Communication du dossier médical : mode d’emploi

Communication du dossier médical : mode d’emploi

Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 80—83 DROIT ET DOULEUR Communication du dossier médical : mode d’emploi Communication of th...

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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010) 11, 80—83

DROIT ET DOULEUR

Communication du dossier médical : mode d’emploi Communication of the patient’s medical file: Standard protocol Nathalie Lelièvre 1 Lyon, France Disponible sur Internet le 9 avril 2010

MOTS CLÉS Dossier médical ; Accès direct ; Délai de communication ; Ayant droit ; Confidentialité

KEYWORDS Medical file; Direct access; Delay; Rightful claimant; Beneficiary; Confidentiality

Résumé La loi du 4 mars 2002 a consacré le droit d’accès direct du patient à son dossier médical. Le professionnel de santé, quel que soit son mode d’exercice, hospitalier ou libéral, doit répondre à la demande du patient dans le respect des délais impartis. Le grand défi de la loi est d’avoir étendu ce droit d’accès à des tiers (les ayants droit, entre autres). Cette disposition n’est pas sans risque du fait que les informations concernant la santé du patient sont par définition couvertes par le secret médical. La loi prévoit de ne pas communiquer le dossier si le patient s’est opposé de son vivant à toute communication. Mais, les patients sont-ils suffisamment informés de ce droit ? © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary In France, the law of March 4, 2002 guarantees the patient’s right to direct access to his/her medical file. The healthcare professional, should the practice be public or private, must respond to the patient’s request within the assigned delay. The challenge of this law is to extend this right to third parties (for example, a rightful claimant or beneficiary). This provision carries some risk because the information concerning a person’s health is by definition a medical secret. The law states that the file cannot be communicated to a third party if, while living, the patient expressed his/her opposition to such communication. But, are patients sufficiently informed of their right? © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Adresse e-mail : [email protected]. Juriste droit de la santé, membre de la Commission éthique et douleur, AEU droit médical, DESS droit de la santé, chargée de conférence et formation continue. 1

1624-5687/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2010.02.007

Communication du dossier médical : mode d’emploi Le principe d’accès direct au dossier médical est défini par la loi du 4 mars 2002 de la fac ¸on suivante : « Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé qui ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement [. . .] ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé [. . .]. Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne » [1]. La loi du 4 mars 2002 dissocie le devoir d’information en deux temps : l’information préalable à l’acte et l’information postérieure à l’acte : l’accès au dossier médical.

Personnes habilitées à demander la communication du dossier Le principe fixé par la loi du 4 mars 2002 est l’accès direct au dossier médical au bénéfice du patient. Cependant, des dispositions particulières visant à protéger le patient sont prévues lorsque la demande de communication est faite par un patient atteint de troubles psychiatriques, ou un patient fragile ou vulnérable. De plus, la loi permet l’accès au dossier à des tiers dans le respect des conditions fixées par la loi.

Le patient et les ayants droit Seul le patient bénéficie d’un droit d’accès direct au dossier (sous réserve des mineurs dont les parents sont habilités à demander la communication du dossier). Si le patient est décédé, les ayants droit peuvent demander la communication du dossier. À la différence du patient, l’ayant droit qui sollicite la communication du dossier est tenu de préciser les motifs de sa requête. En effet, les informations sont délivrées dans la mesure où ces informations sont nécessaires pour connaître la cause du décès, faire valoir leur droit ou disposer d’informations médicales (comme les antécédents médicaux de la famille) pour leur propre prise en charge. L’article 2 de l’arrêté du 3 janvier 2007 précise sur ce point : « L’ayant droit a accès aux seuls éléments du dossier médical nécessaire à la réalisation d’un tel objectif ». La détermination des documents se rattachant ou non à l’objectif invoqué relève de la compétence de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé [2]. Toutefois, si le patient a fait savoir au médecin qu’il ne souhaitait pas que sa famille ait accès au dossier médical, la communication du dossier à la famille ne peut pas se faire en application du respect du secret professionnel. La personne de confiance n’est pas mentionnée dans les personnes habilitées à demander le dossier médical. Le décès du patient met un terme au mandat de la personne de confiance, elle n’a donc aucun droit légitimant la demande de communication du dossier2 . Seuls les ayants droit et dans les conditions citées sont autorisés à le faire. 2

La CADA considère « qu’un élément du dossier peut être ponctuellement communiqué à la personne de confiance désignée lorsque les indications qu’il contient sont nécessaires pour permettre à la personne de confiance de jouer son rôle, et nécessaire à la compréhension de l’état du malade ». CADA, conseil du 22 janvier 2004, no 20040049.

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Cas particuliers des majeurs protégés La personne sous tutelle ne peut demander la communication de son dossier médical. Cependant, cette exception doit être tempérée depuis la loi du 5 mars 2007 portant réforme des régimes de protection. En application de cette nouvelle loi, la personne protégée, si elle est en état de prendre des décisions, est alors en mesure de demander la communication de son dossier. En revanche, si tel n’est pas le cas, seule la personne chargée de sa protection peut en faire la demande. Cependant, si la communication est de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée du majeur protégé, la personne assurant sa protection ne peut exercer ce droit qu’après avoir été autorisée par le juge [3]. Accéder à des informations médicales, n’est-ce pas déjà porter atteinte à la vie privée du majeur protégé ? Si le majeur est placé sous protection, cela ne signifie-t-il pas qu’il doit être aidé dans ses démarches ? On peut s’interroger sur l’intérêt de ces dispositions. N’est-il pas préférable de faire appel au bon sens et pas toujours à des textes de loi ?

Hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers : un droit d’accès limité Si le patient demande la communication de son dossier, par exception, la présence d’un médecin peut être imposée en psychiatrie lors d’hospitalisation sans consentement. Si le patient s’oppose à la désignation d’un médecin intermédiaire, le médecin détenteur des informations médicales saisit la commission départementale des hospitalisations psychiatriques afin que celle-ci donne son avis quant aux modalités de communication du dossier. Le patient est en droit de saisir la commission. L’avis rendu par la commission s’impose alors tant au médecin qu’au patient. Cette disposition vise à protéger le patient d’un diagnostic délicat ou d’une fragilité particulière. De la sorte, le médecin intermédiaire ne transmet que les informations utiles au patient et adaptées à la vulnérabilité du patient.

Patient vulnérable et présence d’une tierce personne Le médecin peut conseiller au demandeur de se faire assister d’une tierce personne lors de la consultation du dossier pour des « motifs tenant aux risques que leur connaissance sans accompagnement ferait courir à la personne concernée ». Toutefois, il ne s’agit là que d’un simple avis et la décision de se faire accompagner ou pas appartient pleinement au patient.

Formalités administratives de la communication du dossier La demande de communication Seules les seules personnes habilitées à se faire communiquer le dossier peuvent faire la demande. Elle doit être faite

82 par courrier. En effet, la loi exige un écrit qui est d’autant plus important qu’il fait partie des délais. La demande est soit adressée au médecin soit à l’hébergeur, et dans le cas d’un établissement de santé, au responsable de cet établissement ou la personne que l’établissement a désignée à cet effet. Si le demandeur n’a pas précisé son choix quant aux modalités de communication de son dossier dans sa requête, le médecin ou l’établissement doit l’informer des modalités possibles de communication (consultation sur place ou envoi de copies). Si le patient ne donne pas suite, le médecin communique le dossier selon les conditions fixées au préalable dans le courrier.

Délais de communication Après un délai de 48 heures de réflexion, le médecin dispose d’un délai de huit jours, à compter de la réception de la demande, pour communiquer les informations demandées. Ce délai est prorogé à deux mois lorsqu’il s’agit d’informations qui datent de plus de cinq ans. Le délai de réflexion peut éventuellement permettre au médecin de s’interroger sur le mode de communication du dossier : par exemple, il peut conseiller la présence d’une tierce personne si le patient lui semble fragile. Toutefois, ces notions de délais de réflexion nous rapprochent des termes utilisés en droit de la consommation. D’ailleurs, la notion de malade est de plus en plus inusitée, au profit de la notion d’usager de la santé.

Communication du dossier médical Préalablement à la communication du dossier, le médecin doit s’assurer de l’identité du demandeur. Le décret ne précise pourtant pas de quelle manière le médecin doit s’acquitter de cette obligation, alors même que le secret professionnel est mis en danger par la possibilité que la demande et la communication du dossier se fassent par écrit. Deux modalités de communications sont prévues. Une consultation sur place et gratuite est possible, ou bien, le cas échéant, la remise de copies est effectuée. Dans cette hypothèse, le patient doit être informé de la possibilité de bénéficier d’un accompagnement médical organisé par l’établissement de santé. La consultation sur place présente l’intérêt de contrôler, sans aucun doute possible, l’identité du demandeur, c’est-à-dire du patient. La communication peut également se faire par simple envoi postal. Contrôler l’identité du demandeur, c’est-à-dire s’assurer qu’il s’agit bien du patient, est alors plus délicat. Si l’adresse sollicitée pour recevoir le dossier ne correspond pas à l’adresse du patient figurant dans le dossier médical, il est vivement conseillé de prendre contact avec le patient pour avoir confirmation qu’il a bien sollicité la communication de son dossier. La demande doit toujours être accompagnée d’une copie de la carte d’identité ou documents justifiant l’identité du demandeur. Il convient également de rappeler le caractère strictement personnel des informations contenues dans le

N. Lelièvre dossier, notamment vis-à-vis de tiers (famille et entourage, employeur, assureur, etc.)3 . Les frais de communication et d’envoi sont à la charge du demandeur. L’article L1110-5 du Code de santé publique précise que les frais à la charge du demandeur ne peuvent dépasser le coût de reproduction et des frais d’envoi.

Documents remis au patient La communication du dossier ne signifie pas que le médecin ou l’établissement se dessaisit du dossier médical. Le médecin remet au patient des copies et non les originaux. La question de la remise des clichés d’examens radiologiques se pose assez régulièrement. Si le médecin exerce dans un établissement qui a déterminé les modalités de communication, concernant notamment les éléments du dossier à remettre au patient, il doit se conformer aux dispositions convenues par l’établissement. Certains établissements ont opté pour la remise des clichés contre signature d’un document attestant la remise des clichés. D’autres établissements optent pour remettre une copie des clichés essentiels. Une circulaire du 2 août 1960, complétée d’une circulaire du 24 août 1983, précise que les comptes rendus, les résultats d’examens et les clichés d’imagerie médicale significatifs doivent être conservés par l’hôpital. Il est donc préférable de remettre une copie au patient si les clichés constituent des éléments importants au dossier. Si un patient demande son dossier et que celui-ci est particulièrement volumineux en raison des années de suivi, seuls les documents utiles au patient peuvent lui être remis, tant dans son intérêt que dans celui du médecin, sauf si le patient exige l’intégralité de son dossier médical.

Conclusion Lors du vote de la loi, les professionnels de santé ont très mal perc ¸u ce droit d’accès direct au dossier médical pour le patient. La principale crainte portait sur le risque de procès qui pourrait découler de la consécration de ce droit. En fait, une étude sur les conséquences du droit d’accès direct au dossier médical a été menée dans une partie des établissements de l’AP—HP et lève cette angoisse [4]. Il est vrai qu’une nette évolution des demandes de communication du dossier médical a été constatée depuis la loi du 4 mars 2002. Mais la motivation première des patients est d’obtenir leur dossier pour recueillir un second avis médical. Dans 7 % des cas, la demande repose sur une intention d’action judiciaire. Bien que les informations de santé soient couvertes par le secret médical, force est de constater que de plus en plus de tiers ont accès au dossier médical des patients. La multiplicité des personnes susceptibles d’avoir accès à ces données est une source de dilution de la confidentialité des informations relatives à la santé du patient. 3 Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès.

Communication du dossier médical : mode d’emploi

Conflit d’intérêt Aucun.

Références [1] Article L 1111-7 du Code de santé publique (CSP).

83 [2] La commission d’accès aux documents administratifs (CADA), 26 octobre 2006, no 20064554. [3] Article 459 du Code civil rédigé en application de la loi no 2007308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (Journal officiel du 7 mars 2007). [4] Rapport sur les droits des malades 2007—2008 de l’observatoire des droits et responsabilités des personnes en santé. Presses de l’EHESP; 2009.