Complications tardives de la radiothérapie: rôle des facteurs temps

Complications tardives de la radiothérapie: rôle des facteurs temps

Bull Cancer/Radio&v 0 Elsevier, Paris 98 Complications tardives Complications (1995) 82,98-100 de la radiothkrapie tardives de la radiothdrapi...

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Bull Cancer/Radio&v 0 Elsevier, Paris

98

Complications

tardives

Complications

(1995)

82,98-100

de la radiothkrapie

tardives de la radiothdrapie:

r81e des facteurs temps

B Dubray Dt+parremenr

d’oncologie

radiothhapique,

Instirut

L’un des principaux acquis de la radiobiologie moderne a et6 la reconnaissance des reactions differentes des tissus sains a reponse precoce (dont le comportement est grossibrement superposable a celui des tumeurs) et de ceux a reponse tardive apres une irradiation fractionnte [ 12, 131. Cette etape essentielle a port6 le coup de grace au formalisme de la NSD et suscite le dtveloppement du modble lit&ire quadratique et de ses extensions. Ainsi, le risque de complication tardive diminue avec le fractionnement de la dose totale, reflttant d’importantes capacites de reparation des lesions cellulaires subletales. Inversement, la duree totale du traitement a peu d’influence, en raison de la faible proliferation cellulaire pendant l’irradiation et de l’absence de reoxygenation de tissus physiologiquement bien oxygen&. Ces notions schematiques sont a l’origine de tentatives de modification des modalites d’irradiation afin de btneficier d’un effet differentiel entre tissus sains et tumoraux. Outre des contraintes logistiques importantes, ces tentatives se heurtent a des exigences contradictoires : - d’une part, augmenter la dose totale et raccourcir la duke du traitement, pour accroitre la probabilite de controle tumoral, Cventuellement au prix de reactions aigues plus marquees ; - d’autre part, reduire la dose par fraction et maintenir un intervalle entre les fractions suffisamment long pour permettre la reparation des lesions sub&ales, pour limiter le risque de complications tardives. Ce dogme radiobiologique opposant tissus wins a reponse tardive et aigues est fond6 sur des constatations cliniques, mais aussi et surtout sur une quantite considerable de don&es obtenues chez l’animal. Sans remettre en cause la validitt

Curie,

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globale de cette opposition, la transposition pure et simple a l’homme des pararnbtres quantifiant les cinttiques de reparation et la proliferation cellulaire chez l’animal est certainement dangereuse. Cet article insiste sur les incertitudes gtnCr&s par l’insuffisance des donnees humaines et la prudence qui doit Ctre de mise lorsque les radiotherapeutes s’ecartent des modalites d’irradiations dites <>. Sont aussi bribvement CvoquCs les resultats exptrimentaux concernant les possibilites de r&radiation, a l’occasion de rechute ou de la survenue de seconde tumeur.

CINI~TIQUEDE RI~PARATI~N DES LESIONS SUBLBTALES La capacite des tissus sains a reponse tardive a reparer les lesions subletales radio-induites entre les stances de radiotherapie explique la diminution des effets biologiques observes lorsque la dose par fraction est reduite. L’intervalle entre les fractions doit imperativement Ctre assez long pour permettre une reparation complete et be&icier du plein effet du fractionnement. Or, tres peu de donntes humaines suffisamment precises pour calculer le temps de demi-reparation T,,* sont disponibles. Dans le cas d’irradiations de la sphere ORL, Thames er al ont montre que l’augmentation des complications tat-dives avec le raccourcissement de l’intervalle entre les fractions ttait compatible avec un Tl,, suptrieur ou Cgal a 2 heures [ 111. L’ttude prospective de Goteborg (Suede) portant sur les telangiectasies apres irradiation de la chdne mammaire inteme pour cancer du sein retrouve un T,, de 3,4 heures (intervalle de confiance a 95% : 2,8-4,2). Ces donnees sont aussi compatibles avec une cinetique de reparation biphasique, avec une

Complications

tardives

composante rapide (T,,, = 0,4 heure) et une composante lente (T,,Z = 3 a 4 heures) [ 141. Les quatre myelopathies cervicales observees parmi 50 patients atteints de cancer ORL et trait& selon le protocole CHART (Continuous Hyperfractionated Accelerated Radiation Therapy) representent un signal d’ alarme particuli&ement dramatique, bien que contrastant avec une moindre frequence des sequelles cutantes [3]. Une etude basee sur des simulations par ordinateur a conclu que la survenue de myelopathies au d&ours du protocole CHART ne pouvait probablement pas &tre expliquee uniquement par une reparation incomplete des lesions subletales [5]. Pour la pratique, il faut garder a l’esprit qu’un intervalle minimum de 6 heures entre deux fractions correspond au rnieux 21deux fois le temps de demi-reparation, c’est-Mire que 25% des lesions ¶bles n’auront pas et6 reparees. En cas d’irradiation bi- ou tri-fractionnee, il est alors preferable d’utiliser la technique dite du usurdosage concomitant>> qui irradie un grand volume le matin, puis un volume rtduit (aprbs protection de la moelle epiniere, par exemple) le soir. L’intervalle entre les seances incluant la moelle Cpinibre reste ainsi de l’ordre de 24 heures. En ce qui concerne la curietherapie, une etude randomide de I’IGR a demontre que l’augmentation du debit de dose de 0,4 a 0,8 Gy/b s’accompagnait d’une frequence accrue de complications tardives [6]. Une revue des etudes retrospectives de l’effet du debit de dose sur le risque de complications ap& curiethtrapie peut &re trouvee dans [6]. Ces travaux soulignent le danger potentiel de la curietherapie a haut debit de dose (superieur a 12 Gy/h). EFFET

DE L’kTALEMENT

Les donnees cliniques disponibles sont largement contradictoires. 11 est gtn&alement admis que la dun& totale de traitement n’a pas d’influence sur la survenue de complications tardives, comme observe apres irradiation pour tumeur du larynx [8] ou association curietherapie et radiotherapie exteme pour cancer du co1 u&in [2]. Inversement, d’autres auteurs ont mis en evidence un effet protecteur de la prolongation de l’irradiation pour les dlangiectasies apres irradiation mammaire inteme (dose Cquivalente = 0,29 Gy/j [14]), la cavite buctale (dose Cquivalente = 0,29 Gy/j [7]), et le poumon (dose equivalente = 0,45 Gylj [15]). 11 faut cependant noter que l’interpretation de ces observations en termes de repopulation cellulaire reste discutable et que des mecanismes de reparation

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de la radiothkapie

lents ne peuvent Ctre exclus. Une autre explication est que certaines complications tardives pourraient Ctre favoristes par des reactions prdcoces trbs intenses, en particulier en cas de solution de continuite prolongee d’un Cpithelium ou d’une muqueuse [9]. L’evenement tardif &ant au moins partiellement la consequence d’un dommage precoce, ses caracteristiques radiobiologiques se rapprocheraient de celles d’un tissu a rtponse precoce. Ceci est illustre par une etude recente de la toxicit rectale chez le rat, oti la survenue d’une stenose tardive apparait trbs souvent aprbs une ulceration aigue 141. Une association entre la survenue d’une Cpithelite erosive et de telangiectasie a Cte observee sur une serie de patients traites pour carcinome mammaire a Aarhus (Danemark), mais sans que la dun.& d’irradiation n’ait un effet siguiticatif [l]. Par ailleurs, il n’y avait pas de relation entre CpitMite erosive et fibrose sous-cum&e. R&IRRADIATION

Certains patients sClectionnCs sont reirradib soit a titre palliatif, soit parfois a titre curatif a l’occasion d’une rechute ou d’une seconde tumeur. L’experience clinique a montre que ces reirradiations n’entrainaient pas de complications catastrophiques, ttmoignant d’un s oubli>> au moins partie1 de l’irradiation anterieure par les tissus non tumoraux. Les don&es experimentales ont CtC recemment revues par Stewart et van der Kogel [lo]. Le poumon et la moelle Bpini&re sont capables d’une recuperation des dommages anterieurs d’autant plus importante que l’intervalle entre les irradiations est long et que la dose initiale a &tC faible. Ces tissus semblent done pouvoir Ctre retraites a des doses significatives, surtout si de faibles doses par fraction sont utilistes car leur sensibilite au fractionnement apparait conservee. En revauche, la tolerance a une r&radiation de la vessie ne varie pas avec le d&i CcoulC, suggtrant la persistance de dommages residuels non rtparables. Enfin, la tolerance du rein diminue avec le temps, indiquant une progression continue des lesions infracliniques provoquees par la premiere irradiation. CONCLUSION

Le role des facteurs temps dans la survenue des complications tardives de la radiotherapie est complexe et encore incomplbtement COMU. D’un point de vue pratique, la probable existence de tinetiques de reparation des lesions subletales lentes (voire tres lentes) fait ressortir l’importance cru-

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B Dubray

ciale de l’intervalle entre les fractions et du d6bit de dose. L’influence de la durke totale du traitement est plus accessoire, sauf peut-etre en cas d’irradiations t&s acdl&6es ob des complications tardives peuvent Btre la condquence de l’exacerbation des rkactions prkcoces. La tolkrance des tissus sains humains B une r&radiation est certainement le domaine le moins bien explork.

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