Lettres à la rédaction / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 1283–1295
Colite lymphocytaire révélée par une monoarthrite夽 Lymphocytic colitis with monoarthritis as the presenting manifestation
Mots clés : Colite lymphocytaire ; Colite microscopique ; Monoarthrite ; Entérocolopathie ; Spondylarthropatie Keywords: Lymphocytic colitis; Microscopic colitis; Monoarthritis; Concomitant inflammatory bowel disease; Spondyloarthropathy
1. Introduction La colite lymphocytaire (CL) est définie par l’association de diarrhée chronique, sans anomalie macroscopique et une lymphocytose intraépithéliale supérieure à 20 %. L’association avec une arthrite mono- ou oligoarticulaire est possible [1]. Nous en rapportons une observation. 2. Observation Une patiente âgée de 42 ans est admise dans le service de rhumatologie en juin 2005, pour monoarthrite aiguë du genou gauche. L’anamnèse retrouve des leucorrhées et un syndrome bronchique sans signes systémiques. La patiente est apyrétique et présente un épanchement du genou gauche. Le liquide articulaire est inflammatoire, à prédominance lymphocytaire, sans germes ni microcristaux. Le prélèvement vaginal isole un Candida albicans. Les prélèvements de gorge, la cytobactériologie urinaire et le bilan de tuberculose sont négatifs. Il existe un syndrome inflammatoire ; la vitesse de sédimentation (VS) à 90 mm par heure et la CRP à 26 mg/l. La numération formule sanguine (NFS), la fonction rénale, les transaminases, le bilan phosphocalcique et l’uricémie sont normaux. Les sérologies hépatiques B et C, syphilitique, chlamydiae et VIH sont négatives. Les radiographies des articulations périphériques et du rachis ne montrent pas d’atteinte structurale. L’échographie abdominale est normale. Le diagnostic retenu à ce stade est celui d’arthrite infectieuse sans germe isolé. Une bi-antibiothérapie à large spectre donne une nette amélioration clinicobiologique. Cinq mois plus tard, notre patiente présente une poussée oligoarticulaire avec un épisode diarrhéique. La colonoscopie avec biopsies est normale. Devant la persistance de la diarrhée, la réalisation d’une deuxième coloscopie avec biopsies profondes objective une CL ; lymphocytose intraépithéliale supérieure à 20 % (Fig. S1, S2 ; voir le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article). La fibroscopie œsogastroduodénale montre une gastrite chronique antrale et fundique avec présence d’Helicobacter pylori. L’examen ophtalmologique conclut à une maculopathie, avec périphlébite et vascularite rétinienne. Le bilan de vascularite est néga夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine.
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tif (facteur rhumatoïde, facteurs antinucléaires, antifilaggrines, anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles, antimitochondries et antimuscles lisses). Le typage HLA-B27 et HLA-B5 est négatif. Le dosage des enzymes musculaires est normal. La constatation d’un amaigrissement récent, associée à une tachycardie sans fièvre, a conduit au diagnostic de thyroïdite d’Hashimoto en phase d’hyperthyroïdie avec une TSH effondrée à 0,08 UI/l, une T4 libre augmentée à 35,7 UI/l, des anticorps anti-thyroperoxydases positifs à 174 UI/l et un goitre nodulaire et hétérogène à l’échographie. La biopsie des glandes salivaires accessoires objective une sialadénite chronique non spécifique discrète stade II de Chisholm. Le diagnostic retenu est une oligoarthrite survenant dans un contexte auto-immun secondaire à la CL, associée à une thyroïdite d’Hashimoto. La patiente est traitée par bolus de méthylprédnisolone, salazopyrine (2 g/j) et carbimazole. L’évolution est marquée par la disparition de la périphlébite rétinienne, la normalisation du bilan thyroïdien, mais persistance de l’oligoathrite. 3. Commentaires La CL s’intègre avec la colite collagène (CC) dans le cadre des colites microscopiques (CM). Elle se définit par un nombre de lymphocytes intraépithéliaux supérieur à 20 % des cellules épithéliales (contre 4–6 % en côlon sain) [2]. La CL atteint la femme après 50 ans, avec un sex-ratio de 1,2. Elle est souvent associée à des maladies auto-immunes ou inflammatoires [1]. Dans 10 % des cas, on retrouve des antécédents familiaux de colite inflammatoire intestinale [3]. Une arthrite, mono- ou oligoarticulaire séronégative, non destructrice, peut s’y associer. Elle rappelle l’atteinte articulaire périphérique des spondylarthropathies. Ainsi, Patenotte et Bigard mentionnent la possibilité d’association des CM avec la spondylarthrite ankylosante [4]. Dans notre observation, l’arthrite représente le mode de révélation de la CL ce qui fait son originalité. Le terrain d’auto-immunité est retrouvé chez 30 à 40 % des malades [1]. Les affections d’origine dysimmunitaire décrites en association avec les CM sont la maladie cœliaque, le diabète, la polyarthrite rhumatoïde, les affections thyroïdiennes (thyroïdites, maladie de Basedow), et plus rarement, le lupus, le syndrome de Sjogren, le syndrome de Raynaud, le Crest syndrome, la myasthénie, la maladie de Horton, la cholangite sclérosante. Un cas d’asplénie fonctionnelle associée est rapporté [2], ainsi qu’un cas d’hépatite auto-immune [5]. Habituellement, la CL est d’apparence idiopathique, son origine génétique, infectieuse ou médicamenteuse est en cours d’évaluation. Les CL sont parfois associées à la prise de certains médicaments, notamment les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), et plus rarement, les salicylates, simvastatine, ticlopidine, ranitidine, carbamazepine, flutamide, sels d’or, et plus récemment, le lansoprazole [6,7]. Fernandez-Banares et al. ont montré une corrélation entre la consommation médicamenteuse et la CL. Une association significative avec la prise de sertraline (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine) est démontrée. Certains médicaments peuvent être le facteur déclenchant de la CM chez les patients prédisposés, alors que d’autres ne font qu’aggraver son évolution [8]. Le traitement
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est moins bien étudié, mais il semble que le budésonide et des doses élevées de bismuth permettent une amélioration clinique et histologique des manifestations digestives [1]. Ung et al. ont mentionné l’efficacité symptomatique des chélateurs des sels biliaires chez 27 malades ayant une CC [9]. En cas d’échec, les dérivés du l’acide 5-aminosalicylique (5ASA) ou une corticothérapie systémique pourraient être envisagés. Les immunosuppresseurs sont prescrits dans les formes rebelles et invalidantes notamment les formes corticodépendantes et réfractaires aux thérapeutiques précitées [1]. En l’absence d’effet décrit du budésonide sur les manifestations extradigestives, on a opté pour une corticothérapie systémique associée à la sulfasalazine avec arrêt de tout AINS. Habituellement, l’évolution naturelle de la CM est bénigne. Les manifestations articulaires évoluent parallèlement à l’atteinte digestive. Le risque de survenue d’un cancer colique et la mortalité sont comparables à celui attendu dans la population générale [10].
Annexe A. Matériel complémentaire Du matériel complémentaire (Fig. S1 ; S2) accompagnant cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com, doi:10.1016/j.rhum.2008.03.005.
Khadija Krati Service de gastroentérologie, hôpital Ibn Tofail, CHU Mohammed-VI, Marrakech, Maroc ∗ Auteur
correspondant. BP 2659, Marrakech Principal, Maroc. Adresse e-mail :
[email protected] (S. El Hassani). 26 mars 2008 Disponible sur Internet le 30 octobre 2008
doi:10.1016/j.rhum.2008.03.005
Kyste synovial articulaire postérieur de la charnière cervicothoracique responsable d’un élargissement du foramen夽 Cervicothoracic-juxtafacet cyst causing spinal-foraminal widening
Mots clés : Rachis cervical ; Classification ; Extraforaminal ; Kyste synovial articulaire postérieur ; Foramen ; Kyste synovial Keywords: Cervical spine; Classification; Extraforaminal; Juxtafacet cyst; Neural foramen; Synovial cyst
1. Introduction Références [1] Coffin B. Colites microscopiques : colite collagène et colite lymphocytaire. Iléus 2002;13:5–9. [2] Schneider S, Rampal A, Hebuterne X, et al. Les colites microscopiques. Gastroenterol Clin Biol 1998;22:431–41. [3] Lazenby AJ. Collagenous and lymphocytic colitis. Semin Diagn Pathol 2005;22:295–300. [4] Patenotte A. Bigard MA. Colites microscopiques : colites collagène et lymphocytaire. Encycl Med Chir (Paris: Elsevier). Gastroentérologie, 9-061-A-50, 1999, 5 p. [5] Cronin EM, Sibartie V, Crosbie OM, et al. Autoimmune hepatitis in association with lymphocytic colitis. J Clin Gastroenterol 2006;40:648–50. [6] Hilmer SN, Heap TR, Eckstein RP, et al. Microscopic colitis associated with exposure to lansoprazole. Med J Aust 2006;184:185–6. [7] Thomson RD, Lestina LS, Bensen SP, et al. Lansoprazole-associated microscopic colitis: a case series. Am J Gastroenterol 2002;97:2908–13. [8] Fernandez-Banares F, Esteve M, Espinos JC, et al. Drug consumption and the risk of microscopic colitis. Am J Gastroenterol 2007;102:324–30. [9] Ung KA, Gillberg R, Kilander A, et al. Role of bile acids and bile acid binding agents in patients with collagenous colitis. Gut 2000;46:170–5. [10] Nielsen OH, Vainer B, Schaffalitzky de Muckadell OB. Microscopic colitis: a missed diagnosis ? Lancet 2004;364:2055–7.
Les kystes juxta-articulaires, postérieurs du rachis, habituellement appelés kystes synoviaux articulaires postérieurs, font partie des manifestations reconnues de la pathologie dégénérative du rachis lombaire [1,2]. En règle générale, le kyste forme une masse intrarachidienne et extradurale provenant de l’articulation zygapophysaire et est responsable des douleurs rachidiennes et/ou d’une irritation radiculaire. Sa localisation foraminale avec extension extraforaminale est tout à fait rare et n’a été rapportée qu’au rachis lombaires bas [3–10]. Nous rapportons une observation unique par sa localisation cervicothoracique. 2. Observation
Mariam Ait Ouazar Rachid Younsi Ahlam Belkhou Selma El Hassani ∗ Service de rhumatologie, hôpital Ibn Tofail, CHU Mohammed-VI, Marrakech, Maroc
Un patient, âgé de 63 ans, présentait depuis quatre ans des névralgies cervicobrachiales gauches réfractaires avec apparition récente de dysthésies dans les territoires C7 et C8. La douleur s’était aggravée rapidement, devenant diurne et nocturne. Il n’existait pas de symptomatologie évocatrice de compression médullaire. À l’examen physique, on retrouvait une hypoesthésie dans le territoire C8 gauche, sans déficit moteur, mais avec une diminution du réflexe tricipital gauche. Sur les radiographies standard du rachis cervical, il existait un élargissement du foramen, ou trou de conjugaison, intervertébral C7 à T1 gauche (Fig. 1). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) mettait en évidence une masse extradurale
Badiaa Belaabidia Service d’anatomopathologie, hôpital Ibn Tofail, CHU Mohammed-VI, Marrakech, Maroc
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine.