Conscience, métacognition, inconscient. Neurosciences et psychanalyse : une mise en tension dialectique

Conscience, métacognition, inconscient. Neurosciences et psychanalyse : une mise en tension dialectique

G Model INAN-31; No. of Pages 2 In Analysis xxx (2017) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com The`se de doctorat Con...

177KB Sizes 0 Downloads 75 Views

G Model

INAN-31; No. of Pages 2 In Analysis xxx (2017) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

The`se de doctorat

Conscience, me´tacognition, inconscient. Neurosciences et psychanalyse : une mise en tension dialectique Consciousness, metacognition, unconscious: Neurosciences and psychoanalysis: A dialectic exchange Y. Hermitte Universite´ Rennes 2, place Recteur-Henri-le-Moal, 35000 Rennes, France

Introduction Au regard de l’actualite´ des de´couvertes scientifique, d’une part, et les connaissances accumule´es depuis les premiers e´crits de Freud, d’autre part, il apparaıˆt aujourd’hui pertinent d’interroger certains fondamentaux de la psychologie tel que la conscience, la me´tacognition (notamment la question d’un savoir sur soi) et l’inconscient. Malgre´ les impasses et re´sistances auxquelles le mode`le neuroscientifique et le mode`le psychanalytique sont respectivement confronte´s, ils conservent un dynamisme remarquable qui semble permettre l’e´mergence de perspectives nouvelles, riches et loin d’eˆtre closes. De plus, ils animent massivement les interrogations quotidiennes de la pratique clinique. S’appuyer sur les trois phe´nome`nes cite´s offre la possibilite´ d’e´largir le propos et d’aborder d’autres notions essentielles qui, curieusement, se retrouvent convoque´es de part et d’autre. Ne´anmoins, c’est graˆce a` l’inconscient que peuvent eˆtre reprises plusieurs hypothe`ses formule´es dans ces deux champs, a` propos de la vie mentale, de la pense´e et surtout de la subjectivite´. Ce n’est d’ailleurs qu’arrive´ a` ces aspects modernes de la recherche fondamentale, qu’une mise en tension dialectique semble devenir fe´conde et pertinente. Liminaires en tension Avec l’e´tude des de´finitions acade´miques de l’inconscient cognitif, relatif aux neurosciences et de l’inconscient freudien, ve´ritable de´couverte de la psychanalyse, il s’agit aussi bien d’aborder le fonctionnement de l’imagerie ce´re´brale et l’ancrage dans la physique ou la chimie de la matie`re, que la linguistique che`re a` Lacan et la topologie. Par ailleurs, l’e´vocation de proble´matiques neurologiques mais aussi psychopathologiques, donnent a` ces notions leurs re´fe´rentiels cliniques. Mais ces pre´alables signent de´ja` un premier constat : il semble vain d’opposer deux phe´nome`nes qui n’ont de commun que le nom. Adresse e-mail : [email protected]

Ces descriptions des inconscients font pourtant e´merger que plusieurs me´canismes sont e´voque´s aussi bien par les neurosciences que par la psychanalyse. Graˆce a` la perception, la me´moire, le temps et le langage, re´unis ici comme « concepts fondamentaux de l’inconscient », il devient possible de forcer le trait des diffe´rences mais aussi, de souligner les nuances qui valent d’eˆtre pose´es. A` cela s’ajoutent les corollaires des inconscients : la conscience et la me´tacognition. Si leur e´tude souligne une certaine proximite´ entre neurosciences et psychanalyse, elle apporte une question essentielle concernant l’inconscient : celle du savoir sur soi. Graˆce a` leur description et leur e´vocation, les contours des deux inconscients se dessinent alors davantage, ainsi que les contextes the´oriques dans lesquels ils se de´plient. Contextes qu’il convient d’enrichir avec le contexte historique et la question de´sormais renouvele´e du dualisme dit « carte´sien » ; le contexte « biologique » avec la question du corps comme substrat ce´re´bral, ou, au contraire, la rupture que Freud et Lacan apportent quant a` cette notion ; et le contexte e´piste´mologique avec la reprise des discours de Lacan. A` ceci s’ajoute enfin les liens avec l’actualite´ de la recherche fondamentale graˆce au contexte contemporain et la reprise des travaux re´cents abordant spe´cifiquement la question de l’inconscient. L’e´tude de ce dernier contexte permet de diffe´rencier les efforts actuels qui rele`vent d’une « tentative de conciliation », d’une affirmation des the`ses psychanalytiques par l’e´tude des hypothe`ses neuroscientifiques, ou d’une mise a` l’e´preuve par la science des the´ories psychanalytiques. Ces de´finitions de notions et de contextes font apparaıˆtre un registre incontournable pour la suite de la recherche : celui de la subjectivite´. Cette notion abrupte, de´ja` pre´sente dans le travail autour de l’inconscient freudien, peut de´sormais eˆtre aborde´e en neurosciences par l’e´tude de certaines the´ories « ge´ne´rales » du cerveau, qui visent une explication objective a` l’e´mergence d’une subjectivite´ et soulignent le mouvement tre`s actuel des neuroscientifiques vers des « nouveaux monismes ». Sur les effets dialectiques de cette mise en tension La mise en tension s’impose donc de´ja` dans l’organisation de cette recherche. Mais ce n’est qu’une fois de´plie´s ces ensembles

http://dx.doi.org/10.1016/j.inan.2017.05.015 C 2017 Association In Analysis. Publie ´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 2542-3606/

Pour citer cet article : Hermitte, Y. Conscience, me´tacognition, inconscient. Neurosciences et psychanalyse : une mise en tension dialectique. In Analysis (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.inan.2017.05.015

G Model

INAN-31; No. of Pages 2 2

Y. Hermitte / In Analysis xxx (2017) xxx–xxx

que peut ve´ritablement commencer l’articulation dialectique autour de questionnements communs. La premie`re notion qui e´merge est donc celle de sujet et ce travail pre´alable lui donne une place fondamentale – au meˆme titre que l’inconscient. Des questions se posent alors autour des origines de cette subjectivite´, sa construction et ses manifestations ; autour de sa structure et de son expression consciente ou inconsciente ; et enfin, autour de ce retour de la subjectivite´ au cœur meˆme de la science qui, d’apre`s Lacan et depuis Descartes, en avait e´te´ bannie. Chacun des concepts e´tudie´s auparavant devient un support essentiel a` cette mise en tension dialectique et interrogent, de part et d’autre, la notion d’inconscient et de sujet. Ainsi, graˆce a` la perception, peut eˆtre questionne´e l’apparition d’une singularite´ dans les me´canismes universels et le passage d’un espace global de travail a` un espace de travail « unaire ». De meˆme, graˆce a` cette notion d’espace de travail, il devient possible d’interroger l’ampleur des informations traite´es dans l’inconscient et la « pauvrete´ » de la prise de conscience. Concernant la prise de conscience pre´cise´ment, l’existence de me´canismes inhibiteurs ou facilitateurs peut eˆtre aborde´e graˆce au refoulement, et leurs manifestations concre`tes graˆce au concept de re´sistance notamment. La reprise des travaux pre´alablement cite´s sur la me´moire permet de questionner les modes de conservation et de restitution d’une information, y compris dans ses aspects les plus intimes et donc singuliers. L’e´vocation de la notion de´licate du temps, aussi bien physique que logique, ayant ouvert a` l’e´tude du principe physique de causalite´, il devient pertinent de s’interroger sur les de´terminismes qui influent sur tous ces me´canismes. Et de fait, si l’inconscient n’a de cesse d’eˆtre convoque´ pour chacun de ces phe´nome`nes, il convient d’en venir non seulement a` l’e´tendue, mais aussi aux limites du travail de l’inconscient graˆce a` un de´veloppement plus spe´cifique des notions d’e´quivoque et d’incubation. Ce travail d’articulation dialectique entre neurosciences et psychanalyse, permet enfin de repe´rer certaines impasses dans lesquelles s’e´puisent les de´bats actuels, et qui apparaissent parfois comme e´tant des affrontements de postures. Ne´anmoins, si l’articulation dialectique est possible, elle ne dissout clairement pas les diffe´rences. A` ce titre, cette recherche s’e´loigne d’une volonte´ de consensus entre deux champs qui gagnent aujourd’hui a` se rencontrer plutoˆt qu’a` se confondre. De meˆme, il ne peut s’agir de de´montrer le bien-fonde´ d’une discipline graˆce aux de´couvertes de l’autre. S’autoriser une « mise en tension », c’est prendre acte de ces positionnements. La dialectique, quant a` elle, est une possibilite´ et non une e´vidence initiale. Enjeux et perspectives Ainsi, si une approche acade´mique cloˆt rapidement le de´bat, une perspective plus ge´ne´rale convoquant les corollaires de l’inconscient, offre des e´clairages re´ciproques entre neurosciences et psychanalyse. De meˆme, certaines nuances s’imposent non pas dans les discours ou les postures, mais bien dans l’objectivite´ des re´sultats scientifiques et l’expe´rience clinique. Les expe´riences en neurosciences de´montrent un aspect pre´cis de la cognition, mais leurs re´sultats laissent apparaıˆtre une constante fondamentale : dans chacun des phe´nome`nes e´tudie´s, une latitude suffisante est laisse´e par le fonctionnement ce´re´bral pour que se dessine une re´ponse singulie`re. Sous l’apparente simplicite´ d’un me´canisme cognitif, se retrouve la possibilite´ que, de fac¸on inconsciente, certaines re´ponses soient inhibe´es,

facilite´es, freine´es, de´tourne´es, de´forme´es ou encore renvoye´es vers un lieu qui continue d’alimenter un savoir insu. Autrement dit, dans la constellation des me´canismes cognitifs, y compris inconscient, une subjectivite´ peut potentiellement s’exprimer a` tout moment. Elle ne peut, pour autant, eˆtre re´duite a` un amas de neurones et ne semble « pas toute » repe´rable. L’inconscient freudien et le sujet tel que le conc¸oit la psychanalyse, meˆme s’ils devaient e´merger de « corre´lats neuronaux objectifs », apportent une lecture pertinente a` ces avance´es de la science. Ni l’inconscient cognitif, ni la conscience ne recouvrent l’inconscient freudien, mais ce dernier semble pouvoir se « pre´cipiter » dans d’innombrables aspects de la vie mentale, notamment cognitive. Il serait alors possible de trouver, dans le fonctionnement neuronal, des manifestations de son existence sans pour autant qu’il s’y re´duise. Pour la science, une ambiguı¨te´ se dessine : prendre en compte, dans ses propres re´sultats, ce qu’elle a e´vacue´ avec Descartes et qui fait retour. Pour la psychanalyse, un enjeu apparaıˆt : eˆtre a` l’e´coute de ce sujet qui fait retour, mais ici dans un domaine qui lui est e´tranger voire antagonique. C’est aussi un enjeu politique puisque la richesse de l’he´ritage freudien et lacanien laisse la possibilite´, a` la psychanalyse, de rester une interlocutrice incontournable face aux avance´es des neurosciences. En effet, elle se devine la` ou` les expe´riences scientifiques me`nent la recherche, c’est-a`-dire vers des de´couvertes qui n’ignorent plus la subjectivite´, mais aussi dans des impasses auxquelles la psychanalyse peut apporter un e´clairage spe´cifique. Ainsi, graˆce notamment a` une approche e´largie d’un inconscient comme savoir insu, signant une singularite´ dans les re´ponses cognitives et donc l’e´mergence d’un sujet, s’ouvrent plusieurs perspectives aussi bien the´oriques, que cliniques ou e´thiques. Enfin, si l’inconscient freudien reste fondamentalement explicite quant a` la compre´hension de la subjectivite´, les de´couvertes en neurosciences ouvrent a` des questionnements nouveaux, et il convient alors de formuler une interrogation dialectique qui aurait des implications dans les deux champs e´tudie´s : se peut-il qu’au travers de ses propres re´sultats, la science aborde, sans le savoir ou sans pouvoir se l’avouer au regard de l’exigence carte´sienne, le sujet de l’inconscient tel que la psychanalyse l’a de´fini ?

E´pilogue Ce travail de recherche s’ouvrait dans la ville de Florence, sous le Doˆme baˆtıˆt par Filippo Brunelleschi. Arrive´ au moment de conclure, il convient sans doute d’y revenir : a` l’image des avance´es re´volutionnaires de ce fantasque architecte florentin et a` l’image de la Renaissance qui e´mergea, entre autres, en ces lieux, Freud et de Lacan ont laisse´ ouvertes de nombreuses perspectives qui invitent a` rester attentifs et avise´s quant aux avance´es scientifiques, tout en soutenant le souffle nouveau que fut et est encore la psychanalyse. L’entaille re´cente laisse´e par la subjectivite´ au cœur de la science moderne semble offrir, a` la psychanalyse, la possibilite´ de´finitivement actuelle de faire re´sonner la me´lodie si de´licate du sujet qu’elle entend faire advenir.

ˆ ts De´claration de liens d’inte´re L’auteur de´clare ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.

Pour citer cet article : Hermitte, Y. Conscience, me´tacognition, inconscient. Neurosciences et psychanalyse : une mise en tension dialectique. In Analysis (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.inan.2017.05.015