Corticosurrénalome et grossesse

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Communications Klotz : surrénale et grossesse

Corticosurrénalome et grossesse Adrenocortical carcinoma and pregnancy Marie-Laure Raffin-Sanson a,∗,b , Gwenaelle Abiven c,d , Katrin Ritzel e , Pauline de Corbière a,b , Laure Cazabat a,b , Ramona Zaharia a,b , Lionel Groussin c,d , Rossella Libe c,d , Jérôme Bertherat c,d , Martin Fassnacht e , Xavier Bertagna c,d a Service d’endocrinologie-nutrition, hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne, France Inserm U1173, université Versailles-Saint-Quentin, 2, avenue de la Source de la Bièvre, 78180 Montigny-Le-Bretonneux, France c Department of Endocrinology, Cochin University Hospital, AP–HP, French Adrenal Cancer Network COMETE-Cancer, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France d UMR 8104, institut Cochin, Paris, France e Medizinische Klinik IV, Klinikum der Universität München, Munich, Allemagne b

Résumé Les corticosurrénalomes sont des tumeurs rares et dont le pronostic est mauvais quoi qu’hétérogène. Elles touchent plus souvent la femme, parfois très jeune et peuvent être diagnostiquées chez des femmes enceintes ou en âge d’avoir des enfants. Les tumeurs surrénaliennes bénignes ou malignes peuvent être sensibles à certaines hormones produites pendant la grossesse et qui peuvent stimuler leur sécrétion hormonale ou leur prolifération. Dans cette revue, nous aborderons deux aspects des liens entre CS et grossesse. Dans le cas où la tumeur est suspectée chez une femme enceinte, comment conduire les explorations, compte tenu des modifications hormonales induites par la grossesse et de la présence du fœtus ? Quelles sont les options thérapeutiques si le diagnostic est confirmé ? Quel est le pronostic pour la mère et l’enfant ? Nous envisagerons ensuite le risque éventuel que comporte une grossesse chez une femme antérieurement traitée pour un CS. Les données analysées ici proviennent d’une grande série de patientes atteints de tumeurs corticosurrénaliennes et suivies à l’hôpital Cochin. D’autres ont été collectées dans le cadre du réseau European Network for the Study of Adrenal Tumors (ENSAT). © 2016 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Corticosurrénalome ; Grossesse ; Pronostic

Abstract Adrenocortical carcinoma is a rare cancer with a poor but heterogeneous prognosis. These tumours are more frequently encountered in women, sometimes very young and may be diagnosed in women in their child bearing years or already pregnant. Several clinical data have indicated that the secretion and or proliferation of adrenocortical tumors may be affected by the hormonal context of pregnancy. In this review, we will examine the link between ACC and pregnancy in two main aspects. We will first consider the situation of a pregnant woman with a clinical suspicion of adrenocortical carcinoma: which diagnostic procedures will be useful and safe for the foetus? What are the therapeutic options? What is the prognosis if the diagnosis is confirmed? In a second part, we will examine the possible risk of mothering a child in a patient previously treated for an ACC. The data shown here were obtained from studies carried out in a tertiary reference medical centre in Paris (Hôpital Cochin) and from the European Network for the Study of Adrenal Tumor (ENS@T) database of adrenocortical carcinoma. © 2016 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Adrenocortical carcinoma; Pregnancy; Prognosis



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.-L. Raffin-Sanson).

http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024 0003-4266/© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Raffin-Sanson http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024

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ont suggéré un lien entre prolifération corticosurrénalienne et grossesse :

1. Introduction Les corticosurrénalomes (CS) sont des tumeurs rares et dont le pronostic est mauvais quoi qu’hétérogène ; leur incidence annuelle est comprise entre 1 et 2 cas par million d’habitant et par an. Ces tumeurs sont plus fréquentes chez les femmes chez qui elles apparaissent également plus tôt : l’âge médian à la découverte est de 42,7 ± 16,5 ans chez les femmes vs. 47,9 ± 14,6 ans (p = 0,04) chez les hommes [1]. Pour ces raisons, elles peuvent être diagnostiquées chez des femmes enceintes ou en âge d’avoir des enfants. Un des principaux éléments du pronostic est le stade d’extension au moment de la découverte. Lorsque la tumeur est limitée à la surrénale et fait moins de 5 cm (stade ENSAT 1), la survie à 10 ans est de l’ordre de 80 %. Lorsque la tumeur mesure plus de 5 cm, toujours sans extension extra-surrénalienne (stade ENSAT 2), la survie à 10 ans est proche de 60 %. Cette survie tombe à prés de 40 % en cas d’extension aux tissus adjacents ou aux ganglions (stade ENSAT 3) et à moins de 10 % en cas de métastase à distance (stade 4) [2]. D’autres facteurs pronostics sont importants comme la possibilité de résection complète, l’âge, la sécrétion de cortisol, le Ki67 ou certains marqueurs moléculaires [3]. Bien que le pronostic soit grave, certains patients ont des survies prolongées et des femmes peuvent souhaiter une grossesse au cours du suivi de leur tumeur. En général, le fait d’être enceinte au moment du diagnostic de cancer n’augmente pas la mortalité, avec quelques exceptions notables comme le cancer du sein [4]. Toutefois, concernant la surrénale, un certain nombre d’éléments cliniques et in vitro

• les tumeurs corticosurrénaliennes bénignes et malignes représentent 70 % des causes de syndrome de Cushing dont le diagnostic a été fait pendant la grossesse [5,6] ; • quelques cas ont été rapportés de syndromes de Cushing d’origine surrénalien dont la production de cortisol était dépendante d’une grossesse [7–9] ; • des études in vitro ont démontré le rôle des hormones sexuelles dans la prolifération des cellules surrénaliennes : certaines lignées de souris développent des tumeurs corticosurrénaliennes en réponse à la castration, via l’expression par les surrénales du récepteur de la LH [10], la stimulation du récepteur de la LH exprimé sur les cellules surrénaliennes suffit à induire la prolifération [11]. Les récepteurs de l’estradiol et de la progestérone sont exprimés par les cellules surrénaliennes bénignes et malignes à des taux comparables à ceux retrouvés dans les tumeurs mammaires hormono-dépendantes [12] (Fig. 1 A et B) et un effet mitogène de l’estradiol a été démontré dans la lignée de cellules surrénalienne H295R [13]. Tous ces éléments laissent penser qu’une grossesse pourrait influencer défavorablement le pronostic d’un CS. Lorsqu’un diagnostic de tumeur de la surrénale est évoqué chez une femme enceinte, les modifications hormonales induites par la grossesse et la nécessité d’irradier un minimum le fœtus doivent être prises en compte dans l’exploration. Si le diagnostic est confirmé, le souci de préserver autant que possible la santé de l’enfant est un élément influenc¸ant la décision thérapeutique.

Fig. 1. A et B. Protéine du récepteur de la progestérone (PR) dans des tissus surrénaliens normaux et tumoraux, mesurée par EIA (A) et en immunohistochimie (B). (A) La protéine du PR a été mesurée par EIA (laboratoire Abbott) dans le tissu congelé de surrénales normale (SN), d’échantillons de tissu adjacent à des adénomes bénins (T. Adj), dans des adénomes bénins (AB), des corticosurrénalomes (CS) et la lignée de corticosurrénalome H295R. Le dosage mesure les 2 isoformes alpha et beta du PR. Les niveaux de protéine PR sont exprimés rapportés à la quantité d’ADN du tissu (fmol/mg ADN). La ligne pointillée indique le seuil de positivité pour le PR. Ce seuil est au-dessus de la limite de détection du dosage, mais correspond, pour le cancer du sein, au niveau au-delà duquel on peut attendre une réponse au traitement hormonal. Si ce seuil est dépassé, le cancer du sein est considéré comme « positif » pour le PR. (B) Immunohistochimie pour le PR dans un CS avec une forte expression de PR (figure de gauche). CS avec une faible expression de PR (figure de droite). Voir réf [12] pour plus de détails. Progesterone receptor (PR) protein in normal and tumoral adrenal tissues, mesured by EIA (A) and en immunohistochemistry (B). (A) PR protein assay was performed using an EIA (PR EIA; Abbott Laboratories) on frozen samples of normal adrenals (SN), tissue adjacent to adrenocortical adenoma (T. Adj), adrenocortical adenoma (AB); adrenocortical carcinoma (CS). The EIA kit for PR can detect both the PR␣ and PR␤ isoforms. PR levels are expressed with respect to tissue DNA status (fmol/mg DNA). The shaded line indicates the threshold for positivity for PR. This cutoff point exceeds the detection limit of the assay, but corresponds, for breast cancer, to a clinically relevant threshold above which the response to hormonal treatment is expected. If this threshold is exceeded, breast tumors are considered ‘positive’ for PR. (B) PR immunostaining in an CS with high PR content (left panel). CS with low levels of PR expression (right panel). See ref [12] for more détails.

Pour citer cet article : Raffin-Sanson http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024

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Dans cette revue, nous aborderons deux aspects des liens entre CS et grossesse : • tout d’abord, comment explorer une femme enceinte suspecte de CS ? Quels sont les options thérapeutiques et le pronostic si le diagnostic est confirmé ? • dans une deuxième partie, nous envisagerons le risque éventuel que comporte une grossesse chez une femme antérieurement traitée pour un CS. Les données analysées ici proviennent d’une grande série de patients atteints de tumeurs corticosurrénaliennes et suivis à l’hôpital Cochin. D’autres données ont été collectées dans le cadre du réseau European Network for the Study of Adrenal Tumors (ENSAT). 2. Quelle prise en charge pour une femme enceinte suspecte de CS ? 2.1. Poser le diagnostic de CS pendant une grossesse 2.1.1. Circonstances de découverte Le diagnostic de CS peut être suspecté sur un syndrome tumoral ou des signes d’hypersécrétion. Durant la grossesse, les tumeurs secrétant du cortisol semblent encore plus fréquentes qu’en dehors de cette situation particulière. Ceci est illustré par une série de 12 CS révélées pendant la grossesse ou au décours immédiat [14] : toutes ces tumeurs secrétaient du cortisol tandis que cette sécrétion était présente dans seulement 74 % (73/98) des cas de CS suivis dans le même centre, découvert chez des femmes en âge de procréer mais non enceintes. Une sécrétion d’androgène était présente dans 65 % des cas dans les 2 groupes [14]. Le diagnostic d’hypercorticisme est difficile à évoquer durant la gestation. La prise de poids, les œdèmes, les vergetures sont attribuées à la grossesse. Une HTA et un diabète sont facilement considérés comme « gravidique » ou « gestationnel ». En revanche, l’hypokaliemie ou l’hirsutisme, s’ils sont présents, attirent l’attention. 2.1.2. Exploration hormonale Une fois le diagnostic évoqué, les dosages hormonaux doivent confirmer le diagnostic. D’une fac¸on générale, le diagnostic d’hypercorticisme repose sur un ou plusieurs des éléments suivants : augmentation de l’excrétion urinaire du cortisol, perte du cycle nycthéméral, résistance au freinage minute ou faible. L’origine surrénalienne de l’hypercorticisme est affirmée par la freination de l’ACTH. Durant la grossesse, plusieurs facteurs compliquent l’interprétation des dosages : la protéine porteuse du cortisol (CBG) augmente ce qui élève le cortisol plasmatique, et fait surestimer le cortisol libre. Le taux de production de cortisol est augmenté : la cortisolurie des 24 h et le cortisol salivaire doivent être interprétés en fonction de normes propres à chaque trimestre de la grossesse. Il existe une certaine résistance au freinage, ce qui fausse l’interprétation des tests à la déxaméthasone. En revanche, le cycle du cortisol est préservé [6]. Pour citer cet article : Raffin-Sanson http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024

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Les dosages d’androgènes sont interprétés en fonction du terme de la grossesse, en particulier la testostérone, du fait de l’élévation de la TeBG. L’appréciation de la fonction minéralocorticoïde tient compte de l’élévation de l’aldostérone et de la rénine. L’ACTH, est incomplètement freinée dans prés de la moitié des cas repris par Lindsay et Nieman en 2005 [6]. La cause en est peut-être la sécrétion placentaire de CRH [15] et/ou d’ACTH, la relative résistance de l’ACTH à la freination, ou encore la présence de CLIP et de propiomélanocortine [15] à forte concentration pendant la grossesse qui peuvent faire sousestimer ou donner un signal artéfactuel dans certains dosages d’ACTH [16]. 2.1.3. Imagerie Devant un hypercorticisme d’origine surrénalien chez une femme enceinte, le premier examen demandé est une échographie. Il s’agit d’un examen habituellement peu performant pour la surrénale mais qui peut montrer la tumeur dans un certain nombre de cas : sur 15 patientes rapportées par Linsdsay et Nieman présentant un hypercorticisme d’origine surrénalien, l’échographie a permis de localiser la tumeur dans 11 cas sur 15 [6]. Quel que soit le résultat de l’échographie, une IRM doit être réalisée. L’IRM, sans injection de produit de contraste, permet de montrer la tumeur, sa taille, ses rapports avec les organes de voisinage et apporte des arguments pour la malignité : hétérogénéité, hypersignal en T2, absence de chute de signal en opposition de phase qui évalue le contenu en graisse [17]. 2.1.4. Caractéristiques du CS découvert pendant la grossesse Compte tenu des difficultés pour évoquer le diagnostic, il n’est pas surprenant que les CS découverts pendant une grossesse soient diagnostiqués à un stade plus avancé. Un rôle propre de la grossesse ne peut être par ailleurs exclu. Abiven-Lepage et al. ont montré que sur les 12 patientes étudiées, 66 % étaient diagnostiquées à un stade tumeur invasive au-delà de la surrénale (stade ENSAT 3 ou 4) contre 39 % pour le groupe de patientes non enceintes au diagnostic, même si la différence n’était pas significative [14]. 2.2. Quelle prise en charge thérapeutique ? 2.2.1. La place du traitement médical Un traitement médical en première intention chez une femme atteinte de CS n’a été rapporté que dans une vingtaine de cas. Le produit utilisé le plus souvent rapporté est la métopirone, qui semble avoir une tolérance acceptable [18]. Il faut toutefois souligner le risque d’accumulation de désoxycorticostérone (DOC) du fait du bloc en 11 hydroxylase et donc du risque d’HTA avec hypokaliémie pouvant évoluer vers la prééclampsie. Le kétoconazole a été utilisé de fac¸on efficace et sans effet secondaire notable chez 3 femmes enceintes atteintes de tumeur surrénalienne, malgré son effet anti-androgénique [19]. Il paraît toutefois logique de le réserver aux femmes ayant besoin d’un traitement médical et ne tolérant pas la métopirone. Le lysodren traverse le placenta et a des effets tératogènes chez l’animal. Il est

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Tableau 1 Résultats de la chirurgie surrénalienne pour corticosurrénalome pendant une grossesse. Maternal and fetal outcome after surgical treatment of a CS during a pregnancy. Référence

Diamètre de la tumeur

Terme à la chirurgie (SG)

Type de chirurgie

Stade ENSAT

Complications de la chirurgie

Devenir fetal

Laparoscopie Laparotomie Laparotomie Laparotomie Laparotomie

1 2 3 3, R1 2

Noa Noa Lymphocèlea Noa No

Laparotomie

2

No

Césarienne à 36 SA, 2200 g Acct prématuré, 31 SG Césarienne à 28 SG Césarienne à 36 SG, 1600 g Césarienne 30 SG Détresse fœtale Avortement spontané 20 SG (J2 postop)

[23] [14] [14] [25] [22]

120 55 90

22 29 28 24 29

[24]

77

20

50

SG : semaine de grossesse. a Récidive locale rapide.

donc contre indiqué pendant la grossesse même si les quelques cas publiés n’ont pas confirmé cette crainte légitime, du moins sur le court terme [20]. Son action retardée le rend de toute fac¸on inapproprié à un traitement d’urgence. D’une fac¸on générale, ces médicaments doivent être réservés à une prise en charge urgente et brève, en attendant un traitement chirurgical indiqué le plus rapidement possible. 2.2.2. Traitement chirurgical L’exérèse chirurgicale complète de la tumeur est le seul traitement satisfaisant. Elle est indiquée dès que possible, même pendant la grossesse. La cœliochirurgie pour une tumeur surrénalienne est possible durant la grossesse, du moins avant 24 SA mais n’est pas recommandée pour les tumeurs malignes, sauf lorsqu’elles sont de petite taille, entre des mains expérimentées [21]. C’est donc rarement le cas pour les CS, surtout pendant la grossesse. La laparotomie est possible également, même au 2e ou au début du troisième trimestre. Les 6 cas publiés sont colligés sur le Tableau 1. Les résultats ne sont pas satisfaisants toutefois, tant en ce qui concerne le pronostic de l’enfant que celui de la mère. Dans notre série [14], ce traitement a été effectué deux fois. Dans le premier cas, une laparotomie a été effectuée à 29 SG pour une tumeur Stade ENSAT 2. La procédure s’est déroulée sans complication mais la patiente a accouché prématurément deux semaines plus tard. Dans le deuxième cas, une césarienne et une exérèse élargie d’une tumeur stade 3 ont été réalisés à 28 SG. Les suites chirurgicales ont été simples mais la patiente a rechuté rapidement ce qui suggère une exérèse incomplète et l’enfant, né très prématurément, a gardé des séquelles. Dans le cas rapporté par Homer et al. [22], une exérèse apparemment complète d’une tumeur stade 2 a été réalisée à 29 SG. Une semaine plus tard, une souffrance fœtale aiguë a conduit à une césarienne en urgence. Trois cas de surrénalectomies pour CS ont été rapportés durant le second semestre parmi lesquelles une par cœlioscopie [23] et deux par laparotomie [24,25]. Même si ces 3 chirurgies ont eu des suites simples, le pronostic fœtal était mauvais avec un avortement à J2 [24] et deux césariennes en urgence à 32 et 36 SG pour RCIU et souffrance fœtale aiguë. Sur les 6 patientes, on notait 4 récidives précoces dans le lit tumoral suggérant une exérèse incomplète. Pour citer cet article : Raffin-Sanson http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024

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2.2.3. Pronostic maternel et fœtal Dans notre série de 12 patientes dont le CS a été diagnostiqué durant ou au décours immédiat d’une grossesse, nous confirmons le mauvais pronostic pour l’enfant puisque seulement 4 enfants sur les 12 sont nés à terme. Les autres enfants sont nés prématurément avec souvent une RCIU. Un enfant était mort né. Dans un autre cas, une ITG avait été réalisée au 2e trimestre [14] (Tableau 2). Concernant le pronostic maternel, il a été évalué en appariant 2/1 chacune des 12 patientes enceintes au diagnostic, avec 24 femmes non enceintes au moment du diagnostic mais comparables pour l’âge, le stade de la tumeur, l’année du diagnostic, le statut R0 ou R+ après la chirurgie. Aucune femme n’est morte au cours de la grossesse. En revanche, le taux de survie à 1 ans était de 50 %, à 3 ans de 28 %, à 5 ans de 13 % et 0 % à 8 ans, significativement moins bon que dans le groupe des femmes appariées (Fig. 2 A et B). Ainsi, le diagnostic de CS durant une grossesse ou dans le postpartum immédiat était un facteur indépendant de mauvais pronostic [14]. Tableau 2 Devenir des grossesses chez 12 femmes dont le corticosurrénalome a été diagnostiqué pendant la grossesse ou dans le postpartum. Pregnancy outcome in 12 patients diagnosed with adrenocortical carcinoma during their pregnancy or in the postpartum period. Complications fœtales

Complications maternelles

1 2 3 4 5

Prématuré (31 SG), RCIU RCIU (PN : 2047 g) Acct normal à terme Prématuré (35 SG) Mort fœtale in utero (33 SA)

HTA, diabète – Hémorragie postpartum – –

6

HTA

7 8 9 10

Prématuré, RCIU (27 SG, PN : 1500 g) Prématuré (30 SG) Acct normal à terme Acct normal à terme Prématuré (34 SG)

– – – HTA, diabète

11 12

ITG (21 SG) Acct normal à terme

HELLP syndrome/éclampsie –

RCIU : retard de croissance intra utérin ; SG : semaine de grossesse ; HTA : hypertension ; PN : poids de naissance ; ITG : interruption thérapeutique de Grossesse ; Acct : accouchement.

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A: Survie Globale

5

B: Survie sans récidive

1.00

1.00

0.75

0.75

0.50

0.50

0.25

0.25

Femmes enceintes au moment du diagnosc Témoins appariés

0.00

0 0

50

100

150

200

0

250 (mois)

50

100

150

200

250

Fig. 2. A et B. Courbe actuarielle de survie (A) et survie sans récidive (B) chez 12 femmes atteintes de corticosurrénalome et dont le diagnostic a été fait pendant la grossesse ou dans le postpartum (courbe pointillée) comparé à 24 patientes appariées 2/1 sur l’âge, la période de suivi, le stade de la tumeur à la découverte, la sécrétion (courbe noire). Les courbes ont été construites par la méthode de Kaplan-Meier. Les comparaisons entre les 2 courbes ont été faites par un modèle de régression proportionnelle de Cox. La grossesse était associée à une survie significativement plus courte (P = 0,013) et une survie sans récidive également plus courte sans que cette dernière différence ne soit significative (p = 0,20). Voir réf [14] pour plus de détails. Overall survival (A) and disease-free survival (B) in 12 women whose CS was diagnosed during pregnancy or in the postpartum period compared to 24 controls matched 2/1 on age, period of follow-up, stage at diagnosis, secretion. Survival curves were constructed by the Kaplan-Meier method and were compared, with the significance of differences between curves being assessed with Cox’s proportional hazards regression models. Survival (A) and disease-free survival (B) curves are shown in dashed lines (–––) for pregnant or postpartum patients and in black lines (––) for matched nonpregnant patients. Pregnancy was associated with a shorter survival (P = 0.013) and a shorter disease-free survival in pregnant patients, although this last difference was not statistically significant (P = 0.20). See ref [14] for more details.

3.2. Matériel et méthodes

3. Quel risque comporte une grossesse chez une femme antérieurement traitée pour un CS ? 3.1. Objectif de l’étude Considérant l’effet délétère de la grossesse sur le pronostic des tumeurs lorsqu’elles sont découvertes chez des femmes enceintes, les études in vitro sur la prolifération des cellules surrénaliennes sous l’effet des hormones sexuelle et l’effet stimulant d’une grossesse sur la sécrétion de cortisol par une tumeur surrénalienne dans un certain nombre de situations cliniques bien explorées, il est souvent déconseillé à une femme d’entreprendre une grossesse lorsqu’elle a été traitée pour un CS. Mais ce conseil est donné par précaution sur des arguments indirects. L’effet d’une grossesse sur le pronostic d’un CS antérieurement traité n’avait jamais été étudié jusqu’à il y a peu de temps. Afin de donner une information la plus complète et la plus objective possible à des femmes souhaitant un enfant alors qu’elles ont été traitées pour un CS, nous avons entrepris une étude rétrospective utilisant la base de donnée du réseau European Network for the Study of Adrenal Tumors (ENSAT) [26]. Nous avons inclus toutes les patientes des centres franc¸ais et allemands souhaitant participer ayant été enceintes au moins 3 mois après la chirurgie initiale d’un CS. Nous avons ainsi pu décrire les données au diagnostic et l’évolution de ces patientes ainsi que les données concernant leur grossesse. Afin d’évaluer l’influence de la grossesse sur le pronostic de leur tumeur, nous avons apparié chacune de ses femmes ayant été enceintes avec des femmes contrôle traitées sur la même période dans un des centres ENSAT participants. Pour citer cet article : Raffin-Sanson http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024

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Les données de 270 femmes en âge de concevoir (15 à 47 ans) ont été reprises à partir des bases de données franc¸aises et allemandes du réseau ENSAT. Six femmes enceintes au moment du diagnostic ont été exclues. Parmi les patientes restantes, 17 ont été enceintes au moins une fois durant le suivi. La durée médiane entre la chirurgie et la date des dernières nouvelles était de 8,4 années (3,2 à 33 ans) pour les femmes ayant été enceintes et de 6,9 ans (2,1 à 26,2) pour les femmes n’ayant pas été enceintes. La durée médiane de suivi depuis la conception était de 5,3 ans (1,5 à 31,5 ans). Les données au diagnostic des femmes ayant été enceintes ont été comparées à celles des 247 femmes de 15 à 47 ans n’ayant pas été enceintes après le diagnostic. Pour les analyses de survie globale et survie sans récidive, les femmes ayant été enceintes ont été appariées 1 pour 2 à des femmes sans grossesse ayant un pronostic a priori aussi proche que possible : même tranche d’âge, période de diagnostic, même stade ENSAT d’extension au diagnostic, même statut de résection après la chirurgie. Ki67 et prescription de mitotane en adjuvant étaient également comparables. Les témoins devaient aussi avoir survécu au moins le temps compris entre la chirurgie et l’accouchement de la patiente avec grossesse à laquelle elles étaient appariées. 3.3. Résultats 3.3.1. Âge et caractéristiques des 17 patientes au diagnostic L’âge moyen au diagnostic pour les femmes ayant été enceintes était 28,12 ± 5,86 ans (moyenne ± SD), significativement inférieur à l’âge des femmes n’ayant pas eu de grossesse :

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34,28 ± 7,90 (p = 0,002). Les dosages hormonaux ont montré que 13/17 patientes du groupe avec grossesse avaient des tumeurs sécrétantes (76,5 %), soit cortisol (n = 7) et/ou des androgènes (n = 10), et/ou des minéralocorticoïdes ou des précurseurs (n = 2). Il n’y avait pas de différence significative avec les femmes n’ayant pas été enceintes durant le suivi. Il n’y avait pas de différence non plus entre les 2 groupes sur la taille de la tumeur. En revanche, les patients ayant été enceintes au cours du suivi avaient des tumeurs moins agressives au diagnostic : 2/17 (11,8 %) avaient des tumeur de stade 1, 13 (76,5 %) avaient des tumeurs stade 2 et seulement 2/17 (11,8 %) avaient des tumeurs découvertes au stade 3. Ainsi, presque 90 % de ces patients avaient des tumeurs limitées à la surrénale au moment du diagnostic. Dans le groupe des femmes sans grossesse, moins de la moitié avaient des tumeurs limitées à la surrénale au diagnostic tandis de ¼ des patients avaient une tumeur de stade 3 et un peu plus du ¼ une tumeur métastatique au diagnostic. Cette différence était statistiquement significative (p = 0,003). Le score de Weiss était un peu plus élevé dans le groupe de femmes sans grossesse de même que le Ki67, la différence n’était toutefois pas significative. 3.3.2. Traitement re¸cu Toutes les patientes du groupe avec grossesse ont bénéficié d’un traitement chirurgical permettant la résection complète de la tumeur. Douze patientes sur 17 ont rec¸u du mitotane en traitement adjuvant (pourcentage comparable à celui du groupe sans grossesse) et cinq patientes en on rec¸u en traitement curatif lors d’une rechute (voir ci-dessous). 3.3.3. Pronostic des grossesses Treize patientes ont eu une seule grossesse et 4 patientes ont été enceintes 2 fois. La durée médiane entre la chirurgie initiale et la conception était de 48 mois (4 à 144 mois) pour la première grossesse. L’âge moyen de la mère à l’accouchement ou à l’interruption de grossesse était de 33,3 ans (23 à 47 ans). Deux grossesses ont été interrompues à 8 semaines en raison de la crainte d’un effet délétère de la grossesse sur le développement de la tumeur dans un cas, d’une conception sous mitotane dans un autre cas. Aucune autre grossesse n’a débuté sous mitotane, ce traitement ayant été interrompu soit en raison d’une rémission prolongé, soit pour permettre la grossesse. Dans ce dernier cas, la mitotanémie était indétectable lors de la conception. Sept patientes avaient une insuffisance surrénale persistante qui a été substituée pendant la grossesse. Seize femmes ont donné naissance à 19 enfants, 9 garc¸ons et 10 filles, dont 5 enfants nés par césarienne. Aucune complication maternelle ou fœtale grave n’a été observée en dehors d’une malformation cardiaque chez un nouveau né (sténose aortique et sténose de l’artère pulmonaire) opérée à j7. L’enfant se porte bien à 7 ans. 3.3.4. Pronostic maternel: Des 17 patientes ayant été enceintes et suivies sur une médiane de 8 ans (2,8 à 33 ans). L’une est décédée de sa tumeur et cinq ont rechuté. Pour citer cet article : Raffin-Sanson http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024

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Trois patientes ont rechuté avant d’être enceintes : • P12 a été opérée à 17 ans (2003) d’un CS secrétant du cortisol et des androgènes, stade ENSAT 3, Score de Weiss à 3, Ki67 à 10 %. La chirurgie a été complétée par une irradiation du lit tumoral mais pas de mitotane. En septembre 2006, elle subit l’ablation d’une métastase pulmonaire unique. En janvier 2010, elle met au monde un petit garc¸on BP au terme d’une grossesse non compliquée et n’a plus rechuté jusqu’à présent ; • P16 est opérée à l’âge de 26 ans d’un CS de 15 cm, stade ENSAT 3, score de Weiss à 8. Du mitotane est débuté. Trois mois plus tard une rechute est observée dans le lit tumoral et elle présente dans le même temps des métastases hépatiques. Une reprise chirurgicale est indiquée ainsi qu’une chimiothérapie systémique par cisplatine, vepeside et mitotane et une radiothérapie. Dix ans plus tard, en l’absence de nouvelle évolution, le mitotane est arrêté pour permettre la grossesse. La mitotanémie était indétectable lors de la conception. Elle accouche d’une petite fille à 39SG au terme d’une grossesse compliquée d’une maladie de Basedow. Il n’y a aucun signe d’évolution tumorale 18 mois après l’accouchement ; • chez P13, le diagnostic de CS a été porté à l’âge de 18 ans (1998). Il s’agissait d’une tumeur de 4 cm, stade ENSAT 1, Weiss à 5. Trois ans plus tard (juin 2001) deux métastases hépatiques ont été traitées par chimiothérapie et chimioembolisation (cisplatin lipiodol). Six métastases hépatiques en juin 2002 et 16 métastases en juillet 2003 ont été traitées de la même fac¸on. Aucun signe de progression tumorale n’a été observé depuis. En 2006, elle accouche d’un garc¸on au terme d’une grossesse non compliquée. En décembre 2013, un cancer du sein est diagnostiqué. Elle est actuellement en rechute de son cancer du sein. Deux patientes ont rechuté après leur grossesse : • P7 a été prise en charge en 2011 pour un CS stade ENSAT 2, Weiss à 5. Huit mois plus tard, elle débutait une grossesse et à 40 SG, accouchait d’une petite fille bien portante. Un mois après l’accouchement, des métastases pulmonaires étaient détectées et retirées chirurgicalement. Un traitement par mitotane était débuté. Quelques mois plus tard (avril 2013), des métastases médiastinales nécessitaient l’adjonction de cisplatine, étoposide et doxorubicine. Après une période de stabilisation, une progression tumorale conduisait au décès en août 2014 ; • P10 a été prise en charge pour un CS secrétant du cortisol en 2006, à l’âge de 39 ans. La tumeur est réséquée de fac¸on apparemment complète (stade 2, Weiss 5, Ki67 à 30 %). Un traitement adjuvant par mitotane est donné un an. Un an après l’arrêt, elle débute une grossesse mais choisit de l’interrompre. Trois ans plus tard, elle développe des métastases hépatiques et des ganglions rétropéritonéaux qui sont retirés chirurgicalement. Le mitotane est repris. En novembre 2014, elle restait en rémission complète.

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Fig. 3. A et B Courbe actuarielle de survie (A) et survie sans récidive (B) chez 17 femmes atteintes de CS et ayant été enceintes durant le suivi (traits pointillés) et de contrôles appariés, n’ayant pas été enceintes durant le suivi (traits continus). Overall survival (A) and disease-free survival (B) in 17 women with CS, pregnant during the follow-up (dotted curves) or matched controls not pregnant during the follow-up (solid curves).

Afin d’évaluer l’influence de la grossesse sur le pronostic de la tumeur, chaque patiente ayant été enceinte a été appariée avec 2 patientes de pronostic initial similaire et ayant survécu au moins la durée comprise entre leur chirurgie initiale et le terme de leur grossesse. La survenue d’une grossesse n’était pas associée à une diminution de la survie. Au contraire, une seule femme ayant été enceinte est décédée durant le suivi contre 8 dans le groupe des patientes non enceintes appariées (p = 0,15). La survie sans récidive était légèrement plus courte parmi les femmes du groupe apparié, sans que cette différence soit significative non plus (p = 0,54) (Fig. 3 A et B). 3.4. Quels conseils donner à une femme opérée d’un CS et souhaitant une grossesse ? De fac¸on un peu paradoxale, la découverte d’un CS durant une grossesse est un facteur indépendant de mauvais pronostic mais le fait d’être enceinte à distance du traitement ne semble pas être associé à un pronostic plus défavorable. Ce paradoxe est également observé pour le cancer du sein : une grossesse survenant à distance du traitement initial d’une tumeur mammaire n’est pas associée à un surcroît de mortalité par cancer [27–28]. Pour citer cet article : Raffin-Sanson http://dx.doi.org/10.1016/j.ando.2016.04.024

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Peut on donc complètement rassurer les femmes traitées pour un CS et affirmer qu’une grossesse n’augmente en rien le risque de rechute ou d’évolution de leur tumeur ? Quelques éléments incitent à la prudence. . .. Les femmes considérant une grossesse constituent un groupe de femmes autosélectionnées ce qui introduit un biais évident. Ce biais appelé dans la littérature anglo-saxonne « healthy mother effect » est induit par le fait que seulement des femmes se sentant en bonne santé envisagent être enceintes. Elles constituent possiblement un groupe de meilleur pronostic, ce qui pourrait masquer une augmentation du risque de rechute du fait de la grossesse. Même si les femmes avec grossesse et les témoins sont appariées le maximum d’éléments pronostics (âge, stade, résection, Ki67, traitement adjuvant par mitotane. . .), un certain nombre de facteurs n’ont pas été pris en compte comme par exemple le statut marital. Or on sait que pour tous les cancers étudiés, le fait d’être marié est un facteur de bon pronostic par rapport aux patients célibataires, séparés ou divorcés [29,30]. Il faut noter toutefois que les patientes de cette étude avaient pour la majorité d’entre elles des tumeurs stade 1 ou 2 au diagnostic et qu’aucune n’avait de maladie macroscopiquement évolutive au moment de la conception. Il n’est pas certain que le résultat puisse être extrapolé à des tumeurs plus invasives. Cette étude ne comporte « que » 17 patientes, un recrutement rendu possible grâce au réseau international ENSAT. C’est beaucoup compte tenu de la rareté de la pathologie, mais le petit nombre de femmes inclues reste une limitation évidente. Enfin, même si l’évolution du CS n’est pas favorisée par la grossesse, il faut souligner que le pronostic de ces tumeurs reste sombre et qu’un certain nombre de ces femmes ne verront pas grandir leur enfant. Le pronostic des enfants est dans l’ensemble bon, à l’exception de 2 ITG (dont une grossesse débutée sous mitotane) et d’une malformation cardiaque dans une des 19 grossesses menées à terme. Le mitotane donné à 12 des 17 femmes avant leur grossesse ne semble pas avoir eu d’impact négatif sur les enfants, en particulier sur leur fonction surrénalienne. La malformation cardiaque rapportée (sténose aortique et pulmonaire ayant nécessité une chirurgie cardiaque précoce) est décrite dans 1/1500 naissances et n’a probablement pas de lien. Une seule grossesse a débuté sous mitotane et la patiente a préféré une ITG. Même quelques grossesses décrites sous mitotane ne confirment par l’action très tératogène de la molécule, il y a trop peu de données pour conclure. Les autres patientes avaient interrompu le traitement en vue de la grossesse ou parce qu’il n’était plus indiqué. Dans les quelques cas où la mitotanémie avait était mesurée, celle-ci était indétectable. La question de savoir combien de temps il serait souhaitable pour les patientes d’attendre avant un projet d’enfant n’est pas tranché. Pour ce qui est de la prise de mitotane, il semble prudent d’avoir une mitotanémie sanguine nulle avant de concevoir, ce qui peut signifier un délai de sevrage de 2 à 3 ans du lysodren si la mitotanémie était efficace auparavant. Cependant, les données de la littérature sont maigres sur le sujet. Pour la chimiothérapie de type étoposide-sels de platine, la demi-vie de ces molécules est très brève (30 min pour le cisplatine et 90 min pour l’étoposide) et ils ne sont pas stockés dans les tissus, donc

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a priori il n’y a plus de risque d’exposition dès que la chimiothérapie est stoppée. Le cisplatine est d’ailleurs même autorisé au 2 et 3e trimestre de la grossesse [31]. Le problème est ici d’ordre éthique car l’emploi de ces molécules dans le CS suppose une maladie métastatique non opérable avec un pronostic vital mis en jeu. La réserve est donc à l’obtention d’un état de rémission avec un recul suffisant (par exemple 5 ans) pour le projet de parentalité. 4. Conclusion Ainsi, les tumeurs de la surrénale ont un développement et une évolutivité modulée par les hormones sexuelles, du moins pour certaines d’entre elles. Ceci est en particulier bien démontré pour le CS. Les mécanismes moléculaires par lesquels ces tumeurs acquièrent une réponse aux hormones sexuelles restent à préciser même si l’expression des récepteurs des hormones sexuelles fait partie du processus. La découverte d’un CS chez une femme enceinte reste une situation très rare mais dramatique. La prise en charge dépend du stade de la grossesse et de l’extension de la tumeur. Elle vise au maximum à obtenir une exérèse chirurgicale complète, si possible, en préservant la grossesse. Elle doit résulter d’une discussion entre le chirurgien, l’obstétricien, l’endocrinologue et les parents. Le pronostic est dans la majorité des cas très sévère pour l’enfant et pour la mère. En revanche, pour une femme antérieurement traitée pour un CS et qui débute une grossesse, le pronostic ne semble pas être plus défavorable que pour les femmes n’ayant pas été enceintes, en sachant que le biais de sélection (« healthy mother effect ») peut avoir masqué un excès de risque et que la petite taille de notre série reste une limitation. Toutefois, notre étude montre que les femmes traitées pour un CS et en capacité d’avoir un enfant peuvent non seulement ne pas avoir un risque de rechute supérieur mais même avoir un pronostic plus favorable que les femmes n’ayant pas souhaité ou n’ayant pas pu être enceintes. Même si un biais de sélection est possible, un effet biologique spécifique à la grossesse ne peut être exclu. Faire la part de ces deux possibilités est un enjeu pour des études futures. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Abiven G, Coste J, Groussin L, Anract P, Tissier F, Legmann P, et al. Clinical and biological features in the prognosis of adrenocortical cancer: poor outcome of cortisol-secreting tumors in a series of 202 consecutive patients. J Clin Endocrinol Metab 2006;91:2650–5. [2] Fassnacht M, Johanssen S, Quinkler M, Bucsky P, Willenberg HS, Beuschlein F, et al. German Adrenocortical Carcinoma Registry Group, European Network for the Study of Adrenal Tumors. Limited prognostic value of the 2004 International Union Against Cancer staging classification for adrenocortical carcinoma: proposal for a Revised TNM Classification. Cancer 2009;115:243–50. [3] Assié G, Letouzé E, Fassnacht M, Jouinot A, Luscap W, Barreau O, et al. Integrated genomic characterization of adrenocortical carcinoma. Nat Genet 2014;46:607–12.

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