Concilier rigueur scientifique, recours aux possibilités et souci du sujet

Concilier rigueur scientifique, recours aux possibilités et souci du sujet

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2012) 11, 227—229 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Conci...

270KB Sizes 4 Downloads 100 Views

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2012) 11, 227—229

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Concilier rigueur scientifique, recours aux possibilités et souci du sujet

MOTS CLÉS Médecine palliative ; Concepts ; Formation ; Recherche ; Fin de vie

KEYWORDS Palliative medicine; Concepts; Training; Research; End of life

Résumé Pour marquer son dixième anniversaire la revue Médecine palliative renouvelle ses objectifs éditoriaux. L’indexation Medline est une priorité. Les grandes orientations de la médecine palliative du milieu du xxie siècle sont évoquées. Rigueur scientifique, humanité, souci de l’autre comme d’un autre soi-même sont les mots clés de l’avenir. La pratique de la médecine palliative concerne la fin de vie mais aussi les personnes touchées par des maladies graves, évolutives potentiellement létales. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary To mark its 10th anniversary the French speaking journal ‘‘Médecine palliative’’ renews its editorial objectives. Medline indexation is a priority. The palliative medicine main orientations in the middle of the 21st century are evoked. Scientific rigor, humanism and concern of the other one as another oneself are keywords of the future. The palliative medicine practice concerns the end of life but also the persons affected by potentially lethal serious, evolutionary illnesses. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

En octobre 2002 paraissait le premier numéro de la revue « Médecine palliative —– soins de support —– accompagnement —– éthique » grâce au soutien indéfectible de l’éditeur médical prestigieux Masson. Dix ans ont passé depuis. Quelques petits évènements se sont produits depuis. Masson et Elsevier se sont regroupés pour assurer la pérennité d’une maison d’édition scientifique de qualité et de renommée internationale incontestable. La revue a adapté son intitulé à l’évolution des pratiques et de la réalité des déclinaisons de la démarche palliative en France comme dans l’ensemble des autres pays industrialisés. Le terme soins continus a été remplacé par celui de soins de support.

1636-6522/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2012.09.002

228 L’objectif par l’équipe éditoriale était d’ouvrir un espace francophone pour permettre de faire connaître les différents de recherche et de faciliter les échanges sur la pratique de la démarche palliative, de l’accompagnement, en incluant une dimension éthique aux publications. Très vite la revue a trouvé son lectorat. Celui-ci est resté fidèle durant ses dix années et s’enrichit chaque année de nouveaux abonnés. Soyez tous remerciés très sincèrement de votre confiance et de cette fidélité. L’indépendance visà-vis des industriels ou de tout autre groupe d’influence est une règle qui n’a connu aucune dérogation. Au fil des ans, la revue a accompagné les évolutions à la fois structurelles et universitaires de cette approche médicale, soignante et humaine. Les études originales prennent de plus en plus de place. Les réflexions s’approfondissent avec l’expérience grandissante. Nous pensons être, en tout cela, fidèles aux valeurs transmises par les pionniers dont la bienveillance a toujours été pour nous tous source de réconfort dans les périodes de doutes. La ligne éditoriale de la revue évolue progressivement pour rester au plus près des besoins de formation et d’information des professionnels et bénévoles impliqués dans le champ de la médecine palliative et de l’accompagnement. Pour répondre aux nouvelles exigences internationales et participer ainsi à la crédibilité de nos pratiques, de nos concepts et de nos approches spécifiques, nous avons tout fait pour que chaque publication réponde aux critères de qualité et de rigueur internationalement validées. Chaque texte publié doit répondre à des critères stricts, les contenus font l’objet de deux « lectures critiques » anonymes et exigeantes. Les auteurs qui font confiance à la revue acceptent avec patience de revoir leurs écrits à la lumière des commentaires et conseils des « relecteurs ». Nous n’ignorons pas combien il est difficile de voir son travail proposé à la publication être soumis à une voire parfois plusieurs révision. Cela implique un travail supplémentaire qui peut décourager. Pire encore, se voir répondre par un refus peut être vécu comme blessant. Que nul auteur ne nous en veuille pour ces conditions drastiques. Que chacun sache bien que tout travail d’écriture à une valeur intrinsèque à la fois respectée, considérée et toujours évaluée avec la plus grande bienveillance. Ces contraintes qui peuvent parfois être considérées comme du « pinaillage » ou pire encore se demander si les comités éditoriaux de la revue ne se prennent pas un peu trop au sérieux, ne sont, en fait, que l’application, la plus humanisée et soucieuse de l’autre des règles élémentaires de publication scientifique. Là aussi nous tenons à remercier tous les auteurs de leur confiance et de leur compréhension. Pour rassurer tout le monde, nous pouvons aussi vous confier qu’il nous arrive parfois de voir des textes proposés par un membre de la rédaction, voire même l’un de ses rédacteurs en chef, révisé, voire même refusé. Nous sommes, comme auteurs, soumis aux même règles rigoureuses. C’est le prix de la crédibilité et nous ne désespérons pas d’obtenir d’ici 2015 l’indexation à la base de données médicale Medline. Cette indexation ne correspond pas à une velléité, mais à une nécessité. La création d’une filière universitaire de médecine palliative, oblige tous les acteurs, à publier non seulement pour la communauté francophone, mais aussi pour les autres communautés non francophones. De même lors des évaluations régulières des différents professionnels,

Éditorial notamment les médecins, il est impératif de publier dans des revues internationalement reconnues, à fort impact factor. C’est le seul moyen de faire connaître et reconnaître nos travaux et de défendre efficacement nos approches spécifiques en les enrichissant par des discussions avec nos collègues étrangers. La ligne éditoriale reste donc la même, s’affine et surtout s’attache à répondre au plus près aux nécessités qui s’imposent dans un contexte international de plus en plus ouvert. Vous verrez donc de temps à autres des articles publiés en anglais car rédigés par des collègues anglo-saxons. Mais que celles et ceux qui ne dominent pas la langue anglaise se rassurent, ces articles seront accessibles en franc ¸ais directement en ligne sur Internet et cela gratuitement. Nous espérons que cette adaptation ne déstabilisera pas notre lectorat. Cela restera marginal. Après ces dix années, les comités éditoriaux ont pensé qu’il ne fallait pas se contenter d’analyser le chemin parcouru et de tirer toutes les lec ¸ons des erreurs ou inadéquations repérées. L’avenir se construit chaque jour, il se pense donc à chaque instant. Pour nous aider à nous projeter dans les dix années qui viennent, nous avons sollicité plusieurs auteurs afin qu’ils nous livrent leur vision, chacun dans un domaine particulier sur ce que pourraient être les champs de la médecine palliative. Un des principaux défis de l’avenir pour la médecine palliative sera de pouvoir disposer d’une offre de soins adaptée aux besoins des populations et de renforcer la collaboration avec les autres disciplines, nous conseillent W. Rhondali, M. Filbet et E. Bruera. L’objectif est de permettre aux patients de pouvoir accéder à cette offre de soins dès que nécessaire et pas uniquement lorsque l’on se trouve dans une situation de fin de vie nous proposent-ils ainsi qu’une vision du développement de l’enseignement, ainsi que de la recherche et les défis qu’il faudra relever pour pouvoir élever la médecine palliative au rang de la médecine académique et de l’evidence-based medicine. Le changement de culture en faveur de l’intégration d’une « attitude palliative » est en marche. Ils nous rappellent aussi que c’est le niveau de la souffrance du patient qui doit justifier du niveau de prise en charge et non pas le diagnostic. Il est essentiel que tous les patients atteints de cancer ou de maladies graves évolutives potentiellement létales puissent avoir une évaluation complète et de qualité de leurs symptômes physiques et de leur souffrance globale. Ils insistent, à juste titre sur l’impérieuse nécessité de rendre la recherche en soins palliatifs plus attrayante aussi bien pour les patients que pour les médecins. F. Carnevale nous propose une réflexion sur les principales préoccupations éthiques identifiées dans le champ de la pratique de la médecine palliative pédiatrique. La notion d’intérêt supérieur de l’enfant est une priorité dans les situations complexes rencontrées. Il analyse les divergences qui surgissent parfois parce que le rapport bénéfices versus inconvénients associés avec les décisions thérapeutiques sont fréquemment différemment estimées par le patient, les parents et les professionnels de santé. Il nous rappelle combien les discussions collégiales et

Concilier rigueur scientifique, recours aux possibilités et souci du sujet pluriprofessionnelles sont essentielles. Il insiste pour que l’enfant puisse occuper, comme tout humain, sa place de sujet. Il nous propose des stratégies pour concilier les préoccupations éthiques dans la pratique des soins palliatifs pédiatriques. La démarche palliative en pédiatrie trouve sa place certes en oncohématologie, mais aussi et peut être encore plus dans les situations de pathologies neurologiques, les maladies rares et poly-invalidantes et en période néonatales. La démarche palliative en pédiatrie doit se décliner, dans les années à venir, très largement, aux côtés des approches palliatives. Nous citerons, pour exemple, les situations des enfants et adolescents souffrant de mucoviscidose très évoluée et relevant d’un projet de transplantation mono- ou multi-organe(s), où l’association d’une démarche palliative à la prise en charge hyper technique pourrait permettre d’accroître les chances de réussite du projet de transplantation tout en facilitant le confort du patient par l’atténuation des phénomènes de comorbidité. C’est un « pari » que nous lanc ¸ons pour l’avenir. N. Hartley évoque un certain nombre de questions concernant les tendances actuelles et défis futurs concernant le bénévolat d’accompagnement en fin de vie au Royaume-Uni. Il présente une perspective unique à partir d’une organisation ayant subi de considérables changements en fonction de nouvelles contingences et de potentielles possibilités de recours plus efficace aux bénévoles d’accompagnement dans l’organisation des services sociaux et de soins dans le cadre de la fin de vie. Utilisant le Saint-Christopher’s hospice de Londres comme exemple, le programme de changement de management est présenté et décrit, en insistant sur des domaines importants tels que le recrutement et la sélection, la formation et l’enseignement appropriés, les éléments nécessaires et efficaces pour les moyens de supervision. Il nous montre comment le premier lieu où C. Sanders a mis en pratique son approche de la fin de vie a su et pu s’adapter aux nouvelles réalités et nouvelles mentalités apparues dans nos sociétés modernes. Ce défi, la France, comme les autres pays, doit le relevé et surtout le réussir. Comment ne pas rendre hommage au travail de fond mené, auprès des pouvoirs publics, ces dernières années sous la houlette de Régis Aubry, avec le soutien de l’ensemble des professionnels et bénévoles ? Tout en restant fidèles aux valeurs qui nous unissent et nous animent, nous sommes en marche pour diffuser, pour acculturer puis inculturer la démarche palliative au sein de l’ensemble des disciplines concernées. P. Vinay nous explique ensuite que la médecine palliative s’enracine à la fois dans une tradition scientifique Hippocratique, où la puissance de la médecine est mise au service du soulagement du malade plutôt qu’à la guerre contre la maladie, et dans une tradition humaniste et esculapienne qui actualise le potentiel de changement qui jaillit des rencontres vécues au moment où le temps devient compté. Pour lui, l’avenir de la médecine palliative est lié au développement harmonieux de ces deux sources. Un effort pour développer la physiologie du mourir et mieux comprendre les bases scientifiques des changements de fin de vie s’impose pour offrir au malade tout le confort requis à la poursuite de sa confirmation identitaire ultime. De même, l’engagement relationnel continu des familles et des

229

soignants l’aidera dans cette précieuse tâche que constitue la préparation de son leg aux siens. La fin de la vie est un moment précieux qui raffermit notre humanité et nous aide à vivre. Nous pensons que ces principes s’appliquent aussi à la maladie grave évolutive et potentiellement létale. Le plus tôt dans l’évolution de la maladie est le mieux nous semblet-il intuitivement. Il nous faut travailler à démontrer cela. La médecine palliative ne peut ni ne doit se penser comme une médecine du mourir. Elle se doit se penser et rester une médecine de vie, même si la vie est menacée de fac ¸on imminente et/ou immanente. Le sujet est sujet de vie, sujet en vie jusqu’à l’ultime instant de la mort. La clinique et la physiologie de la période péri-agonique doivent être rappelées, voire développées. Blanchet et al. proposent une réflexion sur le passage du concept « d’accompagnement des mourants » à celui de « soins palliatifs » puis à celui de « médecine palliative ». Exemple significatif d’une évolution de la manière de penser la fin de la vie et la mort dans notre société. L’existence même des structures de soins palliatifs est un rappel de ce « nous mourrons tous » encore souvent dérangeant. Ce rappel des limites et de l’incertitude n’est pas facile à reconnaître pour une médecine qui se voudrait toute puissante et efficace. Cela crée des résistances. La démarche palliative est comme « une manière de contester l’ordre établi et de proposer des actions alternatives ou des conceptions nouvelles répondant à des objectifs non remplis ». L’apport de la médecine palliative serait de concilier la rigueur scientifique du raisonnement, le recours aux possibilités techniques disponibles de la médecine moderne, et le souci du sujet. La terminologie « médecine palliative » est une représentation plus large, plus noble, plus académique que celle de « soins palliatifs » qui appelle une formation technique et aux valeurs de la médecine de tous les professionnels de santé. Un des objectifs de la revue est bien de porter toutes ces attentes et de les faire partager au plus grand nombre bien au-delà des seuls professionnels ou bénévoles d’accompagnement impliqués dans la pratique auprès des patients en fin de vie, souffrant de pathologies graves ou dans des situations complexes. Rigueur scientifique, humanité, souci de l’autre comme d’un autre soi-même, voilà ce qui nous anime et que nous voulons partager à travers ce travail éditorial.

Déclaration d’intérêts L’auteur signale qu’il occupe la fonction de rédacteur en chef de la revue et qu’il n’a pas d’autre conflit d’intérêt concernant la rédaction de cet éditorial. Marcel-Louis Viallard ∗ EA 4569, Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France ∗ Équipe

mobile d’accompagnement et de soins palliatifs (EMASP) pédiatrie et adulte, hôpital Necker—Enfants-Malades, AP—HP, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. Adresse e-mail : [email protected] Disponible sur Internet le 25 septembre 2012