Crise vaso-occlusive orbitaire chez un enfant drépanocytaire

Crise vaso-occlusive orbitaire chez un enfant drépanocytaire

Rec¸u le : 27 septembre 2011 Accepte´ le : 23 mars 2012 Disponible en ligne 27 avril 2012 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Fait cli...

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Rec¸u le : 27 septembre 2011 Accepte´ le : 23 mars 2012 Disponible en ligne 27 avril 2012

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com



Fait clinique

Crise vaso-occlusive orbitaire chez un enfant dre´panocytaire Orbital bone infarction in a child with homozygous sickle cell disease L. Tostivinta,*, D. Pop-Jorab, E. Grimprelb, B. Quinetb, E. Lespritb a

Service de pe´diatrie ge´ne´rale, hoˆpital intercommunal de Cre´teil, 40, avenue de Verdun, Cre´teil, France b Service de pe´diatrie ge´ne´rale, universite´ Pierre-et-Marie-Curie, hoˆpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, Paris, France

Summary

Re´sume´

Vaso-occlusive crises are the most common complication of sickle cell disease. Orbital bone infarction is an unusual manifestation of sickling disorders. It is suspected in patients with acute painful periorbital swelling. Orbital compression syndrome with possible optic nerve injury is a rare but serious complication; therefore, this diagnosis should be considered. Orbital infarction can be difficult to distinguish from osteomyelitis or skin infections. Imaging can be helpful in differentiating infection from infarction. We report a case of orbital bone infarction in a 14-year-old boy with sickle cell disease. Under medical treatment, the clinical course resolved with no sequelae. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les crises vaso-occlusives compliquant les syndromes dre´panocytaires majeurs peuvent dans de rares cas concerner l’os de l’orbite. Elles s’accompagnent alors d’une tume´faction locale importante qui peut mimer une infection osseuse ou cutane´e et poser des difficulte´s diagnostiques. L’imagerie peut s’ave´rer utile pour diffe´rencier un infarctus osseux d’un processus infectieux. Nous rapportons le cas d’un enfant dre´panocytaire homozygote SS hospitalise´ pour une crise vaso-occlusive craˆnienne avec localisation orbitaire pre´dominante ayant entraıˆne´ un œde`me douloureux pe´ri-orbitaire. L’e´volution avait e´te´ favorable sous traitement me´dical. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

2. Cas clinique

Les crises vaso-occlusives (CVO) des syndromes dre´panocytaires majeurs concernent pre´fe´rentiellement les os longs et les verte`bres mais peuvent toucher tous les os, y compris les os du craˆne. L’atteinte de l’os de l’orbite est peu commune et quelques cas seulement ont e´te´ rapporte´s dans la litte´rature [1–3]. Le tableau clinique associant douleur et œde`me pe´riorbitaires explique la difficulte´ du diagnostic diffe´rentiel avec une infection osseuse ou cutane´e. L’imagerie s’ave`re une aide pre´cieuse au diagnostic. Il peut exister un risque visuel par compression des structures nerveuses optiques.

Un garc¸on de 14 ans, dre´panocytaire homozygote SS, souffrait de ce´phale´es non soulage´es les antalgiques oraux de palier 1. Dans ses ante´ce´dents, on notait une premie`re CVO a` l’aˆge de 5 mois, puis de nombreuses CVO osseuses et abdominales qui avaient ne´cessite´ la mise en route d’un traitement par hydroxyure´e a` l’aˆge de 9 ans. A` 12 ans il avait pre´sente´ un syndrome thoracique aigu. L’e´pisode re´cent avait de´bute´ brutalement par des ce´phale´es intenses, en casque, accompagne´es de deux vomissements, sans fie`vre associe´e. L’examen clinique notait une hyperesthe´sie du craˆne et une dysesthe´sie de la le`vre infe´rieure gauche. Le reste de l’examen neurologique e´tait normal, sans syndrome me´ninge´ ni trouble oculomoteur. Le bilan biologique montrait un taux d’he´moglobine a` 7,1 g/dL

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] 0929-693X/$ - see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.arcped.2012.03.016 Archives de Pe´diatrie 2012;19:612-615

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alors que la valeur habituelle de l’enfant e´tait a` 7,2 g/dL ; il n’y avait pas d’hyperleucocytose. La tomodensitome´trie ce´re´brale avec injection re´alise´e en urgence permettait d’e´liminer un accident vasculaire ce´re´bral et montrait l’inte´grite´ de la vouˆte et de la base du craˆne. Un traitement symptomatique de CVO par hyperhydratation intraveineuse (2,5 L/m2 par jour) et antalgiques (parace´tamol et nalbuphine) e´tait instaure´. Le traitement habituel par oracilline, acide folique et hydroxyure´e e´tait poursuivi. Deux jours apre`s le de´but des symptoˆmes, une hypoesthe´sie du menton et une tume´faction pe´ri-orbitaire gauche importante, douloureuse, non e´rythe´mateuse, sans fie`vre associe´e e´taient apparues. L’examen ophtalmologique effectue´ au 4e jour en raison de l’aggravation des signes locaux mettait en e´vidence un œde`me indure´ douloureux important de l’he´miface gauche avec une diplopie verticale et une limitation de l’e´le´vation de l’œil gauche. Au niveau de l’œil droit, un œde`me palpe´bral supe´rieur et infe´rieur mode´re´ souple, sans atteinte de la motilite´ ni chemosis e´tait observe´ ; l’acuite´ visuelle des 2 yeux e´tait normale. Les segments ante´rieurs e´taient normaux ainsi que le fond d’œil avec des papilles a` bords nets. Le bilan biologique montrait alors des globules blancs a` 10 300/ mm3, une prote´ine C re´active (CRP) se´rique a` 88 mg/L et une procalcitonine infe´rieure a` 0,5 ng/mL. Le taux d’he´moglobine

e´tait stable a` 7,4 g/dL. Un scanner du massif facial centre´ sur les orbites avec injection montrait une infiltration des tissus mous pe´ri-palpe´braux et de la face a` gauche, une hypertrophie de la glande lacrymale gauche avec exophtalmie et une plage hypodense au niveau des tissus mous intra-orbitaires en regard du canthus externe gauche. Il n’y avait pas de le´sion osseuse (fig. 1). Devant l’ensemble de ces re´sultats, les hypothe`ses diagnostiques e´voque´es e´taient une CVO de l’orbite avec un œde`me sous-cutane´ re´actionnel, une cellulite pe´ri-orbitaire et une oste´omye´lite orbitaire avec abce`s sous-pe´rioste´. Malgre´ l’apyrexie et un syndrome inflammatoire biologique mode´re´, une antibiothe´rapie orale par amoxicilline-acide clavulanique e´tait instaure´e. L’e´volution e´tait rapidement favorable avec au 6e jour un examen ophtalmologique confirmant la diminution de l’œde`me de l’he´miface gauche et la disparition des troubles de la mobilite´ oculaire et de la diplopie. Au 8e jour, le traitement antalgique par nalbuphine et l’hyperhydratation intraveineuse e´taient arreˆte´s devant la disparition des douleurs. Le lendemain, le retour a` domicile e´tait possible avec une poursuite de l’antibiothe´rapie pour une dure´e totale de 7 j. Le diagnostic retenu e´tait celui d’une CVO des os du craˆne avec atteinte pre´fe´rentielle de l’orbite et œde`me re´actionnel en regard.

[(Figure_1)TD$IG]

Figure 1. Tomodensitome´trie orbitaire : a : coupe axiale, sans injection de produit de contraste : infiltration des tissus mous intra-orbitaires en regard du canthus externe, hypertrophie de la glande lacrymale homolate´rale avec exophtalmie ; b : coupe coronale : plage hypodense au sein des tissus mous intraorbitaires ; c : coupe axiale, feneˆtre osseuse : inte´grite´ de l’os orbitaire.

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L. Tostivint et al.

3. Discussion La localisation orbitaire des CVO dre´panocytaires est rare chez l’enfant. Elle semble concerner plus souvent le sujet jeune ayant des ante´ce´dents de CVO fre´quentes [4]. La symptomatologie initiale associe des ce´phale´es, un œde`me orbitaire parfois bilate´ral et une limitation de la motilite´ oculaire. L’examen ophtalmologique note le plus souvent un chemosis et une exophtalmie. Le pronostic visuel peut eˆtre engage´ en cas d’atteinte post-septale, entraıˆnant des troubles de la motilite´ oculaire, une hypoesthe´sie de la corne´e, voire une atteinte du nerf optique avec le risque d’un syndrome de compression orbitaire [5,6]. La compression du nerf optique est secondaire a` l’inflammation locale provoque´e par l’infarctus osseux mais aussi a` la formation d’he´matomes orbitaires sous-pe´rioste´s. Un traitement chirurgical est parfois ne´cessaire afin d’e´vacuer l’he´matome pour de´comprimer les structures nerveuses [5,6]. L’utilisation de corticoı¨des par voie intraveineuse est parfois ne´cessaire et efficace [6]. La prise en charge de la douleur doit eˆtre rapidement mise en œuvre en milieu hospitalier. Elle repose sur l’association d’antalgiques a` une hyperhydratation le plus souvent par voie intraveineuse (2,5 L/m2 par jour). En cas de CVO osseuse d’intensite´ mode´re´e, les antalgiques de palier 1 tels que le parace´tamol et les anti-inflammatoires non ste´roı¨diens (AINS) sont associe´s aux antalgiques de palier 2 (code´ine, nalbuphine). Une utilisation des antalgiques de palier 3 (morphiniques) est ne´cessaire si la douleur est insuffisamment soulage´e ou si elle est intense d’emble´e [7]. Dans notre observation, les AINS n’avaient pas e´te´ utilise´s par crainte d’une cellulite pe´ri-orbitaire ou d’une oste´omye´lite orbitaire. Cependant, la nalbuphine associe´e au parace´tamol avaient permis une analge´sie efficace. L’e´volution des CVO orbitaires semble ge´ne´ralement favorable. Du fait de la gravite´ potentielle que repre´sente le syndrome de compression orbitaire, le diagnostic doit eˆtre e´voque´ et une e´valuation ophtalmologique re´alise´e. Dans notre observation, les ce´phale´es isole´es initiales e´voquaient principalement une CVO du craˆne. L’apparition secondaire de l’œde`me pe´ri-orbitaire sans fie`vre ni signes inflammatoires biologiques, nous avaient oriente´ vers une CVO du craˆne avec une localisation orbitaire secondaire. Par la suite, les troubles de la motilite´ oculaire avec limitation de la verticalite´ et l’exophtalmie avaient rapidement re´gresse´. Une antibiothe´rapie par voie orale par amoxicilline- acide calvulanique avait e´te´ instaure´e dans la crainte d’une cellulite pe´riorbitaire, le scanner du massif facial n’excluant pas formellement l’hypothe`se d’un abce`s ou d’une cellulite des tissus en regard de l’orbite. Dans la dre´panocytose, le diagnostic diffe´rentiel entre une CVO et une infection osseuse est souvent difficile, du fait d’une pre´sentation clinique similaire associant un œde`me inflammatoire, de la fie`vre et des douleurs. Cela peut entraıˆner un retard diagnostic. Or, la distinction est importante car la prise en charge the´rapeutique est diffe´rente. La CVO

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ne´cessite un traitement symptomatique de la douleur tandis que l’infection osseuse justifie une antibiothe´rapie prolonge´e et souvent un geste chirurgical. Les parame`tres biologiques inflammatoires et les pre´le`vements bacte´riologiques, quand ceux-ci sont contributifs, peuvent aider a` la de´marche diagnostique, mais c’est surtout l’imagerie qui semble eˆtre l’outil comple´mentaire utile, notamment l’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM), pour diffe´rencier un infarctus osseux orbitaire d’une infection locale, que ce soit une oste´omye´lite de l’orbite ou une cellulite pe´ri-orbitaire. L’IRM avec injection de gadolinium, semble plus sensible que les autres techniques d’imagerie mais ne permet pas le plus souvent de distinguer formellement l’infarctus osseux d’une oste´omye´lite [8,9]. Ne´anmoins, en cas d’oste´omye´lite, on observe apre`s injection de gadolinium un rehaussement en plage alors qu’il apparaıˆt serpigineux et fin en cas d’infarctus osseux [10,11]. La tomodensitome´trie semble moins sensible pour diffe´rencier infarctus osseux orbitaire et processus infectieux, mais permet d’orienter plus facilement le diagnostic de cellulite orbitaire par la pre´sence de signes d’infiltration orbitaire. Dans notre observation, le diagnostic de cellulite n’avait finalement pas e´te´ retenu, de meˆme que l’infection osseuse orbitaire, en raison de l’e´volution clinique rapidement favorable.

4. Conclusion La CVO orbitaire, bien qu’il s’agisse d’une complication peu habituelle de la dre´panocytose, doit eˆtre e´voque´e chez un patient ayant un œde`me pe´ri-orbitaire douloureux. De plus, parce que des complications locales engageant le pronostic visuel sont possibles bien que rares. Et d’autre part, parce que la prise en charge the´rapeutique qui en de´coule est diffe´rente de celle d’une oste´omye´lite ou d’une cellulite pe´ri-orbitaire.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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