Actualités pharmaceutiques Ř n° 516 Ř Mai 2012
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Comment venir à bout des infections urinaires Affectant principalement les femmes, les infections urinaires correspondent à des inflammations de la vessie (cystites) le plus souvent dues à une contamination bactérienne. Les cystites, qui provoquent de fréquentes envies d’uriner et des douleurs à la miction, comptent parmi les infections urinaires les plus courantes. Un conseil pharmaceutique avisé peut suffire à enrayer ses symptômes.
L
es infections urinaires sont des situations cliniques relativement fréquentes, notamment chez la femme, plus exposée que l’homme. En effet, environ 40 à 50 % des femmes développent au moins un épisode au cours de leur vie, avec deux pics d’incidence : au début de la vie sexuelle et à la ménopause. Il est également clairement établi qu’une récidive survient chez 20 à 30 % de celles ayant présenté une cystite aiguë. Le portage asymptomatique augmente avec l’âge : il concerne 1 à 5 % des femmes jeunes, 2 à 10 % des femmes enceintes (pic entre la 9e et la 17e semaine d’aménorrhée) et 20 à 50 % des femmes de plus de 80 ans. Chez l’homme jeune, l’incidence des infections urinaires est faible mais croît à partir de 50-60 ans. Ř Certains facteurs de risque clairement identifiés peuvent prédisposer à l’apparition d’infections urinaires : – certaines anomalies fonctionnelles ou organiques de l’arbre urinaire ; – la grossesse (immunodépression physio logique, augmentation du pH
urinaire, modifications anatomiques et hormonales) ; – un diabète déséquilibré ou compliqué (taux de bactériurie asymptomatique chez les diabétiques : 8 à 14 %) ; – l’activité sexuelle avec, en particulier, l’utilisation de spermicides qui déstabilisent la flore génitale et favorisent la colonisation par Escherichia coli ; – des troubles de la miction (mictions rares ou retenues). Ř Les microorganismes les plus fréquem ment retrouvés dans les infections urinaires sont les entérobactéries, avec une large prédominance d’Escherichia coli (70 à 95 % des cas), suivi par Proteus spp et Klebsiella spp (15 à 25 % des prélèvements). Staphylococcus saprophyticus est, quant à lui, impliqué dans 1 à 4 % des cas et concerne surtout la femme jeune, âgée de 15 à 30 ans. Les infections urinaires à strepto coques du groupe B (présents dans la flore vaginale de 15 à 35 % des femmes) sont plus marginales et affectent moins de 2 % des personnes malades.
Physiopathologie des infections urinaires Ř Les infections urinaires résultent de la contamination du tractus urinaire par des microorganismes, provenant de la flore génitale ou digestive le plus souvent. Les femmes sont donc, d’un point de vue anatomique, plus à risque : urètre court, proximité du méat urinaire avec l’orifice vaginal et l’anus. La muqueuse de l’urètre étant en continuité avec le reste des voies urinaires, une inflammation de l’urètre (urétrite) se propage facilement à la vessie (cystite), voire aux reins (pyélonéphrite). Ř Les signes caractéristiques associés à une forme aiguë sont : des brûlures et des douleurs mictionnelles associées ou non à de la fièvre, une pollakiurie (émission plus fréquente de petites quantités d’urine), des mictions impérieuses et
une hématurie (30 % des cas) associée, sans pour autant constituer un signe de gravité.
Diagnostic des infections urinaires Ř L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) permet de détecter et de dénombrer les éléments figurés de l’urine (polynucléaires, hématies, cellules épithéliales) et les microorganismes. Il consiste essentiellement en l’examen direct (coloration de Gram sur culot urinaire, non systématique, numération des leucocytes et des hématies sur cellule de comptage) des urines, complété par des cultures sur milieux nutritifs pour identifier et dénombrer les bactéries. L’ECBU n’est pas forcément envisagé en première intention mais sera réalisé en cas d’infections urinaires récidivantes ou non améliorées par un traitement antibiotique. Ř Une infection urinaire est diagnostiquée dès lors que le nombre de germes est supérieur à 100 000/mL et si la leucocyturie est supérieure à 10 000 leucocytes/mL. Ř Un recueil d’urines en vue d’un ECBU nécessite quelques précautions (afin d’éviter les faux positifs) qu’il convient de rappeler aux personnes soumises à ce type de test. Ainsi, il doit leur être conseillé de recueillir les premières urines du matin après désinfection du méat urinaire par une solution de Dakin® pur ou au savon, à l’aide d’une compresse (le gant de toilette, susceptible d’être porteur de germes extérieurs, doit être évité). Après avoir rejeté les premiers millilitres, les urines dites “de milieu de jet” sont recueillies dans un flacon stérile disponible au laboratoire d’analyses médicales ou en pharmacie. Le prélèvement doit être déposé au laboratoire dans l’heure qui suit. Le cas échéant, les urines pourront être conservées quelques heures au réfrigérateur.
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Traitement des infections urinaires
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Ř3RXUSU«YHQLUOHVU«FLGLYHVGőLQIHFWLRQVXULQDLUHV il est conseillé de boire régulièrement de l’eau, à raison d’un litre à un litre et demi par jour.
Prévention des infections urinaires Ř Afin de limiter la récidive, Quelques conseils peuvent être donnés aux patient(e)s susceptible(s) de développer des infections urinaires. Ainsi, il leur est conseillé de boire régulièrement de l’eau, à raison d’un litre à un litre et demi par jour, et déconseillé de retenir un besoin d’uriner puisque ce type d’attitude est susceptible d’entretenir la prolifération des micro-organismes. Une toilette intime rigoureuse est également recommandée à l’aide de gel lavant doux, sans savon, non irritant (Saforelle®, Lactacyd Femina®, Hydralin Apaisa®). Une attention particulière doit être portée à l’hygiène après avoir uriné ou être allé à la selle. Ř Aux femmes particulièrement à risque, souffrant d’infections urinaires à répétition, il doit être conseillé de porter des sousvêtements en coton et d’uriner rapidement après les rapports sexuels afin d’éliminer en partie les micro-organismes.
Ř Face à une infection urinaire avec ou non présence de fièvre, une consultation médicale est toujours préférable. Généralement, un antibiotique adapté peut être prescrit. Toutefois, l’antibiothérapie ne doit pas être initiée avant le recueil des urines en vue de la réalisation d’un ECBU. Si les épisodes d’infections urinaires se répètent, il peut être intéressant de prescrire un traitement antibiotique à utiliser dès les premiers symptômes permettant une automédication contrôlée (traitement monodose par exemple). Afin de diminuer la douleur, des antispasmodiques (phloroglucinol : Spasfon®) ou des antalgiques à base de paracétamol peuvent être conseillés. Ř La phytothérapie peut apporter une aide précieuse dans la prise en charge des infections urinaires bénignes. Ainsi, la fleur de bruyère (Erica cinera) contient des pro-anthocyanosides et des flavonoïdes qui ont des propriétés antiinflammatoires. Diurétique, elle permet d’augmenter le volume des urines et favorise l’élimination des toxines et des germes (Bruyère Arkogélules®, 2 gélules le matin et 2 gélules le midi chez l’adulte, la posologie pouvant atteindre à 5 gélules par jour si nécessaire). La feuille de busserole (Arctostaphylos uva ursi), riche en arbutine qui est métabolisée dans l’organisme en hydroquinone, un puissant antibactérien urinaire et intestinal, est efficace sur les germes tels que E. coli et présente des propriétés anti-inflammatoire et diurétique (Busserole Arkogélules®, 2 gélules le matin et 2 gélules le midi chez l’adulte, la posologie pouvant être passée à 5 gélules par jour si nécessaire). Afin d’améliorer l’activité de la busserole, il est conseillé de prendre les gélules avec un grand verre d’eau alcaline (Vichy®). Quelques études scientifiques in vitro et in vivo ont permis de confirmer les effets, largement décrits, de la canneberge (Vaccinium macrocarpon) dans la prise en charge des infections urinaires chez l’adulte, l’enfant et la femme enceinte. En raison de sa richesse en proanthocyanidines, elle diminuerait la fixation de certaines bactéries dont E. coli sur les parois des voies
urinaires. Ces effets seraient observés pour un apport quotidien minimal de 36 mg de proanthocyanidines, correspondant à 30 g de canneberge fraîche. La canneberge est disponible sous différentes formes : gélules d’extraits secs (Cys-control®, Arkogélules Cranberryne®), associées à des probiotiques censés maintenir la flore bactérienne vaginale (Granio+ Réducys®, Précyst®), associés pour leur part à la vitamine C qui acidifie les urines. Ř Les propriétés antiseptiques de certains oligo-éléments dont le cuivre (Oligosol cuivre®) peuvent être mises à profit dans le traitement des infections urinaires bénignes à raison d’une ampoule 3 fois par jour pendant 3 jours. Ř Des médicaments homéopathiques peuvent être conseillés en cas d’inflammation de l’appareil urinaire (Pareira bravia composé Boiron®, Uva ursi complexe n° 9®). De plus, les souches suivantes peuvent être recommandées en fonction des symptômes : – si les crises sont modérées, Formica rufa composé, 10 gouttes 3 fois par jour ; – en cas d’envie d’uriner intolérable pour quelques gouttes qui brûlent, avec une douleur intense, voire en présence de sang dans les urines, Cantharis 5 CH 3 granules 5 fois par jour ; – si la souffrance est accentuée en fin de miction, Sarsaparilla 5 CH 3 granules 5 fois par jour ; – lorsque la cystite est d’origine nerveuse (non infectieuse), persistante et chronique, s’aggravant après les rapports sexuels, Staphysagria 9 CH 5 granules 4 fois par jour. Toutefois, ces spécialités ne remplaceront pas le traitement antibiotique utile et prescrit par le médecin.
Conclusion Fortement invalidante, notamment en cas de récidives, l’infection urinaire peut, dans un premier temps, bénéficier du conseil pharmaceutique. Si les épisodes se répètent, un traitement antibiotique sera, en revanche, nécessaire. Nicolas Clere Pharmacien, Angers (49)
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Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.