Cancer/Radiother 6 (2002) Suppl 1 : 13s–23s www.elsevier.com/locate/canrad
Mise au point
Chimioradiothérapie dans le traitement adjuvant des adénocarcinomes gastriques : réelle avancée ? Adjuvant chemoradiotherapy for adenocarcinoma of the stomach. A new progress? L. Mineur a,*, F. Lacaine b, M. Ychou c, J.F. Bosset d, A. Daban e a Institut Sainte–Catherine, chemin du Lavarin, 84082 Avignon cedex, France Hôpital Tenon, Service de chirurgie digestive, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France c Service d’oncologie, Centre régional de lutte contre le cancer Val d’Aurelle, 326, rue des Apothicaires, 34298 Montpellier, France d Service de radiothérapie, Centre hospitalo-universitaire de Besançon, bd Flemming, 25000 Besançon, France e Service de radiothérapie Centre hospitalo–universitaire La Mileterie, 86021 Poitiers, France b
Résumé La fréquence des récidives locales, régionales et métastatiques des cancers gastriques a incité les chirurgiens à élaborer de nouvelles approches chirurgicales avec un curage ganglionnaire étendu. Mais de ce fait, les taux de complications et de mortalité postopératoire sont passés respectivement de 25 à 48 % et de 4 à 13 % dans des essais randomisés. Aucun bénéfice de survie n’a pu être démontré. De même, plusieurs méta-analyses concernant la chimiothérapie n’ont pas retrouvé d’amélioration de la survie. Le débat sur le traitement adjuvant a été relancé depuis la parution de la première étude évaluant le rôle de la chimioradiothérapie postopératoire, qui a montré une amélioration des taux de survie globale et de survie sans récidive à 3 ans pour des patients n’ayant pratiquement pas eu de curage étendu. C’est ainsi que la probabilité de survie globale est passée de 41 % après chirurgie seule à 50 % après chimioradiothérapie postopératoire, et celle de survie sans récidive de 31 % à 48 %. Cette étude a également montré que le contrôle local de la maladie augmente la probabilité de survie des patients si le volume cible anatomo-clinique inclut les aires ganglionnaires correspondant à un curage étendu (ganglions périgastriques, cœliaques, spléniques, hépato-duodénaux et duodéno-pancréatiques), le lit opératoire et les anastomoses. Elle pose également la question du nouveau traitement standard des cancers gastriques opérés avec un curage peu étendu. Cette technique est acceptable de part la faible mortalité qu’elle induit (1 %). L’observance reste également bonne puisque 17 % des patients ont arrêté le traitement du fait de la toxicité induite. Les difficultés techniques de la radiothérapie et la prise en charge nutritionnelle, qui sont des points critiques dans la mise en œuvre de ces traitements, sont également abordés. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Frequency of local and distant failures after gastrectomy has led to extended lymph nodes dissection to obtain a better locoregional control. However, five year survival rates were not significantly different between patients undergoing D2 and D1 lymphadenectomy, and higher morbidity and post operative deaths were reported in large randomised trials (respectively 25% vs 48% and 4 vs 13%). Additionally, several metanalysis failed to demonstrate a significant survival advantage with adjuvant chemotherapy. The results of the first trial demonstrating one advantage to adjuvant post-operative chemoradiotherapy should modify the standard care. Disease free and overall survival after surgery alone and after surgery and concurrent chemoradiotherapy were respectively 31% vs 48% and 41% vs 50%. The intergroup trial demonstrate that better local control improve survival if radiation fields include stamps, tumour bed, proximal nodal chains and nodes corresponding to D2 extended lymph nodes dissection. Treatment was feasible with few severe toxic effects (1%). Of the
* Auteur correspondant. Tél. : +33-4-90-27-62-68 ; fax : +33-4-90-27-62-83. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Mineur). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 1 2 7 8 - 3 2 1 8 ( 0 2 ) 0 0 2 1 3 - 5
14s
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281 patients, 17% stopped treatment because toxic effects. Technical modalities of radiotherapy and post–operative nutrition support, which are critical points of interest for this treatment, are also discussed. © 2002 E´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Cancers gastriques; Radiothérapie; Chimiothérapie; Traitement adjuvant; Chirurgie Keywords: Gastric carcinoma; Surgery; Adjuvant chemotherapy; Radiotherapy
1. Introduction On estime à 7 300 le nombre de nouveaux cas de cancers gastriques chaque année en France. Ce nombre diminue depuis 25 ans. Le cancer gastrique représente 3 % des nouveaux cas de cancers chaque année. L’incidence, estimée à 15,6/100 000 atteint 142/100 000 vers l’âge de 85 ans. Les chances de survie à 5 ans des patients atteints d’un adénocarcinome gastrique opéré restent médiocres mais semblent s’améliorer depuis 20 ans pour atteindre 45 % après une exérèse à visée curative [5,15,44,48,54]. Récemment, la chimioradiothérapie a été évaluée dans un large essai contrôlé et a apporté une amélioration significative des chances de survie. Elle n’est cependant pas largement appliquée et ce pour plusieurs raisons : scepticisme sur la valeur de cette approche, manque d’expérience des radiothérapeutes, en particulier dans la définition des volumes cibles, et crainte de la toxicité. Cette mise au point a pour objectif de revenir sur les raisons de cette nouvelle approche, de définir les conditions de sa mise en pratique et d’aborder les aspects techniques de la radiothérapie gastrique.
2. La chirurgie du cancer gastrique La gastrectomie associée au curage ganglionnaire reste le traitement de base du cancer de l’estomac. La chirurgie a pour but une résection macro- et microscopiquement complète (R0), d’effectuer une exérèse ganglionnaire et de rétablir le circuit digestif. De la qualité de cette chirurgie dépendent les taux de récidive locorégionale et de survie. En Europe, le taux de survie à 5 ans est passé de 15 % à 26 % entre 1978 et 1989 [25]. En France, des données issues d’études de population ont montré que cette amélioration était liée à une diminution de la mortalité postopératoire attribuée à l’amélioration des techniques opératoires et de réanimation [54]. Cette amélioration du taux de survie est retrouvée dans la population américaine [15].
3. Faut-il faire une gastrectomie totale ou partielle ? Dans les cancers de l’antre gastrique, deux études contrôlées ont comparé la gastrectomie totale à la gastrectomie
subtotale (dite « des 3/4 » ou « des 4/5 ») [12,13,29]. Une étude contrôlée comparant une gastrectomie totale et une gastrectomie partielle a inclus 169 patients. Les résultats ont d’abord été rapportés en termes de morbidité et de mortalité après les deux types d’exérèse, puis secondairement de survie [12,13]. Quatre-vingt-treize patients ont eu une gastrectomie totale et 76 une gastrectomie partielle. Il n’y avait pas de différence en termes de mortalité iatrogène entre les deux groupes, respectivement 1,3 % et 3,2 %. Le taux de survie à 5 ans n’était pas différent (48 % dans les deux bras) [29]. Une étude menée en Italie a confirmé ces résultats sur 624 malades, 304 qui ont eu une gastrectomie totale et 320 une gastrectomie partielle. Les taux de mortalité opératoire et de morbidité n’étaient pas différents d’un groupe à l’autre (2 % et 13 % respectivement pour le groupe gastrectomie totale, 1 % et 9 % respectivement pour le groupe gastrectomie partielle). La splénectomie (plus fréquente dans le groupe gastrectomie totale, 18 % contre 5 %) multipliait par 2 le risque de complication postopératoire [12]. Les probabilités de survie à 5 ans étaient respectivement de 62,4 % après gastrectomie totale et 65,3 % après gastrectomie partielle [13]. Ces études contrôlées ont montré l’absence de bénéfice d’une gastrectomie totale chez les malades atteints d’un cancer de l’antre. Il est donc légitime de limiter chez ces malades l’exérèse à une gastrectomie partielle, qui a de plus l’avantage d’avoir moins de conséquences nutritionnelles.
4. L’extension ganglionnaire Le taux de survie à 5 ans des patients est fonction de l’envahissement ganglionnaire et du nombre de ganglions envahis (Tableau 1) [58]. L’application de la classification UICC/AJCC de 1997 nécessite l’analyse d’au moins 15 ganglions [63]. La classification japonaise du cancer gastrique reconnaît 16 sites ganglionnaires principaux (Fig 1). Ces sites se répartissent en 3 niveaux N1,N2 et N3. Le groupe N1 comprend les ganglions périgastriques de 1 à 6, le groupe N2 les ganglions pédiculaires de 7 à 11 et le groupe N3 les ganglions de 12 à 14. Le drainage lymphatique dépend du site de la tumeur (Tableau 2). Par exemple pour les cancers de l’antre gastrique, l’extension lymphatique se fait vers les sites ganglionnaires de la grande et de la
L. Mineur et al. / Cancer/Radiother 6 (2002) Suppl 1 : 13s–23s Tableau 1 Taux de survie globale à 5 ans selon l’atteinte ganglionnaire. Classification TNM de l’UICC de 1997 [58] Nombre de ganglions atteints
1à6
7 à 15
> 15
Taux de survie à 5 ans .
45,5 %
29,7 %
10,4 %
15s
petite courbure (n° 3 et 4) vers les ganglions sus- et sous-pyloriques (n° 5 et 6) puis en haut vers les ganglions paracardiaques droits (n° 1), coronaires stomachiques (n° 7) et enfin cœliaques (n° 9) et de l’artère hépatique commune (n° 8). Pour certains, seuls les cancers du tiers supérieur de l’estomac se drainent vers le hile splénique [17,40]. 4.1. Quel type de curage ganglionnaire ? L’étendue du curage ganglionnaire est sujette à discussion. Au Japon, il est pratiqué un curage extensif dit D2 qui s’étend aux ganglions des groupes N1 et N2. Cette chirurgie large emporte en bloc les grand et petit épiploons, le feuillet superficiel du mésocôlon transverse et du péritoine prépancréatique. Pour les cancers du tiers supérieur de l’estomac, une spléno-pancréatectomie doit être réalisée pour inclure dans le curage D2 les ganglions 10 et 11 correspondant aux ganglions de l’artère et du hile splénique. Cette technique entraîne une morbidité et une mortalité importantes. Quatre études contrôlées ont comparé un curage de type D1 à un curage de type D2 (Tableau 3) [10,19,20,57]. Dans l’essai anglais, seuls les malades atteints de cancer de stades I à III étaient inclus, la randomisation étant réalisée après staging peropératoire [20]. Sur 737 malades enregistrés, 400 étaient éligibles (200 dans chaque groupe). Il y avait significativement plus de décès postopératoires (13 % contre 6,5 %) et plus de désunions anastomotiques (13 % contre 5,5 %) après curage D2 qu’après curage D1. De plus, le curage D2 n’améliorait pas le taux de survie à 5 ans (33 % dans le groupe D2 contre 35 % dans le groupe D1). La splénopancréatectomie caudale associée augmentait significativement la morbidité et la mortalité.
Fig. 1. Représentation des sites de drainage ganglionnaire de l’estomac. Classification japonaise des groupes ganglionnaires [37] N1 comprend les ganglions péritumoraux de 1 à 6. N2 regroupe les ganglions pédiculaires de 7 à 11. N3 représente les ganglions à distance de 12 à 14. Légende : 1,2 paracardiaques droits et gauches ; 3,4 petite et grande courbure ; 5,6 sus-pylorique et sous pylorique ; 7 coronaire stomachique ; 8 artère hépatique commune ; 9 tronc cœliaque ; 10 hile de la rate ; 11 artère splénique ; 12 artère hépatique propre ; 13 rétro-duodénopancréatique ; 14 racine du mésentère ; 15 mésocôlon ; 16 pré-aortique, 17et18 péripancréatiques antérieurs et inférieurs.
L’essai hollandais a inclus près de 1 000 malades et a bénéficié d’un expert japonais à l’initiation de l’étude [10].
Tableau 2 Type de curage en fonction du siège de la tumeur selon la classification japonaise et groupes ganglionnaires réséqués en fonction du type de gastrectomie [40] Tumeur proximale
Tumeur du tiers moyen
Tumeur du tiers inférieur
N1 proximaux N2 distaux
1, 2, 3, 4 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
1, 3, 4, 5, 6 1, 3, 4, 5, 6, 2, 7, 8, 9, 10, 11
3, 4, 5, 6 3, 4, 5, 6, 1, 7, 8, 9
Gastrectomie
D1
D2
D3
Totale Subtotale Proximale .
1à6 3à6 1à4
1 à 11 1, 3 à 9 1 à 11
1 à 16 1 à 16 1 à 16
Tableau 3 Études randomisées évaluant le curage D1 et D2 dans le traitement chirurgical des cancers gastriques Étude
Effectif
Taux de survie à 5ans curage D1
Taux de survie à 5ans curage D2
Dent et al. 1988 [20] Robertson et al. 1994 [57] Cushieri et al. 1996 [19] Bonenkamp et al. 1995 [10] .
43 55 400 711
78 % 60 % 35 % 45 %
76 % 40 % 33 % 47 %
16s
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Il y a eu 711 résections à visée curative et 380 interventions de type D1 ont été comparées à 331 de type D2. La seule différence entre les deux groupes portait sur le nombre de spléno-pancréatectomies gauches, qui était significativement supérieur dans le groupe D2. Il y avait plus de décès postopératoires dans le groupe D2 que dans le groupe D1 (10 % contre 4 %, p < 0,004), plus de complications (43 % contre 25 % ; p < 0,001). Enfin, les taux de survie à 5 ans étaient semblable entre les 2 groupes, 45 % contre 47 %. Les taux de récidive locorégionale étaient de 36 % et 27 % (ns). Pour conclure, les études contrôlées européennes n’ont pas conclu au bénéfice de l’extension du curage ganglionnaire.
5. Traitements adjuvants 5.1. Place de la radiothérapie Un essai contrôlé ayant inclus 436 patients [4,32] a comparé une chirurgie seule à une chirurgie suivie d’une radiothérapie de 45 Gy en 25 séances ou d’une chimiothérapie avec 8 cycles de 600 mg/m2 de 5-fluoro-uracile, 30 mg/m2 de doxorubicine et 4 mg/m2 de mitomycine. Les taux de survie étaient respectivement de 20 %, 12 % et 19 %, sans différence significative. Les taux de récidive locale étaient de 57 % pour la chirurgie, 31 % pour la radiothérapie et 35 % pour la chimiothérapie seule. Cette étude montre que la chimiothérapie permet de diminuer le taux de récidive locale, au même titre que la radiothérapie. Aucun des deux traitements ne paraissant pouvoir améliorer les chances de survie. La radiothérapie préopératoire a été très peu étudiée. Shepotin et al. ont rapporté les résultats d’une étude comparant une chirurgie seule, une chirurgie précédée d’une radiothérapie et une chirurgie précédée d’une association de radiothérapie et d’hyperthermie. La radiothérapie préopératoire était de 20 Gy en 4 séances. L’hyperthermie était fournie par une source locale de micro-ondes [60]. Les patients recevant radiothérapie et hyperthermie avaient un bénéfice de survie à 5 ans. La radiothérapie préopératoire n’apportait pas d’amélioration de la survie. Deux études randomisées ont étudié le rôle de la radiothérapie peropératoire. Abe et al. ont montré que les taux de survie à 5 ans étaient de 83 %, 62 % et 14,7 % en cas de cancer de stades II, III et IV contre 61,8 %, 36,6 % et 0 % après chirurgie seule [1]. Sindelar et al. ont comparé une radiothérapie peropératoire de 20 Gy à une radiothérapie externe de 50 Gy et à la chirurgie seule chez 41 patients. Aucune différence de survie n’a été retrouvée mais le taux de récidive locale était plus faible dans le bras radiothérapie peropératoire [61]. Celle-ci reste un concept intéressant mais difficile à mettre en œuvre car elle nécessite une
logistique lourde et une coordination parfaite entre les services de radiothérapie et de chirurgie. Les deux plateaux techniques doivent se trouver au sein d’une même structure. De plus, elle repose sur une identification très précise des sites potentiels de récidive locale. 5.2. Place de la chimiothérapie adjuvante Elle n’est toujours pas établie malgré les nombreuses études qui ont été réalisées. Il faut distinguer les études asiatiques, et notamment japonaises, des études occidentales. Au Japon, la chimiothérapie adjuvante, à base de tégafur et/ou de mitomycine, le plus souvent associée à une immunothérapie, est considérée comme un standard thérapeutique depuis plusieurs années après études contrôlées. À l’inverse, la plupart des essais occidentaux comparant une chimiothérapie postopératoire à une chirurgie seule, se sont avérés négatifs. Ces résultats peuvent être résumés par les 4 méta-analyses publiées à ce jour, regroupant à chaque fois des essais randomisés comparant chirurgie seule et chirurgie suivie d’une chimiothérapie [24,34,36,47]. La quatrième a été publiée en 2001, regroupant 21 essais avec un avantage relatif (odds ratio, OR) à utiliser la chimiothérapie du même ordre que dans les trois autres méta-analyses, soit de 0,84 (0,74–0,96) [36]. Cependant, le bénéfice est nul lorsque ne sont retenues que les études occidentales (OR = 0,96) alors qu’il est très net pour les essais asiatiques (OR = 0,58). Au total, ces 4 méta-analyses, dont la méthodologie n’est pas idéale car basée sur les résultats des publications et non sur les données individuelles, ne permettent pas d’affirmer un bénéfice secondaire à une chimiothérapie adjuvante postopératoire chez les patients occidentaux. Elles donnent cependant une idée des objectifs (4 % de différence de survie) que devrait se fixer une étude contrôlée de chimiothérapie adjuvante. Les résultats récents de 2 essais comportant la chirurgie comme bras de référence, non inclus dans la dernière méta-analyse sont aussi négatifs. L’étude de la FFCD (Fondation française de cancérologie digestive) a été présentée par Ducreux et al. en 2000. Elle a comparé l’association de 5-fluoro-uracile en perfusion continue et de cisplatine avec un taux de survie à 5 ans de 48 % dans le bras chirurgie puis chimiothérapie contre 43 % dans le bras chirurgie seule (p = 0,37) [23]. Une étude italienne publiée en 2002 a testé une chimiothérapie par étoposide, adriamycine et cisplatine puis 5-fluororuracile-acide folinique ; les taux de survie à 5 ans étaient de 52 % et 48 % avec et sans chirurgie (ns) [9]. La chimiothérapie néoadjuvante suivie par une chimiothérapie intrapéritonéale postopératoire pour des cancers gastriques résécables a été développée essentiellement par deux équipes américaines. L’étude contrôlée de Kelsen utilisait une association de 5-fluoro-uracile, adriamycine et
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méthotrexate par voie intraveineuse (FAMTX) et de 5-fluoro-uracile-cisplatine par voie intrapéritonéale et celle de Crookes de 5-fluoro-uracile-acide folinique-cisplatine par voie intraveineuse et de FUDR-platine par voie intrapéritonéale. La dernière étude a montré des résultats inhabituels en termes de survie (durée médiane de survie > 4 ans), mais la sélection des patients y était certainement très favorable. À ce jour, seuls les résultats de deux études de phase III ont été communiqués. Une étude asiatique rapportée par Kang en 1996 n’a toujours pas fait l’objet depuis de nouvelle publication [38]. L’efficacité de deux à trois cycles de chimiothérapie d’induction par cisplatine, étoposide et 5-fluoro-uracile était comparée à une chirurgie première. Cent sept patients ont été randomisés dans les deux bras et alors qu’il y avait un effet de « downstaging » en faveur du bras chimiothérapie première, les courbes de survie n’étaient pas différentes. Plus récemment, ont été publiés les résultats de l’étude randomisée hollandaise ayant testé le protocole FAMTX dans cette situation. Cette étude n’a pu être menée à bien en raison d’un recrutement trop faible (effectif atteint : 56 patients) et il n’y avait aucune différence significative entre les deux bras. Deux études sont en cours en Europe : l’une menée par l’EORTC (European Society for Research and Treatment of Cancer) teste le schéma décrit par Fink en phase II avec du cisplatine, de l’étoposide et de la doxorubicine et l’autre menée par la FNCLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer) et la FFCD en France teste l’association 5-fluoro-uracilecisplatine avant la chirurgie sur des adénocarcinomes œsocardiogastriques à priori résécables. Au total, la chimiothérapie néoadjuvante ne peut pas être actuellement un standard dans les adénocarcinomes gastriques. 5.3. Place de la chimioradiothérapie L’intérêt d’un traitement locorégional a été mis en évidence dans des études déjà anciennes [6]. Dent et al. ont rapporté en 1979 les résultats d’un essai randomisé qui a comparé chez 66 patients une chirurgie seule ou avec une chimioradiothérapie avec du 5FU et du thiotépa. Les taux de survie à 3 ans étaient de 38 % avec la chimioradiothérapie et de 28 % avec la chirurgie seule (NS) [20]. La qualité de vie a été étudiée et il n’y avait pas de différence entre les deux bras. Deux études randomisées ont été publiées pour des patients opérés avec une résection incomplète. L’étude du GITSG (Gastrointestinal Tumor Study Group) a comparé chez 90 patients une chimiothérapie seule ou associée à une radiothérapie de 50 Gy et une chimiothérapie concomitante par 5-fluoro-uracile délivré pendant 5 jours toutes les 5 semaines à la dose de 375 mg/m2 ou à 325 mg/m2 si associé au méthyl-CCNU. Le méthyl-CCNU était délivré toutes les 10 semaines per os à la dose de 150 mg/m2. Le taux de
17s
survie à 5 ans était de 18 % dans le bras chimioradiothérapie contre 6 % dans le bras chimiothérapie seule [28]. La radiothérapie a été évaluée dans les cancers non résécables en association ou non à la chimiothérapie. Moertel et al. ont montré qu’une radiothérapie postopératoire de 37,5 Gy associée à du 5-fluoro-uracile en bolus les trois premiers jours de la radiothérapie permettait d’obtenir une médiane de survie significativement plus longue que la chirurgie seule (13 mois contre 5,9 mois) et un taux de survie à 5 ans de 23 % contre 4 % (p < 0,05) [51]. Quatrevingt-dix pour cent des patients avaient une atteinte ganglionnaire. Le taux de récidive locale était de 39 % avec la chimioradiothérapie postopératoire contre 54 % avec la chirurgie seule. Chez 186 patients non opérés, Falkson et al. ont comparé une radiothérapie seule de 20 Gy à une chimiothérapie seule avec du 5-fluoro-uracile et à la chimioradiothérapie [26]. La randomisation a été arrêtée précocement car l’état général des malades traités dans le bras chimioradiothérapie s’améliorait dans 55 % des cas alors que chez ceux recevant une chimiothérapie seule il ne s’améliorait que dans 17 % des cas. La radiothérapie seule n’apportait aucun bénéfice. Le GITSG a essayé de confirmer ces résultats à travers un essai randomisé publié en 1990 ayant inclus 95 patients [27]. Une radiothérapie de 43,2 Gy associée à une cure de 5-fluorouracile, de doxorubicine et de méthyl CCNU (FAMe) et suivie de 6 cycles de FAMe, a été comparée à une chimiothérapie seule selon le protocole FAMe. Le taux de récidive locale était le même et celui de survie n’était pas significativement différent (7 % contre 11 % à 3 ans). Très récemment, le Southwest Oncology Group (SWOG) a conduit chez 556 malades opérés d’un cancer gastrique ou du cardia 1 essai randomisé testant une chimioradiothérapie adjuvante concomitante. Le traitement adjuvant comprenait 425 mg/m2/j de 5-fluoro-uracile et 20 mg/m2/j d’acide folinique pendant 5 jours puis, 28 jours après, une radiothérapie de 45 Gy de radiothérapie. Deux cycles de chimiothérapie étaient administrés pendant la radiothérapie. Un cycle était administré la première semaine de la radiothérapie avec 400 mg/m2/j de 5-fluoro-uracile et 20 mg/m2 d’acide folinique pendant 5 jours et un autre la dernière semaine pendant 3 jours. Un mois après la fin de la radiothérapie, 2 cycles de 425 mg/m2/j de 5-fluoro-uracile pendant 5 jours et de 20 mg/m2/j d’acide folinique étaient administrés à 28 jours d’intervalle. La durée médiane de survie a été de 27 mois dans le groupe chirurgie seule et de 36 mois dans le groupe chimioradiothérapie [45]. Trois patients (1 %) sont décédés de complication de la chimiothérapie. Une toxicité hématologique ou gastro-intestinale de grade 3 ou 4 est survenue respectivement chez 54 % et 33 % des malades dans le groupe chimioradiothérapie. Les autres effets secondaires étaient rares. Le taux de survie globale à 3 ans était de 50 % dans le bras chimioradiothérapie postopératoire et de 41 %
18s
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Tableau 4 Fréquence des récidives locorégionales et des métastases après chirurgie
Gunderson et al. 1982[31] Landry et al. 1990 [42] Bonenkamp et al. D1 1999[10] Bonenkamp et al. D2 1999[10] Macdonald et al. chirurgie 2001[45] Macdonald et al. chimioradiothérapie 2001[45] Baeza et al. 2001[8]* .
Effectif
RLR seule %
RLR et métastases %
RLR total %
Métastases seules %
107 130 380 331 275 281 52
27 16 13 11 29 19 13
25 22 23 16 NP NP 9
52 38 36 27 NP NP 22
11 30 7 16 18 33 32
RLR : récidive locorégionale. * Chimioradiothérapie postopératoire. NP : données non précisées.
dans le bras chirurgie seule (p = 0,005). Les auteurs ont conclu qu’une chimioradiothérapie postopératoire devait être envisagée chez tous les malades atteints d’un cancer gastrique ou du cardia à haut risque de récidive, après résection à visée curative. Cette étude a été critiquée du fait d’un curage à minima dit D0 ne prenant pas tous les ganglions de la lymphadénectomie D1 [7]. Cependant, le taux de survie à 5 ans du groupe chimioradiothérapie était de près de 45 % malgré un curage D0 réalisé dans 54 % des cas et la présence d’une atteinte ganglionnaire dans 84 %. La survie de ce groupe de patients avec curage limité et atteinte ganglionnaire fréquente, est proche de celle des patients avec un curage plus étendu et une atteinte ganglionnaire moindre [10]. De plus, le curage D0 ne permet d’analyser qu’un nombre moindre de ganglions. Le stade a probablement été sous-estimé car des tumeurs classées N0 deviendraient N+ après un curage plus étendu. Le taux de complications imputables au traitement a également été critiqué [2]. Trente pour cent des patients n’ont pas terminé le traitement devant l’apparition d’une toxicité hématologique, digestive ou autre. L’utilisation de faisceaux multiples et l’amélioration du protocole de chimiothérapie devrait permettre de diminuer significativement ce taux de complications [33,59]. La chimioradiothérapie adjuvante semble donc allonger la survie des patients lorsqu’il y a atteinte ganglionnaire, que le curage soit étendu ou pas. C’est un traitement standard aux États-Unis. Un essai randomisé (protocole GOCCHI 2000-01) qui a été débuté en Amérique du Sud compare une chimioradiothérapie avec une radiothérapie abdominale prophylactique de 21 Gy en 21 fractions avec un complément de 24 Gy dans le lit opératoire en 16 fractions. Une chimiothérapie concomitante est administrée 5j sur 7 avec 200-300 mg/m2 de 5-fluoro-uracile en perfusion continue [8]. Au total, la radiochimiothérapie adjuvante doit être prescrite si le curage n’est pas satisfaisant (curage D0). Pour les patients avec atteinte ganglionnaire, ou atteinte de la séreuse quel que soit le curage, la chimioradiothérapie doit être discutée [11,39].
6. Technique de radiothérapie 6.1. Dose et fractionnement La technique a été initialement décrite dès 1983 et les volumes à irradier définis après l’analyse des sites de récidives faite par Gunderson et al. [30]. Deux faisceaux opposés de 15 cm par 15 cm sont utilisés. La dose est de 45 Gy délivrée en 25 fractions et 5 semaines. 6.2. Définition du volume cible anatomo-clinique (CTV) Cette définition s’appuie sur les études documentant les sites de récidives. Une résection chirurgicale considérée comme potentiellement curative s’accompagne généralement d’un taux d’envahissement ganglionnaire de plus de 50 % [10,35,54] et de taux de récidives locale et métastatique respectivement de 67 % et 87,8 % [31]. Landry et al. ont analysé les dossiers de 130 patients opérés d’un adénocarcinome gastrique et suivis pendant 5 ans [42]. Le taux de récidive locorégionale était de 37 %, celui de récidive locorégionale isolée de 16 %. Les sites de récidive locorégionale étaient l’anastomose, le moignon gastrique, et les territoires ganglionnaires 1 à 11 selon la classification japonaise en incluant les ganglions para-aortiques. Une récidive locorégionale a été mise en évidence chez plus de la moitié des patients qui avaient une atteinte de la séreuse. Une récidive locorégionale isolée apparaissait plus fréquemment en cas d’envahissement ganglionnaire. Les récidives ganglionnaires isolées étaient rares : 8 % de la totalité des cas, 5 % des tumeurs de stades I et II (tumeurs classées T1T2T3N0 ou N1), 3 % si la séreuse était respectée. Lorsque la séreuse était atteinte, 7 % des patients ont eu une récidive ganglionnaire et 39 % une récidive locorégionale [42]. Gunderson et al. ont analysé les dossiers de 107 malades qui ont été réopérés. Cinquante pour cent des patients atteints de tumeur classée de stade pT2 pN+ ont eu une récidive locorégionale et 71 % de ceux qui avaient une
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tumeur de stades pT3, pT4 pN+ [31]. En conclusion, ces études montrent que la récidive dans le lit opératoire, sur le moignon gastrique ou l’anastomose, reste le site de récidive le plus fréquent (Tableau 4). Le volume cible anatomo-clinique doit donc comprendre l’anastomose œso-jéjunale ou gastro-jéjunale, le moignon gastrique, le lit gastrique reconstruit à partir d’une scanographie préopératoire et les aires de drainage ganglionnaire. Une reconstruction du positionnement de l’estomac avant l’intervention est recommandée. Idéalement, des clips sont mis en place par le chirurgien afin de délimiter le mieux possible le lit opératoire, le siège initial de la tumeur et les sites à risque de rechute (résidu macroscopique, résection avec adhérences suspectes, groupes ganglionnaires fixés). En cas de tumeur du fundus, la coupole diaphragmatique gauche est incluse dans le volume cible anatomo-clinique. Le moignon gastrique est visualisé par l’ingestion de baryte, de même l’anastomose. Si la scanographie est utilisée pour la définition des volumes cibles, elle a l’avantage de rechercher des signes précoces d’une carcinose ou de métastases hépatiques contre-indiquant la chimioradiothérapie [18]. Une atteinte du mésentère est recherchée. En effet, l’extension tumorale précoce peut se faire le long des fascias mésentériques (gastro-coliques ou mésocoliques). Ces fascias réalisent de véritables ponts anatomiques entre l’estomac, le pancréas et le côlon transverse. Une fixité anormale des anses grêles, une augmentation de la densité du mésentère ou des parois digestives sont des signes à rechercher. Pour la plupart des cancers gastriques, L3 représentera la limite inférieure du volume cible anatomoclinique. Cette limite inférieure permet d’inclure les ganglions n° 5, 6, 7, 8, 9 et 12 (Fig. 1). Les ganglions des territoires 10 et 11 sont inclus dans le volume cible anatomo-clinique pour les situations suivantes : tumeur du fundus (tiers supérieur de l’estomac), atteinte des ganglions paracardiaux droits (groupe 1), des vaisseaux courts de l’estomac (groupe 7), des vaisseaux gastro-épiploïques gauches (territoires 3, 4). Fréquemment, la proximité du lit opératoire (totalité de l’espace occupé initialement par l’estomac) et du hile splénique assure une couverture de ces aires ganglionnaires. Pour les ganglions aortiques (territoires 16a, 16b, 16c), Kunisaki et al. ont démontré en analyse multifactorielle qu’il y a une corrélation entre l’atteinte des ganglions péri-aortiques et celle des ganglions du hile et de l’artère splénique (territoires 10 et 11). Il en est de même de l’atteinte des ganglions de la petite courbure et des vaisseaux courts de l’estomac et des ganglions paracardiaux droits (territoires 1, 3, 7) [41]. La majorité des équipes chirurgicales n’effectue pas de curage péri-aortique et splénique. Il semble donc nécessaire d’inclure dans le volume cible anatomo-clinique les ganglions para-aortiques si les ganglions de la petite courbure, des vaisseaux courts et/ou des territoires 10 et 11 sont envahis.
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Pour les tumeurs du fundus ou de la jonction œsogastrique, l’inclusion des ganglions des territoires 5, 6 et 13 dans le volume cible anatomo-clinique est optionnelle s’il existe une atteinte ganglionnaire limitée. Cette situation permet de limiter la dose délivrée à la région duodéno-jéjunale et donc la toxicité digestive. Pour les tumeurs du tiers moyen de l’estomac tout le corps gastrique est inclus. 6.3. Définition du volume cible prévisionnel (PTV) La marge définissant le volume cible prévisionnel est de 2 cm [22,45]. Cette marge correspond aux erreurs de positionnement et aux mouvements des organes les uns par rapport aux autres. Caudry et al. proposent de réduire cette marge à 10 mm sous condition d’un contrôle rigoureux de la mise en place des patients (contention, laser, décubitus dorsal, imagerie portale…) [16]. 6.4. Organes critiques et complications Trois organes doivent être pris en compte de par leur proximité avec les volumes cibles : les reins, le foie, le cœur et l’intestin grêle. Le rein gauche est rarement épargné, notamment si la tumeur siège sur la grande courbure. Il faut s’assurer de la fonctionnalité relative des deux reins, soit par une urographie intraveineuse ou mieux une scintigraphie rénale au 99mTc-dimercapto-succinyl acid (DMSA). La fonction de chaque rein est alors mieux appréciée et il est possible d’objectiver une hypertrophie rénale compensatrice et de mesurer la clairance de la créatinine de chaque rein. La fonction rénale doit donc être connue avec précision, surtout chez les patients à risque (diabète, hypertension artérielle, terrain vasculaire…). Les toxicités aiguës et tardives potentielles de la radiothérapie sont ainsi mieux appréhendées chez les patients à risque (hypertension artérielle, diabète, population âgée, en rappelant que 50 % des patients opérés ont plus de 70 ans [54]). Dewitt et al. ont montré que l’irradiation de la totalité d’un rein diminuait la fonction glomérulaire et tubulaire de 60 % mais que la clairance de la créatinine ne diminuait que de 20 % [21]. Pour Smalley et al., la toxicité rénale est rare quand les trois quarts d’un rein sont conservés ou quand en termes de volume l’équivalent d’un rein est exclu du volume de radiothérapie [62]. De même, l’irradiation de la moitié d’un rein semble préserver la fonction rénale. La clairance de la créatinine semble diminuée de moitié quand plus de la moitié d’un rein est irradiée, quelle que soit la dose [65]. La toxicité rénale augmente de manière importante si du cisplatine est utilisé pendant ou après la radiothérapie [52,53]. Le foie représente également un organe critique. Si des faisceaux latéraux sont utilisés, ils apporteront une dose limitée à 20 Gy. [62]. L’essai de MacDonald suggère que 60 % du foie ne doivent pas recevoir plus de 30 Gy [45].
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Tableau 5 Valeurs doses/volumes de tolérance pour les organes critiques dans le protocole de radiochimiothérapie de MacDonald pour le foie, le cœur, les reins [45]
Foie Cœur Reins .
Dose
Volume
30 Gy 40 Gy 20 Gy
60 % 30 % 75 %
Moins de 30 % du cœur recevront 40 Gy [22, 45] (Tableau 5). Pour l’intestin grêle, pour Caudry et al., la limite est fixée à 45 Gy dans 25 % du volume total [16].
7. Place de la radiothérapie de conformation Elle apporte probablement un bénéfice non négligeable dans la diminution des effets secondaires digestifs et dans une meilleure protection des organes critiques (reins, foie, intestin). L’utilisation de techniques multifaisceaux permet de diminuer significativement la toxicité [33]. Vingt-deux pour cent des patients avaient une toxicité grade 4 si une technique à 2 faisceaux était utilisée contre 4 % pour une technique à au moins 4 faisceaux (p = 0,045) [33]. L’optimisation des plans de traitement apportée par la radiothérapie conformationnelle doit permettre également d’améliorer la couverture du volume cible, la distribution de dose par rapport aux organes critiques définis (foie, reins, intestin, duodénum). L’utilisation des histogrammes dose-volume (représentation de la distribution de dose pour chaque structure d’intérêt indiquant une dose fixe administrée pour un volume donné), l’utilisation des premiers paramètres évaluant la probabilité de complications (NTCP, normal tissue complication probability) permettront dans un proche avenir de réduire la toxicité par une meilleure optimisation des traitements (modulation d’intensité). Ces modèles doivent cependant encore être validés par une étude comparant des plans de traitement issus de la radiothérapie de conformation à celle issue des recommandations de Smalley et al. où les volumes sont définis à partir de clichés standard [62].
8. Prise en charge nutritionnelle Le statut nutritionnel des patients opérés d’un cancer gastrique reste un problème majeur. Quatre-vingt-dix pour cent des patients ayant un cancer du tractus digestif supérieur ont une perte de poids qui sera aggravée par les traitements mis en route (chimiothérapie, radiothérapie…) [43]. La perte de poids survient souvent avant la chirurgie et peut être révélatrice de la maladie dans 62 % des cas [64]. Elle s’aggrave fréquemment après la chirurgie. Trente pour cent des patients ayant une chimioradiothérapie adjuvante
après gastrectomie ont une toxicité digestive sévère (grade 3 ou 4). La mucite, les nausées (majorées par la chimiothérapie et les opiacées), la diarrhée contribuent à l’aggravation de la perte de poids déjà présente. Les traitements de la perte de poids et de la cachexie restent des enjeux majeurs pour assurer une meilleure observance thérapeutique. La prise en charge nutritionnelle postopératoire immédiate est importante. Elle est basée par une reprise de l’alimentation entérale (jéjunostomie si nécessaire) postopératoire rapide afin de diminuer le taux de complications postopératoires et la durée d’hospitalisation, qui pourraient retarder la mise en œuvre du traitement adjuvant [3,14]. La durée optimale ne semble pas devoir être inférieure à 7 jours et tant que le patient n’assure pas 60 % de ses besoins caloriques. La ration calorique devra représenter au moins 1 500 Kcal avant de débuter le traitement adjuvant [45], que ce soit par jéjunostomie ou mieux encore une alimentation orale fractionnée avec 5 à 6 repas par jour. On s’aide pour une reprise de l’alimentation orale satisfaisante, des glucocorticoïdes et de l’acétate de megestrol pour traiter l’anorexie et la cachexie. Les glucocorticoïdes sont administrés sur une courte période afin de stimuler l’appétit, diminuer la sensation de fatigue. La plupart des études comparatives ont montré un effet très limité pour un traitement de plus de 4 semaines. La prednisolone est administrée à la dose de 5 mg 3 fois par jour ou la déxaméthasone à la dose de 3 à 6 mg/j. L’acétate de megestrol (40 mg quatre fois par jour) a montré son intérêt en termes de prise pondérale, de réduction des douleurs, de sensation de faim [46].
9. Conclusion L’analyse de l’ensemble de ces études montre que la radiothérapie externe seule n’est pas suffisante pour augmenter les chances de survie des patients, pas plus que la chimiothérapie seule. Deux études randomisées montrent un bénéfice de survie si une chimioradiothérapie postopératoire est réalisée [45,51]. Il semble exister suffisamment d’arguments pour que la chimioradiothérapie postopératoire devienne une composante essentielle des thérapeutiques dans les cancers gastriques et dans les futurs essais adjuvants. Actuellement, il n’y a pas de consensus en Europe, les uns estiment que les résultats sont discutables eu égard à une chirurgie trop limitée, les autres affirment que cela n’atténue pas le bénéfice et qu’il serait encore meilleur si la chirurgie était plus large. Actuellement, il est nécessaire de réfléchir sur des approches thérapeutiques qui permettent d’augmenter le nombre de cancers résécables par une meilleure sélection. Une étude pourrait après laparoscopie première (élimination d’une carcinose péritonéale) comparer une chimioradiothérapie préopératoire à une chirurgie suivie ou
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non d’une chimioradiothérapie postopératoire. La randomisation aurait lieu de suite après la laparoscopie. En l’attente d’essais complémentaires, des recommandations peuvent être formulées : • pour les malades atteints d’un cancer de l’antre, une gastrectomie partielle (des 3/4 ou des 4/5es) suffit. Quant au curage ganglionnaire, un curage D1 est suffisant. Si en raison du siège de la tumeur et de l’existence d’adénopathies, un curage plus important est indiqué, il faut éviter, autant que faire se peut, la spléno-pancréatectomie gauche, qui s’accompagne chez ces malades d’un taux de complications et de mortalité opératoire rédhibitoire. Si le malade a un risque de récidive élevé (en particulier en cas d’envahissement ganglionnaire et/ou d’atteinte de la séreuse, d’une résection incomplète microscopique) une chimioradiothérapie adjuvante complémentaire est indiquée. Il est probable qu’il n’est pas nécessaire d’inclure dans le volume cible anatomo-clinique le lit opératoire s’il n’y a pas d’atteinte de la séreuse, mais uniquement les relais ganglionnaires de drainage. Les protocoles à venir devront intégrer des schémas d’administration de la chimiothérapie plus efficaces, moins toxiques, comme le 5-fluoro-uracile en perfusion continue [49,50,55,56], et aussi intégrer la radiothérapie conformationnelle, qui protège mieux les tissus sains.
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