de pression artérielle

+

++

Signes d'insuffisance circulatoire sans hypotension

+

++

Convulsions répétées : au moins 2 par 24 heures

+

++

Hémorragie : définition purement clinique

+

+

Ictère clinique ou bilirubine > 50 mmol/L

+++

+

Anémie profonde : hémoglobine < 7 g/dL, hématocrite < 20 %

+

+

Hypoglycémie : glycémie < 2,2 mmol/L

+

+++

Acidose : bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L ou acidémie avec pH < 7,35 (surveillance rapprochée dès que bicarbonates < 18 mmol/L)

++

+++

Toute hyperlactatémie : dès que la limite supérieure de la normale est dépassée ++, a fortiori si lactate plasmatique > 5 mmol/L

++

+

Hyperparasitémie : dès que parasitémie > 4 %, notamment chez le non immun +++ (selon les contextes les seuils de gravité varient de 4 à 20 %)

+++

++

Insuffisance rénale : créatininémie > 265 mmol/L ou urée sanguine > 17 mmol/L, +++ et diurèse < 400 mL/24 h malgré réhydratation

+++

VM : ventilation mécanique ; VNI : ventilation non invasive ; FR : fréquence respiratoire. Source : [10].

Résultats Description de la population d'étude La figure 1 montre la distribution (adultes, enfants) des 123 patients hospitalisés pour paludismes très sévères ou moins sévères en service de réanimation à La Réunion de 2000 à 2011. Dix-neuf avaient moins de 18 ans et un patient présentait un paludisme à P. ovale. Cent trois patients ont donc été étudiés, d'âge médian 46 (35–56) ans ; 79 patients étaient de sexe masculin (76,7 %) et 24 de sexe féminin. Leurs caractéristiques sont rapportées dans le tableau II. Quatre-vingt-quatre patients étaient des voyageurs (81,5 %) : réunionnais en vacances ou réunionnais d'origine mahoraise, comorienne ou malgache retournant dans leur pays d'origine.

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Les non-voyageurs résidaient en pays d'endémie palustre et étaient venus se faire soigner à La Réunion, ou se trouvaient à La Réunion lors de la survenue de l'accès. Les pays à l'origine du paludisme étaient Madagascar (67 patients), les Comores (26 patients), Mayotte (4 patients), un autre pays africain (6 patients). Deux patients présentaient une co-infection à P. falciparum et P. vivax. La parasitémie a été mesurée chez 91 patients ; 32 patients avaient une parasitémie supérieure ou égale à 5 % ; la parasitémie la plus élevée était de 75 %. La chimioprophylaxie n'était adaptée que chez un seul patient (observance et la cohérence la molécule avec la zone de chloroquino-résistance). Elle était absente chez 82,5 % des patients, inadaptée dans 94,4 % des cas (observance incomplète, ou molécule incohérente avec la zone : 7 automédications à la chloroquine, 12 patients non observants). Le délai médian entre le début des signes cliniques et le diagnostic

307

risque d'erreur de première espèce a = 5 %. Les analyses ont été réalisées avec le logiciel SAS 9.2 (SAS Institute Inc.).

Article spécial

D. Valance, D. Vandroux, E. Antok, A. Winer, B-A Gaüzère

123 paents

19 enfants

104 adultes 1 adulte avec paludisme à P. ovale

103 adultes avec paludisme à P falciparum

Cas très sévères n= 61

Cas moins sévères n= 42

Figure 1 Distribution (adultes, enfants) des patients hospitalisés pour paludismes très sévères ou moins sévères en service de réanimation à La Réunion de 2000 à 2011

biologique était de 4 (2–6) jours. Le délai médian entre le début des signes cliniques et l'admission en réanimation était de 5 (3– 7) jours. Les valeurs médianes des scores de gravité en réanimation étaient : IGS II : 30 (18–43) ; score SOFA : 7 (4–10), témoignant de défaillances d'organes variées : défaillance neurologique (61 %) ; défaillance rénale (58 %), hémodynamique (36 %), respiratoire (25 %), hépatique (13,9 %), CIVD (4,1 %). Le traitement utilisé a été la quinine par voie intraveineuse dans 87 % des cas. Quarante et un patients parmi les 89 traités par la quinine en première intention, ont bénéficié d'une dose de charge de 16 mg de quinine-base par kilogramme de poids. Le motif de non-délivrance d'une dose de charge a été l'administration d'un autre traitement à visée antipaludique avant l'admission en réanimation ou bien une insuffisance rénale.

Analyse en sous-groupe selon la sévérité

308

Les caractéristiques des sous-groupes sont portées dans le tableau II.

Le délai médian de recours aux soins des cas très sévères a été de 4 (2–7) jours. Chez 11 des patients ayant consulté leur médecin traitant avant leur admission en réanimation, ce délai médian s'allongeait à 5 (4–10) jours, sans toutefois être significativement différent. Les principales défaillances ont été : neurologique (76,1 %) ; rénale aiguë (36,8 %, notée chez 80 % des patients décédés et 33,8 % des survivants, p = 0,06) ; hémodynamique 25 % (notée chez 60 % des patients décédés et 22,5 % des survivants, p = 0,10) ; acidose métabolique (21 %) chez 60 % des décédés et 18,3 % des survivants, p = 0,06 ; respiratoire (18,3 %) bien qu'aucun des patients décédés n'ait eu d'atteinte respiratoire à l'admission ; hyperlactatémie (14,8 %), notée chez 20 % des décédés et 14,1 % des survivants. La proportion des cas très sévères est en augmentation tout au long de l'étude : 10,8 % en 2000 ; 20,6 % en 2011. Dans le sous-groupe paludisme moins sévère, un patient est décédé porteur de deux critères OMS non considérés comme étant de pronostic péjoratif : ictère et hyperparasitémie et alors qu'il ne présentait aucune défaillance d'organe lors de son

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TABLEAU II Principales caractéristiques des cas de paludisme sévères d'importation à la Réunion de 2000 à 2011, hospitalisés en service de réanimation Caractéristiques des patients

Total

Très sévères

Moins sévères

n = 103

n = 61

n = 42

79

46 (75)

33 (79)

p

Article spécial

Caractéristiques cliniques du paludisme sévère d'importation de l'adulte à la Réunion de 2000 à 2011

Clinique Sexe M n (%) F n (%) Âge médian (Q1–Q3)

24

15 (25)

9 (21)

46 (35–56)

46 (39–57)

46,5 (30–54)

0,70

0,54

Pays d'endémie Madagascar n (%)

67 (65)

41 (67)

26 (62)

Comores n (%)

26 (25,2)

12 (20)

14 (33)

Mayotte n (%)

4 (3,9)

2 (5)

2 (3)

0,10

Autre n (%)

6 (5,8)

6 (9,8)

0 (0,0)

Voyageurs n (%)

84 (81,5)

47 (77)

37 (88)

0,16

18 (17,5)

8 (13,1)

10 (23,8)

0,16

1 (5,6)

1 (12,5)

0 (0,0)

0,44

Paludisme n (%)

18 (17,5)

9 (14,8)

9 (21,4)

0,38

HTA n (%)

14 (13,6)

10 (6,4)

4 (9,5)

0,32

Diabète n (%)

12 (11,7)

5 (8,2)

7 (16,7)

0,10

Cardiopathie n (%)

10 (9,7)

8 (13,1)

2 (4,8)

0,19

Immunodépression n (%)

4 (3,9)

3 (4,9)

1 (2,4)

0,34

Insuffisance hépatique n (%)

5 (4,8)

5 (8,2)

0 (0,0)

0,07

4 (2–6)

3 (2–6)

4 (2–5)

0,95

IGS II médian (Q1–Q3)

30 (18–43)

34 (28–55)

20,5 (15–30)

< 0,0001

APACHE II médian (Q1–Q3)

14 (9–20)

17 (14–24)

9 (6–13)

< 0,0001

SOFA médian (Q1–Q3)

7 (4–10)

9 (6–13)

4,5 (3–6)

< 0,0001

2 % (0,5–10)

3 % (0–10)

2 % (0,5–6)

0,44

Communautaires n (%)

13 (12,6)

10 (16,4)

3 (7,1)

0,16

Nosocomiales n (%)

17 (16,5)

15 (24,6)

2 (4,8)

0,01

89 (87)

56 (91,8)

33 (78,6)

0,05

VM n (%)

23

24 (39,3)

1 (2,4)

< 0,0001

EER n (%)

20

16 (26,2)

4 (9,5)

0,04

Chimioprophylaxie Oui n (%) Dont adaptée n (%) ATCD

Délai DDS – diagnostic médian (j) (Q1–Q3) Paramètres à l'admission

Parasitémie médiane (Q1–Q3) Infections

Quinine IV n (%)

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309

Traitement en réanimation

Article spécial

D. Valance, D. Vandroux, E. Antok, A. Winer, B-A Gaüzère

TABLEAU II (Suite). Caractéristiques des patients Amines vasopressives n (%) Décès n (%)

Total

Très sévères

Moins sévères

p

n = 103

n = 61

n = 42

23

22 (36,1)

1 (2,4)

< 0,0001

6 (5,8)

5 (8,2)

1 (2,4)

0,17

DMS : durée moyenne de séjour, Q1–Q3 : 1er et 3e quartile (intervalle interquartile), n : nombre, DDS : date de début des signes, IGS : indice de gravité simplifié, APACHE : Acute Physiology And Chronic Health Evaluation, SOFA : Sepsis-related Organ Failure Assessment.

admission. Quatre patients ont bénéficié d'une épuration extrarénale, dont le patient décédé, pendant une durée moyenne de 1,7 ( 0,9) jours. Douze patients de ce sous-groupe n'avaient aucun critère d'admission en service de réanimation.

Évolution en réanimation

310

La durée moyenne de séjour en réanimation a été de 3 (2–5) jours. Vingt-cinq patients ont bénéficié d'une ventilation mécanique durant 7 (3–12) jours ; 15 patients du sous-groupe très sévère pour défaillance neurologique et 10 autres d'emblée : 1 OAP, 2 défaillances multiviscérales, 8 SDRA. Toutes les complications respiratoires sont survenues chez les patients de ce sousgroupe, soit 19 patients (25 %) : 8 SDRA (PaO2/FiO2 moyen à 98), 6 OAP, 2 pneumopathies infectieuses, 2 épanchements pleuraux bilatéraux et 1 pneumothorax bilatéral iatrogène. Les SDRA ont nécessité 3 ventilations en décubitus ventral ; 2 recours au monoxyde d'azote (PaO2/FiO2 à 131 et 60), 1 ventilation à haute fréquence (HFO) suivie d'un traitement de sauvetage par circulation extracorporelle veino-veineuse (ECMO) avec succès (PaO2/FiO2 = 60) [13]. L'EER a été instaurée chez 16 patients (26,2 %) du sous-groupe très sévère, dont 7 pour défaillance multiviscérale, pendant une durée médiane de 4 (2–13) jours ; 22 patients (36,1 %) ont nécessité le recours à des amines vasopressives (noradrénaline principalement). Quinze patients du groupe très sévère (24,6 %) ont présenté une ou plusieurs infections nosocomiales : 6 infections urinaires, 6 bactériémies, 7 infections pulmonaires (pneumopathies d'inhalation, ou pneumopathies acquises sous ventilation mécanique), 2 infections sur cathéters. Neuf de ces patients avaient contracté une infection nosocomiale dans le pays d'endémie, dont 4 à germes multiples et multirésistants (A. baumanii type V, K. pneumoniae BLSE, E. cloacae BLSE, P. aeruginosa résistant à l'Imipenème). Deux patients du groupe moins sévère (4,8 %) ont présenté une infection nosocomiale (deux septicémies à S. epidermidis et K. pneumoniae), dont une seule avait été contractée dans le pays d'endémie, sans germe résistant. Deux infections communautaires sur trois ont été documentées : une salmonellose et une pneumopathie à pneumocoque sauvage.

Dans 83,3 % des cas, les infections nosocomiales ont été acquises dans les services de réanimation. Les infections communautaires du sous-groupe très sévère n'ont pas été toutes précisées : un érysipèle de jambe sans documentation bactériologique, une colite à Giardia lamblia, un sepsis d'origine biliaire non documenté, une infection urinaire à infection à E. cloacae, une septicémie à K. pneumoniae.

Analyse des décès Six patients sont décédés (mortalité : 5,8 %), tous des hommes sans chimioprophylaxie, 3 voyageurs et 3 résidents. Tous avaient bénéficié de ventilation mécanique et de support hémodynamique, un seul n'avait pas eu d'EER. Le premier patient âgé de 46 ans, qui voyageait à Madagascar, présentait à l'admission une défaillance multiviscérale (IGS II 97, SOFA 18, pH 7,29, lactatémie 13 mmol/L, parasitémie 15 %) entraînant le décès en quelques heures. Le deuxième patient âgé de 34 ans résidait à Madagascar. À l'admission en réanimation, 8 jours après le début des signes, il présentait une défaillance multiviscérale (IGS II 95, SOFA 17, pH 6,78, lactatémie 17,9 mmol/L, créatinémie 636 mmol/L, parasitémie 0,10 %, le traitement antipaludéen ayant été débuté à Madagascar). Le troisième patient (57 ans, cirrhose éthylique, IGS II 110, SOFA 18, parasitémie 3 %, pH 6,96) décédait en 3 jours, sans co-infection bactérienne documentée. Le quatrième patient âgé de 24 ans, résidait à Madagascar, avec antécédent de paludisme (IGS II 63, SOFA 16, parasitémie 0,10 % après 6 jours de traitement). Le cinquième patient, âgé de 39 ans, était un résident évacué de Mayotte (IGS II 57, SOFA 18, pH 7,25, lactatémie 3 mmol/L, hémoglobinurie, parasitémie à 50 %), et décédait au quatrième jour. Le dernier patient éthylo-tabagique, en voyage à Madagascar, décédé au lendemain de son admission, ne rentrait pas dans le groupe très sévère (IGS II 64, SOFA 5). Il présentait une thrombopénie sévère, une défaillance hépatique et une parasitémie à 75 % malgré un traitement antipaludéen débuté à Madagascar. Malgré des tableaux de défaillance multiviscérale présents dès l'entrée, aucune co-infection bactérienne n'a été retrouvée chez ces patients.

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Facteurs associés à la gravité Comme dans les études antérieures [14–17], la quasi-totalité des patients n'avait pas pris de chimioprophylaxie adéquate. En 2000, une étude menée dans deux hôpitaux du nord de Paris [17], montrait que lorsqu'elle était prise, la chimioprophylaxie était inadaptée dans 83 % des cas. En 2009 aux États-Unis, elle était inexistante ou inadaptée chez 91,5 % des cas de paludismes importés [19]. Dans une étude menée chez 3446 voyageurs au départ de Paris à destination de zones tropicales impaludées, seulement 48 % des chimioprophylaxies étaient adaptées [18]. En 2005,à La Réunion, seulement 39 % des prescriptions des médecins généralistes étaient conformes aux recommandations nationales [20]. Les migrants ne sollicitent un conseil médical avant leur départ que dans 15 % des cas [21], ne suivent que peu de mesures prophylactiques pendant leur séjour [22], et seraient moins à risque de paludisme grave [23,24], ayant conservé une mémoire immunologique et des taux d'anticorps protecteurs contre les formes graves. D'après les données de la CIRE-InVS Réunion–Mayotte, l'incidence des cas graves de paludisme d'importation est de 67 cas pour 100 000 voyageurs au retour des Comores, 13 cas pour 100 000 voyageurs de Madagascar et de 0,4 pour 100 000 de Mayotte. À La Réunion, ce sont principalement les personnes originaires des Comores et de Madagascar qui sont les plus exposées au paludisme car leur séjour se déroule souvent dans des zones rurales, avec une transmission plus élevée et moins de protection anti-vectorielle [25]. Plusieurs études soulignent que l'allongement du délai de recours aux soins est associé aux formes graves [16,26,27]. Une étude portant sur 832 cas graves en France [16] montre que la consultation chez un médecin généraliste est corrélée à un risque accru de paludisme grave, en analyse univariée. L'augmentation du délai médian entre le début des signes et le diagnostic va dans le même sens à La Réunion. La consultation chez le médecin généraliste induit un retard d'admission en milieu hospitalier. L'âge apparaît comme un facteur de risque indépendant de mortalité en analyse multivariée [14,28], ce que ne retrouve pas notre étude (p = 0,84) probablement en raison du faible nombre de décès.

Évolution en réanimation Les deux sous-groupes présentaient une différence significative des scores IGS II et SOFA en rapport avec les poids des défaillances neurologiques, respiratoires et hémodynamiques. L'IGS II médian était de 30–34 dans le sous-groupe très sévère et de 20 dans le sous-groupe moins sévère. Cette distribution est semblable à celle observée en France métropolitaine avec un IGS II médian à 32 versus 15 chez 188 patients [11] et à 24,2 versus 13,7 en comparant les cas graves de paludisme avec ou sans ALI [28]. À La Réunion, la valeur du score IGS II moyen des

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patients admis pour paludisme est nettement inférieure à celle des patients admis pour d'autres motifs avec des valeurs respectives de 53,1 en 2011, 48,7 en 2005 et 42,2 en 2000. Cette valeur moindre de l'IGS II pourrait refléter la politique d'admission précoce des patients impaludés à fort potentiel de dégradation, ainsi que la prise en charge systématique en réanimation de patients peu graves avec intolérance digestive nécessitant l'administration de quinine par voie intraveineuse et donc un monitorage continu de l'ECG et de la glycémie. L'utilisation de dérivés de l'artémisinine par voie parentérale chez des patients pourrait permettre de réduire le nombre d'admission en service de réanimation, en raison d'une meilleure marge thérapeutique. À La Réunion, la proportion des cas de paludisme grave augmente depuis l'année 2000, passant de 10,8 % à 20,6 % en 2011, alors que le nombre de cas importés est en diminution passant de 198 à 34 au cours de la même période. Le profil des patients change avec une augmentation des cas importés présentant des défaillances respiratoires, tant dans les séries européennes qu'indiennes, avec une prévalence de 20 à 30 % de SDRA [28,29]. L'insuffisance rénale aiguë est une complication fréquente et grave lorsqu'il ne peut y avoir de recours à l'EER, comme en témoigne une surmortalité de 50 % au Vietnam avant l'introduction de la dialyse péritonéale [30]. Dans notre étude, 20 patients ont nécessité une EER, dont 16 patients appartenaient au groupe des paludismes très sévères. En Europe dans une cohorte de 400 patients [14], 20,2 % ont bénéficié d'une EER, versus 13,6 % dans une cohorte de 560 patients au Vietnam [31]. Les complications infectieuses, communautaires ou nosocomiales, sont associées aux décès [14] en analyse univariée. Les formes les plus graves sont le plus souvent associées à des chocs septiques qui contribuent à la mortalité [28]. Dans notre étude, les infections nosocomiales sont retrouvées plus fréquemment associées aux cas très sévères (24,6 %) qu'aux cas moins sévères (4,8 %) (p = 0,01), sans être toutefois associées au décès. En Europe, le réseau de surveillance GeoSentinel Network révèle un taux de mortalité des cas de paludisme graves de 9 % [21]. Au Royaume-Uni, le taux de mortalité est de 8 % parmi les patients graves [23]. En France, le taux de mortalité oscille entre 10,5 % [14] et 11,5 % [16]. Dans notre étude, le taux global de mortalité est plus faible (5,8 %), avec un taux de mortalité de 8,2 % chez les sujets du groupe paludisme très sévère. Aucun des patients décédés n'avait pris de chimioprophylaxie. La prévention du paludisme passe par une meilleure information et formation des médecins généralistes et des voyageurs. La prévention des cas graves ou mortels repose sur la précocité du diagnostic et l'introduction d'un traitement curatif adapté.

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Discussion

Article spécial

Caractéristiques cliniques du paludisme sévère d'importation de l'adulte à la Réunion de 2000 à 2011

Article spécial

D. Valance, D. Vandroux, E. Antok, A. Winer, B-A Gaüzère

Conclusion

Remerciements : les auteurs remercient l'unité de soutien méthodologique du CHU de La Réunion (Dr Laetitia Huiart, Cyril Ferdynus).

À La Réunion la mortalité par paludisme grave d'importation de l'adulte est de 5,8 %, malgré un nombre de cas importés en diminution, mais avec des hospitalisations tardives en réanimation de patients en défaillance multiviscérale.

Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

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