Pratique Neurologique – FMC 2012;3:245–252
Passerelles
Comment organiser une réunion de formation médicale continue ? Quels sont les processus à mettre en place ? How to plan a meeting of continuing medical education? What are the processes to be set up? a
Service de neurophysiologie, université de Rouen, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France b Service de neurologie, université de Rouen, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France
RÉSUMÉ Une formation médicale continue nécessite un travail de préparation dont le but est de stimuler les processus cognitifs favorisant l'apprentissage : la motivation, la perception, l'attention, la mémoire, les représentations et les connaissances antérieures, le statut de l'erreur et l'effet enseignant. Il faut une planification systématique des apprentissages surtout si l'on se place dans la perspective de faciliter l'apprentissage des participants. Les étapes de cette planification sont : la détermination des besoins éducatifs, la formulation des objectifs d'apprentissage, la détermination de la méthode pédagogique, la mesure de l'atteinte des objectifs par les apprenants et enfin l'évaluation de l'activité. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
SUMMARY A continuing medical education requires a work of planning. The aim is to stimulate the cognitive processes conducive to learning: motivation, perception, attention, memory, representations and previous knowledge, error's status and teaching effect. A systematic planning of is especially needed if the perspective of facilitating the learning of participants is taken in account. The stages of this planning are: determination of the educational needs, formulation of the objectives of learning, determination of the educational method, measure of the achievement of the objectives by the learners and finally evaluation of the activity.
N. Chastan a O. Martinaud b J. Weber a
Mots clés Formation médicale continue Apprentissage Processus cognitifs Planification systématique
Keywords Continuing medical education Learning Cognitive processes Systematic planning
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
out médecin spécialiste se trouve confronté lors de sa carrière à la formation médicale dite continue puisqu'elle se situe après le cursus universitaire initial. Que l'on soit participant ou organisateur, une réunion de formation médicale continue peut laisser un souvenir plus ou moins agréable et être plus ou moins profitable à la fois pour les organisateurs et les participants. Nous partons du paradigme pédagogique que l'étudiant devrait être placé au centre de la formation médicale. Dans ces conditions le but d'une formation médicale
T
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2012.06.001
devrait être de faciliter l'apprentissage plutôt que de transmettre du savoir (Brydges et Butler, 2012 ; Wong et al., 2012). Une réunion de formation continue devrait faire l'objet d'une planification systématique permettant de déterminer les buts de la formation, les objectifs d'apprentissage et la mesure de l'apprentissage effectué. Cependant, une planification réussie dépend de la bonne compréhension des déterminants cognitifs d'un apprentissage. Les mécanismes d'acquisition des connaissances sont en effet un point clé des
Auteur correspondant. Adresse e-mail : Jacques.Weber@chu-rouen. fr
245
N. Chastan et al.
Passerelles apprentissages. On peut retenir un certain nombre de principes développés par Bernard et Reyes (Bernard et Reyes, 2001a) : tout apprentissage est un acte individuel et nécessite une participation active ; toute perception réussie est une catégorisation ; les représentations antérieures, c'est-à-dire les convictions du sujet sur la question traitée, influent de manière déterminante la compréhension, le raisonnement et donc l'intégration des nouvelles connaissances ; tout apprentissage correspond à une modification de structuration de la pensée de l'apprenant ; l'interaction sociale joue un rôle (relation enseignant enseigné, relations entre les sujets participants surtout si l'apprentissage fait appel à des techniques de petits groupes).
PROCESSUS COGNITIFS Un certain nombre de processus cognitifs sont à l'œuvre au cours de l'apprentissage (Bernard et Reyes, 2001b).
La motivation Bien que l'on puisse penser que la motivation des apprenants est toujours fortement présente dans le cadre d'une formation continue, l'expérience pédagogique montre que cela n'est pas toujours le cas. Deux sortes de motivations sont possibles. La motivation intrinsèque ou intérêt direct dépend de la façon dont l'apprenant s'estime capable d'atteindre le but qu'il s'est fixé. Cette confiance en soit est nourrie par la perception de l'intérêt de l'apprentissage et par l'adéquation des méthodes pédagogiques mises en œuvre. La motivation extrinsèque dépend des avantages dérivés de l'apprentissage et a une valeur plus sociale. L'enseignant influence directement les motivations intrinsèque et extrinsèque, par le choix des objectifs éducatifs, par le niveau de participation de l'apprenant. Les encouragements mérités ont toujours des conséquences positives, tandis que les encouragements perçus comme abusifs sont à éviter. Une récente revue de la littérature fait le point sur la motivation en éducation médicale comme variable dépendante et indépendante (Kusurkar et al., 2011 ; Okayama et Kajii, 2011).
La perception La perception est une intégration de signaux sélectionnés par le cerveau, puis intégrés dans une catégorie connue. C'est la différence entre voir et regarder, entendre et écouter. Tous les enseignants connaissent la nécessité de souligner des points particuliers du cours de manière à focaliser la perception sur les points essentiels à la compréhension du discours (Elliot et al., 2011). 246
L'attention L'attention permet la sélection les informations. Le stimulus visuel étant le plus efficace, il doit être privilégié par l'enseignant, qui peut proposer des schémas ou des images mais doit aussi avoir une attitude attractive (Hendricson et Kleffner, 2002).
La mémoire La mémoire est un processus cognitif essentiel permettant le stockage et le rappel d'informations apprises. On connaît les limites de la mémoire à court terme (que l'on résume classiquement à un empan mnésique moyen de 7 2 éléments de rétention), dont on admettra qu'elle constitue une étape pour le passage en mémoire à long terme. La répétition de l'information est donc un facteur essentiel, tout comme la fatigue qui contribue à dégrader les performances et nécessite donc de nuancer les efforts en fonction du cycle nycthéméral. Une technique d'enseignement efficace devrait permettre à l'apprenant de favoriser les stratégies d'encodage épisodiques (c'est-à-dire par le biais contextuel, que ce soit environnemental, cognitif ou émotionnel), sémantiques (c'est-àdire par le biais de la compréhension de l'information), voire procédurales (c'est-à-dire par le biais des automatismes) au cours de son apprentissage. En effet l'efficacité du rappel dépend de la qualité de l'encodage et de son caractère signifiant (Collette et Van der Linden, 2002).
Les représentations et les connaissances antérieures Les représentations et les connaissances antérieures sont très importantes à considérer. On peut en effet dire qu'apprendre, c'est abandonner une représentation pour en adopter une plus prometteuse. On peut imaginer deux types de difficultés qui vont gêner l'apprentissage : les nouvelles connaissances ne trouvent aucun point d'accrochage avec les connaissances préexistantes ; les nouvelles connaissances remettent en question une représentation antérieure considérée comme pertinente par l'apprenant (en particulier s'il l'a déjà utilisé de manière satisfaisante dans des situations professionnelles par exemple). Il est donc nécessaire que l'enseignant ait une idée précise des représentations antérieures des apprenants avant de planifier sa séance d'enseignement (Vachon et Leblanc, 2011).
Le statut de l'erreur Il y en existe deux types. Certaines erreurs sont liées à un défaut de connaissances factuelles ou procédurales, et sont directement imputables à l'apprenant qui doit renforcer ses efforts de mémorisation. D'autres sont liées à des obstacles conceptuels qui empêchent
Pratique Neurologique – FMC 2012;3:245–252
l'étudiant d'apprendre. L'enseignant doit savoir dépister ces obstacles conceptuels et adapter sa pédagogie de manière à faciliter la compréhension du discours (Mankad et al., 2009).
L'effet enseignant Là encore l'expérience professionnelle montre que le rôle de l'enseignant est déterminant dans une pédagogie centrée sur l'apprenant, mais aussi dans un enseignement magistral. Un enseignant a toujours le souci de présenter son discours de manière construite, cohérente et claire, (bien que le risque soit alors de diminuer le sens critique de l'apprenant). Un nouvel apprentissage nécessite des efforts qui seront d'autant mieux acceptés s'il existe un soutien actif de l'enseignant. L'attente du maître induit la performance de l'élève, c'est l'effet Pygmalion. Ces processus cognitifs devraient être considérés avant de planifier une formation pédagogique qu'elle soit initiale ou continue, l'importance du message à délivrer n'étant pas le seul facteur qui détermine pour l'enseignant et pour l'apprenant la réussite d'une session de formation (Bell et al., 2011).
COMMENT PLANIFIER UNE SÉANCE PÉDAGOGIQUE ? Nous pensons que l'apprenant doit être au centre de la planification pédagogique qui doit donc être pensée en termes d'apprentissage plutôt qu'en termes d'enseignement. En effet transmettre des connaissances est relativement simple, en particulier à l'heure d'Internet, et la facilitation qui en découle de la mise à disposition de toutes les connaissances. Faciliter l'apprentissage est beaucoup plus ardu et nécessite un vrai travail pédagogique. Cinq étapes ont été identifiées dans la littérature pédagogique (Gorincour et al., 2006) : l'analyse des besoins éducatifs ; la formulation des objectifs d'apprentissage ; le choix des moyens d'apprentissage ; la mesure de l'atteinte des objectifs par l'apprenant ; l'évaluation de l'activité. Ces cinq étapes ont toutes été identifiées par les organismes de formation médicale continue et font partie de leurs recommandations. La loi (article R.4133-2 du Code de la Santé publique précise en outre que les actions de formation médiale continue doivent répondre aux impératifs suivants : qualité scientifique et pédagogique des programmes proposés ; conformité aux référentiels et aux bonnes pratiques de la profession dans tous les thèmes abordés ; engagement relatif à l'absence de toute promotion en faveur d'un produit de santé ;
Passerelles respect des orientations nationales définies par le
conseil national ;
transparence des financements ; acceptation du principe d'une évaluation externe du
fonctionnement de l'organisme de formation et de la qualité des formations. Nous allons maintenant détailler les étapes de planification d'une séance pédagogique.
Détermination des besoins éducatifs Un besoin éducatif est une déficience qui peut être comblée par une activité d'apprentissage. C'est l'écart entre la compétence actuelle et la compétence désirée. On considère qu'il y a trois sortes de besoins éducatifs : les besoins institutionnels, les besoins démontrés et les besoins ressentis. Les besoins institutionnels sont ceux qui sont déterminés par les institutions (par exemple une faculté de médecine pour le programme initial, ou par une société savante pour une formation médicale continue). Les recommandations de la Haute Autorité de santé ou les conférences de consensus font partie des besoins éducatifs institutionnels (Chan et al., 2011). Les besoins démontrés le sont par les professionnels, et concernent les avancées de la discipline comme par exemple, une nouvelle méthode diagnostique ou une avancée thérapeutique. Les besoins ressentis sont très importants à prendre en compte dans le cadre d'une formation médicale continue. En effet, si les jeunes étudiants n'ont pas une conscience très nette de ce qu'ils doivent apprendre, des professionnels sont très avertis de ce qu'ils savent et sont parfaitement capables d'identifier leurs besoins de nouvelles connaissances ou compétences. Cette analyse peut se faire par questionnaire avant la séance de formation ou par pré-test au début de celle-ci (Ajjawi et al., 2010). Dans tous les cas l'analyse des besoins éducatifs devrait être une étape obligatoire avant de planifier le reste d'une formation car le contenu de celle-ci et donc une grande partie de son succès en dépendent (Morrison et al., 2011).
Formulation des objectifs d'apprentissage La formulation systématique des objectifs d'apprentissage permet de décrire l'ensemble du contenu d'une session de formation (Redwood-Campbell et al., 2011). Il ne s'agit pas d'écrire le sommaire d'un livre médical mais de définir avec un niveau de précision variable le contenu d'une session de formation. Le niveau de précision dépend du public à former. Pour des jeunes étudiants la description doit être fine, mais pour des professionnels en exercice on peut se contenter de décrire des objectifs plus larges. Il y a deux niveaux d'objectifs d'apprentissage, les objectifs généraux et les objectifs spécifiques. L'expérience de ce travail de formulation montre que l'on peut 247
Passerelles en général décrire quatre ou cinq objectifs spécifiques pour un objectif général. Une heure d'enseignement académique ne devrait pas comporter plus de quatre ou cinq objectifs généraux et donc une vingtaine d'objectifs spécifiques. La description des objectifs d'apprentissage permet de définir un contrat clair entre les enseignants et les apprenants. Ces objectifs d'apprentissages peuvent être donnés aux apprenants avant la séance de formation, afin qu'ils puissent se préparer. On peut aussi imaginer qu'un des objectifs de la séance est de découvrir ces objectifs d'apprentissage, et dans ce cas ils sont connus des seuls enseignants. Un intérêt majeur de ce travail concerne les séances de formation avec enseignants multiples. S'ils ont en commun des objectifs d'apprentissage clairs décrivant bien le contenu de la formation, celle-ci sera plus homogène d'un enseignant à l'autre. Un autre intérêt réside dans le fait que les objectifs d'apprentissage permettent de construire facilement l'évaluation qui permettra de mesurer l'apprentissage à l'issue de la session de formation. Nous en reparlerons.
Choix des moyens d'apprentissage Cette section concerne le choix de la méthode pédagogique à adopter lors d'une session de formation. Il n'y a pas de mauvaise méthode pédagogique, mais il faut la choisir en fonction des moyens dont on dispose. Le nombre d'enseignants disponibles par rapport au nombre d'apprenants à former est un critère crucial. Si l'on doit enseigner à 200 personnes pour un seul enseignant, la seule méthode pédagogique utilisable est l'enseignement magistral du fait de son faible coût en termes d'enseignants. C'est la méthode la plus utilisée dans les sessions de formations et tous les enseignants la maîtrisent. Un enseignement magistral peut être efficace sur la perception de l'apprenant si l'on utilise de bons supports visuels (schémas, photographies, courtes vidéos). L'attention ne pourra pas être soutenue avec un niveau égal car les apprenants sont dans une situation passive. Il faudra au moins prévoir des pauses dans le discours permettant des questions à l'assistance. La motivation initiale sera déterminée par le titre de la formation, mais cette motivation pourra varier en fonction du discours. La connaissance des besoins ressentis par l'auditoire est un élément clé de la motivation. En effet une formation qui ne répond pas aux attentes des apprenants fera obligatoirement chuter leur motivation. S'il n'a pas été possible de faire un prétest ou d'adresser un questionnaire préalable permettant de connaître les besoins ressentis, la diffusion des objectifs d'apprentissage avant la session de formation permettra de sélectionner un public motivé ! L'enseignement magistral ne permet pas de connaître les représentations et les connaissances antérieures, puisqu'il n'y a que très peu de discussion entre l'enseignant et les apprenants. La mémorisation est également plus 248
N. Chastan et al.
difficile puisque seule la mémoire immédiate est sollicitée et parfois la mémoire de travail si le discours de l'enseignant n'est pas trop rapide ! La nature du contenu détermine aussi le choix de la méthode pédagogique. Les avancées de la médecine fondées sur des preuves (evidence-based medecine) peuvent facilement être transmises par un enseignement magistral. Il faut dire que les recommandations de la HAS et les conférences de consensus sont facilement accessibles grâce aux techniques modernes de diffusion de la connaissance. À notre avis, il n'y a que peu d'intérêt à faire un enseignement magistral reprenant ces notions alors que l'on s'adresse à des professionnels ayant déjà des connaissances importantes et qui savent lire et comprendre un texte écrit. L'enseignement devrait alors s'attacher aux moyens d'utiliser ces connaissances ou recommandations dans la pratique quotidienne et la session devant alors être basée sur leur utilisation en pratique quotidienne ! La description et l'utilisation d'algorithmes de décision en sont un bon exemple. Enfin un bon enseignant magistral est celui qui permet un effet Pygmalion où l'attente du maître induit la performance de l'élève. Cela n'implique donc pas obligatoirement un enseignant spécialiste du domaine mais un enseignant qui fait partager son enthousiasme même s'il est nécessaire que les apprenants perçoivent que l'enseignant domine son sujet et qu'il en a une pratique professionnelle. En d'autres termes un jeune chef de clinique sans expérience fait rarement d'emblée un bon enseignant ! La rentabilité d'un enseignement magistral reste faible puisqu'il est estimé que seulement 10 % des items enseignés par cours magistral restent appris par des étudiants dont la motivation de départ était très forte (Gauthier et al., 1997). Pour augmenter cette rentabilité il faudrait compléter l'apprentissage par un travail personnel permettant l'utilisation des nouvelles connaissances dans des situations professionnelles concrètes. Cela n'est pas toujours possible en particulier si les situations où ces connaissances doivent être mobilisées sont rares dans la pratique quotidienne. Si le ratio enseignants/apprenants est plus favorable, et si la session de formation est destinée à améliorer les compétences professionnelles des apprenants en leur permettant d'utiliser les nouvelles connaissances dans une situation d'incertitude (c'est-à-dire dans une situation où toutes les données ne sont pas disponibles), il faut préférer un type de pédagogie où l'apprenant est en situation active. La technique qui fait consensus est celle du petit groupe, permettant un apprentissage à la résolution de problèmes (Cendan et al., 2011 ; Maudsley et al., 2008 ; Morrison et al., 2011 ; Schmidt et al., 2011). Dans cette situation l'enseignant n'est pas un transmetteur de savoir mais plutôt un facilitateur d'apprentissage. L'apprentissage à la résolution de problème est la version adaptée à des professionnels en exercice de l'apprentissage par problèmes destiné aux étudiants en formation initiale, méthode pédagogique
Pratique Neurologique – FMC 2012;3:245–252
utilisée largement dans de prestigieuses universités au niveau mondial mais peu en France. Le format en est le suivant : il faut s'appuyer sur un problème concret (situation médicale rédigée en quelques lignes qui pose un problème médical mais qui n'apporte pas toutes les informations nécessaires à l'établissement d'un diagnostic). Un petit groupe de travail idéal ne devrait pas dépasser dix personnes pour un enseignant. Les objectifs d'apprentissage préalablement fixés par les enseignants doivent être découverts par les membres du petit groupe qui formulent entre eux des hypothèses d'explication et les organisent en un schéma physiopathologique. L'enseignant a comme rôle la stimulation de la réflexion par des questions ouvertes mais en aucun cas il ne doit apporter de réponses car sinon on se retrouve dans le cas d'un enseignement magistral qui n'est pas rentable du fait du ratio étudiants/enseignant ! Les buts et la durée de la séance doivent avoir été fixés préalablement. Cette séance peut avoir été précédée d'un pré-test qui permet de connaître le niveau de connaissance du petit groupe pour le sujet qui va bénéficier de l'apprentissage. S'il n'est pas prévu d'apprentissage personnel dans des ouvrages de référence, l'enseignant peut retrouver un rôle de transmetteur de savoir en faisant une synthèse reprenant les différentes hypothèses formulées par le petit groupe et leur donnant ainsi une validation. On peut aussi imaginer après une séance en petits groupes (comprenant cinq à dix petits groupes) une synthèse en grand groupe regroupant tous les participants, après que chaque groupe a exposé à ses pairs le résultat du travail du petit groupe. Cette méthode pédagogique est consommatrice en temps et en nombre d'enseignant mais elle permet de stimuler tous les processus cognitifs dont nous avons parlé plus haut : motivation (du fait de la situation active des apprenants) ; perception et attention (en effet, il est difficile de rester mentalement absent longtemps dans un petit groupe de dix personnes) ; mémoire immédiate et mémoire de travail (du fait de la discussion entre les membres du petit groupe et de la redondance inévitable des items discutés) ; représentations et connaissances antérieures (puisque c'est de là que partirons les membres du petit groupe) ; statut de l'erreur (c'est un point particulièrement riche de cette méthode pédagogique puisque c'est le seul moyen de s'apercevoir qu'un raisonnement que l'on croyait efficace n'est pas partagé par les autres qui vont s'efforcer d'en démontrer les lacunes, voire les erreurs). Contrairement à ce qu'on l'on pourrait penser l'effet enseignant est très fort au sein d'un travail de groupe puisque l'enseignant a un rôle de facilitateur et d'encouragement positif. S'il a une bonne pratique de cet exercice il ne risquera pas de décourager par une distance trop importante entre ses savoirs et ceux des apprenants. Le
Passerelles principal inconvénient de cette méthode pédagogique est lié à des enseignants mal formés à cette technique comme l'ont montré Maudsley et al. (Maudsley et al., 2008). La littérature indique une meilleure rentabilité moyenne de ce type de pédagogie (Cendan et al., 2011). La méthode pédagogique qui permet le meilleur apprentissage reste l'enseignement lui-même des connaissances que l'on veut apprendre. Tous les enseignants le savent par expérience professionnelle, mais il est difficile de transformer en enseignants tous les apprenants.
La mesure de l'atteinte des objectifs par les apprenants L'évaluation de l'apprentissage est un temps obligatoire de toute formation médicale continue selon les organismes d'agréments. Plus encore, c'est un élément de motivation à la fois pour les enseignants et les apprenants. C'est un exercice difficile bien que les moyens soient nombreux. Le choix d'une méthode d'évaluation de l'apprentissage dépend de plusieurs facteurs : vérification immédiate ou retardée de l'apprentissage ; type de connaissances enseignées ; utilisation de ces connaissances dans la pratique professionnelle. Pour une séance de formation médicale continue l'utilisation de pré-tests (avant la séance) et de post-tests (juste après la séance ou de manière retardée) représente un bon moyen de mesure. Le type de test dépend du type de connaissances que l'on veut mesurer. Si l'on veut apprécier des connaissances théoriques (par exemple recommandations) les QCM sont tout à fait appropriés. Les règles de rédaction des QCM sont connues. Après un intitulé clair qui pose une question précise, on propose quatre à cinq réponses possibles. Habituellement une seule réponse est juste. Si on propose plusieurs réponses justes, il est légitime d'indiquer le nombre de réponses justes attendues. La difficulté du QCM dépend de l'intitulé qui décrit une situation médicale. Les QCM « riches » proposés comme système d'évaluation de fin d'études dans les facultés Anglos saxonnes testent des connaissances complexes (Tableau I). Les QCM ne sont donc pas réservés à la mesure des connaissances les plus basiques (Kibble et Johnson, 2011). Leur correction est automatisée et peut être disponible immédiatement grâce aux techniques modernes (ces appareils modernes sont utilisés à la fois dans les jeux télévisés et dans les congrès pour faire voter les participants sur telle ou telle question). Les QCM doivent être construits de manière à lister les objectifs d'apprentissage préalablement définis ainsi que nous l'avons déjà évoqué. Une mesure valide de l'apprentissage devrait prévoir des questions sur au moins 50 % des objectifs d'apprentissage pour que la « biopsie » ne soit pas trop ponctuelle et 249
N. Chastan et al.
Passerelles
Tableau I. Exemple de QCM riche évaluant des connaissances théoriques : le niveau taxonomique est élevé et les connaissances théoriques évaluées sont complexes mais il n'y a qu'une bonne réponse possible. L'évaluation concerne des connaissances liées à l'« evidence based medicine ». Intitulé Un jeune homme de 20 ans est poignardé dans le bras avec un couteau. La face dorsale de l'avant-bras est insensible ainsi que la face dorsale de la main entre le pouce et l'index. Les extenseurs du poignet sont paralysés et il ne peut étendre le pouce entre les articulations métacarpo-phalangienne et interphalangienne. Quel nerf a été atteint ? Réponses A – Le nerf médian B – Le nerf radial C – Le nerf cubital D – Le nerf interosseux postérieur E – Le nerf brachial postérieur Bonne réponse B : le nerf radial
reflète au mieux l'apprentissage. Si on veut une évaluation formative (ce qui en principe est le cas dans une session de formation continue) la reproductibilité de cette évaluation n'est pas importante. En revanche, elle le devient dans le cadre d'une certification, ou d'un examen sanctionnant. Si l'on veut mesurer l'utilisation de connaissances dans une situation d'incertitude, il faut employer des outils plus sophistiqués. Le test de concordance de script est à notre connaissance le premier outil qui a fait l'objet d'une démarche scientifique en termes de validité et de reproductibilité (Lubarsky et al., 2011). Sa correction peut être facilement automatisée permettant de disposer instantanément des résultats grâce aux technique modernes. Le principe en est le suivant : une vignette décrit une situation médicale posant une question diagnostique ou thérapeutique par exemple. Les données sont ici insuffisantes pour pouvoir trancher entre plusieurs situations (à la différence d'un QCM). Plusieurs
hypothèses diagnostiques (ou thérapeutiques) sont proposées. L'étudiant doit déterminer si ces hypothèses sont rendues plus probables ou moins probables en fonction d'éléments nouveaux apportés par l'enseignant. Les items sont notés de 2 à +2. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses mais des choix plus ou moins pertinents. La notation a été préalablement établie par un groupe d'experts (en général dix experts suffisent) choisis pour représenter toutes les possibilités d'exercice de la profession (professionnels seniors exerçant dans des cadres différents : privé public, urgences ou sur rendez vous par exemple). Ce test est tout à fait adapté à la mesure des connaissances et surtout du raisonnement médical en situation d'incertitude, ce qui représente quand même 80 % de l'exercice médical quotidien alors que la médecine fondée sur des preuves ne représente que 20 % de l'exercice quotidien. Un exemple de test de concordance de script est proposé dans le Tableau II Il est
Tableau II. Exemple de test de concordance de script : l'intitulé ne permet pas de faire un diagnostic. Nous sommes dans le domaine de la médecine en situation d'incertitude. On propose trois hypothèses plausibles et on apporte un élément nouveau par hypothèse. Il faut déterminer si cet élément nouveau diminue ou renforce la vraisemblance de l'hypothèse de 2 à +2. Ce format fonctionne pour le diagnostic, les explorations complémentaires à décider, ou la programmation d'une prise en charge thérapeutique. Intitulé Julie, 20 ans vous consulte pour un écoulement vaginal présent depuis une semaine. Elle a un nouveau partenaire sexuel depuis 3 mois et est préoccupée par la possibilité d'une maladie sexuellement transmissible Si vous pensez à. . .
Et vous trouvez
Mycose
Elle a eu une MST quelques années auparavant Elle est sous pilule anticonceptionnelle Elle a un prurit vulvaire
Chlamydiae Herpès
250
L'effet sur votre hypothèse est 2
1
0
+1
+2
2 2
1 1
0 0
+1 +1
+2 +2
Pratique Neurologique – FMC 2012;3:245–252
possible d'imaginer un pré-test construit par concordance de script, et le même test utilisé comme posttest après la session de formation. La différence de performance à la fois individuelle et au niveau du groupe devrait permettre une mesure pertinente de l'apprentissage effectué.
L'évaluation de l'activité L'idéal serait de pouvoir évaluer l'impact d'une session de formation sur la pratique médicale des participants à cette formation (Stalmeijer et al., 2010). Cette évaluation est difficile, mais pas impossible. Des questionnaires peuvent être envoyés aux participants au bout de quelques semaines permettant d'apprécier les changements effectués dans leur pratique professionnelle quotidienne. Les mêmes questionnaires peuvent comprendre des items permettant de déterminer s'ils éprouvent des besoins de formation complémentaire. De nombreux organismes agréés de formation médicale continue utilisent ces méthodes. Il est plus facile et cela devrait être la règle d'évaluer par un questionnaire immédiat la qualité de la session de formation qui vient de se dérouler (Chandler et al., 2010). Ce questionnaire devrait comporter un certain nombre d'items permettant d'évaluer : les conditions matérielles de la formation ; la ou les techniques pédagogiques utilisées ; la ou les qualités des enseignants ; le climat de la formation (convivialité par exemple). Ces items ne sont pas exhaustifs et doivent servir à améliorer les sessions de formation suivantes.
EN CONCLUSION L'organisation d'une réunion de formation médicale continue ne peut pas s'improviser. Il faut déterminer en premier lieu le but de la formation. Le format de celle-ci ne sera pas le même si l'on veut transmettre des connaissances liées à l'« evidence based medicine », ou si l'on veut améliorer des connaissances ou des compétences liées à la pratique médicale quotidienne où l'on est le plus souvent dans une situation d'incertitude. Les besoins éducatifs sont indispensables à déterminer si l'on veut que la formation atteigne son but. Le choix de la méthode pédagogique dépend essentiellement du ratio enseignant/étudiant, mais devra toujours être susceptible de mobiliser des fonctions cognitives propices à un apprentissage réussi. L'évaluation de l'apprentissage réalisé est indispensable, mais l'évaluation de la formation elle-même est précieuse car elle permet de vérifier que le but de la formation est atteint et surtout elle permet aux enseignants responsables des formations de s'améliorer progressivement.
Passerelles Déclaration d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.
RÉFÉRENCES Ajjawi R, Thistlethwaite JE, Aslani P, Cooling NB. What are the perceived learning needs of australian general practice registrars for quality prescribing? BMC Med Educ 2010;10:92. Bell MA, Wales PA, Torbeck LJ, Kunzer JM, Thurston VC, Brokaw JJ. Do personality differences between teachers and learners impact students' evaluations on a surgery clerkship? J Surg Educ 2011;68:190–3. Bernard JL, Reyes P. Apprendre en médecine (1re partie). Pedagog Med 2001a;2:163–9. Bernard JL, Reyes P. Apprendre en médecine (2epartie). Pedagog Med 2001b;2:235–41. Brydges R, Butler D. A reflective analysis of medical education research on self-regulation in leraning and practice. Med Educ 2012;46:71–9. Cendan JC, Silver M, Ben-Daviçd K. Changing the student clerkship from traditional lectures to small group case-based sessions benefit the student and the faculty. J Sur educ 2011;14:1613–8. Chan LK, Ip MSM, Patil NG, Prosser M. Learning needs in a medical curriculum in Hong Kong. Hong Kong Med J 2011;17:202–7. Chandler N, Henderson G, Park B, Byerley J, Brown WD, Steiner MJ. Use of a 360-degree evaluation in the outpatient setting: the usefulness of nurse faculty, patient/family, and resident self-evaluation. J Grad Med Educ 2010;2:430–4. Collette F, Van der Linden M. Brain imaging on the central executive component of working memory. Neurosci Biobehav Rev 2002; 26:105–25. Elliot D, Grierson LEM, Hayes SJ, Lyons J. Action representations in perception, motor control and learning: implications for medical education. Med Educ 2011;45:119–31. Gauthier C, Desbiens JF, Malo A, Martineau S, Simard D. Pour une théorie de la pédagogie.Sainte-Foy: Presses de l'Université Laval; 1997. Gorincour G, Vidal V, Bommart S, Lapierre C, Dubois J, Thivierge R, et al. Planification systématique de l'apprentissage des internes pendant un semestre de radiopédiatrie. J Radiol 2006;87:521–9. Hendricson WD, Kleffner JH. Assessing and helping challenging students: part one, why do some students have difficulty learning? J Dent Educ 2002;66:43–61. Kibble JD, Johnson T. Are faculty predictions or item taxonomies useful for estimating the outcome of multiple-choice examinations? Adv Physiol Educ 2011;35:396–401. Kusurkar RA, TenCateThJ. Van Asperen M, Croiset G. Motivation as an independent and a dependent variable in medical education: a revue of the literature. Med Teach 2011;33:e242–62. Lubarsky S, Charlin B, Cook DA, Chalk C, Van der Vleuten CPM. Script concordance testing: a review of published validity evidence. Med Educ 2011;45:329–38. Mankad K, Hoey ETD, Jones JB, Tirukonda P, Smith JT. Radiology errors: are we learning from our mistakes? Clin Radiol 2009; 64:988–93.
251
Passerelles Maudsley G, Williams EMI, Taylor DCM. Problem-basedlearningat the receiving end: a "mixed methods'' study of junior medical students' perspectives. Adv Health Sci Educ 2008;13:435–51. Morrison F, Zimmerman J, Hall M, Chase H, Kaushal R, Ancker JS. Developing an online and in-person hit workforce training program using a team-based learning approach. AMIA Annu Symp Proc 2011;201:63–71. Okayama M, Kajii E. Does community-based education increase student's motivation to practice community health care? – A cross sectional study BMC Med Educ 2011;11:11–9. Redwood-Campbell L, Pakes B, Rouleau K, MacDonald CJ, Purkey E, Schultz K, et al. Developing a curriculum framework for global health in family medicine: emerging principles, competencies, and educational approaches. BMC Med Educ 2011;11:46.
252
N. Chastan et al.
Schmidt H, Rotgans JI, Yew E. The process of problem-based leraning: what works and why. Med Educ 2011;45:792–806. Stalmeijer RE, Dolmans DHJ, Wolfhagen IHA, Muijtjens AMM, Scherpbier AJJ. The Maastricht clinical teaching questionnaire (MCTQ) as a valid and reliable instrument for the evaluation of clinical teachers. Acad Med 2010;85:1732–8. Vachon B, Leblanc J. Effectiveness of past and current critical incident analysis on reflective learning and practice change. Med Educ 2011;45:894–904. Wong BM, Levinson W, Shojania KG. Quality improvement in medical education: current state and future directions. Med Educ 2012;46:107–19.