Conduite et médecine du travail

Conduite et médecine du travail

Pour citer cet article : Giorgio M-T. Conduite et médecine du travail. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j. lpm.2015.03.006 Presse Med. 20...

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Pour citer cet article : Giorgio M-T. Conduite et médecine du travail. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j. lpm.2015.03.006 Presse Med. 2015; //: ///

Dossier thématique

Conduite et médecine du travail

Mise au point

M EDECINE ET CONDUITE AUTOMOBILE

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Marie-Thérèse Giorgio 1

Disponible sur internet le :

Chemin de Chantemerle, 01600 Saint-Didier, France

[email protected]

Key points Driving and health at work The role of the occupational physician is to prevent occupational accidents and diseases. Therefore, he is the one to decide if a worker is fit to drive in the context of his professional activity, including in cases where no specific driving license is required (e.g. forklift truck, mobile crane). This decision is an important one, as two thirds of fatal occupational accidents occur on the road. The decision is made on the basis of both a medical examination and the regulation, which indicates all contraindications to driving. The physician's responsibility is involved, as is the employer's, as he must ensure that his employee is fit to drive and possesses a valid driving license at all times.

Points essentiels Le médecin du travail, dont le rôle est exclusivement préventif, statue sur l'aptitude à conduire dans le cadre de l'activité professionnelle (y compris pour des véhicules qui ne nécessitent pas de permis de conduire spécifique). Cette décision d'aptitude à la conduite n'est pas prise à la légère puisque deux tiers des accidents du travail mortels surviennent sur la route : elle se fonde sur l'examen médical mais également sur la réglementation qui liste les contre-indications à la conduite des véhicules. La responsabilité du médecin est engagée, mais également celle de l'employeur puisque, dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, il doit s'assurer que son salarié qui conduit dans le cadre de son travail est apte à la conduite mais est également en permanence en possession d'un permis de conduire en cours de validité.

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www.atousante.com ; www.visite-medicale-permis-conduire.org.

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tome xx > n8x > xx 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.03.006 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

LPM-2760

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M-T Giorgio

L

e médecin de santé au travail a un rôle exclusivement préventif qui consiste à éviter toute dégradation de la santé des salariés, du fait de leur travail. Il se prononce sur l'aptitude au poste de travail de toute personne salarié, il est donc amené à statuer sur l'aptitude à la conduite dès l'instant que l'activité professionnelle comporte une activité de conduite (voiture légère, véhicule du groupe lourd, chariot élévateur, engin de chantier, etc.). Cette aptitude n'est pas délivrée à la légère puisque conduire un véhicule est une action de sécurité. Une altération de l'état de santé peut constituer une contre-indication à la conduite dans le cadre du travail. Le médecin du travail est également amené à prendre en charge des salariés pour lesquels la conduite a entraîné des altérations de la santé. En préambule, il faut rappeler que le médecin du travail ne statue pas sur la capacité d'un salarié à utiliser un véhicule pour se rendre sur son lieu de travail depuis son domicile mais seulement sur son aptitude à conduire un véhicule dans le cadre de son activité professionnelle. Pour être autorisé à conduire, il faut être titulaire d'un permis de la catégorie correspondante au véhicule ou bien d'une autorisation de conduite pour les engins. Il est de la responsabilité de l'employeur de vérifier que son salarié est bien titulaire du permis de la catégorie correspondante et de s'assurer que son permis de conduire est toujours en cours de validité.

Accidents de travail et conduite Deux tiers des accidents du travail mortels surviennent sur la route : deux tiers au titre du trajet et un tiers au titre du travail. Ils comprennent à la fois les accidents de trajets survenus entre le domicile et le lieu de travail et ceux survenus durant le temps de travail lorsque ce dernier comporte une activité de conduite.

Conduite de véhicules qui exigent de détenir un permis de conduire Aptitude médicale à la conduite

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Lorsque le médecin du travail délivre une aptitude à la conduite dans un contexte d'activité professionnelle, il s'assure que le conducteur satisfait aux critères d'aptitude à la conduite. Il utilise pour cela le même référentiel réglementaire que les médecins agréés pour les permis de conduire : l'arrêté du 21 décembre 2005 [1] modifié par l'arrêté du 31 août 2010 [2] qui précise quelles sont les contre-indications médicales à la conduite (pour les véhicules du groupe léger et ceux du groupe lourd). Le médecin du travail se base sur les données de l'interrogatoire, l'examen clinique et des examens complémentaires. Pour le dépistage, il dispose d'examen visuel, de l'audition, d'échelle d'Epworth pour dépister des apnées du sommeil, de questionnaires relatifs à la consommation d'alcool, de stupéfiants, etc. Il peut prescrire tout examen qu'il juge nécessaire pour décider de l'aptitude (examen biologique, tests psychotechniques, etc.). Il arrive que le salarié dissimule une pathologie ou une prise de médicament à l'occasion de ces visites médicales.

Certaines activités de conduite nécessitent seulement le permis de catégorie B mais requièrent les critères d'aptitude médicale du permis du groupe lourd : chauffeur de taxi, ambulancier, enseignant d'auto-école. Pour statuer sur l'aptitude à la conduite dans le cadre du travail, le médecin du travail prend également en compte le contexte du poste de travail et s'assure que l'état de santé du conducteur est compatible avec les conditions du poste : travail de nuit, efforts de manutention, transport de matières dangereuses, organisation du travail au sein de l'entreprise, etc. Le médecin du travail assure un suivi régulier des salariés et statue sur l'aptitude à la conduite à l'occasion de chacune des visites médicales (visites périodiques, visite de reprise après un arrêt de plus de 30 jours en maladie ou accident du travail). Une visite médicale supplémentaire peut être demandée à tout moment par l'employeur ou le salarié.

Au plan réglementaire Pour être autorisé à conduire un véhicule du groupe lourd, le conducteur doit être en possession du permis de conduire de la catégorie adéquate, mais également avoir validé la formation initiale minimum obligatoire (FIMO) à son entrée dans la profession. Elle est définitivement acquise. C'est une sensibilisation à la réglementation et la sécurité. Par contre tous les trois ans, il doit suivre une formation continue obligatoire de sécurité (FCOS). Il en existe une pour le transport de personnes et une pour le transport de marchandises.

Conduite des engins et appareils de levage qui ne nécessitent pas de permis de conduire spécifique Pour être autorisé à conduire des appareils de levage, l'utilisateur doit détenir une autorisation de conduite pour laquelle l'avis du médecin du travail est requis. Une autorisation de conduite doit être délivrée par l'employeur pour la conduite des engins suivants :  chariots automoteurs de manutention à conducteur porté ;  grues à tour, grues mobiles ;  engins de chantiers télécommandés ou à conducteur porté ;  plates-formes élévatrices mobiles de personnel ;  grues auxiliaires de chargement de véhicules. Cette autorisation ne peut être accordée que si le médecin du travail a délivré au conducteur un certificat d'aptitude médicale. Par exemple, pour les chariots élévateurs, il n'existe pas de « permis » cariste, mais une obligation de formation à la conduite en sécurité, une vérification de compétences et une délivrance de l'autorisation de conduite par l'employeur, ainsi qu'une aptitude délivrée par le médecin du travail. Il n'existe pas de norme d'acuité visuelle pour les conducteurs d'engins et les caristes : le médecin du travail utilise classiquement les critères du permis léger pour les chariots des groupes 1, 2, 3 et gerbage inférieur à 10 m, et les critères d'aptitude du

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Conduite dans le cadre de l'activité professionnelle Périodicité des visites médicales Conduire dans le cadre de l'activité professionnelle n'impose pas une fréquence particulière pour les visites de médecine du travail. Seule la conduite de nuit, comme tout travail de nuit, impose des visites semestrielles.

Difficultés pour décider de l'aptitude à la conduite En santé au travail, les situations qui posent le plus souvent des problèmes d'aptitude à la conduite sont la prise de médicaments qui retentissent sur la vigilance, la surdité, le diabète déséquilibré, les vertiges, les crises d'épilepsie non contrôlées par le traitement, les apnées du sommeil, la déficience de l'acuité visuelle ou du champ visuel, etc. En cas de difficultés pour décider de l'aptitude à la conduite de tel ou tel véhicule ou engin dans le cadre de l'activité professionnelle, le médecin du travail peut adresser le salarié en consultation dans un service hospitalier de pathologies professionnelles afin d'avoir un avis complémentaire. Il peut également demander au salarié de consulter de nouveau un médecin agréé quand une pathologie survenue après la visite pour le permis de conduire contre-indique manifestement l'aptitude à la conduite. En effet, il arrive qu'une pathologie susceptible de retentir sur la capacité de conduire survienne alors que le conducteur a été déclaré apte pour cinq ans par un médecin agréé, peu avant la survenue de la pathologie en question.

Inaptitude à la conduite dans le cadre du travail Le médecin du travail ne statue pas sur l'aptitude à la conduite pour effectuer les trajets domicile–lieu de travail mais seulement sur la conduite nécessitée par l'activité professionnelle (commercial qui se rend chez les clients avec sa voiture, chauffeur poids lourds qui livre de la marchandise chez des clients, etc.). En cas d'inaptitude à la conduite, le médecin du travail demande un aménagement du poste de travail voire un reclassement sur un autre poste. En cas d'impossibilité, le salarié est licencié pour inaptitude à son poste. C'est ainsi qu'un commercial qui parcourt 80 000 km par an et souffre de lombalgies pourra être déclaré inapte à la conduite dans le cadre de son activité professionnelle par le médecin du travail alors qu'il est bien apte à la conduite des véhicules du groupe léger. L'avis d'inaptitude à la conduite délivré par le médecin du travail peut être contesté par le salarié dans les 2 mois qui suivent sa délivrance par saisie de l'inspecteur du travail (qui sollicite alors l'avis du médecin inspecteur du travail).

Exemple de problématique Un salarié se présente à une visite médicale d'embauche pour un poste de chauffeur de taxi. Il a passé sa visite médicale pour

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le permis taxi auprès d'un médecin agréé trois ans auparavant. Depuis deux ans, il avoue souffrir d'apnées du sommeil et avoir été placé en invalidité deuxième catégorie par le médecin conseil pour ce motif, car les apnées sont mal contrôlées par le traitement. Sa pension d'invalidité vient d'être convertie en retraite puisqu'il vient d'avoir 60 ans. Il souhaite reprendre une activité de chauffeur de taxi (dans le cadre du cumul emploiretraite) pour des raisons financières. Les apnées du sommeil mal contrôlées par le traitement sont une contre-indication à la conduite des véhicules du groupe lourd (la conduite d'un taxi requiert les critères d'aptitudes du permis lourd). Le médecin du travail adresse donc ce salarié à un spécialiste du sommeil pour avis. Ce dernier a confirmé la sévérité des apnées malgré l'observance de la pression positive. Ce salarié a donc été déclaré inapte au poste de chauffeur de taxi. Comme le code du travail l'y autorise, il a contesté l'avis du médecin du travail prétextant qu'il était détenteur d'un permis taxi et pouvait donc bien exercer sa profession. L'inspecteur du travail a confirmé l'avis d'inaptitude du médecin du travail.

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permis lourd pour les catégories 4 et 5 ainsi que le gerbage supérieur à 10 m.

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Maladie professionnelle causée par l'activité de conduite Dans certaines conditions, la conduite dans le cadre du travail peut conduire à une pathologie reconnue au titre des maladies professionnelles. Par exemple, l'exposition au long cours aux vibrations d'un chariot élévateur pourra être à l'origine d'une affection chronique du rachis lombaire et être reconnue au titre des maladies professionnelles sur le tableau no 97 du régime général. La survenue de telles atteintes de la santé pourra conduire à envisager un aménagement du poste de travail, voire un changement de poste de travail.

Aptitude à la conduite : rôles respectifs du médecin du travail et du médecin agréé Parallèlement à l'aptitude délivrée par le médecin du travail, le médecin agréé intervient systématiquement pour statuer sur l'aptitude à la conduite pour certaines catégories de permis de conduire : les permis du groupe lourd et certains véhicules du groupe léger (taxi, ambulance, enseignement de la conduite, transport de personnes). La délivrance de ce permis est conditionnée par le passage de la visite médicale. Rappelons que ces visites médicales sont assurées par les médecins agréés pour les permis de conduire qui exercent à leur cabinet. Toutes les suspensions de permis de conduire suite à une infraction donnent également lieu à une visite médicale auprès d'un médecin agréé qui exerce à son cabinet, avec une exception pour les suspensions ou annulations qui résultent d'infractions en lien avec la consommation d'alcool ou de stupéfiants et qui se déroulent à la commission médicale des permis de la préfecture (la visite médicale est alors assurée par une commission de deux médecins).

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Un médecin agréé intervient donc ponctuellement alors que le rôle du médecin du travail s'inscrit davantage dans la durée. Concernant les informations à disposition, le médecin du travail dispose des informations fournies par l'intéressé, mais également parfois de celles fournies par la hiérarchie (addictions, comportement dans l'entreprise, etc.). Il peut agir sur les conditions de travail et autres facteurs de risques liés à la route. Un conducteur peut choisir le médecin agréé avec lequel il décide de passer sa visite médicale pour valider telle catégorie de permis de conduire alors que le médecin du travail est imposé par son employeur.

Secret médical et aptitude à la conduite Un médecin traitant ne peut pas informer un médecin du travail ou un médecin agréé d'une pathologie susceptible de contreindiquer la conduite. En effet, le médecin du travail, le médecin agréé ne sont pas dans le parcours de soins. Un médecin traitant peut remettre un courrier au salarié que ce dernier pourra décider ou non de remettre au médecin du travail, ou au médecin agréé. Le médecin du travail est bien sûr également tenu au secret médical vis-à-vis du responsable de l'entreprise : il ne doit pas exposer les éventuelles raisons médicales qui l'ont conduit à déclarer inapte à la conduite l'un des salariés de l'entreprise.

Conduite dans le cadre du travail et suspension du permis de conduire L'employeur est soumis à une obligation de sécurité de résultat et doit s'assurer que le salarié qui conduit dans le cadre de son activité professionnelle est apte à la conduite mais est également en possession de son permis de conduire pour la catégorie

de véhicules concernée. Afin de satisfaire à cette obligation, l'employeur ajoute le plus souvent une clause dans le contrat de travail qui impose à son salarié de lui signaler aussitôt toute suspension ou invalidation de son permis de conduire. En effet, un employeur ne peut pas consulter le solde de points de son salarié et n'a donc aucun moyen de vérifier lui-même que le permis de conduire présenté lors de l'embauche est ensuite toujours en cours de validité. La suspension ou l'annulation du permis de conduire (lorsque le permis est noté dans le contrat de travail car impératif pour que le salarié exerce sa mission) n'entraîne pas la rupture automatique du contrat de travail. En effet, la plupart des conventions collectives prévoient des mesures d'accompagnement : par exemple la convention collective des chauffeurs routiers prévoit qu'une concertation doit s'engager entre l'employeur et son salarié afin de trouver un poste de reclassement. C'est seulement en l'absence de possibilité de reclassement que l'employeur est autorisé à licencier le salarié qui n'est plus en possession de son permis de conduire. En conclusion, le médecin du travail est souvent amené à évaluer les capacités médicales d'un salarié à conduire dans le cadre du travail, il engage ainsi sa responsabilité professionnelle à travers la signature de l'avis d'aptitude. Mais ce rôle n'est pas toujours facile puisque n'étant pas dans le parcours de soins, les autres professionnels de santé n'échangent pas les informations avec lui et certaines pathologies qui contre-indiquent pourtant la conduite ne sont pas détectables au cours d'une visite médicale. Déclaration d'intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

Références

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RF. Arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée; 2005, http://www. legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=

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JORFTEXT000000265763&dateTexte= &categorieLien=id ; [Accès au site le 22/03/ 2015]. RF. Arrêté du 31 août 2010 modifiant l'arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de

conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée; 2005, http://www. legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf. jsp?numJO=0&dateJO=20100914&numTexte= 1&pageDebut=16583&pageFin=16602 ; [Accès au site le 22/03/2015].

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