Carcinome parathyroïdien, un diagnostic histologique difficile

Carcinome parathyroïdien, un diagnostic histologique difficile

Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2012) 129, 186—188 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS ...

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2012) 129, 186—188

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Carcinome parathyroïdien, un diagnostic histologique difficile夽 C. Rodriguez a, S. Nadéri a, C. Hans b, C. Badoual a,∗ a

Service d’anatomie et cytologie pathologiques, faculté Paris-Descartes, hôpital Européen Georges Pompidou, AP—HP, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France b Service d’ORL, faculté Paris-Descartes, hôpital Européen Georges Pompidou, AP—HP, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France

MOTS CLÉS Carcinome parathyroïdien ; Hyperparathyroïdie primaire

Résumé Introduction. — Les carcinomes parathyroïdiens sont rares et sont le plus souvent difficiles à diagnostiquer, tant sur le plan clinique que pathologique. Présentation du cas. — Un patient de 60 ans hospitalisé pour malaise hypotensif présentait une insuffisance rénale associée à une hypercalcémie et une parathormoninémie. Une scintigraphie au 99 mTc-sestamibi des parathyroïdes (PT) a révélé la présence d’une masse de la PT droite, pour lequel il a subi une parathyroidectomie et un curage récurrentiel. L’histologie a révélé une prolifération tumorale avec de nombreuses atypies cytonucléaires et une étude d’immunohistochimie a montré que les cellules tumorales exprimaient la PTHémie (PTH) sans perte d’expression de la parafibromine. Le diagnostic de carcinome de la parathyroïde (CPT) a été posé sur des critères d’invasion et d’agressivité locale, malgré l’absence de métastase ganglionnaire. Le patient a présenté quatre récidives, traitées chirurgicalement et par radiothérapie complémentaire. Discussion. — Le diagnostic des CPT est le plus souvent difficile à établir sur la simple interprétation histologique en l’absence de marqueurs cytologiques, architecturaux ou immunohistochimiques spécifiques. C’est donc une conjonction de signes cliniques, radiologiques et histologiques qui permettra de poser le diagnostic devant une présentation atypique d’une tumeur de la PT. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction DOI de l’article original : 10.1016/j.anorl.2012.01.002. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Badoual). 夽

Le carcinome de la parathyroïde (CPT) est très rare. Le cas présenté illustre les difficultés anatomopathologiques rencontrées lors du diagnostic de CPT, afin de mieux appréhender la prise en charge de cette lésion.

1879-7261/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.aforl.2012.03.002

Carcinome parathyroïdien, un diagnostic histologique difficile

Figure 1 Cellules tumorales de taille moyenne à grande avec des atypies cyto-nucléaires importantes et présence de mitoses (flèche) (HES × 400).

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Figure 2 Présence de nombreux embols vasculaires en périphérie de la prolifération tumorale (flèche) (HES × 100).

Cas clinique Nous présentons le cas d’un homme âgé de 60 ans qui, ayant pour seuls antécédents une hypertension artérielle, a consulté en juillet 2006 pour une altération de l’état général et été hospitalisé pour un malaise hypotensif. Le bilan biologique retrouvait une insuffisance rénale associée à une hypercalcémie et une parathormoninémie. Une scintigraphie au 99 mTc-sestamibi des parathyroïdes (PT) a révélé la présence d’une masse de la PT droite. Une parathyroidectomie droite et un curage récurrentiel ont été réalisés. Macroscopiquement, la PT mesurait 2,5 cm et pesait 4,10 g. À la coupe, il y avait une zone blanchâtre de 2 cm de consistance ferme avec des aspects fibreux et hémorragiques. L’examen histologique a révélé une prolifération tumorale de cellules de taille moyenne à grande, s’agenc ¸ant en lobules ou parfois en massif, donnant un aspect pseudonodulaire. Les atypies cytonucléaires étaient nombreuses, avec des noyaux irréguliers, nucléolés et une importante activité mitotique (Fig. 1). En périphérie, la tumeur était inconstamment limitée par une capsule et on observait de nombreuses images d’invasion vasculaires (Fig. 2). Une étude d’immuno-histochimie a montré que les cellules tumorales exprimaient la PTHémie (PTH) (Fig. 3) et qu’il n’y avait pas de perte d’expression de la parafibromine. Le diagnostic de CPT a été posé sur des critères d’invasion et d’agressivité locale, malgré l’absence de métastase ganglionnaire dans le curage récurrentiel. Le patient a présenté quatre récidives entre 2008 et 2011, traitées chirurgicalement par : thyroïdectomie totale, évidements cervicaux bilatéraux, et ablation de foyers rétro trachéaux, médiastinaux et para-œsophagiens. Dans les suites opératoires, on notait une importante diminution de la calcémie et de la PTH, qui étaient les marqueurs révélateurs de récidives. Devant ces récidives et la possibilité d’une maladie résiduelle, une radiothérapie complémentaire a été entreprise.

Figure 3 Immuno-histochimie : toutes les cellules tumorales expriment la PTHémie (× 400).

Discussion Le CPT est très rare, il est diagnostiqué chez moins de 1 % des patients présentant une hyperparthormoninémie (HPTH) [1—4]. Il s’agit le plus souvent d’une tumeur maligne isolée hypersécrétante dont le diagnostic peut s’avérer difficile en l’absence de localisation métastatique. Le sex-ratio est de l’ordre de 1 [3—5], l’âge moyen d’apparition de 50 ans [4]. L’étiologie reste encore inconnue, cependant des facteurs de prédisposition génétique, comme le syndrome d’hyperthyroïdie primaire (HPTP) avec tumeur maxillaire, ou des facteurs de risque tels que l’irradiation ont été décrits [2,5]. La clinique est variable, avec le plus souvent, comme c’est le cas de notre patient une insuffisance rénale [4]. Il existe une masse cervicale palpable dans 15 à 75 % des cas, selon les séries [1,3]. Macroscopiquement, la tumeur peut ressembler à un adénome. Cependant, les carcinomes sont souvent multinodulaires, de consistance ferme, de couleur grisâtre, nécrosés et

188 présentent des adhérences [3,5]. Des critères de malignité ont été initialement décrits en 1973 par Shantz et Castleman : • présence d’une architecture lobulaire séparée par des travées fibreuses ; • atypies cytonucléaires ; • mitoses. Cependant, ce sont des critères inconstants [2—7]. Actuellement, selon l’Organisation mondiale de la santé, il n’existe pas de critère spécifique. Certains doivent être recherchés pour confirmer le diagnostic : • présence d’une invasion vasculaire (dans la capsule ou tissus adjacents) ; • invasion capsulaire avec extension aux tissus adjacents et/ou ; • présence de métastases. Par ailleurs, une triade de haut risque histologique est liée à un comportement clinique agressif ; il s’agit de la présence de nécrose de coagulation, de gros nucléoles et d’une activité mitotique supérieure à cinq pour dix champs à fort grossissement [3]. Dans le cas présent, c’est le côté très agressif localement, avec invasion des structures adjacentes qui a fait poser un diagnostic de malignité, et cela malgré l’absence de métastase. Le principal diagnostic différentiel est l’adénome parathyroïdien, mais il faut aussi éliminer une hyperplasie parathyroïdienne, un carcinome thyroïdien vésiculaire ou plus rarement une métastase d’un carcinome à cellules claires du rein. Des mutations inactivant le gène HRPT2 ont été observées dans les syndromes d’HPTP associés à une tumeur maxillaire, ou dans les CPT sporadiques. Ce gène code pour la parafibromine, protéine détectable par immuno-histochimie et dont le rôle n’est pas encore totalement déterminé [8]. Les valeurs de sensibilité et de spécificité de la corrélation entre la malignité et la baisse ou l’absence d’expression nucléaire de la parafibromine, sont respectivement de 67 % et de 100 %. Plus récemment, une étude a montré que l’association de la perte d’expression de la parafibromine et du produit de la protéine combinée du gène 9.5 (PGP9.5) augmente les présomptions de malignité [9]. Une étude immuno-histochimique avec l’anticorps anti PTH n’a pas démontré son intérêt dans le diagnostic de malignité. L’index de prolifération évalué par l’anticorps Ki 67, est associé à un plus haut risque de malignité et de récidive quand il est supérieur à 5 % [3]. La surexpression de la cycline D1 ou l’inactivation du gène du rétinoblastome ne permettent pas de différencier de fac ¸on fiable les adénomes, des carcinomes parathyroïdiens [1]. Le taux de récidive du CPT varie entre 30 et 67 %. Une hypercalcémie est souvent révélatrice de ces récidives. La survie à cinq ans est, d’après la littérature, de 40 à 86 % et à dix ans de 49 % [4,5,10]. Dans plus de 30 % des cas, les métastases surviennent dans les ganglions régionaux (30 à 40 %), les poumons (20 à 40 %) et plus rarement le médiastin, les os, la plèvre, le péricarde ou le pancréas [1,4,10]. Le traitement

C. Rodriguez et al. est principalement chirurgical [2—10], « en bloc », comprenant la tumeur, le lobe thyroïdien ipsilatéral, les ganglions récurrentiels et jugulo-carotidiens homolatéraux, et le tissu adipeux prétrachéal. L’efficacité des traitements adjuvants reste discutée.

Conclusion Le diagnostic des CPT est le plus souvent difficile à établir sur la simple interprétation histologique en l’absence de marqueurs cytologiques, architecturaux ou immunohistochimiques spécifiques. C’est donc une conjonction de signes cliniques, radiologiques et histologiques qui permettra de poser le diagnostic devant une présentation atypique d’une tumeur de la PT et si possible avant l’apparition de métastases. Cependant, il n’est pas rare qu’un diagnostic définitif de malignité soit posé, suite à l’apparition de récidive ou de métastases.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements Dr S. Vissier, Dr F Tissier et Dr M. Bienvenue-Perrard pour leur collaboration à l’écriture de cet article.

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