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Lettres à la rédaction
Discussion Les causes d’anite érosive aiguë et isolée de l’adulte sont peu nombreuses. Les étiologies infectieuses sont les plus fréquentes, dominées par les infections à Candida albicans et herpès, et plus rarement à streptocoques [4,5] ou bacilles Gram négatif. Moins fréquemment sont rapportées d’autres étiologies comme la carence en zinc, l’érythème nécrolytique migrateur, les dermatoses bulleuses auto-immunes, les maladies inflammatoires du tube digestif (souvent accompagnées de signes digestifs) qui peuvent, exceptionnellement, débuter par une anite érosive isolée. Les causes tumorales sont quant à elles responsables, le plus souvent, de lésions chroniques pouvant s’ulcérer. Les médicaments représentent une étiologie plus rarement rapportée d’anite érosive aiguë. Il s’agit principalement des médicaments appliqués localement tels que les suppositoires d’ergotamine, les bains de permanganate de potassium et les suppositoires d’anti-inflammatoires non stéroïdiens [6—10]. Les médicaments administrés par voie générale sont exceptionnellement inducteurs de telles lésions, de fac ¸on spécifique et localisée (en dehors des érythèmes pigmentés fixes de localisation non spécifique). La principale substance incriminée est le nicorandil, impliqué dans la survenue d’ulcérations anales, génitales et orales [11,12]. Le prurit anal est un effet secondaire fréquent du télaprévir, rapporté chez 29 % des patients. Ce prurit est le plus souvent sans retentissement important sur la qualité de vie des patients et d’ailleurs non signalé dans les publications sur le sujet [1]. Seul le résumé des caractéristiques du produit (RCP) le signale. La principale hypothèse discutée est la malabsorption d’une partie du produit par manque de lipides associés lors de la prise ou par interaction médicamenteuse (liste normalement fournie au patient). Il s’en suit une élimination dans les selles (82 % du télaprévir est éliminé par les selles chez le sujet sain), avec toxicité locale [2]. Nous souhaitions rapporter cette observation, devant la sévérité de ce cas. Les traitements symptomatiques sont utiles avant de discuter l’éventuel arrêt du traitement pour les formes les plus sévères. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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A. Awwad a , P. Renard b , J. Pouzoulet b , M.-L. Sigal a , E. Mahé a,∗ a
Service de dermatologie, centre hospitalier Victor-Dupouy, 69, rue du Lieutenant-colonel-Prudh’on, 95107 Argenteuil cedex, France b Service de médecine interne—hépato-gastro-entérologie, centre hospitalier Victor-Dupouy, 69, rue du Lieutenant-colonel-Prud’hon, 95107 Argenteuil cedex, France ∗ Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Mahé) Rec ¸u le 13 d´ ecembre 2011 ; accepté le 31 janvier 2012 Disponible sur Internet le 14 mars 2012 doi:10.1016/j.annder.2012.01.021
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Complication des injections intramusculaires d’huile « Synthol » chez un culturiste Complication of intramuscular injections of ‘‘Synthol’’ oil in a bodybuilder Certaines personnes cherchent à augmenter le volume apparent de leurs muscles par des injections locales de substances huileuses illicites, dont une des plus répandues est connue sous le nom de « Synthol ». Ce produit n’a rien à voir avec les spécialités antiseptiques et antalgiques à usage cutané et buccal vendues en France sous le même nom.
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Actuellement, ces injections d’huile sont pratiquées par des culturistes qui pensent à tort que ces procédures sont moins dangereuses que l’usage de stéroïdes anabolisants ou d’hormones de croissance. Pourtant, les effets secondaires potentiels sont graves : embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral ou infarctus du myocarde en cas d’injection intravasculaire accidentelle ; infections profondes. . . Nous rapportons le cas d’un patient qui présentait des abcès cutanés récidivants des deux biceps. Observation Un homme de 25 ans s’est présenté en consultation pour prise en charge thérapeutique de masses déformant les régions bicipitales et subissant des poussées récidivantes d’abcédation ; le dernier épisode d’abcès remontait à quatre mois. Il s’agissait d’un sujet sportif qui pratiquait la musculation depuis l’âge de 16 ans, quotidiennement à raison de deux heures par jour. Il avait été hospitalisé en 2008 pour une insuffisance rénale aiguë secondaire à une consommation abusive de stéroïdes anabolisants. Il avait gardé par la suite une créatininémie à la limite supérieure de la normale et avait arrêté tout abus de substance. Il avait alors commencé à s’injecter du Synthol intrabicipital chaque mois et cela pendant une année. Les injections étaient pratiquées stérilement avec des seringues à usage unique. Depuis décembre 2009, date de la dernière injection de Synthol, le patient présentait chaque mois des abcès douloureux des deux biceps brachiaux, avec érythème et inflammation importants, sans fièvre ni autres symptômes ; le tableau régressait en quelques jours après automédication par l’amoxicilline. Il avait consulté plusieurs dermatologues. En cas d’abcès inflammatoires, certains avaient drainé les abcès et avaient pratiqué des cultures bactériennes permettant d’identifier deux germes : Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa, sensibles à l’amoxicilline et aux fluoroquinolones. En dehors des épidodes d’abcès, certains lui avaient injecté des corticoïdes de longue durée d’action dans les biceps. Tous les plasticiens consultés avaient refusé l’idée d’une réduction chirurgicale du volume des lésions. À l’examen clinique, les bras étaient augmentés de taille, mesurant 47 cm de circonférence (Fig. 1a et b). La palpation montrait une induration non douloureuse, sans rougeur locale, sans signes inflammatoires ni adénopathies palpables dans les aires cervicales et sous-axillaires, sans troubles sensitivomoteurs à l’examen des bras et des épaules. Les réflexes ostéo-tendineux étaient normaux. Les tests biologiques courants ainsi que les sérologies virales (hépatite B, hépatite C, VIH) étaient normaux ou négatifs. L’imagerie par résonance magnétique des biceps montrait une hypertrophie musculaire bicipitale sans image kystique ni tumorale. Le chirurgien plasticien consulté refusait de pratiquer une chirurgie ablative, par crainte notamment de complications infectieuses. Il était conseillé au patient de consulter de nouveau en cas de réapparition de signes ou de symptômes d’abcès.
Figure 1. a et b. Accroissement de volume des biceps brachiaux droit et gauche.
(scrotum, membres, ventre. . .) [1—3]. Le Synthol est une substance utilisée par les sportifs comme implant temporaire injecté profondément dans le muscle, dont le but est un effet d’élargissement. Il est injecté sur un rythme mensuel ou bimensuel, et son effet volumateur est immédiat [4]. Il serait formé de 85 % d’huiles (chaînes moyennes de triglycérides), 7,5 % de lidocaïne et 7,5 % d’alcool (à visée antiseptique). Mais nous ignorons en fait la nature réelle de ce type de produits, qui sont vendus dans des réseaux privés de culturistes et sur internet, échappant à la surveillance des organismes de régulation et de surveillance sanitaire. Nous ignorons aussi leur demi-vie et leur mode d’élimination par l’organisme. Plusieurs effets secondaires causés par ces produits ont été rapportés par la littérature. La réaction granulomateuse de l’organisme face au corps huileux étranger a été mentionnée à plusieurs reprises et peut évoluer parfois vers l’oléome [5]. Un autre effet secondaire d’ordre esthétique est la persistance de l’effet volumateur pendant plus de cinq ans. L’effet néfaste le plus redoutable est la migration du produit dans la circulation sanguine, pouvant aboutir à une occlusion vasculaire de l’organe atteint (embolie pulmonaire, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, infarcissement rénal, occlusion de l’artère pulmonaire,. . .) [6]. Les autres effets secondaires décrits sont des infections récidivantes, des ulcérations cutanées aux sites d’injection [7], une vasculite cutanée (surtout avec l’huile de sésame) [8,9]. La prise en charge thérapeutique n’est pas codifiée ; elle repose sur l’expérience et l’opinion personnelle du médecin. Ce patient s’est présenté chez plusieurs chirurgiens plasticiens qui ont tous refusé de faire une exérèse chirurgicale des corps étrangers par crainte d’une éventuelle surinfection ou autre complication morbide. Nous rapportons ce cas pour insister sur les méfaits de ces injections pratiquées par des culturistes et sur notre méconnaissance des propriétés pharmacocinétiques de cette molécule illégale.
Discussion L’usage de substances huileuses pour remplir les cavités et les contours du corps (à but thérapeutique ou esthétique) remonte au XIXe siècle et concerne plusieurs organes
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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I. Maatouk a , R. Moutran b,∗ , E. Maalouf a a
Département de dermatologie, Hôtel-Dieu de France, BP 16-6830, Achrafieh, Beyrouth, Liban b Département de dermatologie, hôpital Mont-Liban, Hazmieh, Beyrouth, Liban ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (R. Moutran)
Rec ¸u le 26 d´ ecembre 2011 ; accepté le 5 mars 2012 Disponible sur Internet le 17 avril 2012 doi:10.1016/j.annder.2012.03.001