Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com Médecine & Droit 2011 (2011) 241–242
Protection de la personne
Comment initier une mesure de protection juridique ?夽 To give a measure of legal protection to vulnerable adults Christelle Gouillet (Médecin légiste, expert près le juge des tutelles de la cour d’appel d’Angers) a,b , Clotilde Rougé-Maillart (Professeur de médecine légale et droit de la santé, médecin légiste, expert près la cour d’appel d’Angers) a,b,∗ a
Service de médecine légale, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France b EA 4337, centre juridique Jean-Bodin, université d’Angers, 49035 Angers, France
Résumé La réforme de mars 2007 est forte d’un impact non négligeable sur la fac¸on d’initier une mesure de protection juridique concernant les majeurs vulnérables. À côté des mesures judiciaires de protection classiques (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle), qui restent majoritaires, vient s’ajouter une nouvelle mesure de protection de nature conventionnelle : le mandat de protection future. Les auteurs se proposent de rappeler de manière pragmatique la procédure afin d’initier une mesure de protection. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Majeur incapable ; Protection juridique ; Mandat de protection future
Abstract The reform in March 2007 has had a sizeable impact in terms of giving a measure of legal protection to vulnerable adults. Alongside traditional legal protection measures (conservatorship, trusteeship or guardianship) that are still in the majority, is a new protective measure that is of a conventional nature: lasting power of attorney. The authors propose to recall the procedure in a pragmatic way so as to initiate a measure of protection. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Incapable adults; Legal protection; Lasting power of attorney
La démarche de protection juridique concernant les majeurs vulnérables est conditionnée par le contenu de l’article 425 du Code civil, à savoir : « une altération des facultés mentales, médicalement constatée ou une altération des facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de la volonté » qui a pour conséquence l’impossibilité pour le majeur de pourvoir seul à ses intérêts (patrimoniaux : finances, démarches administratives, etc. et/ou personnels : choix de sa résidence, prise en charge médicale, etc.). Après validation des critères médicaux indispensables, l’ouverture d’une mesure est également 夽
Communication faite dans le cadre de la 4e Journée de Droit du Centre hospitalier d’Angers, « Médecine et vulnérabilité : la relation de soin », Amphithéâtre Larrey, Jeudi 31 mars 2011 à 16 h 15. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Rougé-Maillart). 1246-7391/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.meddro.2011.10.001
soumise à la vérification du besoin d’une mesure de protection juridique, selon le principe de nécessité (prise en compte de critères environnementaux, familiaux, patrimoniaux, etc. Pour exemple, présence ou non d’une famille, conflit familial ou non, entourage bienveillant ou non, risque de démarchage à domicile, projet de vente immobilière, etc.). S’agissant des mesures judiciaires de protection, il convient de toujours rechercher en priorité la possibilité d’une demande recevable par le juge des tutelles grâce à la présentation d’une requête et d’un certificat médical circonstancié : • la requête est un formulaire principalement administratif (à disposition au greffe du tribunal d’instance). Elle ne peut être remplie que par certaines personnes habilitées à le faire (le majeur lui-même demandant protection, le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin dès l’instant où il y a une preuve de
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C. Gouillet, C. Rougé-Maillart / Médecine & Droit 2011 (2011) 241–242
vie commune, tout parent ou allié ou toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables). Ce formulaire est à déposer ou à envoyer en lettre simple au cabinet du juge des tutelles du tribunal d’instance de la résidence habituelle du majeur, en prenant soin de mentionner dans la rubrique prévue à cet effet les coordonnées du médecin agréé qui a été ou qui va être consulté ; • le certificat médical circonstancié ne peut émaner que d’un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République (liste prévue par l’article 431 du Code civil). Le certificat du médecin traitant n’est donc plus d’actualité, ce qui ne veut pas dire qu’il a été écarté du dispositif puisque son avis peut être sollicité par le médecin agréé (article 4311 du Code civil), tout comme l’avis d’un médecin spécialiste en charge du majeur (médecin traitant au sens large, médecin psychiatre par exemple). Cela peut être très précieux pour optimiser les conclusions médicales dans l’intérêt du majeur à protéger. Ce certificat répond à des objectifs médicaux bien définis (mission stéréotypée) dans le seul but d’éclairer un magistrat qui reste totalement libre de sa décision. Sa tarification est de 160 euros (elle a été fixée par décret). Ce certificat médical n’est pas remboursé par la Sécurité Sociale car il s’inscrit dans un contexte d’expertise médicale et non d’une consultation médicale. Il est destiné exclusivement au juge des tutelles, pour deux raisons justifiées par le respect du secret professionnel (dérogation légale vis-à-vis du juge des tutelles, pas de remise de certificat médical à un tiers). La remise sous pli cacheté au requérant n’est personnellement donc pas choisie. Le dossier, à la condition impérative d’être complet, pourra donc être traité directement par le juge des tutelles, le procureur étant informé de la procédure. Dans le cas où cette demande ne peut être formulée auprès du juge des tutelles (ex : personne non habilitée à remplir la requête, cas d’un médecin par exemple, impécuniosité du majeur, refus d’une expertise médicale par le majeur à protéger, etc.), la réforme de 2007 prévoit alors comme alternative de passer par un signalement auprès du procureur de la République. N’oublions pas que cette réforme a supprimé la possibilité de saisir directement le juge des tutelles (signalement qui était fait auprès du juge des tutelles et qui lui permettait de se saisir
d’office). Il ne faut donc pas faire d’amalgame entre demande recevable par le juge des tutelles et saisie directe. Le signalement doit être suffisamment « explicite » d’un point de vue médical. Il doit faire ressortir le contexte médical exigé par l’article 425 du Code civil et contenir des données administratives minimales (coordonnées de la personne, date de naissance, adresse. . .) pour retenir toute l’attention du destinataire et être traité dans les meilleurs délais. Le procureur de la République va alors jouer un rôle de triage. La réforme de 2007 lui a conféré bon nombre de pouvoirs : celui de saisir d’office un médecin agréé pour l’établissement d’un certificat médical circonstancié (au titre de frais de justice), de faire des enquêtes sociales, etc. À l’issue des données recueillies, en cas d’altération des facultés mentales, il pourra saisir le juge des tutelles aux fins d’ouverture d’une mesure judiciaire de protection mais seulement après vérification préalable qu’un dispositif moins contraignant ne peut être appliqué en vertu du principe de subsidiarité (en autre, mandat sous toutes ses formes et notamment : mandat de protection future). Ce dernier dispositif permet à toute personne majeure, hormis une personne sous tutelle, d’organiser à l’avance sa propre protection juridique pour le jour où elle en aurait besoin (toujours par référence aux critères définis par l’article 425 du Code civil). Enfin, en l’absence d’altération des facultés mentales mais en cas de signalement suffisamment préoccupant, le majeur à protéger ou la personne requérante pourront être réorientés sur le Conseil Général en vue d’une mesure à vocation sociale dont le 1er niveau est représenté par la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) mais sous conditions exigées (perception de prestations sociales). La réforme de 2007 a donc profondément bouleversé ce chapitre. Nul ne peut en ignorer les conséquences, d’autant que, plus particulièrement, tout médecin, quel que soit son domaine d’activité, peut être amené de près ou de loin à donner des conseils, voire à engager lui-même cette procédure. Annexe. Matériel complémentaire Un fichier audio de cette communication est disponible en ligne sur : doi:10.1016/j.meddro.2011.10.001.