G Model
NEPHRO-1172; No. of Pages 4 Ne´phrologie & The´rapeutique xxx (2019) xxx–xxx
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Revue ge´ne´rale
L’hypnose Ericksonienne et la me´ditation pleine conscience : vers une me´decine comportementale en ne´phrologie Ericksonian hypnosis and mindfulness meditation: Towards a behavioral medicine in nephrology Ange´lique Thuillier Lecouf a,*, Ludivine Videloup a, Sandrine Letrecher a, Cle´mence Be´chade a,b, Marie Recorbet a, Vale´rie Chatelet a,b a b
Centre universitaire des maladies re´nales, CHU de Caen, avenue Coˆte de Nacre CS 30001, 14033 Caen cedex 9, France U1086 Inserm, ‘‘ANTICIPE’’, centre de lutte contre le cancer Franc¸ois-Baclesse, 3, avenue du Ge´ne´ral-Harris, BP 5026 14076 Caen cedex 05, France
I N F O A R T I C L E
Historique de l’article : ˆ t 2019 Rec¸u le 5 aou ˆ t 2019 Accepte´ le 27 aou Mots cle´s : Douleur De´pression E´motions Hypnose Ericksonienne Maladie re´nale chronique Me´decine comportementale Me´ditation pleine conscience Me´ditation centre´e sur la compassion Stress
R E´ S U M E´
La me´decine comportementale, dont font partie l’hypnose et la me´ditation pleine conscience, connaıˆt un essor nouveau et peut eˆtre utile dans la prise en charge des maladies chroniques. Les complications psychologiques lie´es a` la maladie re´nale chronique peuvent eˆtre observe´es dans toute situation associant un stress intense, durable, re´pe´te´ a` caracte`re intrusif qui va ne´cessiter un ajustement personnel permanent. Chez un sujet atteint d’une maladie re´nale chronique, la gestion du stress, de la douleur et des e´motions difficiles comme la cole`re, la honte ou la culpabilite´ pouvant conduire a` la de´pression, apparaıˆt comme une ne´cessite´. L’objectif de cet article est de de´crire la place que pourrait avoir l’hypnose Ericksonienne, la me´ditation pleine conscience et celle centre´e sur la compassion, en tant que mode relationnel the´rapeutique base´ sur l’attention, dans la prise en charge des individus atteints d’une maladie re´nale chronique, de leurs proches et des soignants.
C 2019 Socie ´ te´ francophone de ne´phrologie, dialyse et transplantation. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
A B S T R A C T
Keywords: Behavioral medicine Chronic renal disease Compassion meditation Depression Emotions Ericksonian hypnosis Mindfulness meditation Pain Stress
The utilization of behavioral medicine, like Ericksonian hypnosis and mindfulness meditation, in the patient care is increasing. Psychological disorders associated with chronic renal failure are similar to the posttraumatic stress disorder and need a continuous personnel adjustment. Preventing depression, managing stress, pain and emotions, like anger, guiltiness and shame, is of importance in individual who suffer of chronic kidney disease, but also in their family caregivers and in health-care workers. The objective of this report is to describe how Ericksonian hypnosis, mindfulness meditation and compassion meditation could support chronic kidney disease patients, their caregivers and the health-care professional.
C 2019 Socie ´ te´ francophone de ne´phrologie, dialyse et transplantation. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Abre´viations
CIM 10 EER ESPT
Classification internationale des maladies -10 Epuration extra-re´nale E´tat de stress post-traumatique
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Thuillier Lecouf).
IRMf MBCT MBSR PC SP TCC TEP VAKOG
Imagerie par re´sonance magne´tique fonctionnelle Mindfulness-based cognitive therapy Mindfulness-based stress reduction Pleine conscience Soins palliatifs Technique cognitivo-comportementale Tomographie a` e´mission de positons Visuel, auditif, kinesthe´sique, olfactif, gustatif
https://doi.org/10.1016/j.nephro.2019.08.002 C 2019 Socie ´ te´ francophone de ne´phrologie, dialyse et transplantation. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 1769-7255/
Pour citer cet article : Thuillier Lecouf A, et al. L’hypnose Ericksonienne et la me´ditation pleine conscience : vers une me´decine comportementale en ne´phrologie. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2019.08.002
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1. Introduction L’hypnose, la me´ditation pleine conscience et la me´ditation centre´e sur la compassion pourraient contribuer a` ame´liorer la prise en charge des sujets atteints d’une maladie re´nale chronique par le biais de l’apprentissage de nouveaux comportements et de l’ame´lioration de la qualite´ relationnelle soignant-soigne´. L’empathie, la compassion, l’altruisme et l’attention du soignant sont des e´le´ments de´terminants de la qualite´ de la relation au de´but de la maladie et tout au long de sa prise en charge [1,2]. Or, il existe un risque de de´clin de la qualite´ de la relation soignant-soigne´ avec le temps. Il est possible de maintenir la qualite´ de la relation entre soignants et soigne´s par des programmes d’entraıˆnement spe´cifiques [3,4]. L’objectif de cette revue est de faire le point sur l’impact psychologique, social et e´motionnel de la maladie re´nale chronique tant sur les patients que sur l’entourage et les soignants, et de montrer l’inte´reˆt que peut pre´senter le mode relationnel the´rapeutique propre a` l’hypnose, a` la me´ditation pleine conscience ou a` la me´ditation centre´e sur la compassion dans la prise en charge des individus ayant une maladie re´nale chronique, ainsi que de leur famille et des soignants. 2. L’impact psychologique, e´motionnel et social des diffe´rentes e´tapes de la maladie re´nale chronique Dans l’imaginaire des individus, les reins sont des organes ignore´s jusqu’au jour de l’annonce de la maladie re´nale chronique. Symboliquement, l’urine mate´rialise les e´changes entre le dedans et le dehors, l’inte´rieur du corps e´tant conside´re´ comme un espace clos. La maladie re´nale rompt cet e´quilibre, inaugure la chronicite´ et force l’individu a` se rappeler que le corps est associe´ a` la de´pendance et a` la mort. Malgre´ sa gravite´, la maladie re´nale chronique est peu connue, ce qui peut contribuer a` maintenir le patient dans un isolement socio-affectif et une souffrance e´motionnelle. Bien qu’il existe peu de donne´es dans la litte´rature concernant la fre´quence de la de´pression chez les sujets ayant une maladie re´nale chronique avant le stade terminal, il est vraisemblable que le fardeau e´motionnel lie´ a` la maladie soit important [5]. L’annonce de la ne´cessite´ d’une pre´paration au traitement d’e´puration extra-re´nale (EER) est une rupture biographique pour l’individu. Lorsque le de´but du traitement se fait dans un contexte d’urgence, le patient peut eˆtre confronte´ a` une situation de menace directe pour sa vie qui peut provoquer un e´tat de stress posttraumatique [6]. Selon la Classification CIM10, l’e´tat de stress posttraumatique (EPST) se de´veloppe apre`s une confrontation bre`ve ou prolonge´e a` une situation ou a` un e´ve´nement stressant exceptionnellement menac¸ant ou catastrophique, qui provoquerait des symptoˆmes e´vidents de de´tresse chez la plupart des individus. Cet EPST peut eˆtre proche de celui observe´ chez les combattants au cours des conflits arme´s. L’adaptation psychologique a` la dialyse est un processus d’ajustement continu au cours duquel deux pe´riodes successives peuvent eˆtre individualise´es [7]. Il existe une pe´riode initiale de side´ration faisant suite a` l’annonce qui est proche de celle observe´e lors des situations pouvant conduire a` l’EPST. L’e´tat de side´ration est suivi d’une pe´riode d’ajustement d’une dure´e variable durant laquelle vont eˆtre mis en œuvre des me´canismes de´fensifs tels que le de´ni, la cole`re, l’agressivite´, la re´gression, la maıˆtrise, des processus obsessionnels ou encore des symptoˆmes physiques. En dialyse, la vision du sang a` l’exte´rieur du corps pose le proble`me de l’inte´grite´ corporelle. Ainsi, l’introduction des aiguilles au niveau de la fistule ou la pose d’un cathe´ter re´veillent des peurs d’effraction et peuvent engendrer des phobies. La honte
est tre`s souvent pre´sente, et la pre´occupation de l’apparence et du ve´cu corporel peut devenir obse´dante. L’individu est aussi confronte´ a` la perte des plaisirs alimentaire, sexuel, et relationnel, lie´s aux modifications du statut social et professionnel. En conse´quence, il peut apparaıˆtre un sentiment profond d’infe´riorite´ ou d’impuissance conduisant a` un espace de deuil sans fin. Le retentissement de la maladie re´nale chronique sur l’e´quilibre familial peut conduire au sentiment de fardeau pour les aidants, alte´rant leur qualite´ de vie, ce qui augmentera le sentiment de honte et de culpabilite´ du patient [7–9]. Les soignants, soit dans un souci de protection, ou parce que les patients le ressentent ainsi, se situent « de l’autre coˆte´ de la barrie`re » [7]. En outre, certains patients, par leurs plaintes, peuvent provoquer chez le soignant une fatigue empathique ainsi qu’un sentiment re´actionnel de culpabilite´. Pour se pre´munir de cet e´puisement, le soignant doit de´velopper une forme de tole´rance a` la de´tresse et de compre´hension vis-a`-vis des plaintes qui sont souvent la seule ressource psychique des patients pour lutter contre la survenue d’une de´pression. La transplantation re´nale requiert aussi une adaptation psychologique [7,10]. La greffe psychique n’est pas contemporaine de la greffe physique. Plusieurs phases font partie du processus de greffe psychique puisque le rein transplante´ est d’abord perc¸u comme un e´le´ment e´tranger dont on redoute le rejet. Le rein transplante´ est ensuite progressivement inte´gre´, l’internalisation pouvant meˆme devenir comple`te, on parlera alors d’incorporation. La transplantation est souvent ve´cue comme une renaissance, une puissance retrouve´e pouvant provoquer des re´actions euphoriques. Cependant, la greffe s’accompagne aussi d’une vulne´rabilite´ e´motionnelle, lie´e a` la crainte du rejet, du retour en dialyse ou de la mort, pouvant entraıˆner des troubles anxiode´pressifs ou des re´actions paranoı¨des. La greffe de rein est souvent ve´cue comme un cadeau dont le donneur ne pourra jamais eˆtre remercie´, particulie`rement en cas de greffe avec un organe provenant d’un donneur de´ce´de´. La dette psychique pouvant en re´sulter peut eˆtre a` l’origine d’un sentiment de honte et de culpabilite´. Enfin, les de´cisions de non-dialyse ou d’arreˆt du traitement de supple´ance sont une proble´matique supple´mentaire pour les soignants qui sont alors confronte´s a` l’e´thique et au principe d’autonomie et de souverainete´ du corps des patients. Les soins palliatifs permettent d’obtenir pour les patients des be´ne´fices en termes de qualite´ de vie, de controˆle des douleurs physiques et des symptoˆmes psychiques, de compre´hension du pronostic, de diminution du nombre de de´pressions, et parfois d’augmentation d’espe´rance de vie, mais ne´cessitent le soutien et la formation des soignants, eux-meˆmes expose´s a` des situations et des e´motions difficiles [11,12]. Au total, les complications psychologiques lie´es a` la maladie re´nale, a` son traitement par greffe ou par dialyse et a` son e´volution entraıˆnent un stress intense, durable, re´pe´te´ a` caracte`re intrusif ne´cessitant un ajustement personnel permanent. Les patients atteints d’une maladie re´nale chronique sont soumis a` des changements incessants impactant les familles et les soignants. Les sollicitations des soignants sont importantes et peuvent alte´rer leur e´quilibre psychique ainsi que leur capacite´ a` maintenir une relation de qualite´. L’hypnose, la me´ditation pleine conscience ou centre´e sur la compassion en exerc¸ant l’attention du sujet a` se focaliser sur l’expe´rience pre´sente, dans une attitude d’observation, sans jugement, et en favorisant l’acceptation de cette expe´rience, pourraient avoir un effet be´ne´fique sur la re´gulation e´motionnelle des patients atteints de maladie re´nale chronique, mais aussi sur leur entourage et les soignants. Ces outils the´rapeutiques s’inscrivent dans une approche comportementaliste de la me´decine.
Pour citer cet article : Thuillier Lecouf A, et al. L’hypnose Ericksonienne et la me´ditation pleine conscience : vers une me´decine comportementale en ne´phrologie. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2019.08.002
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3. Inte´reˆt de l’hypnose, de la me´ditation pleine conscience et de celle centre´e sur la compassion dans la maladie re´nale chronique L’hypnose est une technique de soin ancestrale, entoure´e d’une aura de « magie » qui a e´te´ re´habilite´e dans le domaine de la me´decine et de la psychothe´rapie par Milton Erickson. Le processus de l’hypnose comprend 4 phases successives d’accordage, d’induction, de dissociation, et de perceptude [13,14]. La phase d’accordage ne´cessite une e´coute empathique destine´e a` connaıˆtre le patient, ses difficulte´s psychiques et e´motionnelles et/ou les symptoˆmes l’ayant amene´ a` solliciter la se´ance d’hypnose, et de de´finir avec lui son objectif. Les croyances sur l’hypnose et sur la maladie doivent eˆtre identifie´es lors de cette premie`re phase. Pendant la deuxie`me phase, dite d’induction, les mots du patient ainsi que son mode privile´gie´ de perception (VAKOG : visuel, ˆ t) sont utilise´s pour focaliser auditif, kinesthe´sique, odorat, gou l’attention du sujet et l’isoler du monde environnant. Au cours de la troisie`me phase, appele´e phase de dissociation, l’individu ressent un isolement sensoriel et une dissociation entre son activite´ imaginative et ses sensations corporelles. Le sujet peut alors atteindre la quatrie`me phase correspondant a` l’e´tat de perceptude, qui est un e´tat marque´ par la sensation de continuite´ de ses liens avec le monde (perte du sentiment d’individualite´). Il est alors amene´ par divers exercices (me´taphores, suggestions indirectes) a` reconside´rer autrement le proble`me ou le symptoˆme pour lequel il a sollicite´ la se´ance. Les re´sistances aux changements peuvent eˆtre ainsi contourne´es et le praticien adresse a` l’inconscient de l’individu des suggestions en lien avec l’objectif de la se´ance. L’hypnose peut eˆtre utilise´e dans le cadre de l’hypnose´dation (a` vise´e se´dative, utilise´e en anesthe´sie), de l’hypnoanalge´sie (contre la douleur) et de l’hypnothe´rapie (a` vise´e psychothe´rapeutique). Des travaux re´alise´s avec la tomographie a` e´mission de positon (TEP) et l’imagerie par re´sonance magne´tique fonctionnelle (IRMf) ont montre´ qu’il existait un effet robuste de l’hypnose sur l’activite´ ce´re´brale [15–17]. La douleur est une cible privile´gie´e des suggestions hypnotiques. La douleur est multidimensionnelle ; trois composantes peuvent eˆtre identifie´es (sensorielle, affective, cognitivo-comportementale), correspondant a` trois zones diffe´rentes du cerveau. Les suggestions hypnotiques d’analge´sie peuvent modifier ces diffe´rentes composantes [18,19]. Les effets cliniques multiples de l’hypnose ont e´te´ rapporte´s dans des e´tudes qualitatives s’inte´ressant au ve´cu des femmes enceintes pour le travail et/ou l’accouchement [20]. L’hypnose permet a` la future me`re d’augmenter la confiance en ses capacite´s, d’augmenter son sentiment de controˆle de la situation, de re´duire ses peurs et de diminuer son anxie´te´. Il n’existe pas a` notre connaissance de telle publication sur l’utilisation de l’hypnose dans le cadre de la maladie re´nale chronique. Des e´tudes, principalement qualitatives sont donc ne´cessaires dans le champ de la ne´phrologie. D’origine bouddhiste, la me´ditation pleine conscience s’est de´veloppe´e depuis plus de 40 ans aux E´tats-Unis avec la me´thode du Mindfullness-based stress re´duction (MBSR) ou « re´duction du stress fonde´e sur la pleine conscience ». Le programme MBSR est dispense´ en groupe, selon un protocole standardise´ de 8 semaines, en sessions de 2 heures par semaine. Diffe´rents exercices de me´ditation sont enseigne´s pour permettre a` la personne de prendre conscience du moment pre´sent. Durant les pratiques dites formelles, les participants sont invite´s a` focaliser leur attention sur un e´le´ment particulier comme la respiration ou les sensations corporelles, puis a` observer sans jugement a` chaque fois que l’attention n’est plus focalise´e sur cet e´le´ment (distraction) et enfin a` y ramener leur attention. Les participants sont e´galement invite´s a` pratiquer la me´ditation de manie`re informelle lors des activite´s quotidiennes. Ces pratiques quotidiennes permettent de prendre
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conscience du mode de fonctionnement de la pense´e en « pilote automatique ». Le travail entre les se´ances, qui de´pend de la motivation personnelle, est certainement de´terminant pour l’efficacite´ de la me´ditation. Les effets sur la sante´ de la MBSR ont e´te´ de´montre´s scientifiquement [21–23]. La Mindfulness-based cognitive therapy (MBCT), utilise´e en psychiatrie, inte`gre la MBSR a` d’autres techniques cognitivo-comportementales (TCC). Il a e´te´ montre´ que la MBCT permet de pre´venir les rechutes de´pressives chez des personnes ayant connu au moins trois e´pisodes de´pressifs [24] Une revue re´cente de plusieurs me´ta-analyses sugge`re que la MBSR et/ou MBCT utilise´es dans les maladies chroniques auraient des effets positifs sur les indices de sante´ psychologique (de´pression, stress, qualite´ de vie), mais peu ou pas d’efficacite´ sur la sante´ physique [25]. Pour l’American Heart Association, e´tant ˆ t e´conomique et le peu de risque d’effets donne´ le faible cou inde´sirables, la me´ditation peut eˆtre conside´re´e comme une me´thode comple´mentaire inte´ressante a` utiliser pour modifier le mode de vie des sujets dans l’objectif de re´duire le risque cardiovasculaire [26]. Il existe peu de donne´es dans la litte´rature sur l’effet de la me´ditation chez les patients atteints d’une maladie re´nale chronique [27,28]. C’est en de´veloppant une attitude d’observation de l’expe´rience pre´sente sans jugement que la me´ditation pleine conscience permet l’acceptation de cette expe´rience, y compris dans ses aspects ne´gatifs, et confe`re au sujet une meilleure re´gulation de ses e´motions [29]. La me´ditation favoriserait aussi une re´gulation e´motionnelle adaptative graˆce a` la prise de conscience de l’e´motion au moment ou` elle naıˆt, sans un recours ne´cessaire a` des processus cognitifs [30]. La me´ditation permet donc de conside´rer les pense´es et les e´motions comme des e´ve´nements subjectifs sur lesquels aucune action ne doit eˆtre entreprise : cette de´centration par rapport aux pense´es et e´motions rend possible une identification plus pre´coce des pense´es et e´motions ne´gatives, et e´vite ainsi les cycles prolonge´s de rumination implique´s dans les rechutes de la de´pression [31]. Enfin, Hofmann et al. ont e´tabli que la me´ditation centre´e sur la compassion augmente la balance « affects positifs versus affects ne´gatifs » chez les individus, offrant ainsi des perspectives dans la prise en charge des syndromes anxio-de´pressifs [32]. Paul Gilbert et Choden ont e´galement montre´ qu’il e´tait possible avec la me´ditation pleine conscience centre´e sur la compassion de diminuer la souffrance des individus ayant des e´motions destructrices comme la cole`re, la culpabilite´ et la honte [33]. La dimension supple´mentaire apporte´e par la compassion envers soi et les autres serait lie´e au de´veloppement d’une meilleure tole´rance a` la de´tresse et au courage ne´cessaire pour y mettre fin.
ˆ t potentiel de l’hypnose et de la me´ditation en 4. Inte´re ne´phrologie En synthe`se, chez le patient atteint d’une maladie re´nale chronique, l’hypnose, la me´ditation pleine conscience et la me´ditation centre´e sur la compassion pourraient eˆtre utiles : pour alle´ger le « fardeau e´motionnel », notamment l’anxie´te´, le stress, la de´pression et les e´motions destructrices des patients et des aidants familiaux ; pour ame´liorer la prise en charge de l’e´tat de stress posttraumatique lie´ a` l’annonce du recours aux traitements de supple´ance ou d’autres mauvaises nouvelles chez les patients ; pour soulager la douleur et l’anxie´te´ induites par les interventions chirurgicales ou invasives (fistulographie, biopsies, pose de cathe´ter. . .) en lien avec la maladie re´nale ;
Pour citer cet article : Thuillier Lecouf A, et al. L’hypnose Ericksonienne et la me´ditation pleine conscience : vers une me´decine comportementale en ne´phrologie. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2019.08.002
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pour ame´liorer la prise en charge de la souffrance globale (physique, e´motionnelle, sociale et spirituelle) des patients observe´e dans les situations de fin de vie ou lors des soins palliatifs [34] ; enfin pour les proches et les soignants des sujets atteints d’une maladie re´nale chronique qui, confronte´s a` la souffrance d’autrui, peuvent avoir e´galement besoin d’une me´thode de re´gulation e´motionnelle pour de´velopper une forme de tole´rance a` la de´tresse et les qualite´s ne´cessaires au soulagement de celle-ci et e´viter ainsi soit le burnout, soit l’indiffe´rence.
5. Conclusion L’hypnose, la me´ditation pleine conscience et la me´ditation centre´e sur la compassion, en tant que mode relationnel the´rapeutique base´ sur l’attention, favorisent une meilleure re´gulation e´motionnelle chez le patient comme chez le soignant ou l’aidant, et peuvent avoir un inte´reˆt particulier en ne´phrologie. Des investigations, notamment des e´tudes qualitatives, sont ne´cessaires pour pre´ciser la place et l’utilite´ de ces approches comple´mentaires dans la prise en charge de la maladie re´nale chronique. De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Raab K. Mindfulness: self-compassion, and empathy among health care professionals: a review of the literature. Health Care Chaplain 2014;20:95–108. [2] Ricard M. Plaidoyer pour l’altruisme. Paris: NiLe´ditions; 2013. [3] Riess H, Kelley JM, Bayley RB, Dunn EJ, Philipps M. Empathy training for resident physicians: a randomized controlled trial of a neuroscience-informed curriculum. J Gen Intern Med 2012;27:1280–6. [4] Scarlet J, Altmeyer N, Knie S, Harpin RE. The effects of Compassion Cultivation Training (CCT) on health-care workers. Clinical Psychologist 2017;21:116–24. [5] McKercher C, Sanderson K, Jose MD. Psychosocial factors in people with chronic disease prior to renal replacement therapy. Nephrology (Carlton) 2013;18:585–91. [6] Tagay S, Kribben A, Hohenstein A, Mewes R, Senf W. Posttraumatic stress disorder in hemodialysis patient. Am J Kidney Dis 2007;50:594–601. [7] Sous la direction de D Cupa. Psychologie en ne´phrologie. Paris: E´ditions EDK; 2002. [8] Cantekin I, Kavurmaci M, Tan M. An analysis of caregiver burden of patients with hemodialysis and peritoneal dialysis. Hemodial Int 2016;20:94–7. [9] Belasco A, Barbosa D, Bettencourt AR, Diccini S, Sesso R. Quality of life of family caregivers of elderly patients on hemodialysis and peritoneal dialysis. Am J of Kidney Dis 2006;48:955–63. [10] De Pasquale C, Veroux M, Indelicato L, Sinagra N, Giaquinta A, Fornaro M, et al. Psychopathological aspects of kidney transplantation: efficacy of a multidisciplinary team. World Journal of Transplantation 2014;4:267–75. [11] Couchoud C, Hemmelgarn B, Kotanko P, Germain MJ, Moranne O, Davison SN. Supportive care: time to change our prognostic tools and their use in CKD. Clin J Am Soc Nephrol 2016;11:1892–901. [12] Mise au point sur la de´marche palliative- organisation des parcours/Haute Autorite´ de sante´ ; 2016. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/ pdf/2016-12/mc_247_note_methodo_demarche_palliative_web.pdf.
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Pour citer cet article : Thuillier Lecouf A, et al. L’hypnose Ericksonienne et la me´ditation pleine conscience : vers une me´decine comportementale en ne´phrologie. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/j.nephro.2019.08.002