Revue de Pneumologie clinique (2011) 67, 220—225
CARTE BLANCHE À LA PNEUMOLOGIE DE L’HÔPITAL FOCH
Chirurgie pulmonaire chez le malade d’hématologie : pourquoi ? Pour qui ? Lung surgery in haematological patients: Useful? Hazardous? J. Messika a, F. Parquin a,∗, P. Puyo a, É. Sage a, P. Bonnette a, É. Rivaud b, É. Catherinot b, L.-J. Couderc b,c,d, A. Chapelier a,c,d a
Service de chirurgie thoracique, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France Service de pneumologie, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France c Faculté de médecine Paris-Île-de-France-Ouest, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 9, boulevard d’Alembert, 78280 Guyancourt, France d UPRES EA 220, faculté Paris-Île-de-France-Ouest, 11, rue Guillaume-Lenoir, 92150 Suresnes, France b
Disponible sur Internet le 6 août 2011
MOTS CLÉS Chirurgie pulmonaire ; Aspergillose ; Mucormycose ; Ventilation non invasive ; Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques
∗
Résumé La prise en charge d’une complication respiratoire chez un patient d’immunohématologie (IH) peut nécessiter, après diverses investigations, une intervention chirurgicale pulmonaire à visée diagnostique ou thérapeutique. Les complications postopératoires sont, dans ce contexte, mal connues. Entre octobre 2001 et janvier 2009, parmi 400 patients d’IH hospitalisés à l’hôpital Foch pour une complication respiratoire, 17 d’entre eux (13 hommes, d’âge moyen 46 ± 15 ans) ont eu besoin d’un acte chirurgical pulmonaire. Leur maladie hématologique était une leucémie, aiguë (n = 7), ou chronique (n = 5), un lymphome (n = 4) et huit étaient allogreffés de cellules souches hématopoïétiques. Treize patients avaient rec ¸u au préalable un traitement potentiellement pneumotoxique. Les signes respiratoires évoluaient depuis 112 jours en moyenne (10—663 jours), et 14 recevaient un traitement antibiotique et/ou antifongique. Trois patients étaient thrombopéniques (transfusion plaquettaires, n = 2), et un patient présentait une leucopénie (leucocytose inférieure à 500/mm3 ). La chirurgie a consisté en l’exérèse d’un foyer mycotique résiduel (n = 5), ou en des biopsies pulmonaires à visée diagnostique (n = 12) : pneumopathie infiltrative non spécifique (n = 4), réaction de greffon contre l’hôte pulmonaire (n = 3), pneumocystose granulomateuse (n = 1), aspergillose invasive (n = 1), carcinome bronchique (n = 1), tuberculose pulmonaire (n = 1) et lymphoprolifération EBV-induite (n = 1). Le geste chirurgical a conduit à des modifications thérapeutiques dans dix cas (84 %). Tous les patients ont été extubés dans les 24 heures après l’intervention. Les complications postopératoires ont été un syndrome coronarien aigu d’évolution favorable (n = 1), une pneumonie (n = 3), un hématome intrapulmonaire (n = 1)
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Parquin).
0761-8417/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pneumo.2011.06.002
Chirurgie pulmonaire chez le malade d’hématologie
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et un bullage persistant plus de trois jours (n = 3). Sept patients ont été admis en unité de soins intensifs (USI) et cinq ont eu recours à de la ventilation non invasive. Chez trois patients, l’évolution a été secondairement défavorable, par aggravation de la pathologie respiratoire : pneumopathie interstitielle (n = 2) et pneumocystose (n = 1). La chirurgie pulmonaire ne doit pas être récusée chez des malades d’IH chez lesquels elle a deux indications : (1) thérapeutique, pour l’exérèse de nodules mycotiques persistant après traitement médical antifungique ; (2) diagnostique, permettant de fréquentes adaptations thérapeutiques au prix de complications modestes chez des malades sélectionnés au cas par cas selon leur état général, respiratoire et surtout leur pronostic hématologique. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Lung surgery; Aspergillosis; Mucormycosis; Non-invasive ventilation; Allogeneic stem cell transplantation
Summary Respiratory complications are frequent in haematological patients. Lung surgery, either for diagnosis or treatment, is considered useful but hazardous in these patients. We performed a reappraisal study of this purpose; retrospective study in a university centre, located in the Paris area, France. We analysed the entire records of all the haematological patients admitted in the Thoracic Surgery department from October 2001 to January 2009, among 400 haematological patients with pulmonary complications admitted to the Respiratory Diseases department. Seventeen patients (male: n = 13, mean age 47 ± 15 years) underwent lung surgery. Underlying haematological disease was acute (n = 7) or chronic (n = 5) leukaemia, lymphoma (n = 4), and eight have had stem cell transplantation. Thirteen patients had been exposed to a cytotoxic chemotherapy with known pulmonary toxicity. Respiratory diseases have been evolving for 112 days (10—663 days), and 14 patients received previously antibiotic and/or antifungal therapy. One patient was neutropenic and three had thrombopenia. Five patients underwent curative surgery for a residual pulmonary nodule after medical treatment of invasive aspergillosis, and 12 had a diagnostic procedure (open lung biopsy by video-assisted thoracoscopy [n = 2]; thoracotomy [n = 8]). Surgery permitted a final diagnosis in all 12 cases: non-specific infiltrative pneumonia (n = 4), pulmonary graft versus host disease (n = 3), granulomatous pneumocystosis (n = 1), invasive aspergillosis (n = 1), bronchial carcinoma (n = 1), EBV-related lymphoproliferation (n = 1), and tuberculosis (n = 1). Therapeutic regimens were modified according to the surgical results in ten cases (84%). All patients were extubated at the end of surgery. Post-operative complications were: prolonged air leaks (n = 3), pneumonia (n = 1), parenchymal hematoma (n = 1), acute coronary syndrome (n = 1). Seven patients were admitted in the Intensive Care Unit, and five had non-invasive ventilation. Three patients died from respiratory failure: NSIP (n = 2), pneumocystosis (n = 1). Lung surgery for selected haematological patients has two indications: (1) curative surgery, for a residual pulmonary nodule after medical treatment of invasive aspergillosis; (2) diagnostic procedure, leading frequently to modifications of therapeutic regimens, with low rate of complications, in highly selected patients. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Les malades d’immunohématologie (IH) ont des complications pulmonaires fréquentes principalement infectieuses. Mais la fréquence des complications non infectieuses augmente, notamment chez les receveurs de cellules souches hématopoïétiques grâce à la meilleure prise en charge des infections obtenue par la réalisation rapide des scanners thoraciques permettant de diagnostiquer rapidement les pneumopathies et aux examens microbiologiques non invasifs et/ou endoscopiques endobronchiques. Les centres confrontés à ces pathologies ont élaboré des stratégies de prise en charge adaptées aux diverses situations immunohématologiques [1]. Malgré les progrès enregistrés par ces investigations, il persiste des malades dont le diagnostic n’est pas établi. L’indication d’une biopsie pulmonaire chirurgicale est alors discutée, souvent redoutée de par le contexte de pathologie maligne et l’état hématologique, faisant craindre des complications infectieuses ou hémorragiques durant la période postopératoire [1].
Le chirurgien thoracique peut être aussi sollicité pour la prise en charge des mycoses pulmonaires dans deux situations : l’exérèse en urgence d’une masse située à proximité des vaisseaux pulmonaires faisant redouter une hémoptysie grave ou l’ablation de nodules résiduels persistants malgré un traitement médical antimycotique chez un malade dont la chimiothérapie doit être poursuivie. Nous rapportons dans ce travail notre expérience de cette chirurgie pulmonaire, particulière par les malades chez lesquels elle est réalisée, afin d’en évaluer son intérêt diagnostique et thérapeutique ainsi que ses complications.
Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique. Nous avons étudié l’ensemble des dossiers médicaux des patients d’IH pris en charge à l’hôpital Foch pour une complica-
222 Tableau 1
J. Messika et al. Caractéristiques des 17 patients opérés d’une chirurgie pulmonaire. Exérèse d’un foyer mycotique résiduel
Chirurgie à visée diagnostique
n=5
n = 12
Sexe H/F
2/3
11/1
Âge (années)
36 (29—41)
51 (21—78)
Pathologies IH Leucémie aiguë lymphocytaire (LAL) Leucémie aiguë myélocytaire (LAM) Leucémie lymphoïde chronique (LLC) Leucémie myéloïde chronique (LMC) Lymphome Myélome dont allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH)
0 3 (60 %) 0 0 2 (40 %) 0 1 (20 %)
3 1 2 3 2 1 7
Traitement à toxicité pulmonaire dont irradiation corporelle totale
5 (100 %) 1 (20 %)
8 (61 %) 6 (46 %)
Neutropénie dans les trois mois
3 (60 %)
2 (15 %)
Thrombopénie inférieure à 100 000/mm3
1 (20 %)
3 (23 %)
tion pulmonaire et ayant eu une intervention de chirurgie pulmonaire entre le 1er octobre 2001 et le 1er janvier 2009. Les données suivantes ont été recueillies : • avant l’intervention : ◦ pathologie IH initiale, autres comorbidités, ◦ type de chimiothérapie cytotoxique et date de son administration, ◦ signes cliniques (respiratoires, généraux et extrarespiratoires) et durée d’évolution des symptômes, ◦ aspect des scanners thoraciques, ◦ examens microbiologiques respiratoires et extrarespiratoires, ◦ aspect endoscopique bronchique, ◦ thérapeutiques anti-infectieuses curatives ou préventives, ◦ immunosuppresseurs, ◦ état hématologique, notamment si existence, lors de l’intervention, d’une thrombopénie inférieure à 100 000 plaquettes/mm3 , d’une neutropénie inférieure à 500/mm3 , ◦ transfusions de globules rouges et/ou de plaquettes ; • type de chirurgie pulmonaire réalisée (biopsie, résection à type de wedge, segmentectomie, lobectomie) ; voie d’abord ; • évaluation postopératoire : ◦ date de l’extubation, ◦ durée du drainage thoracique supérieure à trois jours, ◦ durée du séjour en chirurgie thoracique, en unité de soins intensifs (USI), ◦ nécessité de ventilation non invasive (VNI), de transfusions sanguines, ◦ complications infectieuses ou thrombotiques ; • diagnostic final histologique et microbiologique : ◦ modification des traitements anti-infectieux et immunosuppresseurs, ◦ évolution ultérieure au 30e jour postopératoire.
(23 %) (8 %) (15 %) (23 %) (15 %) (8 %) (53 %)
Résultats Épidémiologie et clinique Entre octobre 2001 et janvier 2009, 400 patients d’IH ont été admis pour l’exploration d’une complication respiratoire. Une indication chirurgicale pulmonaire a été retenue pour 17 (4 %) d’entre eux. Leurs caractéristiques sont décrites dans le Tableau 1. Il s’agissait de 13 hommes (76 %), d’âge moyen 46 ans (21—78 ans). Ils étaient suivis depuis deux ans et demi (50 jours—12 ans) pour une leucémie aiguë (n = 7) ou chronique (n = 5), un lymphome (n = 4), et huit avaient été allogreffés de cellules souches hématopoïétiques. Treize d’entre eux (76 %) avaient rec ¸u préalablement un traitement ayant potentiellement une toxicité pulmonaire (irradiation corporelle totale [n = 7] ; cytarabine [n = 4] ; méthotrexate [n = 2] ; doxorubicine [n = 1] ; mercaptopurine [n = 1]). Trois patients avaient une cardiopathie ischémique ou hypertensive. Cinq patients (29 %) avaient été neutropéniques à moins de 500 neutrophiles/mm3 durant les trois mois précédents. Il existait des signes fonctionnels ou généraux révélateurs de la pathologie respiratoire (Tableau 2) dans neuf cas (53 %), évoluant depuis 95 ± 160 jours. Les huit autres patients avaient des anomalies thoraciques radiographiques connues depuis 131 ± 217 jours. Les investigations préalables avaient comporté une endoscopie bronchique avec lavage bronchoalvéolaire (LBA) dans tous les cas et une biopsie pulmonaire sous contrôle tomodensitométrique pour trois patients (17 %). Les examens microbiologiques réalisés étaient demeurés négatifs (culture du LBA, antigénémie aspergillaire, détection de cytomégalovirus et Herpes simplex par amplification génomique dans le sang et le LBA, antigénuries Legionella pneumophila et Streptococcus pneumoniae, recherche de mycobactéries, immunofluorescence et coloration argentique pour Pneumocystis jirovecii, hémocultures).
Chirurgie pulmonaire chez le malade d’hématologie
223
Tableau 2 Caractéristiques de l’atteinte respiratoire des 17 patients d’immunohématologie opérés en chirurgie pulmonaire. Exérèse d’un foyer mycotique résiduel
Chirurgie à visée diagnostique
n=5
n = 12
Durée moyenne préalable d’évolution de la symptomatologie (jours)
60 ± 55
133 ± 215
Circonstance diagnostique Découverte radiologique Toux Dyspnée Hémoptysie Fièvre
3 0 1 1 1
4 1 7 0 4
Aspect scanographique Nodule isolé Nodules multiples Opacité excavée unique Images « en verre dépoli »
0 1 (20 %) 4 (80 %) 0
3 (23 %) 4 (31 %) 0 7 (54 %)
Traitements préalables Antibiothérapie Antifongiques Antiviraux Corticothérapie
3 (60 %) 5 (100 %) 1 (20 %) 0
9 7 1 2
Pour les cinq patients porteurs d’un nodule mycotique résiduel, le diagnostic d’aspergillose avait été posé préalablement à son exérèse chez quatre malades par la présence d’une antigénémie aspergillaire positive, associée dans un cas à des filaments aspergillaires et une mucormycose avait été diagnostiquée chez un malade par l’aspect de la culture dans le LBA. Un traitement associant une antibiothérapie et des antifungiques avait été administré empiriquement chez 12 patients (70 %), et un traitement antiviral prescrit chez deux patients (12 %). Onze malades (65 %) recevaient plus d’un traitement empirique. Deux patients (11 %) recevaient une corticothérapie par voie générale. Aucun patient n’était ventilé mécaniquement préalablement à la chirurgie.
Chirurgie Le jour de l’intervention chirurgicale pulmonaire, trois patients étaient thrombopéniques à moins de 100 000 plaquettes/mm3 et avaient rec ¸u une transfusion de concentrés plaquettaires permettant d’obtenir un taux de plaquettes supérieur à 100 000/mm3 . Pour 15 patients (88 %), l’abord chirurgical a été une thoracotomie, une thoracoscopie ayant été réalisée chez deux patients. Le geste chirurgical a consisté en la réalisation de biopsies pulmonaires chez sept malades, d’une segmentectomie chez sept malades et d’une lobectomie chez deux malades. L’intervention était réalisée pour l’exérèse d’un foyer mycotique résiduel chez cinq malades, ou pour des biopsies pulmonaires à visée diagnostique chez 12 malades. Tous les patients ont été extubés à la fin de l’intervention.
(60 %) (20 %) (20 %) (20 %)
(31 %) (8 %) (54 %) (31 %)
(69 %) (58 %) (8 %) (15 %)
Diagnostics obtenus Un diagnostic a pu être obtenu chez l’ensemble des 12 patients ayant été opérés à visée diagnostique. Il s’agissait, pour la majorité (7/12 patients), d’une pathologie non infectieuse (pneumopathie interstitielle non spécifique [NSIP] : n = 4 ; atteinte pulmonaire d’une maladie de greffon contre l’hôte : n = 3), d’une pneumopathie infectieuse dans trois cas (pneumocystose granulomateuse : n = 1 ; tuberculose pulmonaire : n = 1 ; aspergillose pulmonaire invasive : n = 1), d’une atteinte tumorale dans deux cas (lymphoprolifération EBV-induite et adénocarcinome bronchique dans un cas, respectivement). Pour ce dernier patient, la chirurgie a été également curative. Le diagnostic retenu à l’issu de l’intervention pulmonaire a conduit à des modifications thérapeutiques chez dix des 12 malades (84 %) : intensification du traitement immunosuppresseur (n = 5), initiation d’un traitement antifongique (n = 2) ou antibiotique ciblé (n = 1), arrêt d’une antibiothérapie empirique (n = 3), initiation d’un traitement anti-mycobactérie (n = 1).
Suites postopératoires Parmi les 17 patients, sept ont été pris en charge en USI, parmi lesquels cinq ont nécessité un support ventilatoire par VNI et deux une ventilation mécanique invasive. Les complications chirurgicales ont été un bullage durant plus de trois jours chez trois malades et un hématome parenchymateux sans déglobulisation mais ayant nécessité la mise sous VNI. Trois pneumonies sont survenues, ainsi qu’un syndrome coronarien aigu (Tableau 3). Une défaillance respiratoire secondaire au non-contrôle de la pathologie pulmonaire sous-jacente est survenue chez
224 Tableau 3
J. Messika et al. Évolution postopératoire des 17 patients d’IH opérés en chirurgie pulmonaire. Exérèse d’un foyer mycotique résiduel
Chirurgie à visée diagnostique
n=5
n = 12
0 0
3 (25 %) 1 (8 %)
0 0 0
3 (25 %) 1 (8 %) 3 (25 %)
0
2 (16 %)
Ventilation non invasive Durée (jours)
0 0
5 (41 %) 3,4 ± 1,6
Décès intra-hospitalier Pneumocystose granulomateuse Pneumopathie infiltrative non spécifique Délai postopératoire (jours)
0 0 0 0
3 (25 %) 1 (8 %) 2 (16 %) 21 ± 4
Complications chirurgicales Bullage prolongé supérieur à trois jours Hématome parenchymateux Autres complications postopératoires Pneumonie Syndrome coronarien aigu Syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) compliquant la pathologie sous-jacente Admission en réanimation
trois patients (deux ayant une NSIP et un, atteint de pneumocystose granulomateuse). Ces trois patients sont décédés 21 jours en moyenne (13—27 jours) après la chirurgie pulmonaire. Aucun autre décès n’est survenu dans le mois suivant la chirurgie.
Discussion La chirurgie pulmonaire peut être utile à la prise en charge des complications pulmonaires des malades d’hématologie. À visée diagnostique, elle a permis l’obtention d’un diagnostic pour l’ensemble des 12 patients opérés et, surtout, a conduit à des modifications des traitements médicaux pour dix sur 12 (84 %) d’entre eux. À titre thérapeutique, elle complète l’action des antifungiques par l’ablation de lésions résiduelles persistantes chez les malades pour lesquels il est nécessaire de continuer l’administration de chimiothérapies cytotoxiques. Depuis les années 1980, où seule la réalisation d’une biopsie pulmonaire chirurgicale était discutée face aux traitements anti-infectieux empiriques des atteintes pulmonaires des pathologies d’IH [2], l’arsenal des méthodes diagnostiques s’est enrichi. Les méthodes de microbiologie, parasitologie et virologie sont devenues plus sensibles et spécifiques sur les prélèvements respiratoires endobronchiques ou non respiratoires [3,4]. Les biopsies pulmonaires scanno-guidées améliorent la démarche diagnostique, sa performance étant estimée entre 40 et 50 % [5]. Une exploration rigoureuse de ces patients d’IH est nécessaire avant de réaliser une chirurgie pulmonaire à visée diagnostique. Dans notre série, une atteinte pulmonaire non spécifique a été la manifestation la plus fréquemment diagnostiquée, observée chez 58 % des patients. Cette proportion, plus élevée que dans la littérature [6], peut s’expliquer par l’exhaustivité du bilan étiologique initial. Néanmoins, les séries s’intéressant spécifiquement aux allogreffés
rapportent une fréquence d’atteinte pulmonaire non infectieuse aussi élevée (66 à 76 % des cas [7—9]). Dans notre travail, 65 % de nos patients recevaient empiriquement plus d’une classe d’anti-infectieux. Les agents anti-infectieux, surtout en association, peuvent être pourvoyeurs d’effets secondaires et leur prescription chez des patients exposés à des combinaisons thérapeutiques immunosuppressives ou sous chimiothérapie est malaisée. Les interactions médicamenteuses entre anti-infectieux et/ou immunosuppresseurs et/ou chimiothérapies peuvent parfois réduire l’efficacité de l’une ou l’autre de ces thérapeutiques. L’obtention pour plus des trois quarts des patients opérés à visée diagnostique (84 %) d’une modification thérapeutique permet une réduction du nombre de traitements administrés et de leurs éventuels effets secondaires. Dans les autres séries de la littérature, une modification thérapeutique intervient moins fréquemment, respectivement chez 25 %, 28 %, 40 %, 57 %, 61 % et 63 % des patients [6,7,9—12]. Plusieurs séries se sont intéressées exclusivement aux patients allogreffés de cellules souches hématopoïétiques [7—9]. Le recours à la chirurgie à visée diagnostique a été rare, réalisée chez 1 à 10 % des allogreffés, selon les centres. Parmi nos patients, 47 % avait rec ¸u une allogreffe de cellule souche hématopoïétique. L’abord chirurgical par thoracotomie est privilégié dans notre centre. C’est également le cas dans la série de Gulbahce et al. qui n’ont réalisé que des thoracotomies [8], alors que seuls 50 % des malades sont opérés ainsi par Shaikh et al. [7]. Les complications chirurgicales sont peu fréquentes, la mortalité liée au geste varie de 0 à 11 % [6,7,9] des cas, et la morbidité est également faible, de 0 à 13 % [7,9,11]. Dans notre série, une complication chirurgicale a été observée chez quatre patients, tous opérés à visée diagnostique par thoracotomie ; un seul d’entre eux a justifié la mise sous VNI. La VNI est depuis de nombreuses années reconnue comme un traitement efficace après chirurgie
Chirurgie pulmonaire chez le malade d’hématologie thoracique [13]. Le nombre de patients nécessitant de la VNI en postopératoire n’est pas précisé dans la littérature. La mortalité postopératoire liée à l’atteinte respiratoire sous-jacente est préoccupante, dans la littérature, comprise entre 37 % [9] et 61 % [6,7,10,12]. Elle peut être en rapport avec la gravité des patients opérés ou la durée d’évolution de la pathologie respiratoire avant la chirurgie. Ces résultats contrastent avec la faible mortalité hospitalière de notre série (17 %). Une prise en charge périopératoire optimale, comprenant transfusion de produits sanguins, VNI « préventive » de l’insuffisance respiratoire aiguë, et réhabilitation précoce, est probablement un des facteurs expliquant nos résultats encourageants ; cette prise en charge est rendue possible par l’hospitalisation systématique de ces malades en USI après l’intervention. Contrastant avec le taux faible de complications chirurgicales, les décès sont exclusivement en rapport avec une évolution de la pneumopathie.
Conclusion La chirurgie pulmonaire du patient d’IH peut être réalisée chez des malades sélectionnés, soit à visée diagnostique, ou pour l’exérèse de foyers mycotiques résiduels. Dans notre centre, le recours à la chirurgie a été rare, réalisée chez 4 % des patients d’IH ayant une complication respiratoire. La morbi-mortalité observée est liée à la pathologie pulmonaire sous-jacente, et non à la chirurgie elle-même. Ces patients doivent être pris en charge après l’intervention en USI de chirurgie thoracique, afin de bénéficier précocement d’un éventuel traitement « préventif » par VNI et d’une mobilisation immédiate.
Déclarations d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.
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