entendu
et not6 pour La Revue de MWecine
Thrombose
interne
et h6mostase
Compte rendu du II” congri& de la SociM internationale de thrombose
et d’hemostase
Florence, 8-12 juin 1997 par Herd
LBvesque
Service de mtfdecine interne, hepita de Boisguillaume, 76031 Rouen cedex
Dans la capitale de Toscane, berceau de la Renaissance, ville des Medicis, 00 Michel Ange, Botticelli, Leonard de Vinci, Raphael, Giotto, Lippi et tant d’autres ont laisse tant de merveilles, plus de 5 000 medetins et biologistes interesses par la thrombose et la coagulation se sont reunis pour faire le point sur les donnees actuelles de cette specialite en constante evolution. A tote des themes purement biologiques, de nombreuses sessions ont porte sur les maladies thrombotiques, et notamment I’epidemiologie, les nouvelles etiologies et les donnees therapeutiques actuelles. L’ensemble des conferences plenieres et des symposiums a themes a fait I’objet dune publication de 780 pages dans le numero de juillet 1997 de Thrombosis and Haemostasis (State of the art 1997, Thromb Haemost 1997;78: l-783).
kpidhmiologie Les trois grandes etudes actuelles, 5 savoir la Leiden Study, la Vita Study et I’European Prospective Cohort on Thrombophilia (Epcott) ont fait &at de leurs resultats. La Leiden Study initiee dans trois villes hollandaises (Leiden, Amsterdam, Rotterdam) a inclus 474 patients consecutifs de moins de 70 ans, indemnes de cancer, au d&ours dune premiere thrombose veineuse profonde, apparies a un groupe temoin. Un deficit en antithrombine authentifie sur deux prelevements est mis en evidence dans 1 ,l % des cas (0,2 % dans le groupe temoin, risque relatif : 5) ; un deficit en proteine C est diagnostique par deux dosages biologiques consecutifs chez 3,l % des patients (versus 0,8 %, risque relatif : 3,8) avec presence d’une mutation dans 2,7 % de la cohor-te (versus 0,4 %, risque relatif : 6,5) et un deficit en proteine S libre dans 3,l % des cas (versus 2,l %, risque relatif : 2,l). Une resistance a la proteine C activee recherchee chez 301 des 344 patients avec TCA normal est observee chez 64 patients (21 % versus 5 %, risque relatif : 6,6), dont
53 avec la mutation Leiden. Une hyperhomocysteinemie basale est observee chez 28 sujets (versus 13, risque relatif 2,5) et une mutation G20210 chez 6,2 % des sujets versus 2,l %, risque relatif : 2,l). L’etude italienne (Vicenza Thrombophilia and Atherosclerosis, Vita Project) a etudie la prevalence des thrombophilies hereditaires dans la population g&Wale (plus de 15 000 sujets contact&). A partir dune prevalence de maladie thromboelmbolique de 0,77 % (un cas sur 129 sujets normaux), la prevalence des thrombophilies hereditaires est &al&e a 1 %O. L’Epcort Study avait pour objectif d’apprecier I’histoire naturelle des patients atteints d’un deficit en antithrombine, proteines C ou S ou dune resistance & la proteine C activee, a partir d’une cohorte de patients recrutes dans 11 centres europeens avec une etude particuliere du risque thrombotique veineux, arteriel ou encore obstetrical. A partir des 2 940 sujets etudies (455 deficits en proteine C, 397 en proteine S, 305 en antithrombine, 481 avec une mutation Leiden, 36 avec un deficit multiple) et des 1 266 temoins, une evaluation de la maladie
760 thromboembolique fut realisee. Quatre-vingts pour cent des sujets deficitaires avaient une histoire de maladie thromboembolique (age du premier episode thrombotique variant entre 30 et 35 ans selon le type d’anomalie) contre seulement moins de 25 % du groupe temoin. Dans le suivi a 1 an, 42 episodes thrombotiques veineux furent observes dans le groupe deficitaire contre seulement un dans le groupe temoin (risque de thrombose a 1 an de 3,4). Contrastant avec cette incidence elevee, peu d’episodes arteriels ont ete observes (0,77 % par an). Etiologies nouvelles de la maladie thromboembolique Quatre grands sujets peuvent 6tre individualises : la mutation Leiden, I’hyperhomocysteinemie, la mutation 20210 du facteur II et le risque thrombogene des estrogenes au tours d’une contraception orale. Plusieurs symposiums ou sessions de posters ont porte sur la resistance a la proteine C activee (RPCA). Bettina a fait le point sur le diagnostic biologique d’une resistance a la proteine C activee, et notamment la possibilite de faire ce diagnostic chez des patients ayant un temps de cephaline activee prealablement modifie par un traitement par antivitamine K. Cependant, il insista sur les etats susceptibles de donner un phenotype de type RPCA, a savoir I’elevation du taux de facteur VIII, la grossesse, la prise d’une contraception hormonale. Dahlback, qui decouvrit cette resistance a la proteine C activee, rappela les caracteristiques deja publiees des patients atteints de cette anomalie. Surtout, il discuta les differents problemes poses par la presence de cette anomalie : - prophylaxie dans toutes les situations a risque par heparine ou par antivitamine K (duree non precisee), avec une mention speciale pour le post-partum ou une prophylaxie de 6 a 8 semaines est conseillee ; - prophylaxie large en prevention secondaire d’une thrombose veineuse profonde par antivitamine K en depit de resultats discordants ;
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- recherche de deficits associes du fait d’un risque thrombotique considerablement accru. Baglin tenta d’evaluer le risque thrombogene d’un patient asymptomatique pot-teur d’une RPCA a partir d’un collectif de 52 familles d’heterozygotes et de 12 homozygotes. Si dans les familles d’heterozygotes le risque thrombotique apparait relativement faible (sept contre trois chez les apparent& non porteurs de I’anomalie), dans les familles homozygotes le risque apparait plus important, notamment apres la troisieme decennie, suggerant la necessite d’envisager une prevention primaire. Si le risque de manifestations thrombotiques chez les patients porteurs de la mutation Leiden est quatre fois plus eleve par rapport a des patients indemnes de cette anomalie, le risque apparait bien moindre que celui induit par un deficit en antithrombine, proteines C ou S (Martinelli). Une evaluation de la prevalence de la RPCA en fonction de I’age de survenue de la thrombose fut apportee par une etude chez I’enfant et une chez le sujet age. Une prevalence elevee de RPCA (Leiden) est observee tant chez I’enfant (cinq sur 34) que chez le sujet age (dix sur 89), suggerant une heterogeneite d’expression clinique et la necessite de facteurs associes pour induire une maladie thromboembolique. De meme, le risque de thrombose en tours de grossesse passe de 1 %0 a l/500 en cas de mutation Leiden (McCall). A I’inverse, si une prophylaxie adaptee est proposee, le risque de thrombose apres prothese de hanche ou de genou ne semble pas accru par la presence d’une RPCA. De meme, de nombreux auteurs ont confirme I’absence de lien entre la presence d’une RPCA et I’existence d’episodes thrombotiques arteriels. L’hyperhomocysteinemie a fait I’objet d’un symposium et de nombreuses communications orales ou affichees. Tous insistent sur ce nouveau facteur de risque, certes arteriel mais aussi veineux. Le risque relatif d’accident arteriel est evalue a 1,7 (I,5 a 1,9 au niveau coronarien,
2,5 au niveau cerebrovasculaire et 6,8 pour I’arteriopalhie obliterante des membres inferieurs). Au niveau veineux, le risque reel est moins bien evalue (2,5 pour le premier episode thrombotique et 3,l pour le second, pour Den Heijer qui utilise un test de charge a la methionine pour porter le diagnostic). L’anomalie enzymatique la plus frequemment associee a une hyperhomocysteinemie est le deficit en methylenetetrahydrofolate reductase (MTHFR) dont le gene a ete isole en 1994. II s’agit d’une anomalie frequente a l’etat heterozygote (35 % de la population nord-ameriCaine) avec des caracteristiques cependant tres heterogenes, incitant a un depistage initial a partir des sujets porteurs d’une hyperhomocysteinemie (correlation etroite avec un taux plasmatique bas de folates). Plusieurs etudes suggerent un effet thrombotique veineux synergique entre cette anomalie et la mutation Leiden. Lecam-Duchez (Rouen-Paris U428), a partir de 231 sujets issus de 21 familles porteurs de la mutation Leiden, a etudie le genotype de trois des genes du systeme procoagulant de la proteine C et un de la MTHFR. Elle montre que la presence d’un allele G 4070 du gene du facteur V et d’un allele T 677 du gene de la MTHFR induit un risque accru de manifestations thrombotiques chez les sujets porteurs de la mutation Leiden. Une session a porte SLIT la mutation du gene de la prothrombine d&rite recemment (Poort et al, Blood 1996). II s’agit d’une mutation du gene de la prothrombine (G en A en 20210). L’equipe de Dahlback confirma I’association de cette anomalie avec le risque thrombotique veineux (7,l % versus 1,8 %), tout comme celle de Preston (6,5 % versus 0,67 %). Cependant, de tels resultats ne sont pas observes par J Emmerich, de l’equipe de M Aiach (congres de la Societe nationale francaise de medecine interne, Nimes, juin 1997). Deux equipes signalent un lien possible entre cette anomalie et le risque d’infarctus du myocarde. Le lien entre thrombose veineuse et
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contraception orale &fait I’objet d’un symposium et de plusieurs seances de communications. Tous les auteurs confirment le risque accru de survenue d’une thrombose veineuse profonde lors d’une contraception estroprogestative, avec un risque superieur, certes mod&& mais indiscutable, en cas d’utilisation d’une pilule de troisieme g&&ration. Cedernier passe par le biais de I’induction d’une resistance & la protbine C activee, avec un risque similaire ti celui des patients porteurs de la mutation Leiden. Cependant, il est vraisemblable que certaines femmes sous estroprogestatifs induisent prbf&entiellement un r+tat d’hypercoagulabiIit6 (Bloemenkamp). D&s lors se pose le probleme de la recherche d’une RPCA avant la mise sous estroprogestatifs, et la contre-indication ou non d’un tel traitement chez les patientes souhaitant benbficier de ce type de contraception (5 % des cas). Pour Helmerhorst, la pr& sence d’une mutation Leiden n’est pas une contre-indication absolue & la prise d’une contraception estroprogestative, du fait du risque relativement faible, mais une 6valuation cas par cas en fonction des ant&&dents familiaux et surtout des facteurs de risque associ& doit &re rbalisbe. Dans tous les cas, une pilule de seconde g&&ration doit gtre utilisbe, une mgme attitude devant @tre envisagce en cas de premiere prescription. A I’inverse, il ne semble pas exister de lien entre accident thrombotique artbrie et prise d’une contraception orale. Traitement de la maladie thromboembolique Ce congr& fut I’occasion de p&enter les r&sultats de plusieurs irtudes multicentriques dont les 6tudes Thesee, Fraxodi, Columbus, Antenox, Prepic, Advent au tours de la maladie thromboembolique. L’btude Thesee dans I’embolie pulmonaire est la premiere 6tude qui demontre qu’une hbparine de bas poids mol&ulaire donnbe en une injection sous-cutanhe par jour (tinzaparine 175 UVkg, sans surveillance biologique) est aussi efficace
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que I’hbparine non fraction&e & la seringue autopousseuse au tours de I’embolie pulmonaire. Cette &ude, essentiellement franGaise, a inclus 612 patients con&utifs avec des embolies pulmonaires patfois importantes (obstruction scintigraphique moyenne de 47 %). L’&ude Colombus (N Engl J Med, 1997;337: 657-63) qui a inclus pr&s de 1 000 patients avec thrombose veineuse profonde eVou embolie pulmonaire retrouve des r&ultats similaires avec deux injections par jour de Clivarine@. L’essai Fraxodi rapport6 par Fiessinger montre qu’une injection sous-cutanee par jour de fraxiparine (20 500 111AXa/j) est au moins aussi efficace qu’un traitement classique par deux injections sous-cutaGes quotidiennes de fraxiparine. Des rBsultats similaires sont observ& avec I’bnoxaparine (une versus deux injections sous-cutanbes par jour) avec respectivement 4,3 % (12 sur 290) de Gcidives thrombotiques sous heparine non fractionnbe versus 4,4 % (13 sur 298) sous knoxaprine deux fois par jour et 2,9 % (neuf sur 312) sous enoxaprine une fois par jour. L’Btude Antenox montre qu’au tours des maladies thromboemboliques, un relais pr&oce (jl) par antivitamine K ne s’accompagne pas d’un risque accru de complications thrombotiques ou hbmorragiques par rapport & un relais tardif (jl0) apt&i un traitement initial par heparine de bas poids mol@culaire (hnoxaparine). Le groupe Prepic a rapport6 les Gsultats de 1’6tude ayant tent6 d’appr&ier I’intbrbt Bventuel d’un filtre cave chez 400 patients avec thrombose veineuse profonde proximale. Si le nombre d’embolies pulmonaires pr&oces est moindre chez les patients avec filtre cave (1,l % versus 3 %), il existe une tendance $I une mortalit accrue (7,5 % versus 5 %) et surtout un risque de r&idive thrombotique veineuse $I distance plus important (8,6 versus 6,6 % & 1 an ; 19,3 versus 11,2 % & 2 ans). Hirsh a rappel6 les r&ultats des trois ktudes du traitement ambulatoire des thromboses veineuses profondes (Levine M et Koopman MMW, N Engl J Med
761 1996 ; Lindmarker P, J intern Med 1996). La faible surveillance, la bonne tolerance et surtout I’efficacitb des hbparines de bas poids mol&ulaire permettent d’envisager la prise en charge ambulatoire de certains patients. Cependant, les &onomies g&Grbes (de 34,5 % pour Linmarker) ne doivent pas induire une mauvaise prise en charge de cette rnaladie potentiellement mortelle. La prise en charge therapeutique ambulatoire necessite, outre un diagnostic de certitude, I’accord du patient et de son mbdecin traitant, un bilan initial et une enquQte Btiologique adaptbe. Enfin, les nouveaux traitements, notamment les nouveaux inhibiteurs synthbtiques de la thrombine, ont fait part de leurs premiers r&ultats. Bounameaux a ainsi rapport6 I’essai europeen Advent avec le napsagatran au tours des thromboses veineuses profondes. A pat-tir de 110 patients randomis& napsagatran ou hbparine, ce travail demontre une efficacite similaire de ce nouvel inhibiteur synth&ique de la thrombine. Les antivitamines K ont fait I’oblet de nombreuses communicat/ons. Schulman, & partir de ses deux btudes (N Engl J Med 1995 et 1997) insiste sur la &cessit8, chez de nombreux patients, de recourir a un traitement par antivitamine K ld’une durbe supbrieure & 4 ?I 6 semaines. Dans son etude initiale, il montre qu’en comparant deux dur&s de traitement de 6 semaines et de 6 mois, il observe un taux de rbcidive de respectivement 18 et 9 %. Apr8s un second Episode thrombotique, le risque de recidive thrombotique est moindre (2,6 %) chez les patients ayant b&?bficib de 48 mois de traitement (versus 20,7 % pour un ,traitement de 6 mois) avec cependant pour corollaire un exc&s de complications hbmorragiques chez 18s sujets ayant requ un traitement prolonge. L’analyse du risque de complications hbmorragiques majeures (etude Afasak 2), realist$e a pat-tir de patients gg& sous antivitamine K pour une fibrillation auriculaire, constate une incidence d’accidents majeurs de 2,8 % par an.
762 L’effet de la compliance au traitement par antivitamine K evalue par Liao laisse a penser qu’une compliance mediocre ne s’accompagne que d’une augmentation mod&e de patients avec un TP-INR instable. Enfin, une analyse du statut mental des patients ages sous antivitamine K met en evidence un nombre de patients deficitaires croissants avec I’age (8,4 % entre 60 et 69 ans, 13,4 % entre 70 et 79 ans et 17,2 % au-dela de 80 ans). De nombreuses autres sessions ont
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porte sur les syndromes hemorragiques (maladie de Willebrand, hemophilies constitutionnelles ou acquises), les plaquettes et les antiagregants plaquettaires, notamment les anti-GP-llb-llla... De meme, plusieurs seances ont aborde I’atherosclerose, les marqueurs endotheliaux (thrombomoduline notamment), I’angioplastie, I’angiogen&se ou le facteur tissulaire. A I’inverse, peu d’etudes importantes ont evoque un theme cher aux internistes, a savoir le syndrome des
antiphospholipides. Parmi les grands essais therapeutiques qui modifieront probablement notre attitude therapeutique future, il faut titer l’essai Essence qui demontre qu’a j14 les heparines de bas poids moleculaire (enoxaparine) associees $r I’aspirine sont superieures & I’heparine non fractionnee plus aspirine au tours de I’angor instable ou des infarctus sans onde Q. Des resultats similaires sont constates avec la fragmine dans cette meme indication (etude Fric).