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Contrôle de l’axe gonadotrope : nouveaux aspects physiologiques et thérapeutiques Control of the gonadotrope axis: new physiologic and therapeutic aspects L. Maionea,b,c, S. Christin-Maîtred,e, P. Chansona,b,f, J. Younga,b,f Université Paris-Sud, Orsay 91400, France Service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction, hôpital Bicêtre, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France c Service de génétique moléculaire, pharmacogénétique et hormonologie, hôpital Bicêtre, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France d Service d’endocrinologie, hôpital Saint-Antoine, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 75012 Paris, France e Université Pierre-et-Marie-Curie, 75006, Paris, France f INSERM UMR-1185, faculté de médecine Paris-Sud, 94276 Le Kremlin-Bicêtre, France a
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Résumé Les fonctions endocrines et exocrines des gonades sont sous le contrôle de l’axe gonadotrope, dont le principal régulateur est le décapeptide hypothalamique Gonadotrophin-releasing hormone (GnRH). Le système neuroendocrine kisspeptine/neurokinine B (Kp/NkB) est le régulateur physiologique essentiel des neurones hypothalamiques à GnRH. Ce système est désormais considéré comme le médiateur clé des boucles de rétrocontrôle exercées par les stéroïdes sexuels et par la prolactine au niveau hypothalamique, ainsi qu’un carrefour sur lequel convergent les signaux métaboliques qui affectent la modulation de la GnRH. Des anomalies de ces régulateurs ou des altérations intrinsèques du système Kp/NkB sont à l’origine de diverses anomalies de l’axe gonadotrope, de la puberté et de la fertilité. L’inactivation par altération moléculaire des acteurs du système Kp/NkB est à l’origine de certaines formes d’hypogonadisme hypogonadotrope congénital avec olfaction normale. L’implication du système Kp/NkB a été aussi associée à certaines formes de puberté précoce et aux altérations de l’axe gonadotrope observées au cours de l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (AHF) et de l’hyperprolactinémie. La NkB a été directement impliquée dans le mécanisme des bouffées de chaleur vasomotrices de la ménopause (BVM). Les composés à action agoniste/antagoniste du système Kp/NkB, développés depuis une dizaine d’années, ont été récemment étudiés dans l’espèce humaine. Ces molécules ont des applications potentielles, non seulement dans les rares cas d’anomalie génétique de ce système, mais aussi en ou en fécondation in vitro et dans plusieurs situations pathologiques. L’utilisation des antagonistes NkB chez les femmes ménopausées représente une vraie avancée thérapeutique, avec un effet remarquable sur le contrôle vasomoteur des BVM. © 2017 Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The endocrine and exocrine functions of the gonads are controlled by the gonadotrope axis, whose master regulator is the hypothalamic decapeptide GnRH. The Kisspeptin/Neurokinin B (Kp/NkB) neuronendocrine system is the main physiologic regulator of GnRH neurons. The Kp/NkB system is currently considered the key mediator for the hypothalamic negative feedback exerted by sex steroids and prolactin, as well as by various metabolic signals. Intrinsic alterations or regulatory abnormalities of Kp/NkB system lead to various gonadotrope axis puberty and fertility dysfunctions. Molecular inactivations of Kp/NkB system actors are associated with some forms of congenital hypogonadotropic hypogonadism without anosmia. The Kp/NkB System is also involved in a few forms of precocious puberty. Finally, the Kp/NKB system is also implicated in gonadotrope axis alterations leading to functional hypothalamic amenorrhea or hyperprolactinemia. NkB is particularly and directly involved in vasomotor menopausal hot flushes mechanism. Various Kp/NkB agonist/antagonist compounds have been developed during the last ten years, and are currently being evaluated in humans. These molecules have potential applications not only in rare genetic diseases with Kp/NkB alterations, but also in various gonadotrope axis-related diseases or in vitro fertilization. The administration of NkB antagonists in menopausal women represents a real therapeutic advance because of their impressive effect in controlling vasomotor menopausal hot flushes. © 2017 Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots-clés : Neurokinine B ; Kisspeptine ; GnRH ; Hypogonadisme hypogonadotrophique congénital ; Bouffées de chaleur de la ménopause ; climatére Keywords: Neurokinin B; Kisspeptin; GnRH; Congenital hypogonadotropic hypogonadism; Post-menopausal hot flushes *Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Maione)
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Glossaire Kp [peptide] : kisspeptine Kp-10 [peptide] : Kp, forme de 10 acides aminés Kp-54 [peptide] : Kp, forme de 54 acides aminés KISS1 [gène] : kisspeptine GPR-54 ou KISS-R [protéine] : récepteur de la kisspeptine KISS1R (ou GPR54) [gène] : récepteur de la kisspeptine NkB [peptide] : neurokinine B (ou tachykinine 3) Nk3-R ou Tac-R3 [protéine] : récepteur de la neurokinine B ou de la tachykinine 3 TAC3 (ou NkB) [gène] : neurokinine B ou tachykinine 3 TACR3 (ou Nk3R) [gène] : récepteur de la neurokinine B ou tachykinine 3 GnRH [peptide] : gonadoréline (décapeptide) GNRH1 [gène] : décapeptide GnRH GnRH-R [protéine] : récepteur de la GnRH GNRHR [gène] : récepteur de la GnRH
Les fonctions endocrines et exocrines des ovaires et des testicules sont, chez les mammifères et dans l’espèce humaine, sous le contrôle de l’axe gonadotrope, dont le principal régulateur est le décapeptide hypothalamique Gonadotrophinreleasing hormone (GnRH) (anciennement appelé Luteinizing hormone-releasing hormone [LHRH]) [1]. Les neurones à GnRH, présents en petit nombre au niveau hypothalamique, sécrètent la GnRH de façon pulsatile en réponse à différentes stimulations endogènes et exogènes. La fréquence et l’amplitude des « pulses » de GnRH, véhiculés jusqu’à l’antéhypophyse par le système porte hypothalamo-hypophysaire, déterminent la réponse des cellules gonadotropes antéhypophysaires. La GnRH permet ainsi la biosynthèse des gonadotrophines Luteinizing hormone (LH) et Follicle-stimulating hormone (FSH) puis leur sécrétion dans la circulation générale pour activer les deux fonctions principales des gonades que sont la gamétogenèse et la production hormonale stéroïdienne et peptidique. Plusieurs travaux expérimentaux ont apporté la preuve qu’au sein du système nerveux central, la sécrétion de GnRH était elle-même contrôlée par d’autres systèmes neuronaux. En effet, l’absence d’expression des récepteurs stéroïdiens dans les neurones à GnRH suggérait depuis longtemps qu’un groupe différent de neurones devait servir de médiateur pour garantir le rétrocontrôle négatif ou positif (chez la femme) exercé par les stéroïdes sexuels circulants ;
de même, les neurones à GnRH n’exprimant pas le récepteur de la prolactine, il fallait aussi identifier un intermédiaire expliquant l’effet inhibiteur sur l’axe gonadotrope de l’hyperprolactinémie [2]. C’est l’identification en 2003 de mutations perte de fonction du gène KISS1R, à l’époque appelé GPR54 (et l’invalidation de son homologue murin gpr54), qui code pour le récepteur de la kisspeptine (Kp) qui a permis de décrypter le contrôle neuroendocrine en amont des neurones à GnRH. La présence du récepteur nucléaire des estrogènes, Estrogen receptor (ER) alpha au niveau des neurones Kp, a permis d’identifier le relais neuronal responsable des rétrocontrôles, négatif et positif, exercés au niveau hypothalamique par l’estradiol [3]. L’identification des neurones Kp a aussi permis de comprendre le mécanisme de l’effet inhibiteur sur l’axe gonadotrope de l’hyperprolactinémie [4]. Par la même approche de recherche translationnelle, un autre système neuroendocrine, celui des neurokinines, qui interagit lui-même avec le système des kisspeptines, a été authentifié en 2009, ajoutant un maillon supplémentaire à la complexité du contrôle du générateur à pulses de GnRH. Ainsi, il est maintenant admis que les principales modulations endogènes et exogènes, pharmacologiques ou environnementales qui impactent la sécrétion pulsatile des neurones à GnRH passent par un réseau multi-neuronal complexe, dont les nouveaux acteurs identifiés augmentent en nombre mais dont la structuration spatio-temporelle précise reste encore à éclaircir. Il est néanmoins clair que les neurones à GnRH ne sont que le dernier relais d’un réseau comportant plusieurs ordres d’afférences neuronales [5]. La modulation de ce système permet non seulement l’activation de l’axe gonadotrope dès la vie prénatale mais aussi son maintien en quiescence pendant plusieurs années durant l’enfance, et sa réactivation définitive à partir de la puberté (Fig. 1). Au sein de ce réseau multi-neuronal, ce sont sans doute les populations neuronales hypothalamiques, produisant la Kp et la neurokinine B (NkB), qui commandent, de la manière la plus décisive et la plus directe, l’activation des neurones à GnRH (Fig. 2). L’axe gonadotrope est actif pendant plusieurs périodes dans l’espèce humaine. La première survient in utero pendant la deuxième partie de vie fœtale. La deuxième s’étale pendant les premiers mois de la vie. L’axe gonadotrope est
Kp/NkB Kp/NkB
Kp/NkB
Kp/NkB
GnRH
GnRH
GnRH
Période fœtale
Enfance
Puberté Âge adulte
GnRH
Ménopause
Naissance Figure 1. Activation du système Kp/NkB au cours de la vie.
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RFRP
Leptine
–
+
+
autres médiateurs métaboliques
GABA
Glutamate
Prolactine
+
Stéroïdes gonadiques
–
+
Kp/NkB –
+
–
Glucocorticoïdes –
GnRH +
Rythme circadien
–
Dynorphine-A ? Neurokinine B ? Kisspeptine ?
– Stress
Hypophyse LH FSH
Figure 2. Régulation des neurones à GnRH par le système neuronal Kp/NkB.
ensuite quiescent jusqu’à la troisième activation survenant à l’âge de la puberté et qui se maintient jusqu’à la fin de la vie chez l’homme et la femme. Chez la femme, après la ménopause, les pulses de GnRH sont plus fréquents et plus intenses. Toutes les phases d’activation de l’axe gonadotrope semblent dépendantes de l’activation du système neuroendocrine hypothalamique Kp/NkB. Au niveau hypothalamique, les neurones à GnRH sont sous le contrôle d’un réseau multi-neuronal complexe. Le système hypothalamique Kp/NkB régule directement le rétrocontrôle négatif et positif (chez la femme) exercé par les stéroïdes sexuels, ainsi que le rétrocontrôle négatif exercé par la prolactine. Il est aussi impliqué dans la régulation du contrôle métabolique (leptine) du neurone à GnRH. D’autres neurotransmetteurs et d’autres nombreux facteurs physiques et chimiques semblent agir directement ou indirectement sur le neurone à GnRH.
1. Système Kp/NkB 1.1. Éléments d’anatomie et de physiologie Au cours des dernières décennies, la neuroendocrinologie de la reproduction s’est intéressée à diverses sous-populations neuronales jouant un rôle dans le contrôle de la sécrétion de GnRH. Parmi celles-ci, les neurones à Kp se sont avérés jouer un rôle majeur dans la régulation de l’axe gonadotrope. En effet, exprimant le récepteur ER alpha, ils pouvaient représenter le relais entre les stéroïdes gonadiques et les neurones à GnRH. C’est surtout l’observation d’un déficit gonadotrope profond aussi bien chez les patients porteurs de mutations
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délétères du gène du récepteur à Kp, GPR54 (maintenant nommé KISS1R) [6-9] que chez ceux porteurs de mutations délétères du gène codant son ligand KISS1 [10] qui a fait évoquer le rôle clé joué par la Kp. L’implication de la Kp a été démontrée en même temps par les modèles murins d’invalidation de ces deux gènes [11-13]. La Kp est un neuropeptide appartenant à la famille des RF-amides (ayant un motif Arg-Phe-NH2 au niveau de l’extrémité C-terminale). Le transcrit primaire, composé de 145 acides aminés (AA), est ensuite clivé en sa forme active de 54 AA (Kp-54). La protéolyse successive donne origine à d’autres formes, dont une de 10 AA (Kp-10) qui est fonctionnelle mais de demi-vie plus courte. Son récepteur, Gpr‑54, appelé maintenant KISS1R, est un récepteur à 7 domaines transmembranaires couplé à une protéine G. La Kp est un stimulateur indirect puissant de la sécrétion des gonadotrophines qui agit via la GnRH hypothalamique, comme en témoigne l’abolition de son effet quand un traitement par antagoniste de la GnRH est administré de façon concomitante [14]. Comme nous l’avons indiqué plus haut, en dehors de la Kp, un autre neuropeptide, la NkB, a été plus récemment impliqué dans la régulation de l’axe gonadotrope. En réalité les premières études concernant ce neuropeptide remontent au début des années 1990, époque à laquelle, lors des auto psies de femmes ménopausées, on avait mis en évidence des populations neuronales du noyau infundibulaire très hypertrophiées. Fait intéressant, ces neurones exprimaient fortement le récepteur de l’estradiol ER alpha et la NkB sans que l’on comprenne à l’époque l’implication de ces découvertes dans la physiologie de l’axe gonadotrope [15]. La NkB est un décapeptide appartenant à la famille des tachykinines. Au niveau hypothalamique, NkB se lie avec une forte affinité au
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sous-type 3 du récepteur à la NkB, appelé récepteur neurokinine 3 (Nk3R), lui aussi un récepteur à 7 domaines transmembranaires. Là encore, c’est la découverte, chez des patients des deux sexes avec hypogonadisme hypogonadotrope congénital normosmique, provenant de familles consanguines turques de mutations bi-alléliques des gènes codant pour le ligand NkB (mutations de TAC3) ou pour son récepteur Nk3R (ou TACR3) [16-18] qui ont confirmé l’implication de NkB dans le contrôle neuroendocrine de la puberté et la reproduction humaines. Avant la découverte de ces mutations chez l’homme, on pensait que les neurones à NkB se situaient en amont de la Kp, qui, elle-même, était en amont des neurones à GnRH. Le fait que l’altération gonadotrope produite par les anomalies de la signalisation NkB chez la souris soit moins sévère que celle obtenue après manipulation de la signalisation Kp, suggérait même une redondance biologique mais la sévérité de l’hypogonadisme hypogonadotrope congénital dans l’espèce humaine a relativisé cette notion. Des études expérimentales ultérieures, menées principalement chez la brebis, ont montré que les neuropeptides Kp et NkB sont en fait colocalisés dans la même population neuronale chez ce mammifère, et qu’un troisième neuropeptide, la dynorphine [19], est aussi exprimé [20]. Cette expression « multi-peptidique » au sein du même neurone a fait introduire le nom de « neurones Kisspeptin/Neurokinin B/Dynorphin (KNDY) ». Toutefois, il faut utiliser ce terme avec prudence dans l’espèce humaine, car la coexistence de ces trois peptides n’est pas encore formellement établie. De plus, on ne sait pas si ces trois neuropeptides sont coexprimés dans l’ensemble de la population neuronale sécrétant la Kp et la NkB ou seulement dans des sous-populations spécifiques présentes dans des noyaux neuronaux différents. 1.2. Ontogenèse de l’activation de l’axe gonadotrope : un rôle pour le système Kp/NkB ? L’axe gonadotrope est actif et opérationnel pendant trois périodes différentes de la vie humaine (Fig. 1). La première activation survient in utero pendant la deuxième partie de la vie fœtale [21]. La deuxième activation gonadotrope, appelée par certains auteurs la « mini-puberté », prend place rapidement en postnatal pour s’étaler pendant les premiers mois de la vie. Ensuite, l’axe gonadotrope est de nouveau au repos (période dite quiescente) jusqu’à la troisième activation qui survient à l’âge de la puberté et se maintient jusqu’à la fin de la vie chez l’homme et la femme. Le rôle du système Kp/ NkB dans les variations temporelles de l’activation de l’axe gonadotrope lors de ces trois périodes est encore discuté même si, dans l’espèce humaine, des arguments forts plaident pour une implication de ce système Kp/NkB aussi bien pendant les périodes pré- que postnatales [8,16,18]. L’expression du récepteur KISS1R/GPR54 chez la souris dès la période embryonnaire E13.5 laisse penser que le système Kp/NkB s’active pendant la vie anténatale [22]. Plus
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récemment, la mise en place de connexions directes, actives et opérationnelles, entre les neurones à Kp du noyau arqué et les neurones à GnRH de l’aire préoptique, a été clairement démontrée pendant le développement fœtal murin [23]. Certaines sous-populations à Kp de l’aire préoptique seraient responsables, chez la souris, du pic postnatal précoce de GnRH qui détermine, dans cette espèce, la différenciation sexuelle du cerveau de type mâle [24]. L’ensemble de ces données suggère que chez la souris, même avant la naissance, des populations Kp/NkB établissent déjà des connexions fonctionnelles avec les neurones à GnRH et peuvent potentiellement être à l’origine de la génération d’une sécrétion pulsatile de GnRH. Si la libération des gonadotrophines par un mécanisme GnRH-dépendant semble bien établie dans les modèles murins, l’hypothèse que le système Kp/NkB soit aussi à la base de cette activation dans l’espèce humaine reste encore débattue [24,25]. 1.3. Puberté normale et précoce : rôles de Kp/NkB et interaction avec le système makorine-3 ? Comme nous l’avons vu, dans l’espèce humaine, après la phase d’activation pré- et néonatale, l’axe gonadotrope est inhibé et reste quiescent de manière prolongée pendant l’enfance, sans que l’on connaisse vraiment les médiateurs qui déterminent cette inhibition. Le système Kp/NkB a longtemps été un candidat invoqué pour exercer cette fonction. Son implication dans la quiescence de l’axe gonadotrope a été suggérée, il y a quelques années, par une observation unique montrant qu’un enfant portant une mutation gain de fonction du récepteur KISS1R/GPR54 était atteint de puberté précoce [26]. La portée réelle de cette observation unique, non reproduite depuis, reste encore débattue. Récemment, la mise en évidence, par plusieurs équipes indépendantes, dans des formes familiales de puberté précoce centrale, de mutations fréquentes induisant une perte de fonction d’un gène soumis à empreinte, Makorin Ring-Finger Protein 3 (MKRN3), a fait considérablement avancer les connaissances sur ce sujet [27]. De façon intéressante, tout récemment, au cours du congrès de l’Endocrine Society de 2017, a été présenté un modèle murin transgénique avec déficit en mkrn3, présentant une puberté anticipée, reflétant fidèlement le phénotype des patients avec mutations de MKRN3 [28]. Ce gène code pour la makorine-3, une protéine jouant un rôle dans le processus d’ubiquitination. La famille des makorines comprend plusieurs gènes, tous exprimés au cours du développement et de l’organogenèse. Il semble que ses transcrits sont exprimés pendant la croissance aussi bien chez les animaux que chez les végétaux, et que leur expression s’effondre après achèvement de la croissance somatique maximale [29]. Chez les souris, la makorine-3 est bien exprimée dans le noyau arqué de l’hypothalamus. Le taux des transcrits de MKRN3 décroît à partir d’E10, période à laquelle l’expression des transcrits de kiss1 et tac2 (respectivement homologues de KISS1 et de TAC3 chez l’homme) commence à augmenter de manière
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significative [27]. Un des points qui restent à éclaircir est de savoir si les neurones qui expriment MKRN3 au niveau du noyau arqué sont les mêmes neurones à Kp/NkB ou s’ils constituent une population neuronale distincte mais en connexion étroite avec les neurones à Kp/NkB. Quoi qu’il en soit, ces données renforcent le concept que le système Kp/NkB reste le carrefour essentiel sur lequel pourrait s’exercer le frein prépubertaire de l’axe gonadotrope que constitue MKRN3. Toutefois, même si le démarrage de la puberté se fait de manière précoce chez les enfants (et les souris) porteurs de mutations inactivatrices de MKRN3, une longue phase de quiescence de l’axe gonadotrope précédant cette activation précoce des neurones à GnRH persiste cependant. Cette phase de quiescence et la séquence des événements qui conduisent à la mise au repos de l’axe gonadotrope qui survient après la mini-puberté sont encore bien mystérieuses. L’implication du système Kp/NkB et son interaction possible avec d’autres systèmes neuroendocrines (expression séquentielle d’autres gènes, modifications épigénétiques, maturation anatomo- fonctionnelle, etc.) restent donc encore à élucider. 1.4. Système Kp/NkB en physiologie et pathologie humaines Plusieurs situations pathologiques sont liées directement ou indirectement à des anomalies du système Kp/NkB. 1.4.1. Hypogonadisme hypogonadotrophique congénital avec olfaction normale (nHHC) Le déficit génétique de chacun des médiateurs du système Kp/NkB est associé à un déficit gonadotrope congénital isolé. La première démonstration formelle en a été faite en 2003, avec la publication d’une délétion à l’état homozygote de GPR54/KISS1R chez 5 sujets à l’origine d’un hypogonadisme hypogonadotrophique congénital (HHC) sans anomalie de l’olfaction [7]. Depuis cette première description, près de 100 cas de patients porteurs d’anomalies génétiques impliquant les acteurs du système Kp/NkB ont été décrits. Il s’agit, d’une part, des nombreuses mutations délétères de KISS1R [8] et d’un cas familial avec mutation de son ligand KISS1 [10], d’autre part, des mutations du récepteur de type 3 de la neurokinine B (Nk3R) codé par TACR3 ou son ligand NkB codé par TAC3. Toutes ces anomalies ont comme point commun de provoquer un nHHC par déficit hypothalamique en GnRH [6,9,18]. Presque tous les patients décrits sont porteurs de variants rares délétères portés à l’état bi-allélique, ce qui indique un mode de transmission classique de type autosomique récessif. Ils ont tous une intégrité de la perception des odeurs. Ceci confirme que le système Kp/NkB affecte la signalisation des neurones à GnRH sans en altérer l’ontogenèse ni la migration neuronale pendant la vie fœtale. Cette physiopathologie diffère donc de celle du syndrome de K allmann où l’anomalie de la différenciation et/ou de la migration des neurones à GnRH
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est associée à des anomalies de la migration des terminaisons olfactives et de la morphogenèse du système olfactif, ensemble qui aboutit à un phénotype plus complexe où le HHC est associé à une perte partielle (hyposmie) ou complète (anosmie) des perceptions olfactives [30]. 1.4.2. L’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (AHF) L’AHF est une cause fonctionnelle de déficit gonadotrope acquis, résultant de l’action combinée de l’haplo-insuffisance des acteurs de l’axe gonadotrope et d’un déficit nutritionnel. Elle est liée à un déficit énergétique résultant d’une carence nutritionnelle combinée ou non à une activité physique excessive. Le déficit gonadotrope acquis de l’AHF est généralement partiel et réversible [31]. Au plan endocrinien, l’AHF est caractérisée par une diminution des concentrations circulantes de LH, qui sont plus faibles que celles de FSH [31]. Ce profil biologique LH/FSH bas est assez caractéristique d’une réduction de la fréquence et de l’intensité de la sécrétion pulsatile de GnRH par l’hypothalamus [32]. Le système Kp/NkB a été, depuis quelques années, identifié comme l’un des facteurs probablement impliqués dans la genèse ou dans le maintien des anomalies hormonales observées dans cette pathologie (Fig. 2). La leptine joue un rôle permissif essentiel sur la sécrétion de la GnRH comme en témoignent les déficits gonadotropes sévères liés aux mutations de la leptine et son récepteur aussi bien dans l’espèce humaine que dans des modèles murins [33,34] ou la baisse de la leptine circulante observée lors de l’AHF [31]. Ce rôle a été confirmé par la restauration de la fonction gonadotrope chez les exceptionnels patients avec mutation de la leptine ou chez les femmes avec AHF traités par leptine [35,36]. Des travaux plus récents indiquent que les neurones à Kp pourraient jouer un rôle de relais neuroendocrine entre les fonctions métabolique et reproductive. En effet, le récepteur de la leptine [37] n’est pas exprimé dans les neurones à GnRH, ce qui exclut un rôle direct de la leptine, alors qu’il l’est dans une partie des neurones à Kp. La régulation positive de la leptine sur la sécrétion de GnRH pourrait donc n’être qu’indirecte et passer par la stimulation du système Kp/NkB [38]. Une preuve formelle de l’implication du système Kp/NkB dans l’espèce humaine a été apportée par la restauration de la pulsatilité de la LH et de l’ovulation chez les femmes avec AHF après administration pharmacologique de Kp-54 [39]. 1.4.3. Bouffées de chaleur de la ménopause et système NkB À la ménopause, 70 % des femmes souffrent de bouffées vasomotrices (BVM), responsables d’une dégradation parfois sévère de la qualité de vie, et qui peuvent persister pendant plusieurs années. En dehors du traitement hormonal de la ménopause par les estrogènes associés aux progestatifs, d’autres traitements médicamenteux (par exemple plusieurs classes d’antidépresseurs) ont été essayés avec un succès très mitigé.
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La relation entre les neurokinines et les BVM a été suggérée en 1987, date à laquelle des variations des concentrations plasmatiques des tachykinines ont été associées à la survenue de manifestations cutanées chez des sujets atteints de syndrome carcinoïde [40]. Dès le début des années 1990, Rance et al. ont identifié l’hypertrophie d’une population neuronale hypothalamique au niveau du noyau infundibulaire des femmes ménopausées [41]. Les mêmes auteurs ont établi ensuite que ces populations neuronales hypertrophiques exprimaient fortement le récepteur alpha des estrogènes, ce qui suggérait leur implication dans un mécanisme de réponse neuronale à l’effondrement de la sécrétion ovarienne d’estradiol. La destruction des neurones KNDY dans le noyau arqué chez des souris femelles induit une diminution de la température mesurée au niveau de la queue de l’animal, ainsi qu’une absence d’effet de l’estradiol sur la régulation de la température [42]. Plus récemment, cette population neuronale a été mieux caractérisée et il s’est avéré qu’elle exprimait et secrétait de la NkB [43]. Depuis ces observations initiales, l’intérêt des chercheurs pour cette population neuronale exprimant la NkB a fortement décru puis s’est subitement « réveillé », à partir de 2009, à l’occasion de la découverte de l’implication génétique du système NkB/Nk3R dans la physiopathologie de l’HHC et, d’une façon plus générale, dans la physiologie et la physiopathologie de l’axe gonadotrope, de la puberté et de l’infertilité humaines [17,18]. Parallèlement à ces découvertes importantes, des observations faites chez la femme ménopausée ont renforcé l’implication de la NkB dans l’apparition des BVM. D’une part, le degré des BVM, en termes de fréquence et de sévérité des symptômes cliniques, semble varier en fonction de la présence ou non de variants du gène TACR3 [44]. D’autre part, l’administration pharmacologique de NkB chez 10 volontaires saines d’âge pré-ménopausique a induit, chez 8 d’entre elles, des manifestations cliniques à type de BVM [45].
2. Agonistes-antagonistes du système Kp/NkB : implications thérapeutiques Dans la mesure où l’action régulatrice du système Kp/NkB a lieu en amont du neurone à GnRH, on peut imaginer l’utilisation, à but thérapeutique, des molécules ayant une action agoniste ou antagoniste, dans diverses situations pathologiques. Les dernières années ont vu exploser le nombre de nouvelles molécules ayant une action agoniste ou antagoniste sur la signalisation NkB/Nk3R. Ces composés ont essentiellement été étudiés chez l’animal, mais des études menées chez l’homme commencent à être publiées depuis 5 ans : elles sont résumées dans les tableaux 1 et 2. La première administration pharmacologique de Kp-54 chez 6 volontaires sains de sexe masculin s’est accompagnée d’une augmentation nette des concentrations circulantes de gonadotrophines (majoritairement de LH) et de testostérone [46].
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Chez la femme, l’effet de l’administration de Kp-54 ou de Kp-10 est, en revanche, plus variable et dépend en grande partie de la phase du cycle menstruel. En effet, l’effet stimulateur sur la sécrétion de LH est obtenu plutôt en phase pré-ovulatoire[47]. Les mêmes auteurs ont publié un travail montrant que le traitement par FSH recombinante combiné à un pré-traitement par un antagoniste de GnRH, puis à un bolus sous-cutané isolé de Kp-54, suffisait à déclencher l’ovulation et la maturation ovocytaire chez 49 des 53 femmes étudiées dans le cadre d’une fécondation in vitro ; une grossesse a ensuite été obtenue chez 12 femmes [48]. Bien évidemment, certaines formes génétiques de nHHC affectant le système Kp/NkB, comme décrit plus haut, constituent une indication de choix de traitement par ces agonistes. Ainsi, la perfusion intraveineuse continue de Kp-10 a permis d’augmenter les concentrations de gonadotrophines, de stéroïdes sexuels et d’inhibine B de des patients nHHC porteurs de mutations délétères bi-alléliques des gènes TAC3 (NKB) et TACR3 (Nk3R) [49]. L’administration de Kp-54 est aussi capable d’augmenter les concentrations de gonadotrophines circulantes, mais aussi de restaurer une cyclicité menstruelle et l’ovulation chez les femmes avec aménorrhée hypothalamique[39]. Les composés à action antagoniste sur le système Kp ou NkB sont tout aussi intéressants non seulement pour mieux comprendre certains mécanismes physiopathologiques mais aussi en thérapeutique. Une série d’antagonistes de la kisspeptine ont été obtenus par substitution sélective de résidus d’AA de la Kp native. D’autres font partie de la classe des petites molécules, non peptidiques, inhibant la signalisation du récepteur KISS1R [50]. Bien que les antagonistes Kp soient capables de diminuer les concentrations de LH chez les rongeurs, aucun d’entre eux n’a, à ce jour, été utilisé dans l’espèce humaine. Les antagonistes de NkB (antagonistes du Nk3R) sont, en revanche, mieux développés en pharmacologie humaine. Les antagonistes du récepteur 1 de la neurokinine 1(Nk1R), sont en développement dans le traitement des nausées et des vomissements lors des traitements anticancéreux [51] En psychiatrie, ils ont fait l’objet d’études de phase IIa ou de phase IIb chez des patients schizophrènes sans réellement montrer de supériorité par rapport aux médicaments habituels sur le contrôle de cette maladie psychiatrique [51]. Les antagonistes Nk3R ont, par contre, été développés avec succès pour moduler l’axe gonadotrope, en particulier par des compagnies européennes. Tout d’abord Fraser et al. ont administré l’antagoniste non peptidique ESN364 d’Euroscreen à 41 hommes et à 24 femmes en bonne santé. À la dose orale de 20 mg, ils ont constaté une diminution des concentrations circulantes de LH, sans modification de celles de FSH, avec, en parallèle, une diminution des concentrations sériques de testostérone chez les hommes et d’estradiol chez les femmes [52]. Ces composés induisent donc une inhibition gonadotrope prédominant sur la LH qui rappelle le profil observé chez les patients avec nHHC par mutations de TAC3/TACR3 [16,18].
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Tableau 1 Utilisation pharmacologique de molécules à action agoniste sur le système Kp/NkB dans différentes situations physiologiques et pathologiques (espèce humaine). Type d’agoniste
Effet principal
Référence
Kp-54
FSH+, LH+++
[46]
Kp-10
LH++
[56]
Stimulation axe gonadotrope chez des volontaires (femmes)
Kp-54, Kp-10
FSH+, LH+ (pré-ovulatoire)
[47]
Stimulation axe gonadotrope chez des volontaires (femmes)
NkB
BVM, tachycardie, hyperthermie
[45]
FIV
Kp-54
Ovulation+, grossesse+
[48]
Aménorrhée hypothalamique
Kp-54
LH+
[57]
Hyperprolactinémie
Kp-10
Pulsatilité LH
*
HHC (mutation des gènes Kp/NkB)
Kp-10
LH+, FSH+, T+, E2+, inhibine B+, pulsatilité LH+
[49]
Situations avec intégrité de l’axe gonadotrope Stimulation axe gonadotrope chez des volontaires (hommes)
Situations avec anomalies de l’axe gonadotrope
FIV : fécondation in vitro ; Kp : kisspeptine. *Young J et al. Manuscript soumis. Tableau 2. Utilisation pharmacologique de molécules à action antagoniste sur le système Kp/NkB dans différentes situations physiologiques et pathologiques (espèce humaine). Type d’antagoniste
Effet principal
Référence
Freinage gonadotrope chez des volontaires sains (hommes)
ESN364
LH↓, T↓
[52]
Freinage gonadotrope chez des volontaires sains (hommes)
MLE4901
LH↓, FSH↑, T↓
[58]
Freinage gonadotrope chez des volontaires saines (femmes)
ESN364
LH↓, E2↓, P5↓ ; retard ovulation et cycle
[55]
MLE4901
fréquence↓ ; sévérité↓
[53,54]
ESN364
fréquence↓ ; sévérité↓
[36]
Situations avec intégrité de l’axe gonadotrope
Situations avec anomalies de l’axe gonadotrope BVM
T : testostérone totale ; E2 : estradiol ; P5 : progestérone ; BVM : bouffées vasomotrices de la ménopause.
Une application très prometteuse de cette nouvelle classe de médicaments est représentée par le traitement des BVM chez les femmes ménopausées. L’année 2017 a vu la publication de deux études importantes et la présentation d’une communication au congrès de l’Endocrine Society rapportant l’efficacité des antagonistes Nk3R dans le traitement des BVM. Le rationnel de l’utilisation de ce produit dans les BVM repose sur les travaux de N. Rance, évoqués plus haut, qui avaient mis en relation la réaction vasomotrice et la surexpression des neurokinines/tachykinines.
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Dans une de ces études, 28 femmes ménopausées (sur un total de 37 incluses) ont complété une étude de phase II de l’antagoniste Nk3R MLE4901 [53]. Il s’agissait d’une étude mono-centrique, randomisée vs placebo, en double insu. Le protocole de traitement comportait l’administration orale de 40 mg 2 fois par jour de MLE4901 ou de placebo pendant 4 semaines puis un croisement sur les 4 semaines suivantes ; les 2 périodes étant séparées par un wash-out de 2 semaines. L’évaluation des BVM se faisait par des échelles subjectives (nombre et sévérité des BVM et gêne occasionnée) et des
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questionnaires Menopause-Specific Quality of Life (MENQOL) que les femmes devaient saisir chaque matin et des questionnaires HRFDIS à remplir chaque soir. Enfin, une sonde thermique appliquée sur le sternum permettait de mesurer la température corporelle. À l’inclusion, les femmes étaient très symptomatiques puisqu’elles devaient avoir au moins 7 bouffées de chaleur par 24 heures. La fréquence des BVM a considérablement diminué sous MLE4901 (–73 % [intervalle de confiance à 95 % : –61 à –94 %]) en comparaison du placebo (–28% [–17 à –39], p < 0,001), aussi bien en première qu’en deuxième intentions. Le MLE4901 était aussi capable de réduire la sévérité et la gêne occasionnée par les BVM (p < 0,0001 pour les deux), ainsi que les scores MENQOL (tous les domaines, hormis la sexualité) et HRFDIS. Le nombre de BVM détectées par la sonde passait de 26,9 après placebo à 16,2 après MLE4901 (p < 0,0001). Aucun effet indésirable grave n’a été rapporté par les participantes à cette étude, hormis une cytolyse transitoire sous traitement (transaminases augmentées jusqu’à 4.5 à 5.9 fois la limite de la normale) chez trois d’entre elles. Les auteurs ont signalé que 24 % des femmes incluses sont sorties de l’étude (recrutement initial de 37 patientes). La raison évoquée est que les femmes ont pris des vacances lors de l’étude ! En parallèle à cette étude, 11 femmes ménopausées sujettes à des BVM ont été recrutées par Skorupskaite et al. [53]. Ces patientes ont été traitées par le même antagoniste de Nk3R, le MLE4901, à des doses de 40 mg deux fois par jour pendant 7 jours. Chaque jour de traitement, les patientes évaluaient de façon subjective la présence et la sévérité des BVM (échelle arbitraire estimant la sensation de chaleur et la transpiration), et le questionnaire d’interférence HRFDIS avant et après traitement. Dès le premier jour, mais plus significativement au bout de 7 jours de traitement, les femmes ménopausées déclaraient une réduction considérable de la fréquence et de la sévérité des BVM. En particulier, une importante récupération du sommeil a été rapportée (p < 0,008 vs pré-traitement). Malheureusement, cette dernière étude souffre de ne pas avoir été menée contre placebo et pendant une période assez longue. Globalement, ces études interventionnelles, bien que menées sur un nombre limité de patientes, confirment la remarquable efficacité de ce médicament antagoniste Nk3R. Les résultats de l’étude de phase II concernant l’efficacité et la sécurité de la molécule à action antagoniste Nk3R, ESN364 (fezolinetant) dans le traitement des BVM, ont été présentés au cours de l’Endocrine Society [37,52,55]. Il s’agit d’une étude multi-centrique, randomisée contre placebo, où l’administration de 90 mg d’ESN364 deux fois par jour a été comparée à du placebo, pendant 12 semaines chez 80 femmes ménopausées ayant des BVM. La fréquence et la sévérité des BVM ont été considérablement réduites dès la première semaine de traitement (de –93 % pour la fréquence et de –70 % pour la sévérité en comparaison du placebo). La réduction des BVM s’est maintenue de manière prolongée durant les 12 semaines de traitement. Les scores du questionnaire de qualité de vie HFRDIS, du questionnaire pour les caractéristiques du climatère (Greene Climateric Scale
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[GCS]) et de celui de la qualité du sommeil Leeds Sleep Evaluation Questionnaire (LSEQ) se sont améliorés de façon significative et continue dès la première évaluation post-traitement. De façon intéressante, aucune variation significative des concentrations sériques d’estradiol, de FSH et de sex hormone-binding globulin (SHBG) n’a été constatée au cours du traitement par cet antagoniste. En revanche, les concentrations sériques de LH ont baissé de 20 à 50 % après traitement. Enfin, aucun effet secondaire important ou significatif n’a été rapporté puisque le nombre d’effets indésirables était supérieur chez les femmes traitées par placebo. Toutes ces données remettent nettement en question la corrélation entre une élévation de la concentration de FSH et la survenue de bouffées de chaleur. En effet, les concentrations de FSH ne varient pas, seule la LH baisse sous traitement sans modification de l’estradiol. La FSH est cependant encore d’actualité puisqu’une étude récente vient de montrer que le blocage de la FSH chez la souris en équivalent de ménopause induit une diminution du tissu adipeux [19].
3. Conclusion Le système neuroendocrine Kp/NkB est le régulateur physiologique essentiel des neurones à GnRH. Il est aussi considéré comme le médiateur clé des boucles de rétrocontrôle exercées par les stéroïdes sexuels au niveau hypothalamique et un carrefour sur lequel convergent des signaux métaboliques qui affectent l’axe gonadotrope. Des anomalies de ces régulateurs ou des altérations intrinsèques du système sont à l’origine de diverses anomalies de l’axe gonadotrope, de la puberté et de la fertilité. Des composés à action agoniste/antagoniste du système Kp/NkB sont apparus au cours des dix dernières années. Ils ont été étudiés d’abord chez l’animal et, plus récemment, dans l’espèce humaine. Ces molécules ont des applications potentielles, non seulement dans les rares cas de déficit génétique de ce système, mais aussi possiblement en fécondation in vitro. Mais c’est surtout l’utilisation des antagonistes NkB chez les femmes ménopausées qui a le plus de potentiel en thérapeutique humaine vu leur efficacité sur les bouffées de chaleur vasomotrices. Si les résultats préliminaires prometteurs récents sont confirmés par des équipes indépendantes et sur de plus grandes cohortes et à plus long terme, et que l’innocuité se vérifie, il s’agira sans aucun doute d’une véritable avancée thérapeutique.
Lien d’intérêts Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts relativement à cet article.
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