Grossesse et médicaments

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Grossesse et médicaments Chapitre 19 P.F. Ceccaldi, D. Luton CRAT (www.lecrat.org) ou les recommandations régulièrement publiées des différentes i...

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Grossesse et médicaments

Chapitre

19

P.F. Ceccaldi, D. Luton

CRAT (www.lecrat.org) ou les recommandations régulièrement publiées des différentes instances (CNGOF, HAS).

PLAN D U C H A P IT RE Classification des médicaments et consommation en cours de grossesse Modifications pharmacologiques induites par la grossesse Absorption Distribution et variations protéiques sériques maternelles Métabolisme Élimination Pharmacologie placentaire Pharmacologie fœtale et risque d'exposition Métabolisme fœtal Tératogenèse, toxicité fœtale et néonatale Principaux médicaments à risque fœtal Médicaments à risque tératogène important Dérivés de la vitamine A Risque fœtal Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, aspirine), inhibiteurs de la Cox2 (Celebrex®) Inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC, énalapril), antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (Losartan®) Médicaments inducteurs enzymatiques Risque néonatal Antidépresseurs, benzodiazépines, neuroleptiques Bêtabloquants (propanolol, Avlocardyl®) Antibiotiques Que faire en cas d'exposition ?

Pathologies maternelles et grossesse © 2014, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Particularites des vaccins au cours de la grossesse Conclusion

Points clés  L'administration d'un ou plusieurs médicaments en cours de grossesse répond à une double exigence, ne pas nuire à la mère, ne pas interférer avec le développement fœtal.  Les femmes porteuses d'une maladie chronique doivent bénéficier d'une consultation préconceptionnelle.  Tout praticien ne doit pas hésiter à s'informer auprès de bases de données comme le

La grossesse est un moment privilégié, source de plusieurs modifications physiologiques en vue d'assurer le bon développement de l'enfant. De nombreux xénobiotiques dont les médicaments ont le potentiel d'affecter son déroulement, mais aussi de retentir sur le devenir néonatal. Pour autant, il ne faut pas récuser systématiquement tout traitement sous peine de prendre des risques pour la santé de la femme au cours de sa grossesse. Il existe différentes situations de prise ­médicamenteuse au cours de la grossesse : une pathologie chronique préexistante pour laquelle la poursuite d'un traitement est indispensable (épilepsie, asthme, dépression, diabète, etc.), des pathologies intercurrentes survenant pendant la grossesse chez une patiente jusque-là en bonne santé (infections, traumatismes, etc.), des pathologies ou circonstances exclusivement obstétricales (maturation cervicale en vue d'induire l'entrée en travail, menace d'accouchement prématuré), et enfin des pathologies fœtales (tachycardie supraventriculaire, goitre thyroïdien).

Classification des médicaments et consommation en cours de grossesse

D'une manière générale, et malgré l'inquiétude que les médicaments génèrent, leur prise en cours de grossesse est un phénomène fréquent dans les pays industrialisés. Le pourcentage de femmes enceintes prenant au minimum un médicament au

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cours de la grossesse est de 39 % en Irlande à plus de 96 % en Allemagne. En France, plusieurs enquêtes ont également mis en évidence une consommation non négligeable de médicaments pendant la grossesse avec une moyenne de 11 à 13 médicaments par femme enceinte [1, 2]. Les classes thérapeutiques consommées par les femmes enceintes sont de façon majoritaire les compléments alimentaires dont le fer, les vitamines, et les antalgiques, du paracétamol principalement.

Modifications pharmacologiques induites par la grossesse

Les modifications physiologiques liées à état de grossesse ont un impactnotable sur la pharmacocinétique des médicaments et leur métabolisme.

Absorption L'absorption gastrique est modifiée dès le début de la grossesse par la présence de nausées et de vomissements et par l'augmentation du pH gastrique. Par ailleurs, la motricité intestinale diminue, ce qui augmente l'absorption intestinale surtout des substances hydrophiles. Pour les autres modes d'absorption, la voie cutanée tant par l'hydratation que par l'augmentation de la surface corporelle et l'augmentation du flux sanguin cutané est une voie d'absorption accrue tout au long de la grossesse. Sans que les répercussions cliniques soient particulièrement préoccupantes, la biodisponibilité, ou fraction de la dose de médicament administré qui atteint la circulation générale, peut être ainsi modifiée tout au long de la grossesse, dans un sens ou dans l'autre.

Distribution et variations protéiques sériques maternelles L'albumine est la protéine la plus abondante des protéines plasmatiques. L'α-1 glycoprotéine acide (AAG) est présente dans des proportions plasmatiques 50 à 100 fois moins importantes que l'albumine. Elle participe au processus de réparation tissulaire, à la coagulation et à la réaction inflammatoire, et sa concentration varie aisément lors d'une situation pathologique. Les médicaments se fixent à l'albumine ou à l'A AG, en fonction de leur caractéristique acido-basique. Tout au long de la

grossesse, la concentration en albumine diminue de façon plus accentuée (de 32,2–43,2 g/L à 24,0– 38,2 g/L, à terme) que celle de l'A AG (0,33–1,03 g/L à 0,27–1,10 g/L à terme).

Métabolisme Les familles les plus décrites des enzymes impliquées dans le métabolisme des médicaments sont le cytochrome P450 (CYP), l'uridine diphosphate glucuronosyltransférase (UGT) et la N-acétyltransférase (NAT). Au cours de la grossesse, les isoenzymes CYP et UGT ont une activité enzymatique hépatique qui varie. L'isoenzyme la plus importante de la famille des cytochromes P450 est la CYP3A4 qui contribue pour 60 % de l'activité globale des cytochromes. Son activité tant hépatique qu'intestinale est augmentée tout au long de la grossesse jusqu'à deux à trois fois supérieure par rapport au postpartum [3]. L'œstradiol et la progestérone ont au cours de la grossesse des concentrations plasmatiques jusqu'à 100 fois supérieures par rapport à une femme non enceinte. Il existe toutefois des variations de concentrations de ces hormones en fonction du terme de la grossesse, surtout à l'approche de l'accouchement, de la parité et de l'ethnie [4]. L'action résultante des hormones stéroïdiennes via la modulation de l'expression de leurs récepteurs peut être, suivant leur concentration, synergique, additive ou antagoniste. Par exemple, l'action inhibitrice de la progestérone sur les récepteurs ER-α tout au long de la gestation avec pour conséquence une myorelaxation est levée à l'approche de la parturition et permet une mise en place progressive des contractions utérines [5]. Le cortisol, transporté pour 75 % par la ­corticosteroid-binding protein (CBG) et 15 % par l'albumine, a une concentration plasmatique deux fois supérieure lors de la grossesse ainsi qu'une action promotrice sur l'expression des CYP via les récepteurs de type CAR et PXR. Son action est ainsi double, par exemple l'activation via CAR de CYP2B6 par les estrogènes est potentialisée par le cortisol [6]. Ainsi, l'augmentation du métabolisme de certains médicaments par la femme enceinte, permet de réduire l'exposition fœtale.

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Élimination La majorité des molécules est éliminée dans les urines, soit sous forme inchangée, soit sous forme de produits de dégradation. Dès le début de la grossesse, la filtration glomérulaire augmente de 80 % environ, par augmentation du débit sanguin rénal, diminution de la résistance vasculaire rénale et augmentation du débit cardiaque [7]. La fraction libre plasmatique des substances augmentant au cours de la grossesse, leur filtration glomérulaire est ainsi augmentée. Mais par ailleurs, le taux de filtration glomérulaire est ralenti au cours des trois dernières semaines de gestation. Ceci peut avoir des conséquences pour les médicaments non métabolisés comme le lithium dont l'élimination rénale exclusive nécessite une adaptation des posologies. La demi-vie des médicaments hydrophiles éliminés préférentiellement par le rein, est donc significativement diminuée. Anderson, dans une revue de la littérature, considère qu'un ajustement très variable d'un traitement à l'autre, de l'ordre de 20 à 65 %, est nécessaire au cours de la grossesse [8]. Les autres voies (salivaires, pulmonaire, etc.) sont usuellement négligeables par rapport aux voies rénale et hépatique.

Pharmacologie placentaire Le développement de l'unité fœto-placentaire est une  situation unique qui demande une adaptation rapide de la physiologie maternelle. Cette adaptation se poursuit jusqu'à la préparation de l'accouchement. Le placenta possède une activité d'échange, de protection fœtale plus ou moins spécifique contre les xénobiotiques et une importante fonction endocrinienne. La grossesse peut aussi se compliquer de certaines situations pathologiques concomitantes accentuant ces modifications et pouvant être responsable d'une toxicité fœtale accrue. Les échanges placentaires décrits dans la littérature se rapportent principalement au placenta ayant son architecture aboutie, de type hémochorial, soit à compter du 3e  mois de grossesse, le cytotrophoblaste ayant cessé de proliférer pour ne subsister qu'en amas cellulaire sous le syncytiotrophoblaste, délimitant les cotylédons maternels. Les échanges entre sang maternel et sang fœtal se font à travers un ensemble de structures les séparant et formant la « barrière

fœto-­maternelle » : endothélium capillaire, basale du capillaire, tissu conjonctif villositaire, couche cellulaire cytotrophoblastique, deux basales séparées par un feutrage fibrillaire, et enfin le syncytium trophoblastique. Cette barrière placentaire s'amincit tout au long de la grossesse, pouvant entraîner une variation conséquente du passage des xénobiotiques. Le transfert des médicaments varie aussi suivant leurs caractéristiques moléculaires. Il s'effectue le plus souvent par diffusion passive pour les molécules de faible poids moléculaire (≤ 600 Da), non ionisées, lipophiles et dépend d'autres paramètres : facteurs placentaires (terme, surface, épaisseur, vascularisation, métabolisme), maternels ou fœtaux (liaisons protéiques, pH sanguin, vascularisation, métabolisme). Certains composés naturels (oxygène, dioxyde de carbone, lipides) sont également transférés par diffusion passive. Les échanges placentaires peuvent être aussi facilités comme pour le glucose, ou actifs (acides aminés, électrolytes, vitamines), ou s'effectuer de façon minoritaire par endocytose [9]. Le placenta exprime aussi des protéines de transport dont l'activité nécessite de l'énergie (transport actif) : transporteurs transmembranaires d'influx et d'efflux (MDR1, BCRP) régulant le passage de nombreux xénobiotiques et médicaments [10]. La répartition de ces protéines induit une certaine « polarisation » de la diffusion transplacentaire suivant leur positionnement sur le versant maternel ou fœtal. L'administration chez la femme enceinte de molécules ayant une action inhibitrice de la MDR1 ou de BCRP pourrait donc en théorie favoriser le passage placentaire d'autres médicaments substrats de ces transporteurs. L'activité métabolique placentaire varie aussi avec le terme de la grossesse [11]. Elle semble néanmoins de faible importance, mais est à prendre en considération pour certains toxiques qu'elle rend actif, comme par exemple pour le cytochrome CYP1A1 qui est mobilisable par les composés du tabac au niveau placentaire, mais pas au niveau hépatique [12].

Pharmacologie fœtale et risque d'exposition

Les atteintes pour l'enfant diffèrent principalement suivant le terme de la grossesse : ­tératogenèse

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au premier trimestre, toxicité fœtale ou néonatale pour le reste de la grossesse et dans les jours suivant la naissance (tableau 19.1).

Métabolisme fœtal Le métabolisme fœtal est difficilement appréciable faute d'accès aisé permettant des prélèvements itératifs, d'une certaine rapidité de l'évolution en fonction du terme et de l'absence d'extrapolation complète avec les modèles in  vitro ou animaux. Certains paramètres intervenant lors de la diffusion d'une substance varient chez le fœtus par rapport à la femme enceinte. En premier lieu, le pH fœtal en fin de gestation est de 0,1 à 0,15 unités inférieur au pH sanguin maternel. Ce gradient de pH favorise l'accumulation des médicaments basiques du côté fœtal et inversement pour ceux acides. Une acidose fœtale, par exemple lors d'une souffrance fœtale aiguë accentue ce gradient de pH et entraîner une accumulation de molécules basiques comme la bupivicaïne [13]. L'albumine a approximativement la même concentration que celle maternelle à terme, mais la concentration plasmatique en AAG est inférieure à celle de la mère. Le foie fœtal est formé à la fin du 1er trimestre. Néanmoins, la circulation fœtale échappant pour 30–70 % à son passage via la veine ombilicale, privilégiant la vascularisation cérébrale et cardiaque, le métabolisme hépatique est faible en regard de celui de la femme enceinte [14]. L'activité des CYP et des UGT a été mise en évidence chez le fœtus. CYP3A7 est l'isoenzyme prédominante, représentant plus de 50 % de l'activité enzymatique des cytochromes P450 hépatiques fœtaux, ainsi que le CYP3A4 mais avec une expression hépatique plus faible [15]. Son expression chute fortement après la naissance. Tableau 19.1. Définitions des risques embryofœtaux encourus. Effets tératogènes : effets malformatifs liés aux expositions lors des 10 premières semaines d'aménorrhée Effets fœtotoxiques : retentissement fœtal ou post-natalà type d'atteinte de la croissance, de la maturation histologique ou fonctionnelle des organes en place au-delà de 10 SA Effets néonataux : liés le plus souvent à des expositions survenues en fin de grossesse ou pendant l'accouchement

L'élimination fœtale passe aussi par les protéines d'efflux dont l'expression, particulièrement pour MDR1 a été mise en évidence dès le second trimestre de gestation [16]. Les enzymes hépatiques favorisant la formation de métabolites conjugués hydrophiles, il peut exister une exposition prolongée s'ils sont excrétés dans le liquide amniotique à compter du 5e mois de gestation.

Tératogenèse, toxicité fœtale et néonatale Les risques encourus pour le fœtus sont conditionnés par la période d'implantation (J1–J14), de développement embryonnaire (J15–J60) ou de tératogénicité puis de fœtotoxicité (à compter de J61 jusqu'au terme). La fréquence des malformations dans la population générale est estimée entre 2 et 3 % des naissances. La base de données des médicaments à éviter au cours de la grossesse est constamment réactualisée sur le site du Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT, http://www.lecrat.org). Le risque néonatal au décours de la grossesse existe aussi, comme une dépression respiratoire après administration maternelle de morphiniques, d'hypoglycémie par les bêtabloquants. Le risque à distance existe aussi comme en témoigne l'exposition in utero au distilbène. La durée d'exposition, la demi-vie d'un médicament sont des éléments déterminants en plus de la posologie d'administration. Les éléments favorisant une toxicité fœtale ou néonatale sont donc variés : durée d'exposition du fœtus au médicament, vascularisation des différents organes fœtaux, liaison protéique plasmatique, maturité des récepteurs tissulaires du médicament, capacité du fœtus à éliminer la substance, en plus des capacités enzymatiques du foie fœtal.

Principaux médicaments à risque fœtal

Médicaments à risque tératogène important Ces médicaments ont des effets tératogènes démontrés chez l'Homme et certains animaux car

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ils passent la barrière placentaire. En cas d'exposition in utero, surtout au 1er trimestre de la grossesse, des anomalies morphologiques doivent être recherchées à l'échographie.

épileptiques à prévoir la grossesse en optant, si possible, pour un autre traitement.

Dérivés de la vitamine A

La warfarine est connue pour donner un syndrome polymalformatif dans 4 à 6 % des cas comprenant une dysmorphie faciale avec des os propres du nez courts ou absents, une hypoplasie des dernières phalanges des extrémités, et des calcifications osseuses prématurées. Des anomalies cérébrales ont aussi été rapportées à type de microcéphalie, d'hydrocéphalie, ou d'atrophie des voies optiques et sont une indication à réaliser une IRM cérébrale fœtale. Néanmoins, compte tenu des circonstances de prescription et surtout du bénéfice maternel attendu, par exemple pour les patientes porteuses de valve mécanique, il convient d'anticiper le traitement anticoagulant en fonction du terme de gestation [18]. En pratique, pour les patientes dont l'avis d'un spécialiste de l'hémostase est en faveur de la poursuite des antivitamines K tout au long de la grossesse, les échographies se focaliseront sur la recherche d'une anomalie de la face, du squelette, une atteinte de la croissance fœtale. Pour les autres situations à risque thromboembolique maternel, la possibilité d'une grossesse et de ses risques sera discutée lors d'une consultation préconceptionnelle avec un relai par héparine de bas poids moléculaire.

Les dérivés de la vitamine A comme l'isotrétinoïne (Roaccutane®) peuvent entraîner des malformations du SNC, de l'oreille externe et du cœur. Actuellement, la prescription de ces traitements contre l'acné se fait exclusivement sous contraception orale avec la remise d'un carnet de suivi à la patiente. Si une grossesse survient, la patiente doit être orientée vers une consultation de diagnostic anténatal. Une interruption médicale de grossesse peut être discutée dans ces circonstances. L'acitrétine (Soriatane®) provoque des malformations du squelette et impose une contre-indication de la grossesse dans les 2 ans suivant l'arrêt du traitement, car il existe une accumulation possible dans l'organisme. Lithium (Neurolithium®, Téralithe®)

Le lithium est connu pour être responsable de malformations cardiaques (canal artériel, CIV) dans 4 à 8 %. Il est préférable, après avis d'un spécialiste des troubles bipolaires dont souffre la patiente, de modifier le traitement si une grossesse est envisagée. En cas de grossesse, et surtout d'exposition in utero au cours des 2 premiers mois de gestation, la patiente doit bénéficier d'un suivi en diagnostic anténatal avec une échocardiographie fœtale vers 22–24 SA. Les posologies doivent être adaptées en fonction des lithiémies mensuelles voire hebdomadaires en fin de grossesse. Enfin, des cas d'hydramnios ont été rapportés et donc une surveillance de la quantité de liquide amniotique est recommandée. Antiépileptiques (valproate de sodium, Dépakine® ; carbamazépine, Tégrétol®)

Certains antiépileptiques (valproate, carbamazépine) peuvent entraîner des anomalies de fermeture du tube neural (spina bifida). Le valproate favorise également des anomalies des membres, de la face, des cardiopathies et à distance il a été montré une atteinte du développement intellectuel [17]. La prévention des anomalies par acide folique aux posologies habituelles n'est pas efficace, la prévention consiste pour les patientes

Anticoagulants oraux (antivitamine K, warfarine, Coumadine®)

Antithyroïdien de synthèse (carbimazole, Néomercazole®)

Le carbimazole est un antithyroïdien de synthèse pour lequel des malformations isolées ou associées ont été décrites [19] : aplasie du cuir chevelu, atrésie des choanes, fistule œso-trachéale, et plus rarement des dysmorphies faciales, voire des atteintes de la paroi abdominale à type d'omphalocèle et de gastroschisis. En cas de désir de grossesse, le carbimazole sera préférentiellement remplacé au premier trimestre par le propylthiouracile (PTU, Propylex®), s'il n'y a pas trop de risque de déséquilibre profond de la fonction thyroïdienne maternelle qui sera régulièrement contrôlée (T4l, T3l, TSHus). Le carbimazole sera ensuite repris du fait des atteintes hépatiques maternelles décrites pour le PTU. Une surveillance de la thyroïde fœtale est aussi recommandée sous ­traitement, d'autant

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plus si les TRAK (anticorps antirécepteurs à la thyréostimuline) sont positifs. Ce suivi de la thyroïde fœtale est possible à partir de 18 SA, de façon mensuelle, associant mesure de la fréquence cardiaque fœtale et mobilité. L'avance de la maturation osseuse par observation des points d'ossification doit être recherchée dès 25 SA si les TRAK sont positifs ou à partir de 32 SA s'il y a traitement par antithyroïdien de synthèse. Anticancéreux, antimitotiques

Les antimitotiques sont à proscrire en cas de grossesse et surtout au premier trimestre de gestation. Par exemple, le méthotrexate (Ledertrexate®, Imeth®), un agent antagoniste de l'acide folique, utilisé dans le traitement de certaines maladies inflammatoires digestives et auto-immunes de type lupus, l'est aussi dans le traitement médical des grossesses extra-utérines. Il est source de malformations crâniennes à type de craniosténose, d'une atteinte faciale (dysmorphie), d'un retard de croissance intra-utérin et de cardiopathies congénitales. Mycophénolate (Cellcept®, Myfortic®)

Le mycophénolate est un des traitements immunosuppresseurs qui ont permis les progrès de la transplantation d'organes. Il existe un risque de fausse couche de l'ordre de 50 % en début de gestation et un tableau malformatif a été décrit lors d'une administration au 1er trimestre touchant la face avec une atteinte de la formation de l'oreille externe, une fente labio-palatine voire narinaire, une migrognathie. Une patiente ayant un projet de grossesse doit bénéficier d'une consultation préconceptionnelle afin de modifier son traitement immunosuppresseur si ce dernier comprend du mycophénolate. Virostatiques (ribavirine, Copegus®, Rebetol® ; éfavirenz, Sustiva®)

La ribavirine est un analogue nucléosidique de la guanosine utilisé contre le virus de l'hépatite C principalement, en association avec l'interféron et classé catégorie X par la FDA. Dans l'attente de données plus complètes issues de registre sur une exposition in utero, il reste contre-indiqué chez la femme enceinte car un effet tératogène a été décrit chez l'animal. L'éfavirenz est un antirétroviral analogue non nucléosidique inhibiteur de la transcriptase inverse du VIH-1. Il est inhibiteur du cytochrome P450. Lors de son utilisation au 1er trimestre de la

grossesse, des cas de non-fermeture du tube neural ont été rapportés, une méta-analyse récente donnant une incidence de 0,07 % [20, 21]. Il est donc recommandé d'éviter cette molécule au 1er trimestre de la gestation. Misoprostol (Cytotec®)

Initialement médicament antiulcéreux, le misoprostol est un analogue de synthèse des prostaglandines (PGE1) abondamment employé en gynécologie-obstétrique, sans avoir l'autorisation de mise sur le marché mais de façon consensuelle (traitement des fausses couches spontanées et des interruptions de grossesse, des hémorragies du postpartum dans certains pays). Lors de la poursuite d'une grossesse après exposition au 1er trimestre, des malformations ont été décrites telles qu'un syndrome de Moebius ou paralysie centrale des 6e et 7e paires crâniennes, un faciès rétrognathe et un trismus, des anomalies distales des membres. La physiopathologie évoquée serait une mauvaise vascularisation fœtale suite aux contractions utérines induites par le misoprostol. Une étude récente relève 4,2 % d'anomalies fœtales, soit un peu plus des 2–3 % de malformations dans la population générale [22]. Des morts fœtales ont aussi été décrites au dernier trimestre, avec ou sans rupture utérine du fait des contractions utérines.

Risque fœtal Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, aspirine), inhibiteurs de la Cox2 (Celebrex®) Des cas ont été rapportés de mort fœtale in utero sous AINS, d'enfants présentant une hypertension artérielle pulmonaire avec défaillance cardiaque droite en raison d'une fermeture prématurée du canal artériel. Les AINS inhibent la synthèse des prostaglandines. Il y a une contre-indication formelle à prescrire cette classe thérapeutique à compter 6  mois de grossesse, en dehors des circonstances propres à la prévention de certaines pathologies obstétricales comme la p­ ré-éclampsie, mais dans ce cadre l'aspirine est prescrite tôt et à faible posologie. L'exposition in utero à cette classe thérapeutique retentit aussi sur le rein fœtal se manifestant par un oligoamnios, voire une oligoanurie à la naissance. Enfin, le risque hémorra-

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recherche de signes de sevrage et de troubles de l'adaptation à la vie extra-utérine, surtout si la mère a consommé ces traitements au 3e trimestre : • imipraminiques (clomipramine, Anafranil ®) : risque de détresse respiratoire dès la naissance, avec polypnée, acidose, respiration irrégulière sans anomalie de la radiographie pulmonaire ; • inhibiteurs de recapture de la sérotonine (fluoxétine, Prozac®  ; paroxétine, Deroxat® ; citalopram, Seropram®) : risque de syndrome de sevrage néonatal ou de syndrome sérotoninergique, trémulations, hypertonie, troubles alimentaires, agitation/irritabilité, troubles respiratoires, hyperréflexie, pleurs incoercibles, troubles du sommeil ; • benzodiazépines (diazépam, nordazépam) : hypotonie axiale, troubles de succion, mauvaise prise de poids ; • neuroleptiques (phénothiazine, Tercian® ; chlorpromazine, Largactil ®) : syndrome extrapyramidal (hypertonie, mouvements anormaux, accès d'opisthotonos), signes atropiniques (tachycardie, distension vésicale, agitation, troubles digestifs avec retard d'émission du méconium, voire iléus paralytique, rare). En pratique, l'hydroxyzine (Atarax®), antihistaminique sédatif peut être prescrit quel que soit le terme de la grossesse. Les benzodiazépines (oxazepam, Seresta®) sont aussi autorisées chez la femme enceinte, n'ayant pas d'effet malformatif décrit à ce jour.

gique tant maternel que néonatal existe, induite par l'action antiagrégante plaquettaire.

Inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC, énalapril), antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (Losartan®) Les IEC et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II ont une action sur la fonction rénale fœtale, source d'oligoanurie, voire d'insuffisance rénale à la naissance. Des anomalies de la voute crânienne ont aussi été observées à la naissance chez des enfants exposés aux IEC. Il est donc recommandé de faire un relai par un autre antihypertenseur le plus tôt possible ou avant la grossesse, et de contre-indiquer le Losartan® aux 2e et 3e trimestres de grossesse.

Médicaments inducteurs enzymatiques Les inducteurs enzymatiques agissent sur les cytochromes hépatiques tant maternels que fœtaux, pouvant changer de façon significative la demi-vie d'autres médicaments. Les plus connus sont les antituberculeux, comme la rifampicine, les antiépileptiques (phénobarbital, carbamazépine). Une adaptation de posologie peut être nécessaire au cours de la grossesse, ainsi qu'une prévention du risque hémorragique par déficit en vitamine K en per partum. Cette prévention se fait par prescription à la femme enceinte au dernier trimestre de vitamine K1 orale. Il existe aussi un déficit en vitamine D et donc un risque d'anomalie du bilan phosphocalcique, qui doit être compensé par un apport oral.

Bêtabloquants (propanolol, Avlocardyl®) Les bêtabloquants sont connus pour favoriser les hypoglycémies néonatales, ainsi que des bradycardies chez l'enfant. Enfin, la croissance fœtale doit être surveillée pendant la gestation ainsi que le doppler ombilical car des retards de croissance intra-utérins ont été décrits chez les patientes sous traitement au long cours. Cependant, le propanolol est le bêtabloquant qui génère le moins de complications néonatales et doit être préféré aux autres bêtabloquants.

Risque fœtale L'évaluation du risque néonatal doit être, dans la mesure du possible, faite en ante-partum. Certains médicaments nécessitent une surveillance de l'enfant dès la naissance en prévention de troubles respiratoires, d'hypoglycémies, etc.

Antidépresseurs, benzodiazépines, neuroleptiques

Antibiotiques

Pour ces classes thérapeutiques, une surveillance à la naissance doit être mise en place à la

Certains antibiotiques ont des effets néonataux comme les tétracyclines qui donnent

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une c­oloration jaune des dents ou l'atteinte ­cochléo-vestibulaire par la streptomycine décrite dans les années soixante. L'ototoxicité et la néphrotoxicité ont été révélées pour les aminosides et en moindre importance, pour des concentrations élevées de vancomycine, l'une comme l'autre classe étant utilisable en cas de nécessité. Pour la famille des quinolones, des anomalies du développement des cartilages de croissance ont été rapportées chez l'animal, néanmoins une métaanalyse récente n'a pas mis en évidence de malformations chez les enfants exposés in utero [23].

Que faire en cas d'exposition ? Il faut distinguer le cas d'une patiente porteuse d'une maladie chronique nécessitant un traitement potentiellement dangereux pour le fœtus, du cas d'une patiente prenant un traitement et ne se sachant pas enceinte. Il faut rappeler que la prévalence des malformations fœtales dans la population générale est approximativement de 2 à 3 %, moins de 5 % étant liées à une cause médicamenteuse. La première situation demande de s'entourer d'un spécialiste de la maladie chronique afin d'évaluer au mieux les risques de la maladie chronique, et de son traitement, sur la gestation et inversement. Il peut être dangereux pour la mère d'interrompre un traitement en cours de grossesse. La consultation préconceptionnelle a toute sa place dans cette indication et devrait être proposée largement. La seconde situation demande de consigner les circonstances de la prise médicamenteuse : durée, quantité et indication. Pour un médicament ayant un potentiel tératogène connu, il faut savoir s'il a été consommé au 1er trimestre, pendant l'organogenèse. L'évaluation du bénéfice maternel et du risque fœtal sont à détailler aussi car il existe des situations à risque maternel lors de l'arrêt du traitement. La poursuite ou non de la grossesse suivant ces éléments peut être discutée dans certains cas.

Particularites des vaccins au cours de la grossesse

• agents vivants atténués : rougeole, oreillons, rubéole (ROR), fièvre jaune, varicelle, BCG, poliomyélite, rotavirus ; • sous-unités d'agents infectieux : hépatite B, HPV, coqueluche ; • toxines inactivées : tétanos, diphtérie. Parmi ces différentes classes, seuls les vaccins inactivés et certains, faits de sous-unités, sont possibles (hépatite B, coqueluche). Une femme enceinte vaccinée récemment contre l'HPV peut être rassurée sur l'exposition fœtale potentielle. Pour certains vaccins, tel celui contre la fièvre jaune, le mieux est d'éviter les zones d'endémie et de ne se faire vacciner que s'il y a impératif majeur à s'y rendre. Les vaccins vivants atténués ont le risque potentiel de passer la barrière placentaire. En pratique, il n'y a pas lieu d'interrompre la grossesse si une femme enceinte est vaccinée par ce type de vaccin. La grossesse, surtout chez une patiente à risque (diabétique, obèse), est une recommandation pour le vaccin contre la grippe suivant l'avis du Haut Conseil de la Santé Publique. En effet, les femmes enceintes surtout aux 2e et 3e trimestres de gestation sont plus à risque de complications pulmonaires et cardiovasculaires. Par ailleurs, il existe un passage transplacentaire des anticorps maternels antigrippaux qui protège l'enfant dans les premiers mois de vie.

Conclusion L'administration d'un ou plusieurs médicaments en cours de grossesse répond à une double exigence, ne pas nuire à la mère, ne pas interférer avec le développement fœtal. Les femmes porteuses d'une maladie chronique devraient bénéficier d'une consultation préconceptionnelle dont l'intérêt serait d'être étendue à l'ensemble de la population afin d'éviter toute automédication inappropriée. Enfin, tout praticien ne doit pas hésiter à s'informer auprès de bases de données comme le CRAT (www.lecrat.org) ou les recommandations régulièrement publiées des différentes instances (CNGOF, HAS).

Références

Les vaccins sont à classer en fonction de leur principe actif, suivant leur origine : • agents infectieux inactivés : grippe, choléra, peste, hépatite A ;

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