Journal de Chirurgie Viscérale (2013) 150, 4—10
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MISE AU POINT
Cholécystite aiguë lithiasique et antibiothérapie夽 Acute calculous cholecystitis and antibiotics
D. Fuks ∗, C. Cossé , J.-M. Régimbeau Service de chirurgie viscérale et digestive, université de Picardie, CHU Nord Amiens, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 01, France evrier 2013 Disponible sur Internet le 19 f´
MOTS CLÉS Cholécystite aiguë ; Antibiothérapie ; Cholécystectomie
KEYWORDS Acute cholecystitis; Antibiotic therapy; Cholecystectomy
Résumé La cholécystite aiguë lithiasique peut prendre différentes formes évolutives allant de cas bénins qui peuvent être traités avec ou sans administration orale d’antibiotiques à des formes sévères (jusqu’à la péritonite biliaire) nécessitant une prise en charge chirurgicale ou radiologique en urgence. Les cultures microbiennes doivent être effectuées à partir d’un prélèvement biliaire permettant d’identifier les micro-organismes aérobies et anaérobies. Une antibiothérapie empirique (déterminée par une durée, une posologie et une voie d’abord) doit être prescrite en fonction de la sévérité de la cholécystite, les antécédents d’antibiothérapie récente du patient, et les profils de sensibilité locale (antibiogramme). Lorsque les organismes pathogènes ont été identifiés, le plus souvent a posteriori, l’antibiothérapie doit être modifiée et avoir un spectre étroit contre l’agent microbien sur la base des espèces et de leurs résultats aux tests de sensibilité. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Acute calculous cholecystitis consists of various morbid conditions, ranging from mild cases that are relieved by the oral administration of antimicrobial drugs or that resolve even without antimicrobials to severe cases complicated by biliary peritonitis. Microbial cultures should be performed by harvesting bile at all available opportunities to identify both aerobic and anaerobic organisms. Empirically selected antimicrobials should be administered. Antimicrobial activity against potential causative organisms, severity of cholecystitis, patient’s previous history of antimicrobial therapy, and local susceptibility patterns (antibiogram) must be taken into consideration in the choice of antimicrobial drugs. When causative organisms are identified, the antimicrobial drug should be changed for a narrower-spectrum antimicrobial agent on the basis of the species and their susceptibility testing results. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2013.01.004. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article, original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Service de chirurgie digestive et métabolique, université de Picardie, CHU Nord Amiens, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 01, France. Adresse e-mail :
[email protected] (D. Fuks). 夽
1878-786X/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2012.10.012
Cholécystite aiguë lithiasique et antibiothérapie
Introduction La cholécystite aiguë lithiasique (CAL) correspond à une inflammation de la paroi de la vésicule biliaire due à une obstruction prolongée du canal cystique par un calcul. Il s’agit d’une pathologie très fréquente, représentant entre 3 et 10 % des hospitalisations pour douleurs abdominales [1—4]. En cas de traitement exclusif par antibiothérapie, la récidive de la symptomatologie survient dans 2,5 à 22 % des cas [5,6]. Dès lors, l’antibiothérapie doit s’associer au traitement chirurgical dont le standard consiste en une cholécystectomie par voie cœlioscopique réalisée précocement [5—10]. Alors que la Société franc ¸aise d’anesthésie-réanimation (SFAR) ne recommande aucune antibioprophylaxie en cas de chirurgie pour lithiase vésiculaire symptomatique par voie cœlioscopique sans facteur de risque [11], il existe un rationnel pour proposer une antibiothérapie pré- et peropératoire en cas de CAL en raison du risque d’infection de la bile. Cependant, malgré la fréquence de cette pathologie, il existe relativement peu d’études focalisées sur la place de l’antibiothérapie postopératoire dans la CAL. Dès lors, les différentes recommandations élaborées sont restées floues notamment sur le type précis et la durée de l’antibiothérapie, proposant simplement d’opter pour une antibiothérapie à bonne diffusion biliaire, active sur les germes les plus souvent en cause. En reprenant plusieurs points des recommandations pour la pratique clinique (RPC) sur la prise en charge de la lithiase biliaire [12], cette mise au point expose le rationnel et les modalités de l’antibiothérapie pré-, per- et postopératoire dans la CAL au travers de plusieurs questions.
De quoi parle-t-on ? La CAL peut prendre différentes formes évolutives allant de formes bénignes qui peuvent être traitées par l’administration orale d’antibiotiques à des formes sévères (comme le choc septique ou la péritonite biliaire), dont chacune requiert un traitement spécifique [13—15]. Or, jusqu’en 2007, il n’existait aucun critère permettant de définir clairement la CAL et d’évaluer sa gravité. Compte tenu de cette situation problématique, il était nécessaire de standardiser les définitions ainsi que la stratégie thérapeutique de la CAL, mais également d’établir des critères pouvant être largement reconnus et utilisés dans des essais ultérieurs. Dès lors, une conférence de consensus internationale s’est tenue au Japon en 2007 et a été publiée sous forme de recommandations (Tokyo Guidelines) [15], ayant récemment été réactualisées [16]. Ainsi, le diagnostic de CAL est suspecté devant l’association de critères cliniques (douleur, défense, masse douloureuse de l’hypochondre droit, signe de Murphy) et biologiques (hyperleucocytose, élévation de la CRP). Le diagnostic doit être impérativement confirmé par un examen d’imagerie pouvant être une échographie, un scanner ou une IRM [15]. Dans ces Tokyo Guidelines, les formes sévères (Grade 3) correspondent aux CAL avec défaillance d’organe (neurologique, hématologique, hépatique, respiratoire, rénal ou cardiologique) ; les formes modérées (Grade 2) correspondent aux CAL avec des signes d’inflammation marquée (durée d’évolution supérieure à 72 heures, hyperleucocytose supérieure à 18 000/mm3 , masse et/ou défense de l’hypochondre droit, signes en faveur d’une péritonite biliaire ou d’une CAL gangréneuse) et les formes bénignes
5 (Grade 1) correspondent aux CAL ne présentant aucun des critères de Grade 2 et 3.
La CAL est-elle synonyme d’infection biliaire ? La CAL a comme point de départ une obstruction du canal cystique responsable d’une stase biliaire qui va initier une cascade de phénomènes inflammatoires, ischémiques puis nécrotiques de la paroi vésiculaire responsables d’une translocation et d’une prolifération bactérienne à partir du tube digestif [17—19]. D’ailleurs, les germes le plus souvent retrouvés sont des germes digestifs (Escherichia coli, Klebsielles enterocoques et germes anaérobies) quel que soit le délai de survenue de la CAL [20]. La présence de germes dans la bile vésiculaire varie entre 41 % et 63 % [20—26] des patients ayant eu une cholécystectomie pour CAL. Le délai d’apparition de la contamination bactérienne de la bile vésiculaire (primitive ou secondaire) est controversé [17—20]. Dans une série ayant inclus 515 patients avec CAL (publiée avant les critères diagnostiques des Tokyo Guidelines), la culture biliaire était positive dans 63 % des cas après 24 heures d’évolution des symptômes tandis qu’après 11 jours d’évolution, ce taux diminuait à 31 % [25].
Faut-il prélever la bile vésiculaire à visée bactériologique au cours de la cholécystectomie pour CAL ? Bien que certaines formes de CAL, peu ou modérément, sévères peuvent être traitées sans information microbienne, la bile vésiculaire devrait être prélevée au moment de la cholécystectomie (ou en cas de drainage percutané) avec réalisation d’un antibiogramme en particulier en cas de CAL sévères. En effet, une étude conduite aux PaysBas dans 175 hôpitaux a montré que l’antibiothérapie en chirurgie biliaire était inefficace sur les germes retrouvés dans le prélèvement biliaire dans 23 % des cas [27]. L’intérêt des hémocultures est en revanche plus limité en cas de CAL car elles sont rarement positives [28]. De plus, la présence d’hémocultures positives ne semble modifier ni l’antibiothérapie, ni la durée du traitement. Même s’il n’existe qu’un faible niveau de preuve, des équipes japonaises suggèrent d’envoyer séparément un fragment de paroi vésiculaire pour mise en culture et pour examen histologique [28]. Au total, un prélèvement biliaire devrait être effectué au cours de la cholécystectomie, en particulier dans les formes sévères (Recommandation B).
Quel est le rationnel pour prescrire une antibiothérapie pré-, per- et postopératoire ? La relation entre l’infection de la bile vésiculaire et la survenue de complications postopératoires est controversée [29—31] même si les formes sévères de CAL sont plus fréquemment associées à une culture biliaire positive [32,33]. Dans la série prospective de Grande M et al. incluant 213 patients opérés pour cholécystite aiguë ou chronique, la présence d’une bile infectée n’influenc ¸ait pas la survenue d’infection du site opératoire [30].
6
En préopératoire Dans la mesure où la mise en route d’un traitement antibiotique dans la CAL n’a de justification que si la bile est infectée, plusieurs séries se sont intéressées aux facteurs de risque d’infection de la bile vésiculaire. Dans ces différentes séries, la présence de germes dans la bile vésiculaire était le plus souvent associée à un âge supérieur à 60 ans [30,31] et au diabète [24]. Dans la série de Thompson et al., l’association d’une fièvre supérieure à 37,3 ◦ C, d’une bilirubinémie totale supérieure à 145 mol/L et d’une hyperleucocytose supérieure à 14 100/mm3 au cours de la CAL [26] était corrélée à un taux d’infection de la bile vésiculaire de 63 %, significativement plus élevé par rapport aux patients ayant aucun ou un seul de ces trois critères (6 %) [26]. Deux séries ont montré que l’antibiothérapie avant cholécystectomie pour CAL diminuait le taux d’infection de paroi et de bactériémie postopératoire [19,31]. Une étude randomisée, publiée très récemment, s’est intéressée à l’antibiothérapie préopératoire chez 84 patients ayant été opérés d’une cholécystectomie différée (six à huit semaines après le diagnostic de CAL) pour CAL bénigne (Grade 1). Dans cette étude, la durée d’hospitalisation et le taux de réadmission (critères de jugement principaux) n’étaient pas modifiés chez les 42 patients ayant rec ¸u une antibiothérapie par amoxicilline/acide clavulanique en comparaison avec les 42 patients n’ayant rec ¸u aucune antibiothérapie préopératoire. Ainsi, au vu des failles méthodologiques de cette étude nous ne disposons pas d’éléments scientifiques dans la littérature pour ne pas débuter les antibiotiques dès que le diagnostic de CAL est posé, en dehors des CAL de grade 1 paucisymptomatiques [33]. Les Tokyo Guidelines recommandent de débuter l’antibiothérapie après des hémocultures si la température est supérieure à 38,5 ◦ C ou systématiquement chez les patients âgés ou immunodéprimés, même si en pratique clinique, ces hémocultures sont rarement réalisées et rarement contributives.
En peropératoire Dans la mesure où le contrôle de la source du foyer infectieux est nécessaire au traitement des infections sévères, l’antibiothérapie peropératoire ne peut se concevoir qu’en association avec une éradication du foyer infectieux [34]. Ainsi, la cholécystectomie permet une diminution importante de l’inoculum initial, optimise la diffusion et l’action des antibiotiques et améliore l’évolution. Lorsqu’on considère la classification d’Altemeier évaluant le degré de contamination peropératoire, la présence d’une bile infectée fait passer la cholécystectomie pour CAL d’une chirurgie propre contaminée (classe 2) à une chirurgie contaminée (classe 3). Ce changement de classe implique de passer d’une antibioprophylaxie peropératoire (pour la chirurgie classe 2) à une antibiothérapie curative (pour la chirurgie classe 3). Ainsi, compte tenu du risque important d’infection de la bile vésiculaire au cours de la CAL, il est nécessaire de prolonger l’antibiothérapie curative débutée en préopératoire pendant l’intervention.
En postopératoire Alors que toutes les séries qui se sont intéressées à l’antibiothérapie postopératoire dans la CAL ont comparé plusieurs schémas d’antibiotiques, aucune série n’a réellement analysé l’intérêt de l’antibiothérapie postopératoire. Cependant, dans une série rétrospective un peu
D. Fuks et al. ancienne, 87 % des chirurgiens prolongeaient systématiquement l’antibiothérapie au-delà de 24 heures [35]. Au total, il n’y a actuellement pas d’argument scientifique pour prolonger l’antibiothérapie chez les patients ayant une CAL peu ou modérément sévère chez qui la cholécystectomie a été réalisée précocement (dans les cinq jours). Le maintien de l’antibiothérapie pourrait prolonger inutilement la durée d’hospitalisation et donc le coût inhérent ainsi que favoriser la sélection de germes multirésistants. Un essai national multicentrique actuellement en cours, dont le promoteur est le CHU d’Amiens, a pour but d’évaluer la place de l’antibiothérapie postopératoire dans la CAL peu ou modérément sévère.
Comment choisir l’antibiotique ? Le choix de l’antibiothérapie probabiliste est une étape essentielle, car son impact pronostique est majeur et ce d’autant que le sepsis est sévère. En effet, l’inadéquation de l’antibiothérapie initiale est un facteur indépendant de mortalité [36—40]. Les principaux facteurs pris en compte sont le site infecté ou supposé infecté, la gravité du tableau clinique, les bactéries habituellement rencontrées dans ce site et le caractère communautaire ou nosocomial de l’infection. Certains autres paramètres doivent être pris en compte comme une antibiothérapie préalable, le terrain du patient, une colonisation documentée à une bactérie multirésistante, la pharmacocinétique, la pharmacodynamie, les effets indésirables du traitement, ainsi que les résultats des tests de sensibilité aux différents antibiotiques (antibiogramme) [41]. Le choix peut également être guidé par l’examen direct (coloration de Gram) des prélèvements réalisés au bloc opératoire. Un des principes de l’antibiothérapie raisonnée est la prescription de l’antibiotique le moins coûteux, à efficacité égale. Dans le cadre de la CAL, le traitement antibiotique doit être entrepris avec des antibiotiques qui ont une bonne diffusion biliaire et une bonne activité sur les germes fréquemment en cause [28]. Les pénicillines sont très fréquemment utilisées dans les infections biliaires. Les aminopénicillines tels que l’amoxicilline sont excrétés dans la bile sous forme inchangée. Chez les patients dont la fonction biliaire est normale, les concentrations d’amoxicilline sont trois fois plus élevées dans la bile que dans le plasma. Les fluoroquinolones ont une excellente biodisponibilité ; ils sont éliminés par voie rénale et hépatique. Par exemple, la concentration biliaire de ciprofloxacine est 28 à 45 fois plus élevée que la concentration plasmatique. Cette concentration biliaire reste également élevée chez les patients présentant une obstruction de la vésicule biliaire. Ainsi, la ciprofloxacine en association avec le métronidazole peut être une alternative à l’association amoxicilline/acide clavulanique, chez les patients ayant une CAL légère ou modérée et en l’absence de facteurs de profils de résistance. La pipéracilline est la pénicilline dont la concentration est la plus élevée dans la bile (25 % sous forme active ; 60 fois plus élevée dans la bile que dans le plasma). L’association pipéracilline et tazobactam représente également une alternative intéressante. Cependant, le tazobactam, qui a une pharmacocinétique différente de celle de la pipéracilline, atteint une concentration efficace dans la bile seulement pendant les trois premières heures suivant son administration. Les glycylcyclines, tels que la tigécycline, ont un large spectre d’activité et une bonne disponibilité dans la bile et la paroi vésiculaire [42].
Cholécystite aiguë lithiasique et antibiothérapie Puisque la plupart des céphalosporines, des pénicillines, des aminosides, et des carbapénèmes sont excrétés par les reins, la dose doit être réduite chez les patients présentant une fonction rénale altérée. L’ajustement de la posologie pour la ceftriaxone n’est, en revanche, pas nécessaire chez les patients atteints d’insuffisance rénale. En revanche, la posologie doit être diminuée chez les patients avec insuffisance hépatocellulaire. Les aminosides sont des antibiotiques « concentration-dépendant ». Leur administration doit être uniquotidienne dans l’immense majorité des situations. Si la bactéricidie est corrélée au pic de concentration, la toxicité est corrélée à la concentration résiduelle. Ainsi, pour optimiser leurs prescriptions, il est recommandé de monitorer les concentrations sériques des aminosides.
Quel antibiotique choisir ? Les différentes études concernant la CAL qui se sont intéressées à l’antibiothérapie postopératoire sont rapportées dans le Tableau 1 [31,33,43—50]. Il existe au total neuf essais randomisés (Niveau 4) et deux études comparatives dont l’une est rétrospective (Niveau 5). Les antibiotiques étudiés dans ces séries étaient la pipéracilline, l’ampicilline associée à un aminoside, ainsi que les céphalosporines de troisième et quatrième générations et aucune série n’a analysé l’association pénicilline/inhibiteur de bêtalactamases ou les carbapénèmes. En dehors de la série publiée en 2012 [33], ces études sont anciennes avec, pour la plupart, des antibiotiques qui ne sont plus utilisés en pratique courante. Leurs résultats sont difficiles à comparer en raison du fait que les populations étudiées n’étaient pas exclusivement composées de malades présentant une CAL, de leurs biais méthodologiques et de la différence entre les antibiotiques utilisés. Toutes ces séries ont démontré que les
Tableau 1
7 différents schémas d’antibiothérapie étaient équivalents à l’association de l’ampicilline et un aminoside, considérée comme l’antibiothérapie standard pour CAL dans les années 1980 (Niveau 4—5) [43,45]. Même si aucune étude contrôlée n’a évalué l’intérêt ou non d’une antibiothérapie après cholécystectomie, il est très probable que certains patients ayant une CAL légère, paucisymptomatique avec une inflammation modérée (mimant une douleur biliaire simple), pourraient être traités sans antibiotique dès lors que la cholécystectomie est réalisée précocement (< 72 h). En cas de forme plus symptomatique, l’antibiothérapie proposée est détaillée dans le Tableau 2 et dépend de la gravité du tableau clinique et de la présence ou non de facteurs de risque d’infection à BLSE (bêtalactamase à spectre élargi). Il convient de noter que ces recommandations nationales de la Société franc ¸aise d’anesthésie-réanimation [51] reprennent celles proposées par la Société américaine de pathologie infectieuse [52,53] et de la World Society of emergency surgery [42].
Quelle est la durée de l’antibiothérapie ? Aucune étude ne permet clairement de répondre à cette question sauf peut-être un essai qui n’a porté que sur des patients ayant une CAL (critères diagnostiques avant les Tokyo Guidelines) [48]. Il s’agit d’une étude prospective ayant comparé deux schémas d’antibiothérapie postopératoire chez des patients opérés d’une cholécystectomie pour CAL. Tous les patients avaient 2 g de céfamandole en préopératoire. Les patients étaient opérés puis randomisés pour recevoir soit un schéma court d’antibiothérapie (réinjection de 500 mg à la sixième et 12e heure) soit un schéma long (céphalosporine pendant sept jours). Dans cette série de 203 patients, la durée d’hospitalisation était
Études ayant évalué l’antibiothérapie postopératoire dans la cholécystite aiguë lithiasique.
Auteurs (ref)
Nombre patients
Type d’étude
Traitement
Conclusion
Havig et Hertzberg [43]
77
ECR
Ampicilline vs chloramphénicol vs pénicilline + streptomycine (pendant 7 jours) Antibiotiques préopératoires vs pas d’antibiotiques Céfalozine vs placébo (1 dose préopératoire) Courte vs longue antibioprophylaxie avec mezlocilline Ampicilline + tobramycine vs céfopérazone vs pipéracilline Ceftriaxone vs céfopérazone (pendant 5 jours) Courte vs longue antibioprophylaxie avec céfamandole Céfamandole vs céfotaxime (1 dose préopératoire) Pipéracilline vs céfazoline Amoxicilline + acide clavulanique préopératoire vs. absence d’antibiotique
Équivalent
Kune et Burdon [31]
189
Rétrospectif
Lewis et al. [44]
44
ECR
Groezinger [45]
80
Muller et al. [46]
53
Comparative non randomisée ECR
Friedlender et al. [47]
40
ECR
Lau et al. [48]
203
ECR
Grant et al. [49]
292
ECR
47 84
ECR ECR
Krajden et al. [50] Mazeh et al. [33]
ECR : essai comparatif randomisé. a Seulement 43 % de la population de cette étude avait une CAL. b Seulement 54 et 62 % de la population de chaque bras de cette étude avait une CAL.
Équivalent Équivalenta Équivalent Équivalent Équivalent Équivalent Équivalent Équivalentb Équivalent
8
D. Fuks et al. Tableau 2
Proposition d’antibiothérapie dans la cholécystite aiguë lithiasique. Antibiothérapie de 1ère intention
Antibiothérapie de 2nde intention
Absence de défaillance d’organe (grade 1 et 2) Absence de facteurs de risque d’infection à BLSE
Amoxicilline/acide clavuanique 2 g toutes les 6 heures (durée de perfusion : 2 heures)
Absence de défaillance d’organe (grade 1 et 2) Facteurs de risque d’infection à BLSE
Tigécycline 100 mg/100 ml puis 50 mg toutes les 12 heures (durée perfusion : 2 heures) Pipéracilline/tazobactam 8/2 g en bolus puis 16/2 g en perfusion continue ou 4,5 g toutes les 6 heures (durée perfusion : 4 heures) Pipéracilline 8 g en bolus puis 16 g en perfusion continue ou 4 g toutes les 6 heures (durée perfusion : 4 heures) + Tigécycline 100 mg en bolus puis 50 mg toutes les 12 heures (durée perfusion : 2 heures) ± Fluconazole 600 mg en bolus puis 400 mg toutes les 24 heures (durée perfusion : 2 heures)
Ciprofloxacine 400 mg toutes les 8 heures (durée de perfusion : 30 min) + Métronidazole 500 mg toutes les 6 heures (durée de perfusion : 1 heure) —
Présence de défaillance d’organe (grade 3) Absence de facteurs de risque d’infection à BLSE
Présence de défaillance d’organe (grade 3) Présence de facteurs de risque d’infection à BLSE
—
—
D’après les recommandations de la Société franc ¸aise d’anesthésie-réanimation. BLSE : bêtalactamase à spectre élargi.
significativement plus longue dans le bras schéma long et aucune différence significative en termes de survenue d’infection du site opératoire (abcès de paroi) n’a été observée. Globalement, la durée des antibiothérapies a longtemps été dictée par l’expérience sans aucun support scientifique vraiment établi. La tendance amorcée depuis plusieurs années vise à raccourcir la durée de traitement de fac ¸on à diminuer la pression de sélection et donc, à terme, l’émergence de bactéries résistantes, tout en gardant une efficacité identique à celle d’un traitement plus prolongé [54]. Ainsi, un traitement court est actuellement préconisé dans la plupart des infections. Même s’il n’existe pas de justification scientifique solide spécifique à la CAL, il semble cependant préférable de ne pas prolonger les antibiotiques après la cholécystectomie, sauf dans les formes sévères et/ou en cas de sujet immunodéprimé [28], mais elle doit être évaluée périodiquement afin d’éviter une utilisation prolongée et inutile.
Conclusions Un antibiotique actif sur les germes digestifs et à bonne diffusion biliaire doit être administré de fac ¸on systématique à toutes les CAL avant la prise en charge chirurgicale à l’exception des CAL bénignes paucisymptomatiques. Dans
tous les cas, il faut essayer, notamment dans les formes sévères, d’obtenir une bactériologie par prélèvement de bile. Le maintien du traitement antibiotique après la cholécystectomie précoce ne semble pas nécessaire, en dehors des formes sévères mais nécessite d’être confirmé par un essai randomisé.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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