Chasseurs épigravettiens dans le territoire de l’ours des cavernes : le cas du Covolo Fortificato di Trene (Vicenza, Italie)

Chasseurs épigravettiens dans le territoire de l’ours des cavernes : le cas du Covolo Fortificato di Trene (Vicenza, Italie)

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L’anthropologie 116 (2012) 39–56 www.em-consulte.com

Article original

Chasseurs épigravettiens dans le territoire de l’ours des cavernes : le cas du Covolo Fortificato di Trene (Vicenza, Italie) Epigravettians hunters in the territory of the bear of caves: The case of Covolo Fortificato di Trene (Vicenza, Italy) Matteo Romandini *, Nicola Nannini Dipartimento di Biologia ed Evoluzione, Università di Ferrara, corso Ercole I d’Este, 32, 44100 Ferrara, Italie Disponible sur Internet le 1 fe´vrier 2012

Résumé Le Covolo Fortificato de Trene est situé le long de la côte orientale des Cols Berici (Italie, VI), au milieu de la grande plaine padano-vénitienne de l’Italie du Nord, à une altitude de 360 m (s.l.m). La cavité a été l’objet de fouilles systématiques effectuées par l’université de Ferrara en 1956, lesquelles ont mis à jour un dépôt d’épaisseur de 1,14 m subdivisé en sept unités stratigraphiques. Les niveaux fréquentés par l’homme sont attribués grâce à l’industrie lithique à l’Épigravettien ancien et sont accompagnés de deux datations sur os qui situent la fréquentation à 17 640  140 AMS 14C ans B.P. et 18 630  150 AMS 14C ans B.P. en association à des os de macromammifères, d’oiseaux et de charbons. Cet article présente une révision taxonomique et l’étude archéozoologique des restes fauniques déjà publiée, laquelle montre une nette dominance de Ursus spelaeus sur les autres taxa déterminées dans le spectre. Durant la fréquentation humaine du site, l’environnement était principalement forestier à climat tempéré froid avec la présence de zones humides dans la plaine sous-jacente, comme le témoigne la présence d’élan, de cerf, de sanglier, et de poisson. L’analyse taphonomique a révélé la présence de traces anthropiques sur les restes d’élan et d’ours des cavernes, ce dernier ayant utilisé la grotte comme tanière durant l’hibernation. L’étude est concentrée sur les restes d’ursidé concernés par des traces de boucherie dues à l’acquisition des fourrures sur des individus principalement jeunes. Une comparaison limitée aux Cols Berici, avec des sites contemporains (Grotta di Paina ; Grotta del Buso Doppio), associe la présence de l’ours des cavernes aux pointes à cran. # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Italie du Nord ; Épigravettien ancien ; Ursus spelaeus ; Taphonomie

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Romandini). 0003-5521/$ – see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anthro.2011.12.004

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Abstract The Covolo Fortificato di Trene site is located on the eastern slope of the Berici hills, Vicenza, in the middle of the great Po-venetian plain in Northern Italy, at a height of 360 m.a.s.l. The cavity was the object of systematic excavations made by the University of Ferrara in 1956, which yielded a 1.14 m-thick deposit, subdivided into seven stratigraphic units. The lithic industry, associated with macromammals remains, bird bones and charcoal, ascribe the anthropic frequentation of the archeological layers to the early Epigravettian. This is confirmed by two dates obtained on bone (17.640  140 AMS 14C B.P. and 18.630  150 AMS 14C B.P.). This work presents a taxonomic revision and zooarchaeological analysis of already published faunal remains, whose spectrum shows a clear dominance of Ursus spelaeus over the other determined taxa. During human frequentation, the site was in a predominantly forest environment under cold-temperate climate conditions with wetland areas on the underlying plain, as shown by the presence of elk, deer, wild boar and fish vertebrae. The taphonomic analysis has shown anthropic traces on the remains of elk and cave-bear, which used the cave as den during wintering. The study focused on Ursidae remains, affected by butchering marks due to fur extraction, mostly from young individuals. Moreover, a limited comparison (Berici hills) with contemporary sites (Paina cave, Buso Doppio cave), associates cave-bear presence with shouldered points. # 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: North Italy; Early Epigravettian; Ursus spelaeus; Taphonomy

1. Histoire des recherches Les premières recherches archéologiques dans la région des Collines Berici remontent à la moitié du XIXe siècle, avec les travaux du Comte Giovanni da Schio. Depuis la fin du XVe siècle, des générations de voyageurs, de chercheurs et de passionnés de l’histoire de cette région, ont laissé des témoignages d’intérêts considérables. Le XXe siècle a vu fleurir, après la Seconde guerre mondiale, un courant de recherches, surtout archéologiques, à finalité chronostratigrahique précise. C’est au cours de ces années que, suite aux premières recherches du Pr Piero Leonardi et du Comte Alvise da Schio, que commencèrent les premières campagnes systématiques, menées par l’université de Ferrare, sous la direction du Pr P. Leonardi et d’Alberto Broglio (Allegranzi et Bartolomei, 1956 ; Bartolomei, 1960 ; Bartolomei et al., 1988 ; Broglio, 2003 ; Cattani, 1990 ; Cassoli et Tagliacozzo, 1994 ; Leonardi, 1949, 1957, 1959 ; Sala, 1980). Durant cette période, ont été menées les premières recherches archéologiques dans des grottes et des abri-sous-roche qui ont, à présent, une valeur archéologique et chronostratigraphique significative dans le panorama italien et européen, parmi ces sites, pour n’en citer que quelques-uns, la Grotte de S. Bernardino, la Grotte et l’abri-sousroche du Broion, la Grotte de Paina et la Grotte del Col della Stria. En même temps, ont également été explorées les cavités des Covoli di Trene, de la commune de Nanto, et plus particulièrement, le Covolo Fortificato di Trene. Les premières recherches effectuées au Covolo di Trene, par le Pr Giuseppe Peri et l’association de spéléologie Gruppo Grotte G. Trevisiol del C.A.I. de Vicence, sous la forme de petits sondages, ont révélés des artefacts siliceux associés à des restes d’ours des cavernes (Ursus spelaeus). Plus tard, dans la même grotte, le Dr Andrea et M. Mario Marsiaj ont effectué de nouvelles fouilles dans la zone de la niche terminale, révélant une « pointe silicieuse à cran » (conservée au Musée Civique de Vicence) associée à des restes d’ours des cavernes.

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Des fouilles à caractère « systématique » ont été conduites par le Pr Piero Leonardi de l’université de Ferrare en collaboration avec l’association de spéléologie Gruppo Grotte Trevisiol à partir de 1956 qui, se portant sur une zone allant de la niche terminale (des précédentes fouilles Marsiaj) jusqu’à la paroi, ont mis au jour de l’industrie lithique en association avec une faune pléistocène. Dans les niveaux supérieurs ont été identifiés des fragments de poterie de l’Âge du Bronze et du Fer associés à des restes d’animaux domestiques, probablement liés à l’utilisation de cette grotte comme abri au Moyen Âge. Les résultats de cette recherche ont été publiés par P. Leonardi, avec les contributions de F. Mancini pour l’étude des sédiments et de A. Pasa pour l’étude de la faune (Leonardi, 1959). 2. Localisation du site Le Covolo Fortificato di Trene se trouve à une altitude de 360 m au-dessus du niveau de la mer dans l’ensemble des collines Berici, situées au sud de la ville de Vicence. Les reliefs des collines Berici ressortent nettement de la plaine alluviale environnante, formant un système de haut-plateaux plus ou moins abruptes, à l’exception du côté sud oriental caractérisé par une séquence de parois rocheuses verticales (Fig. 1). Le Covolo fait partie d’un ensemble de cinq cavités situées le long d’un versant rocheux exposé au sud, campées en dessous d’une paroi à pic et au-dessus d’une pente en grande partie terrassée. Le Covolo est constitué d’une grotte au plan irrégulier, de 23 m de long, 19 m de large et d’une hauteur d’environ 5,5 m. Dans la partie la plus interne se trouve une niche, elle aussi de plan irrégulier, et qui a fait l’objet des fouilles susnommées (Fig. 2). Le dépôt mis en lumière à une épaisseur de 1,14 m, est non perturbé et régulièrement stratifié et présente des limites nettes entre l’unité Holocène (A, A1) et les unités Pléistocène (B1, B2, B3, et C) (Fig. 3). La stratigraphie se subdivise en sept unités stratigraphiques à partir des unités les plus superficielles, A et A1, contenant quelques tessons de terre cuite de l’Âge du Bronze et du Fer, des artefacts en silex non retouchés, des os de macromammifères, d’oiseaux et des charbons, jusqu’à la roche-mère. La macro unité B (B1, B2 et B3) présente une plus grande épaisseur, et est subdivisée en fonction de la nature et de la granulométrie des clastes. De ces niveaux proviennent la plupart des restes qui, avec deux datations sur os associées à de l’industrie épigravettienne ancienne, situent la fréquentation du site vers 17 640  140 années B.P. (US B1, datation 14C) et 18 630  150 années B.P. (US B2, datation 14C) (Broglio et Improta, 1995). 3. Matériaux et méthodes L’analyse archéozoologique, révisions d’études paléontologiques effectuées précédemment par A. Pasa (Leonardi, 1959 ; Pasa, 1959), comprend l’étude de 2723 restes en bonne état de conservation. Pour l’analyse des surfaces osseuses, les premières observations ont été effectuées avec des lentilles à faible grossissement (15-20-30-35), sous une lumière rasante. L’observation du matériel a été également exécutée à l’aide d’un stéréomicroscope Leica S6D Green Ough avec des agrandissements de 10 à 64 ; ce qui nous a permis de discriminer, en

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Fig. 1. Situation géographique du site et industrie lithique. Geographical situation of the site and lithic industry.

plus des différents degrés chimique et mécanique la localisation et la morphologie de traces anthropiques qui, autrement, peuvent aisément être confondues avec du piétinement. Pour les cas où l’interprétation était difficile et pour éviter d’exposer l’échantillon à un stress de manipulation, on a réalisé des copies en résine transparente, utiles pour obtenir des images au microscope électronique à balayage (MEB). Les matériaux utilisés pour la préparation du négatif sont Optosil Confort Putty, Xantopren VL plus et de l’Heraeus et Activator Universal plus de la même maison. Epoxy 21 a été utilisé pour réaliser les positifs en résine époxy. 3.1. Ensemble et contexte faunistique L’analyse faunistique des pièces du Covolo Fortificato di Trene (Tableau 1) a mis en évidence une nette dominance de l’ours des cavernes par rapport aux autres taxa. Du total des restes déterminés, 71,5 % renvoient au plantigrade, plaçant cette grotte dans le type dit des « grottes à ours » (Kurten, 1972 ; Quiles, 2004), mais il faut toutefois, prendre en considération les petites dimensions de la zone examinée.

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Fig. 2. Plan et profil de la grotte (dessin de A. Broglio). Plan and profile views of the cave.

D’autres carnivores parmi lesquels le blaireau (Meles meles) et le renard (Vulpes vulpes) se retrouvent aussi dans les unités stratigraphiques centrales du dépôt mais ne fournissent pas suffisamment d’éléments utiles pour permettre une interprétation environnementale précise. Les restes de loup (Canis lupus) sont sporadiques et ne peuvent être resitués stratigraphiquement. L’ensemble des ongulés enregistre la dominance de l’élan (Alces alces) sur les autres artiodactyles présents, témoignant de l’existence de zones humides dans la plaine sous-jacente desquelles proviennent probablement aussi quelques vertèbres de grand poisson trouvées dans le site. La présence du cerf (Cervus elaphus) est constante dans tout le dépôt, accompagné, dans une moindre mesure, du sanglier (Sus scrofa) dans un environnement qui apparaît surtout forestier à

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Fig. 3. Section de la niche du terminal du Covolo Fortificato Trene. Section of the terminal niche of the Covolo Fortificato di Trene.

climat tempéré froid. Cette hypothèse est aussi renforcée par la présence de restes d’avifaune comme le geai des chênes (Garrulus glandarius) et le faisan de la montagne (Lyrurus tetrix), indicateurs de zones forestières également à caractère humide (Tonon, 1977). La découverte de l’harfang des neiges (Nyctea scandiaca), habitant typique de la toundra arctique, accompagné de la présence sporadique de caprinés comme le bouquetin (Capra ibex) et le chamois (Rupicapra rupicapra) font penser à un léger durcissement du climat à l’interface des unités stratigraphiques B2 et B3. Parmi les grands rongeurs, la présence de la marmotte (Marmota marmota), avec des restes distribués dans les unités stratigraphiques B, B1 et à la base de l’unité C, ne permet pas, étant donné la pénurie d’informations liées à la recherche archéologique et à la petite surface de la zone analysée, d’exclure la présence et l’utilisation de tanières par cet animal. 3.2. L’ours des cavernes dans le Covolo de Trene À Covolo Fortificato di Trene, la plus grande concentration de restes attribuables à l’ours, par rapport au nombre total de restes déterminés, se trouve de manière générale dans les horizons B, avec 63,78 % dans le niveau B, 77,12 % en B1 (17 640  140 14C années B.P.1), 76,54 % en B2 (18 630  150 14C années B.P.1) et 57,73 % pour le niveau B3. Le niveau remanié, bien que riche en restes d’ours des cavernes (88,54 % du NR), n’a pas été pris en considération dans l’analyse car ne pouvant fournir d’indications chrono-stratigraphiques précises. Les principaux facteurs chimiques qui ont influé sur l’état de surface des restes sont surtout d’origine naturelle telle que, en plus grande proportion, le film de manganèse ou les sillons produits par l’activité des systèmes racinaires des végétaux ; parmi les agents biologiques, le piétinement est élevé. Sont aussi

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Tableau 1 Espèces représentées au Covolo Fortificato di Trene. Species represented at Covolo Fortificato di Trene. Taxa Lepus sp. Marmota marmota Rodentia Canis lupus Cfr. Canis lupus Vulpes vulpes Meles meles Ursus spelaeus Ursus sp. Carnivora Sus scrofa Alces alces Cfr. Alces alces Cervus elaphus Cervidae Bos sp. Capra ibex Rupicapra rupicapra Cfr. Rupicapra rupicapra Caprinae Ungulata Mammifères total dét. Grands mammifères Mammifères relativement grands Mammifères moyens Mammifères relativement petits Petits mammifères Taille totale des mammifères Mammifères Indét. Nbre total des Mammifères Pisces Lyurus tetrix Nyctea scandiaca Hirundinidae Garrulus glandarius Pyrrhocorax graculus Aves indet. NR total

US A1

US A2 1

US B 1 4

US B1

US B2

US B3

US C

Rim.

1 1

164 10 123

3 8 3 2 1 6 3 757 75 29 7 62 3 22 49 2 3 4 2 3 29 1073 87 460

1

1 11

320 253

1 2

42 187

10

351

238 1358 225 2656 26

3 3

1

10

1

1

125 11 3

1

18 1 8 20

2

1 1 1

1 1 2

1

1 261 37 9 1 12 1 4

2 5

137 5 1 2 6 2 6

1 2

2

1 1

1 18 1

8 1

4 196 8 50

1

4

1

2 1 21

2 2 91 2 2 1 4 1 2 5

1 1 1 127 20 14 1 21 1 7 13

5 13

1 60 134 390

1 4 118 4 38

9 341 17 89

1 11 220 46 160

70 55

156 60

87 126

6 173 45 336 22 1

18 340 36 717 4

170 589 9 818

Total

8

1

21

13

390

7 1 2 4

2

1

373

724

819

10

22

29

373

2723

importantes, les traces de rongement qui, sans exclure justement l’ursidé, sont aussi probablement attribuables à d’autres carnivores. Parmi les facteurs climatiques, weathering et exfoliation témoignent de variations thermiques et d’humidité, tandis que l’altération générale est surtout enregistrée sur les surfaces fragiles des os d’individus juvéniles. Les portions anatomiques sont quasi toutes représentées à l’exception de la scapula, de la clavicule, des vertèbres caudales et de l’astragale, alors qu’il est intéressant de noter la présence

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d’un unique reste d’os pénien, déterminé dans le niveau remanié, seul à indiquer avec certitude la présence d’un individu de sexe masculin. À ces restes énumérés, sont étroitement corrélés 70 restes déterminés comme Ursus sp., pour lesquels il n’est pas possible de discriminer l’appartenance à l’espèce éteinte (U. spelaeus) ou à celle actuellement vivante, l’ours brun (Ursus arctos). Le haut nombre de restes attribuables à des individus juvéniles (NR = 445 excluant le niveau remanié) est déduit des dents déciduales et des éléments postcrâniens non-complètement développés, alors que les individus adultes de première classe (sub-adultes) sont identifiés par une denture définitive mais avec une absence totale ou partielle d’usure. À partir des restes dentaires retrouvés, capables de préciser avec le plus de finesse l’âge à la mort d’un individu, ne sont pas seulement considérer les dents déciduales impliquant une mort dans la première année de vie, mais aussi les nombreuses découvertes de dentures définitives à peine usées avec une épaisseur d’émail et de racine très mince et des bourgeons dentaires, appartenant probablement à des individus qui n’avaient pas encore atteint leur maturité sexuelle et étaient encore en compagnie de leur mère ; pour ces derniers, la substitution de la denture permanente à la denture déciduale, a pu se faire dans la grotte. L’analyse de la représentativité des éléments anatomiques regroupe les unités stratigraphiques en trois macro-niveaux A, B et C, portant l’attention sur l’horizon médiane caractérisé par des unités stratigraphiques qui, riches en restes du plantigrade, attestent d’une fréquentation anthropique. Une subdivision a été effectuée aussi selon les classes d’âge, considérant celles des jeunes, des adultes et des individus âgés. On compte 617 restes attribuables à l’ours des cavernes, en excluant le niveau remanié du dépôt. Le crâne est la portion anatomique la plus représentée avec les hémimandibules et les dents, grâce à leur grande capacité de conservation et à leur nombre (Fig. 4). Cette donnée se traduit par un nombre minimum d’individus juvéniles de 48 dans la macro unité stratigraphique B, calculé sur le nombre de troisièmes incisives supérieures droites déciduales, et de neuf individus adultes, calculés à partir de la première molaire inférieure gauche. Pour obtenir une vision plus complète, ces données sont corrélées avec les restes de vertèbres et de côtes déterminées seulement jusqu’au rang de taille de l’animal (grand, moyen-grand et moyen s’il s’agit de juvéniles). Ont été déterminés : 34 restes de côtes, 13 restes de vertèbres et quatre fragments crâniens d’animaux de grande taille ; 37 côtes, neuf vertèbres et 112 restes crâniens pour des animaux de taille moyenne à grande ; et 35 restes de côtes, sept vertèbres et 111 fragments crâniens d’animaux de taille moyenne.

Fig. 4. Représentation des éléments anatomiques des ours des cavernes juvéniles et adultes au Covolo Fortificato di Trene. Juvenile and adult cave-bears representation of skeletal parts in Covolo Fortificato di Trene.

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Tableau 2 Parties squelettiques dans quelques grottes des Berici. Skeletal parts in some Berici caves. Elément Anatomique

Grotte Col Della Stria

Riparo del Broion

Grotte di Paina

Covolo di Trene

Dent Mandibule Crâne Vertèbre Côte Omoplate Clavicule Humérus Radius Cubitus Carpe Métacarpien Fémur Rotule Tibia Péroné Tarse Métatarse Métapode Première phalange Seconde phalange Troisième phalange Os sésamoïde

3

2

185 4

1

5 2

437 7 7 8 42

NR total

3

1

1

1

2 3

1 2

7 14 2

1

2 9 9 7 4

6

231

6 4 10 12 11 13 3 588

Au Covolo di Trene, comme dans d’autres grottes des Collines Berici, le carnivore le mieux représenté par rapport au nombre de restes, dans des dépôts aussi bien sans traces de fréquentations anthropiques qu’avec industries paléolithiques, est sans nul doute l’ours des cavernes (U. spelaeus). Des fréquentations seulement sporadiques du plantigrade ont été enregistrées à la base de l’unité stratigraphique 2 et dans l’unité 2c.l. de la Grotte del Col della Stria (Tableau 2), datées respectivement sur os et charbon à 19,4 et 16,8 14C années B.P. (Tableau 3) associées à des témoignages du passage de chasseurs paléolithiques et dans le Gravettien de l’abri-sous-roche del Broion dans les niveaux 1b, 1ba, 1c, respectivement à 28,4, 27,9, 25,8 14C années B.P. sur des charbons (Gurioli et al., 2006a) (Tableaux 2 et 3). Par ailleurs, des restes du grand carnivore ont également été déterminés, bien qu’en quantité réduite, dans la Grotte Maggiore di San Giacomo (Bartolomei, 1960 ; Cassoli et Tagliacozzo, 1994), et dans la Grotte del Broion où les nombreux restes déterminés dans les niveaux, conduisent à interpréter ces contextes comme une tanière et un refuge pour l’ursidé pendant sa période d’hibernation, interrompue par de sporadiques fréquentations humaines du site. Une situation particulière s’est rencontrée dans la Grottina Azzurra de la Grotta de Paina (Gurioli et al., 2006b ; Parere et al., 2006) dont la caractéristique est la dominance du plantigrade dans tous les niveaux étudiés, avec 88 % du total des restes déterminés ; un tel pourcentage place la grotte dans le type dit des « grottes à ours » (Kurten, 1972 ; Quiles, 2004). À partir des 2624 restes du plantigrade éteint, a été calculé un nombre minimum d’individu d’au moins 200,

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Tableau 3 Dates radiocarbones de quelques niveaux des grottes des Berici. Radiocarbon dates in some Berici caves levels. Site/unité stratigraphique

Matériel

Âge B.P.

Âge calibré a. C.

Culture

Grotte Col della Stria/2cl Grotte Col della Stria/2 cl Grotte Col della Stria/2 base Covolo di Trene/B1 Covolo di Trene/B2 Grotte de Paina/6 Grotte de Paina/6 Riparo del Broion/1b Riparo del Broion/1ba Riparo del Broion/1c

Charbon Charbon Os Os Os Os Os Charbon Charbon Charbon

16,037  100 16,802  90 19,485  200 17,640  140 18,630  150 19,430  150 20,120  220 25,860  200 27,960  300 28,460  360

17,224  231 18,071  291 21,339  376 19,094  342 20,311  365 21,265  326 22,092  092 30,929  410 30,533  357 28,935  366

Cfr. Épigravettien Ancien

Épigravettien Ancien Épigravettien Ancien Gravettien

dont 189 juvéniles identifiés, cette fois encore, à partir de dentitions déciduales (Parere et al., 2006). Dans cette grotte presque tous les éléments anatomiques de l’ours sont présents (mais jamais aucun en connexion), résultat de décès survenus pendant l’hibernation ; les os sont distribués uniformément dans la zone étudiée et mettent en évidence des occupations répétées au cours du temps. L’unité stratigraphique 6 (Tableau 2) en particulier, datée sur un os à 20,1 et 19,4 14C années B.P., peut être référer à une fréquentation épigravettienne ancienne à cause de la présence d’une industrie à cran (Tableau 3). Cette correspondance est renforcée par l’étude pétrographique du matériel lithique (Broglio et al., 2009) qui, dans les deux sites, provient en partie des Apennins Centraux. Les résultats préliminaires d’études récentes, encore en cours, signalent également une importante présence du plantigrade à la Grotte del Buso Doppio, proche de la Grotte et du Riparo del Broion, associée à des restes de marmotte (Marmota marmota), de chamois (Rupicapra rupicapra) d’élan (Alces alces), de bovidés et à de nombreux restes d’oiseaux et de poissons. Il faut en outre signaler, comme importants marqueurs environnementaux, les restes de lièvre variable (Lepus timidus) et de lynx (Lynx lynx) mélangés à de l’industrie épigravettienne ancienne dans le niveau remanié (Broglio et al., 2009).

4. Exploitation de l’ours des cavernes Comme dit précédemment, le passage de chasseurs paléolithiques dans le site est attesté par la découverte d’industrie lithique et de charbon dans les unités stratigraphiques B1 (17 640  140 14 C années B.P.), et B2 (18 630  150 14C années B.P.) et par des traces de boucherie sur de l’élan (Alces alces) (NR = 2), combiné à une encoche de percussion sur une diaphyse d’ongulé de grande taille. Sur les surfaces d’os de l’ursidé, des traces imputables à une action d’enlèvement de la fourrure sont attestées dans la zone crâniale sur deux hémimandibules, une appartenant à un individu jeune d’un an environ, dont la canine définitive est en cours d’éruption (Torres et al., 2007) et l’autre appartenant à un jeune-adulte : sur ce dernier reste, les stries sont localisées sur l’angle entre le côté linguale et le côté vestibulaire, et un second geste sur le côté linguale de la mandibule, correspondant à l’intersection entre la partie molaire et la fosse masséter (Fig. 5a, b).

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Fig. 5. Covolo Fortificato di Trene : mandibule d’ours des cavernes avec stries de découpe : a : agrandissement 10 ; b : agrandissement 32 sur réplique en résine ; humérus d’un ours des cavernes juvénile ; c : agrandissement 10. Covolo Fortificato di Trene: cave-bear mandible with cut marks: a: 10 enlargement; b: 32 enlargement on resin replica; juvenile humerus of cave-bear; c: 10 enlargement.

Une strie sur un calcaneus droit d’adulte, provenant de l’unité stratigraphique B2 (Fig. 6), suggère l’action d’accompagnement de l’enlèvement de la fourrure avec un outil lithique, étant placé à proximité de l’articulation du pied, à un endroit où la masse carnée n’est pas considérable. Toujours dans l’unité stratigraphique B2, on trouve le cas d’une strie sur l’épiphyse proximale d’un troisième métacarpien de juvénile qui, puisque l’épiphyse distale non soudée à disparu, outre le dépouillement, n’exclut pas l’action de désarticulation (Fig. 7b). Les traces anthropiques qui semblent indiquer le détachement des tendons ou l’enlèvement de la masse carnée sont celles transverses à l’axe longitudinal de l’os sur un humérus de juvénile

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Fig. 6. Covolo Fortificato di Trene : calcanéum d’ours des cavernes avec stries de boucherie, agrandissement 10. Covolo Fortificato di Trene: cave-bear calcaneus with cut mark ; 10 enlargement.

(de l’unité stratigraphique B2) (Fig. 5c) et sur la face postérieure d’un radius d’adulte (provenant de l’unité stratigraphique B) (Fig. 7a), pour lequel on ne peut pas exclure le dépouillement. En plus des traces d’enlèvement de la fourrure et du détachement de la masse musculaire, une encoche de percussion sur une hémimandibule d’adulte complètement brûlée, suggère une action de fracturation afin de récupérer la moelle et l’utilisation du reste lui-même afin d’être consommé avant ou comme combustible ensuite. 5. Interaction homme-ours Depuis longtemps on discute des possibles relations entre l’ours et l’homme : dans certains contextes, on peut parler de « culte de l’ours », encore pratiquer dans certaines populations arctiques ou dans un passé récent, chez les Indiens d’Amérique septentrionale. De culte, on peut parler pour la Grotte Chauvet, où près d’une centaine de crânes sont regroupés à proximité d’un rocher sur lequel on en a posé un dernier. La plupart des auteurs sont plus en faveur de la thèse d’une occupation alternée de ces mêmes grottes, où il n’est pas rare de trouver des artefacts lithiques associés à des restes d’ours. Il existe, quand même, de rares cas de témoignages directs, où la chasse à l’ours des cavernes et à l’ours brun est mise en évidence par des pièces exceptionnelles : c’est le cas de Hohle Fels (Munzel et Conard, 2004), site Gravettien, où on peut même envisager une saisonnalité de la chasse à l’ours, c’est aussi le cas de Potocka Zijalka (Withalm, 2004) et de la Grotte di Bichon pendant l’épigravettien récent. Dans tous les cas où l’on n’a pas trouvé de témoignage aussi clair, tels que des projectiles en silex enfoncés dans des éléments anatomiques (Munzel et Conard, 2004), on ne peut exclure l’hypothèse d’une exploitation opportuniste de la carcasse après la mort naturelle de l’animal ou d’une prédation opportuniste ciblée sur la connaissance de l’éthologie de la proie. Selon Stiner (Stiner, 1998), dans les sites utilisés par les ours pour leur hibernation, il est difficile de faire la distinction entre les stratégies de prédations des chasseurs et la mort naturelle des animaux. Cependant, le cas d’enlèvement de la fourrure suggère la mort « fraîche » de l’ours avant d’être écorché, soit qu’il ait été tué, soit que les habiles chasseurs-cueilleurs avaient connaissance du cycle annuel de mortalité de ces mêmes ours.

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Fig. 7. Covolo Fortificato di Trene ; radius d’ours des cavernes avec traces de découpe ; a : agrandissement 10 ; métacarpien juvénile avec stries de découpe ; b : agrandissement 12. Covolo Fortificato di Trene; cave-bear radio with cut mark; a: 10 enlargement; juvenile metacarpal with cut mark; b: 12 enlargement.

Si l’on considère des comparaisons ethnographiques avec des chasseurs sibériens, la plupart des tribus tels que les Ghiliachi, les Coriachi, les Turques de l’Altaï, mange la viande de l’ours ; les Uriangkai au contraire considèrent la consommation de la viande d’ours comme un acte de cannibalisme, ne faisant pas de distinction entre l’ours et l’homme (Lot-Falck, 1953). De la littérature sur la chasse à l’ours du XVIIIe siècle à aujourd’hui, il ressort que l’hiver est la période

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la plus propice pour la chasse. La stratégie la plus fonctionnelle, adoptée chez les peuples chasseurs, est celle qui consiste à surprendre l’animale durant l’état d’hibernation, car les autres modalités d’actions pourraient se révéler trop risquées pour le chasseur, comme semble en témoigner l’accident documenté par les découvertes de la Grotte di Bichon (Morel, 1993) dans le Jura Suisse, où s’est formée l’hypothèse que le chasseur avait trouvé la mort suite à la rencontre de sa proie. Chez les Aïnu, un calendrier spécifique des activités établit les périodes les plus avantageuses pour la prédation de l’ours, qui coïncident avec une série de rites : mi-novembre les hommes les plus jeunes chassent l’ours sur les montagnes ; en février se terminent les rites associés, tandis que début mars est la période idéale pour la capture de jeunes oursons, nés quelques mois auparavant ou ayant entre une ou deux années (Coon, 1971). Chez les Nunamiut, dans le Nord-Est et le Nord-Ouest de l’Alaska, la période de chasse est programmée vers la fin de l’hiver, quand l’obscurité commence à s’atténuer, pour permettre d’obtenir une plus grande quantité de proie en identifiant les tanières avec les femelles et les petits. La stratégie de chasse est mise en œuvre par au moins trois chasseurs munis de lance qui réveillent l’animal en jetant des braises dans la tanière, l’incitant à sortir. Le chasseur provoque l’ours jusqu’à ce que celui-ci ne se trouve déséquilibré en avant, s’empalant au niveau de la gorge ou du cœur sur une lance précédemment fichée dans le sol. Le dépeçage et de dépouillement ont lieu à l’entrée de la tanière, en faisant attention de prélever la fourrure dans de bonnes conditions (Binford, 2002). Si on considère la torpeur et le métabolisme ralenti d’un ours en état d’hibernation (réduction du rythme cardiaque, réduction de la fréquence respiratoire, basse température du corps), il n’est pas difficile d’imaginer une technique de chasse à surprise de la part des chasseurs paléolithiques, même en sachant que la proie en question était le plus grand représentant de l’ordre des carnivores. Les individus jeunes ou jeunes-adultes devaient aussi être particulièrement vulnérables au moment où, après le réveil de l’hibernation et la reprise graduelle des activités, leur mère s’éloignait afin d’explorer la surface d’hivernage, comportement que l’on retrouve d’ailleurs chez les populations vivantes. 6. Résultats et interprétations L’étude des restes fauniques de la niche terminale du Covolo Fortificato di Trene a contribué à enrichir les connaissances sur la dynamique d’établissement des populations d’ours des cavernes sur les Collines Berici qui, d’après les nouvelles données à disposition, s’avèrent avoir joué un rôle significatif dans l’économie des chasseurs épigravettiens. En général, dans la zone béerique, dans les sites paléolithiques étudiés tels que la Grotte del Broion, Riparo del Broion, la Grotte del Col della Stria et la Grotte Maggiore di San Bernardino, il apparaît que ce grand animal est toujours le carnivore le plus représenté. Les Collines, pour ces ursidés, devaient représenter une sorte de zone refuge, une zone où les animaux trouvaient des ressources trophiques et un abri adapté pour supporter les hivers rigoureux. Cette affirmation est confirmée aussi par la révision taxinomique de l’échantillon osseux qui, malgré la période considérée, paraît distinguer une probable oscillation de la température, à caractère plus tempérée pendant le deuxième Pléniglaciaire Wurmien, thèse soutenue par la dominance de l’élan, du cerf, de quelques éléments sporadique de chamois et de sanglier qui vont s’ajouter à quelques rares restes de bouquetin et de marmotte.

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L’exposition des grottes, placées généralement le long de versants plutôt abrupts et forestiers et exposés sud-sud est, offrait une niche protégée et moins exposée aux intempéries. La mortalité des ours actuels et de l’espèce disparue tend à avoir un caractère cyclique chez les individus jeunes, surtout durant la fin de l’hibernation. La cause de cela est à rechercher dans le fait que ces classes d’âge étaient celles qui, avec la plus grande possibilité, risquaient de ne pas réussir à emmagasiner une quantité suffisante de gras pour parvenir à franchir le long et rigoureux hiver (Kurten, 1972). La pénurie de restes appartenant à des adultes de deuxième et troisième classe et à des individus âgés, ajouté à la découverte de nombreuses dents déciduales et à des jugales sans usure, fait penser que la grotte était essentiellement choisie par des femelles pour l’accouchement et le sevrage des petits au cours des premières années de vie. Cette hypothèse est aussi en accord avec la taphonomie, puisque la plupart des activités de piétinement (trampling) provoquées par des animaux de taille moyenne et grosse à l’intérieur du Covolo correspond à la macro unité stratigraphique B (B1, B2, B3). Pour les Berici, une comparaison indispensable pour la définition du Covolo en tant que « niche–abri », doit être faite avec la Grotte voisine de Paina, dans laquelle sont présentes de nombreuses stries de piétinement et une meilleure conservation des os petits et compacts par rapport aux os longs (Parere et al., 2006). Des analogies entre les deux cavités se retrouvent également au niveau de leurs dimensions relativement réduites, optimales pour que les femelles puissent défendre leur progéniture. La Grotte del Broion est différente, plus étendue et profonde, avec une dominance des individus adultes. L’analyse archéozoologique des restes provenant de la niche terminale du Covolo, a révélé que l’ours des cavernes avait eu un rôle dans l’économie des chasseurs paléolithiques pendant le franchissement du dernier maximum glaciaire. Les restes d’ours intéressé par de la boucherie proviennent des unités stratigraphiques B et B2. Dans cette dernière, on a trouvé une industrie lithique composée principalement de gravettes, de pointes à dos et à cran et de charbons. Les restes avec des traces témoignent de certaines phases de la chaîne d’abattage de l’animal : des stries sur les articulations des pattes antérieures et postérieures, sur métacarpien et calcaneus, comme aussi comme sur deux hémimandibules, sont imputables très probablement à l’action de dépouillement pour récupérer la fourrure. Différents, au contraire, semblent être les cas d’un humérus et d’un radius qui présentent des stries d’orientation transverse à l’axe longitudinal de l’os, situées près des épiphyses distales, qui semblent indiquer outre la pratique du dépouillement, des gestes liés à la décarnisation ou au détachement des tendons. Parmi les rares restes altérés par le feu (NR = 4), deux pièces sont des fragments d’hémimandibules, dont une porte une encoche de percussion. Il est particulièrement intéressant de noter que les éléments avec des traces anthropiques sont attribuables à des animaux jeunes ou sub-adultes (adultes de la première tranche) ; choix probablement déduit de la qualité et de la plus grande douceur de la fourrure et, dans le cas d’une chasse, de la facilité de la capture. Des analogies dans la période de fréquentation des collines et dans le type d’industrie découvertes, ont été relevées dans les grottes de Paina et du Buso Doppio (Broglio et al., 2009). À Paina, l’unité stratigraphique 6 datée sur os à 20,1 et 19,4 14C années B.P. (Tableau 3) présente un ensemble lithique homogène avec des matériaux se référant à l’épigravettien ancien à cran, où des analyses archéozoologiques n’ont pu distinguer l’utilisation directe d’outils lithiques

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sur l’ours, mais une situation faunistique avec du cerf, du chevreuil et du sanglier. Une analyse morphologique et fonctionnelle des pointes à cran de l’unité stratigraphique 6 de cette même grotte témoigne que les armures étaient lancées, avec la présence de dix fractures causées par impact sur 19 pointes, localisées surtout sur la portion distale des artefacts (Broglio et al., 1993). L’hypothèse selon laquelle les pointes de grandes dimensions étaient destinées à frapper des animaux de grande taille, pourrait être confortée par les évidences anthropiques relevées sur de l’élan et de l’ours des cavernes dans les niveaux épigravettiens de Treneours. La Grotte del Buso Doppio, dont les analyses multidisciplinaires sont encore en cours d’acquisition, conserve, elle aussi, des éléments à cran. Parmi les résultats préliminaires de ce site, quelques éléments d’ours des cavernes portant des traces d’abattage ont une importance fondamentale. Récente et révélatrice est la découverte d’éléments en silex, provenant d’Ombrie et des Marches, employés dans les trois sites (Broglio et al., 2009). En concluions de cet exposé, il n’est pas difficile d’imaginer des incursions des chasseurs épigravettiens venus aussi d’autres territoires (400 km sur), qui, durant des périodes climatiquement défavorables, devaient se replier dans des zones non « compromises » par la présence de glaciers. Sur leur chemin, ces chasseurs-cueilleurs, dans le cas de Trene, semblent avoir chassé ou exploité de manière opportuniste des individus jeunes et adultes afin de récupérer la fourrure.

Fig. 8. Grotte del Buso Doppio : atlas d’ours des cavernes avec traces de découpe : a : agrandissement 10 ; première phalange d’ours des cavernes avec traces de découpe : b : agrandissement 12. Grotta del Buso Doppio: cave-bear atlas with cut marks: a: 10 enlargement; cave-bear first phalanx with cut marks; b: 12 enlargement.

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Une telle attention vis-à-vis du carnivore est confirmée aussi par des éléments avec des traces dans la Grotte del Buso Doppio, dont une interprétation est encore prématurée (Fig. 8a, b). Des analyses supplémentaires liées à l’achèvement de l’exploration de la zone étudiée, et sur des lames minces de dents du plantigrade conservée dans les restes avec traces, pourront fournir d’importantes informations quant à la saisonnalité et à la modalité de fréquentation du territoire par les premiers chasseurs épigravettiens. Remerciements Les auteurs remercient les Pr Alberto Broglio et Marco Peresani pour leur disponibilité et leurs suggestions, les Gruppo Grotte « Gustavo Trevisiol » du CAI du Vicenza, et l’administration municipale du Nanto. Ils tiennent également à remercier les Dr Mirco de Stefani et Stefano Bertola qui ont contribué de différentes manières à cette recherche. Une reconnaissance spéciale à Marie Pousset pour l’aide fondamentale dans la traduction du texte. Références Allegranzi, A., Bartolomei, G., 1956. Unghiate di Orso speleo nei Colli Berici (Vicenza). Annali dell’Università di Ferrara 2 4, 207–212. Bartolomei, G., 1960. Nota preliminare sulla Fauna della Grotta Maggiore di S. Bernardino nei Colli Berici (Vicenza). Annali dell’Università di Ferrara 9, 3, 7, 199–225. Bartolomei, G., Broglio, A., Cattani, L., Cremaschi, M., Lanzinger, M., Leonardi, P., 1988. Nuove ricerche nel deposito pleistocenico della Grotta di Paina sui Colli Berici (Vicenza). Atti dell’Istituto Veneto di Scienze Lettere e Arti 146, 111–160. Binford, L., 2002. L’interaction ethnographique homme-ours et les gisements européens d’ours des cavernes. In: Tillet, T., Binford, R. (Eds.), L’Ours et l’Homme. Actes du colloque d’Auberives-en-Royans (4–6 novembre 1997). Service de Préhistoire, Liège, pp. 141–155. Broglio, A., 2003. Observations sur la chronologie du Gravettien et de l’Epigravettien ancien en Vénétie. Chronologies géophysiques et archéologiques du Paléolithique supérieur. Comptes Rendus du Colloque International de Ravello (3– 8 mai 1994), Bari, pp. 243–245. Broglio, A., Bertola, S., De Stefani, M., Gurioli, F., 2009. The Shouldered Points of the Early Epigravettian of the Berici Hills (Venetian Region-North of Italy). Materials, Blanks, Typology, Exploitation. Understanding the Past. Papers offered to Stefan K. Kozlowski. Center for Research on the Antiquity of Southeastern Europe. University of Warsaw, Warsaw, pp. 59–68. Broglio, A., Chelidonio, G., Longo, L., 1993. Analyse morphologique et fonctionnelle des pointes à cran de l’Epigravettien ancien. In: Anderson, P., Beyries, S., Otte, M., Plisson, H. (Eds.), Traces et fonctions, les gestes retrouvés. Actes du Colloque international de Liège 1990, 50. Éditions ERAUL, pp. 31–39. Broglio, A., Improta, S., 1995. Nuovi dati di cronologia assoluta del Paleolitico superiore e del Mesolitico del Veneto, del Trentino e del Friuli. Atti dell’Istituto Veneto di Scienze, Lettere e Arti 153, 1–45. Cassoli, P.F., Tagliacozzo, A., 1994. I resti ossei di macromammiferi, uccelli e pesci della Grotta Maggiore di San Bernardino sui Colli Berici (Vi): considerazioni, paleoecologiche e cronologiche. Bullettino di Paletnologia Italiana 85, 1–71. Cattani, L., 1990. Steppe environments at the margin of the Venetian Pre-Alps during the Pleniglacial and Late-Glacial periods. In: Cremaschi, M. (Ed.), The Loess in Northern and Central Italy: a Loess Basin between the Alps and the Mediterranean Region, 1. Quaderni di Geodinamica Alpina e Quaternaria, pp. 133–137. Coon, S.C., 1971. I popoli cacciatori. Bompiani, Milano, 488 p. Gurioli, F., Cappato, N., De Stefani, M., Tagliacozzo, A., 2006a. Considerazioni Paleontologiche, Paleoecologiche e Archeozoologiche dei livelli del Paleolitico superiore del Riparo del Broion (Colli Berici, Vicenza). Actes du V Convegno Nazionale di Archeozoologia, Rovereto 5, pp. 47–56. Gurioli, F., Parere, V., Sala, B., 2006b. La fauna del wurmiano medio della Grotta di Paina (Colli Berici, Vicenza). Actes du V Convegno Nazionale di Archeozoologia, Rovereto 5, pp. 27–32. Kurten, B., 1972. L’orso delle caverne. Le Scienze 46, 62–69.

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