Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2012) 93, 954—957
E-QUID : RÉPONSE / Neurologie
Chordome du canal rachidien cervical avec atteinte osseuse modérée chez un enfant. Réponse du e-quid de octobre夽,夽夽 A. Guillonnet ∗, L. Bengolea , J. Funes , O. Velán , R. Garcia Mónaco , C. Besada Servicio de diagnóstico por imágenes, departamento de neurorradiología, hospital Italiano de Buenos-Aires, 4249 Potosí, Buenos Aires, Argentine
Observation Il s’agit d’un garc ¸on de quatre ans, sans antécédent personnel, issu d’une grossesse normale à terme, présentant une hémiparésie droite progressive sur un mois. Il est adressé pour IRM cérébrale et médullaire (Fig. 1), complétée par un scanner (Fig. 2). La séquence de diffusion est négative.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2012.04.012. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. 夽夽 Nous vous proposons ici la réponse au cas présenté dans le no 10-2012. Pour rappel, nous publions à nouveau l’intégralité du cas avec à la suite la réponse. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Guillonnet). 夽
2211-5706/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour les Éditions françaises de radiologie. doi:10.1016/j.jradio.2012.02.017
Chordome du canal rachidien cervical chez un enfant
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Figure 1. IRM cérébrale et médullaire. a : séquence axiale T1 sans contraste ; b : séquence axiale T2 ; c : séquence sagittale T1 après injection de Gadolinium.
Figure 2.
Scanner sans injection, coupes sagittales. a : fenêtre parenchymateuse ; b : fenêtre osseuse.
Quel est votre diagnostic ?
Commentaire
À la lecture de l’observation, quel serait votre diagnostic parmi les propositions suivantes : • tumeur épidermoïde ; • chordome ; • chondrosarcome ; • lymphome ; • métastase.
Les examens réalisés retrouvent une masse du canal médullaire s’étendant du clivus au corps vertébral de C3, via le foramen magnum, et une atteinte modérée du corps vertébral de C2. Cette masse est extradurale antérieure : elle refoule la moelle spinale en arrière, amincit les espaces sous arachnoïdiens, et élargit le canal médullaire. Elle est responsable d’une compression de la moelle spinale cervicale et de la moelle allongée, sans signe de myélopathie à l’IRM. En IRM (Fig. 3), la masse est en hyposignal T1 modéré, hypersignal T2, sans restriction de la diffusion et se rehausse modérément en périphérie après injection de produit de contraste. On note une hétérogénéité de signal de l’os adjacent. En TDM (Fig. 4), la tumeur est bien limitée, hétérogène, avec des zones hypo- et hyperdenses. On note une
Diagnostic Chordome du canal rachidien cervical avec atteinte osseuse modérée chez un enfant.
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A. Guillonnet et al.
Figure 3. IRM cérébrale et médullaire : masse intracanalaire extradurale antérieure (flèche noire), repoussant la moelle en arrière (flèche blanche) et en contact avec la vertèbre C2 (tête de flèche).
Figure 4. Scanner sans injection, coupes sagittales : on retrouve la même masse intracanalaire hétérogène (flèche noire) avec des érosions de la corticale de C2 et quelques zones ostéocondensantes (cercle blanc). Élargissement du canal médullaire.
déformation du corps vertébral et de la dent de C2 avec une ostéolyse corticale et une zone ostéocondensante adjacente. Cette atteinte osseuse est très modérée par rapport à la taille de la masse.
Discussion Les chordomes sont des tumeurs rares (4 % des tumeurs osseuses primitives), malignes, de croissance lente, localement agressives mais rarement métastatiques [1—3]. Ils se développent à partir des reliquats intraosseux de la notochorde primitive [4], généralement à ses extrémités dans des proportions estimées de 25 à 35 % à la base du crâne, 50 à 60 % au niveau sacrococcygien, 15 à 25 % dans les corps vertébraux cervico-dorso-lombaires [2,5—7]. Une étude évalue cependant cette répartition à un tiers à
chaque niveau [1]. Les chordomes sont rarement uniquement intraosseux et s’étendent fréquemment à l’espace épidural et périvertébral en élargissant le foramen inververtébral, et moins fréquemment aux disques intervertébraux [4,6,8]. Les chordomes du rachis cervical représentent 20 à 50 % des localisations rachidiennes, avec une atteinte du corps vertébral de C2 plus fréquemment rapportée, probablement en lien avec la plus grande taille de la vertèbre [6]. De rares localisations en dehors du squelette axial (nasopharynx, intradural..) [2] et extraosseuses [5,6,8] ont été décrites. La moyenne d’âge des patients atteints de chordome est de 30 à 50 ans [2,6]. Il existe un sex-ratio de deux hommes pour une femme [1,2]. Cette tumeur est extrêmement rare chez l’enfant, où elle est généralement située au niveau de la base du crâne, avec une extension facilitée au travers du foramen magnum [7]. La clinique varie en fonction de la localisation, mais est souvent chronique [6] :
Chordome du canal rachidien cervical chez un enfant • en cas de localisation rachidienne cervicale : douleurs cervicales, d’épaules, des membres supérieurs et faiblesse musculaire surtout en cas de myélopathie associée, dysphagie, difficultés respiratoires [4,6] ; • en cas de localisation clivale : ophtalmoplégie (proximité des paires crâniennes III, IV et VI) ou céphalées frontoorbitales chroniques, voire atteinte des autres paires crâniennes plus bas situées [2]. Le bilan d’imagerie est réalisé par la TDM et l’IRM, qui sont aussi performants pour la détection de la tumeur, mais l’IRM en réalise mieux l’extension, surtout au niveau du système nerveux central [1]. Classiquement, l’IRM retrouve une masse en iso/hypointensité T1 hétérogène (os) et en hypersignal T2 hétérogène (avec de possibles cloisons en hyposignal). En T2*, des éléments hypointenses peuvent être visualisés (sang, calcifications). Après injection de gadolinium, un rehaussement est généralement visualisé mais d’intensité variable, parfois en rayon de miel (lié aux cloisons osseuses) [1,2,4,7]. Les localisations rétroclivales réalisent la classique « empreinte de pouce » sur le pont du tronc cérébral. Les séquences pondérées en T1 avec saturation de la graisse aident à mieux repérer les prises de contraste. En TDM, on visualise une masse centrée, bien limitée, globalement hyperdense par rapport à la moelle spinale, hétérogène avec des zones hyper- et hypodenses (fragments osseux de l’os lysé au sein de la matrice tumorale) et très fréquemment des lésions lytiques de l’os [1,2,4,6]. Le rehaussement est hétérogène [2,4,6]. Pour les chordomes du clivus, un bilan d’imagerie vasculaire doit être réalisé en raison du risque d’envahissement artériel, par une ARM, un angioscanner artériel voire une artériographie si nécessaire [1,2,6]. L’intérêt de notre cas est la présentation atypique de cette tumeur, d’une part car elle atteint exceptionnellement les enfants, et d’autre part par sa localisation extradurale avec une atteinte osseuse très limitée. Les diagnostics différentiels sont : • les tumeurs épidermoïdes : elles sont généralement de siège intradural. Elles n’entraînent pas de modification des os adjacents, ne rehaussent pas après injection de Gadolinium et ont un signal en diffusion élevé avec chute de l’ADC [2] ; • le lymphome : la localisation spinale intracanalaire du lymphome primaire est très rare. Il s’agit généralement d’une tumeur plus homogène, avec un rehaussement homogène et une restriction de la diffusion ; • le chondrosarcome : il n’est généralement pas médian sur le clivus mais se développe le long de ses marges latérales, dans la fissure pétro-occipitale. Cependant, son signal est identique à celui du chondrome et peut présenter des calcifications chondroïdes (arciformes, globuleuses ou linéaires) [1,2,7]. Comme le chordome, le chondrosarcome est très rare chez les jeunes enfants [2] ; • le plasmocytome : son signal en pondération T2 est généralement plus bas et homogène que celui du chondrome. Il est également ostéolytique. La moyenne d’âge est plus élevée (50—90 ans) [2] ;
957 • les métastases : il s’agit généralement de lésions détruisant l’os avec extension aux parties molles, dans un cadre de néoplasie connue [2] ; • pour les chordomes à extension à travers les foramens intervertébraux, il faut également citer les tumeurs de la gaine neuronale comme les schwannomes [4,6] ; • enfin, l’ecchordosis pysaliphora est un tissu notochordal ectopique en situation intradurale rétroclivale, bénin, trouvé dans 2 % des séries autopsiques [3,5], mais dont l’imagerie est typique : isosignal T1, hypersignal T2 sans rehaussement, avec présence d’un pédicule osseux [9]. À l’histologie, les chordomes sont reconnaissables par la présence de cellules physaliphores [2,4]. On distingue deux types histologiques : le chordome classique et le chordome chondroïde, qui est plus fréquent chez les enfants, et de meilleur pronostic [2,7]. Le traitement est chirurgical de préférence, souvent complété par une proton-thérapie [1,2,4,]. Le pronostic : 60 à 70 % de survie à cinq ans sans récidive après traitement chirurgical et radiothérapie [2].
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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