Formation médicale continue Histopathologie cutanée
Ann Dermatol Venereol 2004;131:307-8
Carcinome baso-cellulaire sclérodermiforme B. CAVELIER-BALLOY
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e carcinome baso-cellulaire sclérodermiforme ou morphéiforme est une forme rare de carcinome baso-cellulaire particulière par son architecture infiltrante et par son évolution potentiellement aggressive justifiant un traitement chirurgical radical pour éviter les récidives et une évolution térébrante. Habituellement localisé au visage, il se présente comme une plaque jaunâtre infiltrée, parfois ulcérée, lentement extensive, aux limites imprécises.
Diagnostic positif Il s’agit d’une prolifération tumorale initialement intradermique souvent étendue en profondeur, pouvant envahir l’hypoderme voire le muscle strié ou le cartilage suivant la localisation. Elle est faite de boyaux épithéliaux pleins, étirés plus ou moins anastomosés composés de 2 ou 3 assises de cellules de type basal souvent déformées, prenant un aspect fusiforme sans bordure palissadique (fig. 1). Les noyaux restent basophiles, foncés, réguliers, exceptionnellement mitotiques (fig. 2). La différenciation kératinisante est rare. Les boyaux sont rarement connectés à l’épiderme. Le stroma est caractéristique par l’intensité de la sclérose qui enserre les boyaux, avec un infiltrat inflammatoire lymphocytaire variable. Les tumeurs évoluées peuvent comporter des images d’engainement périnerveux, témoignant de l’agressivité tumorale.
doivent être éliminés. Les deux premières sont bénignes. LE TRICHOÉPITHÉLIOME DESMOPLASTIQUE Tumeur pilaire bénigne du visage, se présentant comme une petite lésion déprimée blanchâtre. Elle réalise histologiquement une prolifération dermique faite de petits boyaux basaloïdes dispersés dans un stroma fibreux, peu inflammatoire comme le carcinome baso-cellulaire ; c’est la présence d’une différenciation pilaire nette, représentée par des petits kystes kératinisants entourés par 2 ou 3 assises de cellules cubiques régulières avec un petit prolongement asymétrique en « queue de têtard » qui permet de les différencier
(fig. 3). Des cordons cellulaires pleins effilés sont également visibles ainsi que des calcifications et des granulomes à corps étrangers au sein du stroma. Son évolution est bénigne. LE SYRINGOME OU HIDRADÉNOME ÉRUPTIF Tumeur bénigne d’origine sudorale, se présentant le plus souvent comme une éruption de papules multiples sur le thorax ou l’abdomen, il ne pose problème avec le carcinome basocellulaire sclérodermiforme que lorsqu’il est unique et facial. Histologiquement le diagnostic différentiel est habituellement facile puisqu’il s’agit ici d’une prolifération dermique faite de petits tubes glandu-
Fig. 1. Boyaux carcinomateux sclérodermiformes étirés dans la sclérose dermique (× 100).
Diagnostic différentiel Trois types de tumeurs épithéliales possédant un stroma scléreux dense Cabinet de Dermatopathologie, 35, avenue M. Moreau, 75927 Paris Cedex 19. Tirés à part : B. CAVELIER-BALLOY, à l’adresse cidessus.
Fig. 2. Boyaux déformés avec rétraction du derme en périphérie (× 200).
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laires remplis d’une substance colloïde et bordés par une double assise de cellules cubiques régulières parfois clarifiées (fig. 4). Dans certains cas toutefois prédominent des cordons cellulaires pleins sans lumière visible qui se dispersent dans un stroma dense, et peuvent en imposer pour des boyaux carcinomateux basaloïdes. La mise en évidence de tubes au sein de certains cordons permet de différencier ces deux tumeurs. La dernière tumeur partage avec le carcinome baso-cellulaire sclérodermiforme une évolution agressive émaillée de fréquentes récidives locales justifiant une exérèse chirurgicale large.
Fig. 3. Trichoépithéliome desmoplastique (× 200).
LE CARCINOME ANNEXIEL MICROKYSTIQUE (MICROCYSTIC ADNEXAL CARCINOMA OU MAC) Synonymes : carcinome syringomateux eccrine, carcinome syringoïde eccrine, syringome malin, carcinome adénoïde kystique cutané primitif. Il se présente cliniquement comme une plaque indurée ou un nodule de la tête ou du cou de l’adulte parfois jeune ; son diagnostic histologique peut être difficile, surtout sur une petite biopsie superficielle. Il s’agit, histologiquement, d’une tumeur d’histogenèse encore peu claire, souvent large, mal délimitée, envahissant profondément le derme et l’hypoderme avec de fréquents engainements péri-nerveux. Elle possède un stroma très scléreux contenant des cordons et des boyaux basaloïdes pauvres en atypies cytologiques et en mitoses, étirés pouvant être pleins comme dans le carcinome baso-cellulaire sclérodermiforme, mais il existe ici une différenciation à la fois ductulaire et kératinisante presque constante, parfois sébacée permettant la distinction des deux types de tumeurs (fig. 5). Deux types de carcinomes annexiels microkystiques sont individualisés par Cooper : le type 1 où prédominent les signes de différenciation pilaire avec micro-kystes cornés et le type 2 où prédominent les structures ductulaires avec peu de micro-kystes kératinisants.
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Fig. 4. Syringome éruptif (× 200).
Fig. 5. Carcinome annexiel microkystique (coll. J. Rivet) (× 100).
Apport de l’immuno-histochimie Aucun anticorps ne permet de simplifier le diagnostic différentiel entre ces quatre tumeurs : toutefois une étude récente de Abesamis-Cubillan et al. [1] montre que les boyaux épithéliaux constituant les trichoépithéliomes desmoplastiques contiennent de nombreuses cellules de Merkel exprimant
le CD20 alors que les cordons cellulaires des syringomes, des carcinomes annexiels microkystiques et des carcinomes baso-cellulaires sclérodermiformes n’en contiennent pas.
Référence 1. Abesamis-Cubillan E, El Shabrowi-Caelen L, Le Boit PE. Merkel cells and sclerosing epithelial neoplasms. Am J Dermatopathol 2000;22:311-5.