Critères pharmacocinétiques du choix d'un antibiotique pour l'antibioprophylaxie en chirurgie

Critères pharmacocinétiques du choix d'un antibiotique pour l'antibioprophylaxie en chirurgie

CONFERENCE DE CONSENSUS © Masson, Paris. Ann FrAnesth Reanim, 13 : S 34-S 44, 1994 Crit res pharmacocin6tiques du choix d'un antibiotique pour I'ant...

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CONFERENCE DE CONSENSUS

© Masson, Paris. Ann FrAnesth Reanim, 13 : S 34-S 44, 1994

Crit res pharmacocin6tiques du choix d'un antibiotique pour I'antibioprophylaxie en chirurgie Pharmacokinetic criteria for the choice of an agent for antibiotic prophylaxis in surgery R. GARRAFFO, D. PHARM Unit6 de Pharmacocin6tique Clinique, HOpital Pasteur, CHU de Nice, BP 69, 06002 Nice Cedex.

RteSUMI~ : L'optimisation de l'antibioprophylaxie en chirurgie passe par le choix judicieux de l'antibiotique, de sa posologie et du moment de son administration. Si les crit~res bact6riologiques sont, l'6vidence, impliqu6s dans ce choix, la connaissance de la pharmacocin6tique s6rique et tissulaire des antibotiques ainsi que l'interpr6tation des relations concentration/effet sont des informations incontournables. L'int6gration des param~tres pharmacocin6tiques et des 616ments de pharmacodynamique devrait permettre, sous contr61e d'essais th6rapeutiques appropri6s, de d6finir dans les ann6es h venir, les r6gles rationnelles du choix d'un antibiotique ~ vis6e prophylactique en chirurgie, prenant en compte le patient, l'6cologie bact6rienne et la nature de l'intervention.

1. INTRODUCTION

L'infection postop6ratoire reste un probl6me essentiel lors de la r6alisation d'un acte chirurgical. Ce risque est permanent en chirurgie, puisque l'on trouve des bact6ries pathog~nes dans plus de 90 % des plaies op6ratoires, au moment de la fermeture. Ces bact6ries, m~me peu nombreuses, peuvent prolif6rer car elles trouvent dans la plaie un milieu favorable (h6matome, isch6mie, 6panchements liquidiens d'origine sanguine et tissulaire...) ; de plus, l'acte chirurgical peut induire des modifications des d6fenses immunitaires qui perdent ainsi de leur efficacit6 [7]. M~me si les chiffres sont quelque peu controvers6s, il est actuellement admis qu'une moyenne de 30 % des patients hospitalis6s en chirurgie ont h l'admission, ou d6veloppent pendant leur hospitalisation, une infection, et dans certains h6pitaux am6ricains les infections en chirurgie repr6sentent 70 % des infections nosocomiales [2]. Le coot de ces infections est donc tr~s 61ev6, tant sur le plan financier que m6dical (morbidit6, mortalit6, qualit6 des suites op6ratoires). La pr6vention des infections lors des actes de chirurgie est donc un aspect important de la recherche en prophylaxie. Elle d6pend de nombreux facteurs, parmi lesquels : le type de chirurgie (propre, propre contamin6e, contamin6e ou sale) et la dur6e de l'intervention, la qualit6 du mat6riel et des locaux utilis6s, le <
d'antibiotiques. L'av~nement de l'antibioth6rapie avec la d6couverte de la p6nicilline et de la streptomycine, il y a un demi-si~cle environ, a laiss6 penser que le probl~me des infections postop6ratoires allait 6tre r6solu. En effet d~s 1939, GARLOCK et SEELEY [12] d6montraient que l'administration de sulfonamide en phase pr6op6ratoire r6duisait l'incidence des infections de paroi en chirurgie colorectale. Mais cette <
CRIT#RES PHARMACOCINI~TIQUES

~.

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exclusif, du choix optimal d'un antibiotique et de ses modalit6s d'administration. Nous envisagerons donc dans le cadre de cet article la connaissance des param6tres pharmacocin6tiques importants pour le choix d'une antibioprophylaxie et leur int6gration aux param6tres pharmacodynamiques importants pour l'utilisation des antibiotiques chez le patient devant subir un acte chirurgical. 2. RELATIONS ENTRE PHARMACOCINETIQUE DES ANTIBIOTIQUES ET PROPHYLAXIE ANTI-INFECTIEUSE EN CHIRURGIE

En 1969, POLK et LOPEZ-MAYOR [21], dans une 6tude prospective en double aveugle en chirurgie digestive, ont montr6 que l'administration de c6faloridine juste avant et apr~s l'intervention am61iorait de faqon significative la pr6vention des infections cicatricielles et intraabdominales. Les r6sultats obtenus 6taient directement corr616s ~. l'obtention de concentrations efficaces d'antibiotique dans le s6rum et au niveau de la plaie. Ce type d'6tude a permis la d6finition du principe de base de l'antibioprophylaxie en chirurgie : l'antibiotique doit ~tre pr6sent ~_ une concentration ~ efficace ~ au niveau de la plaie op6ratoire et des tissus environnants susceptibles d'6tre contamin6s, au moment de l'incision et en permanence pendant la dur6e de l'intervention. L'6tude des caract6ristiques de la p6ndtration tissulaire des antibiotiques est donc un 616ment majeur du choix d'une mol6cule pour la prophylaxie des risques infectieux en chirurgie. 2.1. P 6 n 6 t r a t i o n tissulaire d e s a n t i b i o t i q u e s

De nombreux facteurs sont susceptibles de modifier la concentration tissulaire d'un antibiotique. I1 s'agit notamment de la structure chimique et de la taille de la mol6cule, de sa solubilit6 dans l'eau et les graisses, de son degr6 de liaison au prot6ines, de la valeur de sa demi-vie d'61imination, de la pr6sence ou de l'absence d'une inflammation au site de diffusion, de la nature et de l'6tat d'ait6ration des membranes des capillaires des tissus concern6s, de la pr6sence de transporteurs, du rapport entre la surface d'6change et le volume de diffusion [4]. 2.1.1. Interpretation des dosages tissulaires

Beaucoup d'6tudes ont tent6 de corr61er les concentrations s6riques aux concentrations tissulaires d'antibiotique, mais de nombreux probl~mes sont apparus tant au niveau des m6thodes de dosage que de l'interpr6tation des ph6nom~nes observ6s. Un antibiotique pr6sent dans un tissu aura en fair la possibilit6 de se r6partir, en fonction de ses propri6t6s physico-chimiques et pharmacocin6tiques, entre trois secteurs: vasculaire, interstitiel et intracellulaire. Les bact6ries qui peu-

=

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vent contaminer les plaies op6ratoires se d6veloppent en g6n6ral darts le liquide interstitiel. De plus, lors d'une incision de la peau, il y a une augmentation significative, au niveau de la plaie, des fluides provenant des secteurs vasculaires et interstitiels. I1 est donc essentiel de d6finir les relations entre concentration d'antibiotique dans le sang et dans le liquide interstitiel. I1 faut, ~. ce niveau, attirer l'attention sur les erreurs d'interpr6tation possibles des dosages tissulaires d'antibiotiques, r6alis6s g6n6ralement ~_ partir d'homog6nats de tissus, inaptes h d6crire la distribution de l'antibiotique entre ces trois secteurs. Nous ne reviendrons pas sur les erreurs, bien-connues, inh6rentes au degr6 de contamination sanguine des divers 6chantillons tissulaires, mais insisterons plut6t sur la distribution de l'antibiotique au sein m6me du tissu. En effet, si l'on consid6re des antibiotiques peu liposolubles et franchissant difficilement les membranes biologiques, comme les [3-1actamines, la concentration de l'homog6nat traduira essentiellement la pr6sence de la mol6cule dans le liquide interstitiel. La valeur du dosage exprim6e par rapport au poids total de tissus aura <~sous-estim6 ~, cette concentration interstitielle, qui sera 6ventuellement jug6e trop faible, alors que l'antibiotique est principalement pr6sent au site o~) se d6veloppe l'infection. Au contraire, si l'on se r6f~re ~ des r6sultats obtenus avec des mol6cules liposolubles diffusant bien ~. travers les membranes biologiques comme les macrolides ou les fluoroquinolones, la concentration tissulaire totale ~ surestimera ,~ la concentration interstitielle et traduira surtout une concentration intracellulaire d'antibiotique qui sera d'abord int6ressante pour l'activit6 vis-~.-vis des bact6ries ~ d6veloppement intracellulaire (chirurgie vasculaire et infection des cellules endoth61iales). Ces probl~mes d'interpr6tation ont parfaitement 6t6 d6crits [8, 24] et sont illustr6s par le tableau I. Ce tableau montre les r6sultats de dosages d'antibiotiques au niveau du myom6tre et du muscle squelettique de lapin, dans le liquide interstitiel (obtenu par bulle de succion) et dans l'eau intra-

Tableau I. - - Problemes dosages tissulaires [21]

specifiques

d'interpretation

des

Rapports entre concentrations s6riques et tissulaires Antibi0tique C6famandole C6fotaxime C6foxitine Ciprofloxacine Enoxacine

Fluide interstitiel (bullede succi0n)

Fluide intracellulaire

H0m0g6nat tissulaire Muscle

Myom~tre

0,81 0,80 1,12 1,17 1,14

< 0,01 0,04 - 0,31 < 1 6- 7 3,6 - 4

0,15 0,11 0,23 6,1 1,4

0,48 < 0,10 0,54 3,6 1,7

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cellulaire (h l'aide de polynucl6aires). On remarque que dans le cas des [3-1actamines la concentration interstitielle est ~~ de la concentration interstitielle d'un facteur 1,2 ~5. 2.1.2. Principes gen6raux r6gissant la p6n~tration tissulaire des antibiotiques

Les points principaux ~ consid6rer sont: la nature des barri6res biologiques et les m6canismes de diffusion des antibiotiques ~ travers celles-ci, ainsi que le degr6 de fixation aux prot6ines du secteur vasculaire et extravasculaire. M6canismes de diffusion. De faqon sch6matique, on peut admettre qu'un antibiotique pr6sent dans le sang rencontre deux types de barri6res biologiques s'opposant ~ leur passage tissulaire. La p6n6tration vers les sites dits ~>, c'est-~-dire le SNC, l'~eil et la prostate, le passage se fera a travers des capillaires ~ 6pith61ium non poreux et les propri6t6s physico-chimiques (taille et liposolubilit6) des mol6cules deviendront alors le facteur limitant du passage tissulaire. Except6 pour la prostate, il existe dans la plupart des cas des ph6nom6nes de transport aetif qui favorisent l'influx ou l'efflux. Ceci explique en particulier le fait que des mol6cules tr6s peu liposolubles comme les 13-1actamines passent mal h travers les m6ninges non enflamm6es, alors que le chloramph6nicol et le m6tronidazole, tr6s solubles dans les graisses, se trouvent en grande quantit6 dans le LCR. Enfin, les sites d'excr6tion, comme les reins et le foie, sont des cas particuliers off l'on trouve de grandes quantit6s de m6dicament grglce h la raise en jeu de transporteurs actifs. Ces m6canismes de base peuvent 6tre largement modifi6s par plusieurs ph6nom6nes survenant au sein d'un tissu. Ainsi, lorsqu'il existe une effraction des tissus et une r6action inflammatoire, la perm6abilit6 vasculaire augmentera, favorisant largement le passage des mol6cules du secteur vasculaire vers le liquide interstitiel ; c'est ce qui explique qu'au cours de la phase initiale des m6ningites les p6nicillines et les aminoglycosides peuvent diffuser dans le LCR malgr6 leur hydrosolubilit6. De m6me, il peut se produire des ph6nom6nes de ~> ; c'est le cas avec les macrolides qui se fixent fortement sur les organites intracellulaires, ou lorsqu'il y a des modifications du pH local qui, en changeant le degr6 d'ionisation des -

-

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antibiotiques, modifiera aussi le degr6 de fixation aux prot6ines et la liposolubilit6 des antibiotiques pr6sents dans le milieu. Dans la majorit6 des cas, la concentration tissulaire sera fonction de ph6nom~nes de diffusion passive au sein de sites <~non sp6cialis6s >~ ; deux param6tres jouent dans ce cas un r61e important ; le rapport surface d'6change/volume de diffusion entre le fluide contenant l'antibiotique et le tissu, et le degr6 de liaison aux prot6ines plasmatiques et tissulaires. Le rapport entre la surface de diffusion et le volume de diffusion (S/V) est un facteur important de la pharmacocin6tique d'un antibiotique dans le liquide interstitiel ; il est r6gi par la loi de diffusion de FICK [29]: ds/dt = - DA.dc/dx avec : ds/dt = vitesse de transport des mol6cules dans le solut6 (ixg. s -1) dc/dx = gradient de concentration _(Ixg- cm -4) D = coefficient de diffusion (cm 2. s -l) A = surface de diffusion (cm z) Par analogie, on peut consid6rer que la concentration d'antibiotique au niveau de la plaie chirurgicale est directement proportionnelle ~ la surface disponible pour la diffusion de l'antibiotique et inversement proportionnelle au volume de liquide dans le tissu concern6. La plupart des tissus de l'organisme, y compris une plaie chirurgieale, pr6sentent un rapport S/V 61ev6, c'est-~-dire avec une large surface capillaire ~ travers laquelle l'antibiotique pourra diffuser dans un volume relativement faible de liquide interstitiel [22]. Au niveau de l'incision, c'est doric la phase liquide (d'origine vasculaire et tissulaire) qui constitue le site principal off risque de se d6velopper une bact6rie contaminante. Une des caract6ristiques des espaces extravasculaires ~ S/V 61ev6 est qu'ils ont une r6ponse rapide aux variations de concentrations s6riques de m6dicaments. Cela signifie que l'6quilibre sang/liquide interstitiel s'6tablit tr6s rapidement [3]. Ainsi, ROSEN et coll. [23] ont pu montrer chez le chien que les taux interstitiels de c6fazoline ou de gentamicine s'6quilibraient tr6s rapidement avec ceux du s6rum. Dans ces conditions, on observera au niveau de la plaie des concentrations d'antibiotique libre tr6s proches et suivant les m6mes variations que celle du s6rum (fig. 1 A). Cela a 6t6 confirm6 avec la ceftazidime, la ceftriaxone et le timentin chez des volontaires sains ~ l'aide des mod61es de bulles de succion et de fils de coton implant6s en sous-cutan6 [18, 25, 33] ; les auteurs trouvent des taux d'antibiotiques comparables ceux du liquide interstitiel. Dans ces conditions, on peut admettre que les concentrations s6riques sont un bon reflet des concentrations au niveau de la plaie.

CRITERES PHARMACOCINETIQUES

)ose

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notamment antibact6rienne, de diffuser depuis le sang vers les tissus extravasculaires h travers les capillaires, d'6tre 61imin6e par filtration glom6rulaire ; • la fraction libre est tr~s rapidement en 6quilibre avec la fraction li6e darts un milieu donn6

)ose

Log ConC.

antlblo -tlque

llbre

(< 0,03 s).

Rapport

S/V

eleve

Rapport

S/V

faJble

Plasma _

_

_

Liquide

interstitiel

Fig. 1. - - Effets du r a p p o r t S/V sur le profil des concentrations libres plasmatiques et tissulaires des antibiotiques [3].

Cependant, certains sites anatomiques particuliers, comme les phlegmons, le p6ritoine, la pl6vre, le fluide synovial, ont un S/V faible induisant des 6changes entre les milieux extra et intravasculaire beaucoup plus lents et par cons6quent, n6cessitant un temps d'6quilibrage entre les deux compartiments beaucoup plus long (fig. 1 B). On en d6duit que le temps n6cessaire pour voir apparaitre l'antibiotique dans la plaie est inversement proportionnel au rapport S/V. Si ce rapport est faible, la concentration maximale dans ce type de site sera atteinte plus tardivement et sera souvent inf6rieure h celle du s6rum. Une 6tude [34] a valid6 ces hypotheses en 6tudiant la p6n6tration de 8 [3-1actamines dans du liquide p6riton6al. Dans ce cas on remarquera, comme l'indique la figure 1, que la mesure des concentrations plasmatiques h la fin de l'intervalle d'administration sous-estime les concentrations au niveau de la plaie. Tous ces 616ments impliquent que non seulement t o u s l e s antibiotiques ne se distribuent pas de faqon identique, tant en quantit6 qu'en qualit6, dans les tissus de l'organisme, mais qu'un antibiotique donn6 ne p6n6trera pas forc6ment dans les m6mes proportions dans t o u s l e s tissus. C'est pourquoi la notion de volume apparent de distribution, qui est un param6tre utile pour comparer les capacit6s de p6n6tration tissulaire de plusieurs antibiotiques, reste tr6s impr6cise et en tout cas insuffisante, si elle n'est pas compl6t6e d'informations pr6cises sur la p6n6tration au site concern6, pour orienter le choix en prophylaxie chirurgicale. - - R61e de la liaison aux prot6ines Tout m6dicament introduit dans l'organisme est susceptible d'interagir avec des mol6cules endog6nes, en particulier avec les prot6ines circulantes, essentiellement l'albumine. La liaison aux prot6ines est une r6action r6versible entre le site de liaison, qu'il soit s6rique ou tissulaire, et l'antibiotique. On admet q u e : • seule la forme libre du m6dicament est susceptible d'avoir une activit6 pharmacologique,

La connaissance de la liaison aux prot6ines d'un antibiotique est donc un param6tre h consid6rer avant l'utilisation clinique. L'antibiotique susceptible de se lier aux prot6ines in vivo subit diff6rents 6quilibres. La fraction libre sera rapidement en 6quilibre entre les diff6rents compartiments oh elle pourra diffuser (plasma et fluides tissulaires) et avec la fraction li6e au sein de chaque compartiment. Le pool d'albumine extravasculaire est tr6s sup6rieur ta celui du sang, mais le volume sanguin est si faible par rapport h celui des fluides extravasculaires que la concentration en albumine est sup6rieure dans le plasma. Ceci explique que si l'on mesure la concentration totale (libre + li6e) d'un antibiotique fortement li6 h l'albumine (comme les p6nicillines), les concentrations plasmatiques seront g6n6ralement sup6rieures aux extravasculaires, mais la quantit6 de forme libre est 6quivalente dans les deux sites (fig. 2). En revanche, il est logique de penser que les antibiotiques fortement li6s donneront moins de forme libre, susceptible de diffuser vers les tissus, que ceux faiblement li6s. C'est ce qu'ont d6montr6 HOFFSTEDT et WALDER [14] en trouvant une relation inverse entre le degr6 de fixation aux pro-

Epit61ium poreux

I Liquide interstitiel <~site ordinaire >~

Epith61ium norl

)oreux

Plasma

]

Liquide interstitel <,

I I I Equilibrerapide entre A et B, B + D
Equilibre lent avec E + F < A + C du fait d'unemauvaise liposolubilit6 ou de ph6nom6nes d'efflux et E < A

- - Concentration de m 6 d i c a m e n t 1i6 - - C o n c e n t r a t i o n de m 6 d i c a m e n t libre - - C o n c e n t r a t i o n totale de m 6 d i c a m e n t

Fig. 2. - - Modalit6s de distribution d ' u n antibiotique h partir du secteur vasculaire vers le liquide interstitiel des sites <> et <>( D ' a p r 6 s BARZA et CUCHURAL [4], modifi6).

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t6ines plasmatiques et la surface sous courbe de l'antibiotique libre dans le liquide de bulle de succion. On consid6rera qu'en r~gle g6n6rale, la connaissance du pourcentage de liaison d'un antibiotique aux prot6ines plasmatiques est un indicateur valable de sa diffusion tissulaire sur le plan quantitatif. Dans le cas des [3-1actamines par exemple, la surface sous courbe (SSC) de l'antibiotique libre dans le s6rum est un meilleur facteur pr6dictif du degr6 de p6n6tration dans les liquides extracellulaires que la SSC de l'antibiotique total. Par ailleurs, plus les concentrations s6riques d'antibiotique augmentent, plus les concentrations extravasculaires sont 61ev6es, y compris pour les mol6cules ~ forte liaison prot6ique. BERGAN [5] a ainsi d6montr6 qu'il existait une relation directe entre la SSC d'un antibiotique dans le s6rum et sa SSC dans les liquides extravasculaires. Ce ph6nom6ne n'est pas toujours lin6aire. En effet, si l'on prend l'exemple d'un tissu difficilement accessible h l'antibiotique du fait de barri~res biologiques particuli~res ou d'obstacles h sa diffusion (abc~s, fibrine...), l'augmentation des concentrations p6riph6riques sera plus faible. A l'inverse, si l'on utilise un antibiotique forte liaison prot6ique (ceftriaxone = 97 %) ~ des doses permettant une saturation des sites de fixation, la forme libre augmentera de fa~on telle que la diffusion tissulaire en sera largement favoris6e. Dans le m6me ordre d'id6e, une 6tude a montr6 que pour une concentration inf6rieure /t 150 Ixg/ mL, le c6fonicid 6tait fix6 h 96 % aux prot6ines alors qu'h une concentration sup6rieure ~ 400 I~g/ mL ce pourcentage chutait ~ 75 %. II est utile de signaler qu'une forte liaison aux prot6ines (> 90 %) expose h des risques d'interactions pharmacocin6tiques. Ainsi, certains auteurs ont d6crit un important passage de l'albumine plasmatique vers le secteur extravasculaire lors d'actes chirurgicaux majeurs, induisant des modifications consid6rables de la distribution des antibiotiques [16]. De m6me, l'administration d'h6parine en chirurgie cardiopulmonaire, par exemple, pourrait augmenter la concentration d'acides gras libres susceptibles d'entrer en comp6tition avec les antibiotiques pour la fixation sur l'albumine et favoriser la diffusion tissulaire de l'antibiotique. Des 6tudes ont montr6 que la circulation extracorporelle augmentait la concentration de la forme libre, du volume de distribution et de la demi-vie de la c6ftriaxone [17, 28]. II faut enfin rappeler que la liaison aux prot6ines joue un r61e au niveau de l'61imination des antibiotiques excr6t6s par filtration glom6rulaire, puisque l'augmentation du degr6 de fixation diminue proportionnellement la quantit6 d'antibiotique libre pouvant ~tre 61imin6e par ce m6canisme. Ceci explique que certaines c6phalosporines r6centes h forte liaison prot6ique pr6sentent une demi-vie d'61imination tr~s allong6e par rapport

R. GARRAFFO ET D. PHARM

aux mol6cules plus anciennes, ce qui, nous le verrons, peut 6tre avantageux pour des interventions chirurgicales de longue dur6e. La liaison aux prot6ines s6riques des antibiotiques, 61imin6s par s6cr6tion tubulaire, n'a que peu ou pas d'influence sur leur demi-vie d'61imination ; c'est le cas des p6nicillines qui ont des demi-vies d'61imination comparables, alors que leur degr6 de liaison aux prot6ines est tr~s variable. La cons6quence directe de ces propri6t6s est une diminution de la quantit6 d'antibiotique libre dans le plasma et les milieux extravasculaires pour des mol6cules h fixation sup6rieure ~ 80 % quand elles sont 61imin6es par s6cr6tion tubulaire et, par contre, une augmentation de la quantit6 d'antibiotique total darts le plasma sans modification de la fraction libre vasculaire ou extravasculaire pour celles 61imin6es par filtration tubulaire. Ces donn6es sont illustr6es par la figure 3 A, la cefmenoxime (liaison = 87 %) et le c6fotaxime (liaison = 37 %) sont 61imin6s par sdcr6tion tubulaire et la diff6rence de degr6 de liaison se traduit par une quantit6 de forme libre plus 61ev6e pour la moins li6e qui sera donc active plus longtemps (~ dose 6gale et sur une souche avec CMI identique). Sur la figure 3 B, la ceftriaxone (liaison = 97 %) et la ceftazidime (liaison = 37 %) sont 61imin6es par filtration glom6rulaire ; la forte liaison prot6ique de la ceftriaxone

~oncentration total~

I 100 10 "~

I

~

~

~

Cefmen.

01 I00

QConcentration fraction libr~

I0 I Ol 2

4

6

8

Q (C0ncentratlontotal)

Ol 100

(Concentration fraction llbr~

\\

6

12

®

24

Fig. 3. - - Profil pharmacocin6tique des fractions libres et li6es de cefmenoxime (cefmen.), c6fotaxime (c6fotax.), ceftazidime (ceftaz.), et ceftriaxone (ceftriax.) apr6s administration par voie i.v. de 2 g h des volontaires sains [22].

CRITI~RES P H A R M A C O C I N I ~ T I Q U E S

.,

se traduira par une plus faible quantit6 de forme libre initiale par rapport ~ celle de ceftazidime, mais h 8 h le r6sultat sera invers6, puisque la ceftriaxone est 61imin6e plus lentement. Au total, les SSC des formes libres des deux antibiotiques seront 6quivalentes. En ce qui concerne l'61imination biliaire des antibiotiques, int6ressante pour la chirurgie h6patique et digestive, il semble qu'un poids mol6culaire 61ev6 (> 500 kD) et un fort pourcentage de fixation aux prot6ines soient des crit6res favorisant cette voie d'61imination. A titre d'exemple, l'excr6tion biliaire du c6fotaxime (CFX), du moxalactam (MOX) et de la c6fop6razone (CPZ) est directement fonction de ces param6tres, puisque les concentrations biliaires par ordre d6croissant d'importance, sont. trouv6es avec : - - CPZ 90 %, 646 kD - - MOX 60 %, 521 kD - - CFX 37 %, 455 kD. En r6sum6, la plupart des m6canismes r6gissant la distribution des antibiotiques dans les tissus sont donc bien d6finis. L'intensit6 de la diffusion et la nature de la r6partition d'un antibiotique dans les diff6rents tissus de l'organisme sont la r6sultante de divers m6canismes variant selon les propri6t6s physico-chimiques de la mol6cule et le site de diffusion. Le pourcentage de liaison aux prot6ines plasmatiques n'est qu'un 616ment parmi d'autres ; la liposolubilit6 de la mol6cule et la valeur du rapport S/V au site de diffusion sont des param6tres tout aussi importants. La pr6sence d'une r6action inflammatoire ou d'une infection sont 6galement capables de modifier la p6n6tration tissulaire des antibiotiques en changeant la perm6abilit6 des capillaires, le pH local ou le taux de prot6ines. I1 est n6anmoins plus informatif de raisonner en tenant compte de la quantit6 de m6dicament libre au site d'action, plut6t qu'en concentration totale. Une forte liaison aux protdines retardera l'apparition de l'antibiotique dans le secteur extravasculaire et en diminuera la quantit6 totale pr6sente dans les tissus (sauf s'il a une affinit6 sup6rieure pour les prot6ines tissulaires), sans pour autant changer la proportion de forme libre qui reste 6gale h celle du plasma. En contrepartie, cette forte fixation permettra une 61imination plus lente des antibiotiques excr6t6s par filtration glomdrulaire, favorisant une dur6e d'activit6 plus longue. 2.2. Pharmacocinetique et choix de la voie et du moment d'administration d'un antibiotique en prophylaxie chirurgicale

Le choix de la voie et du moment d'administration d'un antibiotique h vis6e prophylactique en chirurgie est d6terminant pour l'obtention de concentrations <> au site de l'incision chirurgicale, au moment oh celle-ci est pratiqu6e et durant toute la dur6e de l'intervention. MSme

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si l'antibiotique choisi poss6de une bonne diffusion dans le tissu concern6 par l'intervention, une protection insuffisante peut appara~tre, du fait d'une administration par une voie mal adapt6e qui r6duira sa biodisponibilit6, ou encore par un moment d'administration trop pr6coce ou trop tardif. La vole d'administration conditionne en grande partie la quantit6 d'antibiotique et la vitesse avec laquelle celle-ci sera disponible au site de l'intervention chirurgicale. Plusieurs 6tudes ont montr6 que la voie orale ne permettait g6n6ralement pas l'obtention de concentrations s6riques et tissulaires suffisantes, avec de plus une fiabilit6 trop faible, du fait d'une r6sorption digestive variable et difficilement pr6dictible [20]. De plus, la n6cessit6 de maintenir la vacuit6 du tube digestif dans les heures qui pr6c6dent l'intervention n'est pas en faveur de cette vole. L'utilisation de la voie parent6rale (i.v. ou i.m.) permet d'6viter ces probl6mes. La vole intramusculaire a tendance ~ diminuer le pic s6rique, et donc tissulaire, et ~ retarder de 30 fi 60 min l'arriv6e de l'antibiotique au niveau de la plaie. Elle pr6sente en outre certaines contre-indications pour les patients avec troubles de l'h6mostase, et la qualit6 de la r6sorption peut 6tre alt6r6e chez les sujets ob6ses ou ayant une perturbation de la circulation sanguine musculaire. L'administration intraveineuse donne des concentrations s6riques d'antibiotique, vasculaires et extravasculaires, plus 61ev6es plus rapidement, avec une bonne fiabilit6. Les concentrations s6riques 61ev6es ainsi obtenues cr6eront un gradient favorable au passage tissulaire des antibiotiques. L'administration locale a parfois 6t6 propos6e sous forme de topiques liquides ou en poudre ~ appliquer directement au site de l'intervention chirurgicale. Les r6sultats obtenus sont actuellement trop controvers6s pour en d6finir les indications potentielles. C'est pourquoi, mis ~ part les cas o~ l'on recherchera uniquement une d6contamination du tube digestif (n6omycine, vancomycine) et pour lequel la voie orale constitue une approche satisfaisante, c'est g6n6ralement la voie parent6rale et surtout la voie intraveineuse (par son absence de contre-indications et sa fiabilit6) qui seront choisies. Le r61e primordial du moment d'administration de l'antibiotique, par rapport ~ l'acte chirurgical et au risque de contamination, a 6t6 d6crit pour la premi6re fois par M~LES et coll. [19]. Ceux-ci ont en effet d6fini une <>qui correspond au d61ai pendant lequel il est possible d'agir sur l'interaction h6te/bact6rie au niveau de la plaie op6ratoire. Ils ont montr6, ~t l'aide d'un mod61e animal d'infection ~ S. a u r e u s par vole cutan6e, que la p6nicilline devait 6tre administr6e au moins simultan6ment aux bact6ries pour avoir un effet protecteur ; au-del& d'un d61ai de 2 ~ 3 heures cet antibiotique perdait toute activit6. C'est en 1969,

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que POLK et LOPEZ-MAYOR [21] remarqu6rent, pour la premi6re fois chez l'homme, que la c6faloridine administr6e en phase pr6op6ratoire diminuait le risque d'infection postop6ratoire au niveau de la plaie, en chirurgie digestive. Ces r6sultats ont 6t6 confirm6s par la suite [27]; l'administration ~ des patients de c6fazoline, h diff6rents moments des phases pr6 et postop6ratoire, cause moins d'infections postop6ratoires dans le groupe trait6 en phase pr6op6ratoire. Il semble donc tr6s important d'administrer l'antibiotique juste avant l'intervention, ce qui, par ailleurs, doit permettre d'obtenir les concentrations tissulaires les plus 61ev6es au moment de l'incision. La figure 4 montre l'importance du choix du moment de l'antibiotique selon les caract6ristiques d'61imination de celui-ci.

Incision

Incision

A

\\~L

,X, R~-administration

0

2

4

6

B

2

4

6

Administration lors du d6part au bloc Administration ~ l'induction de l'anesth6sie A = Antibiotique/~ demi-vie courte B = Antibiotique ~t demi-vie longue Fig. 4. - - Importance du m o m e n t d'administration d ' u n antibiotique par rapport au d6but de l'acte chirurgical et r61e de la demi-vie dans le sch6ma posologique.

En pratique, la notion d'~ antibiotique h bonne diffusion tissulaire >> doit 6tre compl6t6e par la connaissance pr6cise de sa pharmacocin6tique dans les tissus concern6s par l'intervention (d61ai d'apparition du pic, concentration libre obtenue, demivie d'61imination...), et ce afin de d6terminer, non seulement la voie d'administration et la dose, mais aussi le moment id6al d'administration (et 6ventuellement de r6administration) du m6dicament. Ces informations doivent 6tres obtenues, pour les chirurgies les plus fr6quentes, au cours des 6tudes de d6veloppement d'un antibiotique destin6 h 6tre prescrit en prophylaxie chirurgicale, afin de proposer une attitude de prescription commune d6s sa commercialisation. 2.3. Pharmacocin6tique et dur6e de I'antibioprophylaxie

La dur6e pendant laquelle il est n6cessaire de maintenir une antibioprophylaxie postchirurgicale a 6t6 et reste l'objet de nombreux d6bats. I1 semble

actuellement que la plupart des chirurgiens s'accordent h penser qu'une antibioprophylaxie chirurgicale a pour objectif essentiel d'obtenir des <> d'antibiotiques juste avant l'incision et de les maintenir pendant toute la dur6e de l'intervention. Ceci sugg6re done qu'il n'est pas utile de prolonger l'utilisation d'antibiotiques au-delh de 24 heures, voire apr6s fermeture de la plaie. En effet, des 6tudes ont m~me montr6 qu'une administration unique pr6op6ratoire est aussi efficace qu'un traitement sur 24 heures [10]. Cette m6thode permet en outre d'6viter les risques et de diminuer le cofit de l'antibioprophylaxie. La dur6e de l'intervention et le temps de pr6sence de l'antibiotique au site de l'intervention seront des param6tres fondamentaux qu'il faudra harmoniser pour d6cider de la dur6e de traitement. La dur6e moyenne d'une intervention varie largement selon sa nature: une c6sarienne n6eessite environ 1 h, alors qu'un pontage coronarien demande environ 5 h. L'antibiotique devra done avoir une pharmacocin6tique adapt6e au maintien de concentrations tissulaires suffisantes, ou du moins, sa posologie sera modul6e en eons6quence. Le d61ai d'apparition de l'antibiotique au niveau du tissu ~ inciser sera r6g16 par le choix de la voie et du moment d'administration. Son maintien dans le tissu sera d'autant plus long que sa demi-vie sera longue. L'obtention de concentrations tissulaires <> sera d6termin6e par la dose administr6e et les caract6ristiques de diffusion propres ~t la mol6cule choisie. Pour ~> la p6riode d'intervention, une seule administration d'un antibiotique ~ demi-vie longue pourra ~tre suffisante si la concentration de m6dicament libre dans la plaie reste au-dessus des CM! des germes risque jusqu'~ la fermeture ; si la demi-vie est trop eourte et/ou les concentrations trop rapidement inf6rieures aux CMI, il faudra r6administrer l'antibiotique en cours d'intervention. Pour des raisons d6jh 6voqu6es, il sera done possible de se fonder sur la demi-vie s6rique pour calculer la p6riode de couverture ; en effet, sauf cas particulier, elle est un bon reflet de la demi-vie extravasculaire de l'antibiotique. Ainsi la c6falotine, qui a une demi-vie s6rique de 0,57 h, permet le maintien de concentrations tissulaires ad6quates pendant 1 h, alors que la c6fazoline donne des valeurs de 1,8 et 3 h respectivement. I1 est donc clair que les antibiotiques ~ demi-vie longue ont l'avantage d'etre pr6sents dans les tissus plus longtemps. C'est pourquoi pour des interventions de courte dur6e un antibiotique ?~ demi-vie s6rique courte (< 2 h) pourra ~tre choisi, alors que pour une intervention longue (> 4 h) il sera logique de pr6f6rer un antibiotique ~ demi-vie longue (< 2 h) ou de r6administrer une dose en cours d'intervention. Quand cela s'av~re n6cessaire, la r6administration d'un antibiotique se fait habituellement toutes les 2 demi-vies.

CRITISRES PHARMACOCINETIQUES

En r6sum6, si la demi-vie s6rique d'un antibiotique influence largement sa demi-vie extravasculaire, elle ne pr6juge en aucun cas du niveau des concentrations tissulaires qui sont r6gl6es par les caract6ristiques physico-chimiques de la mol6cule, son degr6 de liaison aux prot6ines, la concentration respective en prot6ines fixatrices des secteurs intra et extravasculaires, les conditions de diffusion dans chaque tissu (S/V, inflammation, pH...), la dose administr6e. Rappelons enfin qu'il existe de nombreux facteurs capables de modifier la pharmacocin6tique tissulaire d'un antibiotique: l'~ge (nouveau-n6, vieillard), l'6tat h6modynamique, l'6tat physiopathologique (brfilures, mucoviscidoses...), ainsi que l'importance des pertes sanguines en cours d'intervention ou la mise en place d'une circulation extracorporelle. Dans ces cas, il sera souvent n6cessaire de r6administrer l'antibiotique avec une fr6quence plus importante que ne le laissait pr6voir sa demi-vie.

3. PHARMACODYNAMIE DES ANTIBIOTIQUES EN ANTIBIOPROPHYLAXIE CHIRURGICALE

Bien que la plupart des 6tudes pharmaeologiques en antibioprophylaxie chirurgicale se soient focalis6es sur les concentrations tissulaires d'antibiotique, il n'en est pas moins indispensable de comprendre les relations entre concentration d'antibiotique et effet antibact6rien. C'est ce type de pr6occupation qui a conduit, ces derni6res ann6es, de nombreux praticiens a raisonner en fonction de l'index inhibiteur d6fini par le rapport entre la concentration tissulaire de l'antibiotique et sa CMI 90. A titre d'exemple, les quotients inhibiteurs vis-a-vis de S. aureus m6ti S dans le parenchyme pulmonaire sont respectivement de 7, 2,5, 10, 3,2, 30 et > 200 pour c6fop6razone, c6fotaxime, ceftizoxime, ceftazidime, ceftriaxone et imip6n~me. Ce param6tre permet done d'avoir un reflet de l'efficacit6 th6orique d'un agent antiinfectieux dans un tissu particulier ; ainsi plus le quotient est 61ev6, plus l'antibiotique a des chances d'6tre efficace. Cette m6thode repose cependant sur l'acceptation du fait que la CMI 90 d'un germe vis-a-vis d'un antibiotique est un bon crit6re d'efficacit6 et sur l'existence d'une relation lin6aire entre concentration d'antibiotique et bact6ricide. Or, les bact6riologistes s'accordent de plus en plus a penser que la CMI est plut6t un crit~re d'activit6 permettant l'61imination d'antibiotiques inactifs, qu'un t6moin fiable de l'efficacit6 in vivo. La CMI et la CMB d6termin6es in vitro sont incapables d'analyser les propri6t6s pharmacodynamiques d'un antibiotique. VOGELMAN et CRAIG [31] ont 6tudi6 la pharmacodynamie des antibiotiques in vitro et in vivo et propos6 un certain nombre de param6tres destin6s a pr6dire l'efficacit6 potentielle in vivo d'un anti-

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biotique donn6, en fonction de la posologie (dose et rythme d'administration) choisie. Une 6tude [13] a montr6 que ces param6tres pouvaient ~tre adapt6s a l'homme et une autre [22] a propos6 leur application au choix d'un antibiotique en antibioprophylaxie chirurgicale. Ces principaux param~tres ont 6t6 d6finis grace a l'6tude de l'activit6 bact6ricide des antibiotiques au moyen des cin6tiques de bact6ricidie. Cette m6thode a permis la mise en 6vidence de deux grandes cat6gories d'antibiotiques : - - ceux dont l'activit6 bact6ricide est rapide et augmente parall61ement a la concentration d'antibiotique ; en pr6sence de fortes concentrations, la destruction bact~rienne totale peut ~tre quasi instantan6e ; - - ceux dont l'activit6 bact6ricide est plus lente, observable a partir d'une concentration seuil (g6n6ralement 4 a 8 fois la CMI) mais ensuite peu sensible a l'augmentation de concentration et augmentant avec le temps d'exposition des bact6ries a l'antibiotique. On remarquera que cette classification d6pend a la fois de la nature de l'antibiotique mais 6galement de celle de la bact6rie test6e. Ainsi parmi les antibiotiques concentration-d6pendants, on trouve les aminoglycosides et les fluoroquinolones sur les bacilles a Gram n~gatif ou encore le m6tronidazole sur les ana6robies, et parmi les antibiotiques temps-d6pendants, les [3-1actamines sur la plupart des germes sensibles et les fluoroquinolones et les glycopeptides sur les cocci a Gram positif. De plus, VOGELMAN et CRAIG [31] ont remarqu6 qu'il existait dans certains cas une persistance de l'inhibition de la croissance bact6rienne apr~s une courte p6riode d'exposition des bact6ries a un antibiotique ; ils ont appel6 ce ph6nom6ne <~effet postantibiotique ~ (EPA) et ont confirm6 sa r6alit6 in vivo a l'aide de mod6les exp6rimentaux animaux. L'intensit6 et la dur6e de cet EPA varient avec la nature de l'antibiotique et de l'esp6ce bact6rienne. Par exemple, presque t o u s l e s antibiotiques actifs exercent un EPA de plusieurs heures sur les cocci a Gram positif (1 a 5 h pour les i3-1actamines et la vancomycine) alors que, pour les bacilles a Gram n6gatif, ce sont les aminoglycosides et les fluoroquinolones qui ont un EPA de plusieurs heures, I'EPA des [3-1actamines (sauf peut-~tre pour l'imip6n~me) 6tant insignifiant. Pour les B. fragilis, I'EPA le plus significatif est obtenu avec le m6tronidazole et la clindamycine. 4. INTEGRATION DES PARAMI~TRES PHARMACOCINI=TIQUES ET PHARMACODYNAMIQUES ET APPLICATION A LA PROPHYLAXIE EN CHIRURGIE

Les caract6ristiques pharmacodynamiques d6crites ci-dessus peuvent, si elles sont associ6es aux param6tres pharmacocin6tiques, permettre une

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utilisation rationnelle d'un antibiotique en prophylaxie chirurgicale en favorisant l'obtention au site de contamination de concentrations commun6ment et impr6cis6ment appel6es ,, suffisantes ,, ou ,, efficaces ,. En effet, les 6tudes exp6rimentales men6es chez l'animal ont montr6 que le crit6re principal de succ~s d'un traitement par les [3lactamines, dans les infections ~ bacilles ~ Gram n6gatif, 6tait le temps pendant lequel les concentrations s6riques d'antibiotique restaient sup6rieures tt la CMI. Pour les aminoglycosides, le erit6re principal d'efficacit6 6tait l'obtention d'un pie s6rique et/ou d'une SSC tr~s 61ev6s, sans n6cessit6 d'un maintien prolong6 de quantit6 d'antibiotique d6tectable [32]. Par analogie avec ces donn6es, et compte tenu du fait qu'il existe des relations bien d6finies entre param6tres pharmacocin6tiques s6riques et tissulaires, il est possible d'envisager d'optimiser encore l'antibioprophylaxie chirurgicale par la prise en compte des caract6ristiques pharmacodynamiques des antibiotiques (tableau II).

Tableau II. m Apport des caracteristiques pharmacodynamiques des antibiotiques sur le choix de la posologie en antibioprophylaxie chirurgicale. Aetivit6 bactSricide de rantibiotique

Objectif pharmacodynamique

Objectif pharmacoein6tique

Cons6quences sur le ehoix posologique

• Rapide, concentrationd6pendante • Avecun effet postantibiotique

Concentration tissulaireau pic et SSC les plus 61ev6spossibles pendantune c0urte p6riode

Cmax/CMIle plus 61ev6 possibleen d6but d'intervention

• Injectionen bolusunique dose 61ev6e

• Lente, temps-d6pendante • Peu ou pas d'effet postantibiotique

Concentration tissulaire> 2 ~ 8 CMI pendant toute la dur6e de l'intervention

Permettre le maintien de concentration libre interstitielle > CMI jusqu'auminimum la fermeture

• Dose unique ATB h demi-vie longue • R6p6ter l'injection,si l'interventionest longueet/ou ATB demi-viecourte

ATB: antibiotique: CMI: concentration minimale inhibitrice.

Ainsi, sachant que les 13-1actamines (les plus utilis6es en prophylaxie) sont des antibiotiques temps-d6.pendants ne pr6sentant un EPA que sur les cocci ~ Gram positif, l'objectif prioritaire devrait 8tre le maintien de concentrations d'antibiotique libre sup6rieures h la CMI des principaux germes ~ risque au site de l'incision (liquide interstitiel) durant toute l'intervention et meme pendant une p6riode suffisante (en g6n6ral < 24 h) apr~s la fermeture. Le moment d'administration, la dose et l'6ventuelle r6administration seront calcul6s en fonction de cet objectif. Pour les antibiotiques

concentration-d6pendants avec EPA (aminoglycosides, m6tronidazole...), moins utilis6s en prophylaxie chirurgicale, il serait envisag6 d'administrer la dose la plus 61ev6e possible et bien tol6r6e au moment de l'intervention. Ces r6gles en sont actuellement encore au stade de propositions et les hypoth6ses qui les soutiennent demandent bien 6videmment des validations cliniques surtout pour les antibiotiques concentration-d6pendants. Pour les ~-lactamines, en effet, l'analyse de la plupart des 6tudes disponibles ~ ce jour souligne le r61e essentiel du maintien de concentrations s6riques et tissulaires ~ suffisantes, (> CMI) jusqu'~ la fin de l'acte chirurgical. 5. CONCLUSION

Les infections postop6ratoires sont une cause importante de morbidit6 chez les patients ayant subi une intervention chirurgicale, et constituent une grande partie des infections nosocomiales. Le risque d'apparition d'une infection postchirurgicale est 1i6 h de nombreux facteurs incluant l'6tat du patient, le type de chirurgie, le respect des r6gles d'hygi6ne et le ~ savoir-faire ,, de l'6quipe chirurgicale. L'exp6rience clinique a montr6 que l'utilisation prophylactique d'antibiotiques pouvait s'av6rer tr~s utile en diminuant de fa~on tr~s significative le risque infectieux. L'optimisation de l'antibioprophylaxie en chirurgie passe par le choix judicieux de l'antibiotique, de sa posologie et du moment de son administration. Si les crit6res bact6riologiques sont, ~t l'6vidence, impliqu6s dans ce choix, la connaissance de la pharmacocin6tique s6rique et tissulaire des antibiotiques ainsi que l'interpr6tation des relations concentration/effet sont des informations incontournables. L'int6gration des param~tres pharmacocin6tiques et des 616ments de pharmacodynamie devrait permettre, sous contr61e d'essais th6rapeutiques appropri6s, de d6finir dans les ann6es venir, les r6gles rationnelles du choix d'un antibiotique ~ vis6e prophylactique en chirurgie, prenant en compte le patient, l'6cologie bact6rienne et la nature de l'intervention.

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ABSTRACT : The prevention of surgical infections with perioperative prophylactic antibiotics is experimentally and clinically well founded in both principle and practice. The evaluation of the role of antimicrobial agents in the success or failure of infection prophylaxis in surgery involves a discussion of both the pharmacokinetic and the pharmacodynamic properties o f particular agents. A main concern in surgical prophylaxis is the relation between the respective time course of antibiotic concentrations in serum and in the tissue (wound). Several problems arise in both the measurement and the interpretation of drug concentrations in tissues and the results of this approach are still controversial. However, the knowledge of the numerous factors influencing the penetration into a tissue and the characteristics of the relative distribution of the antibiotic between the compartments inside the tissue, i.e. the vascular, interstitial and intracellular spaces, could allow a valuable approach to this problem. The concentrations of free drugs in serum are valuable predictors of the time course of unbound drug in interstitial fluid, where the bacteria are generally located. An increase in protein binding does not reduce the area under the curve (AUC) of free drug for 13 lactam agents eliminated predominantly by glomerular filtration, but prolongeR their

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elimination half life. Timing and route of administration are also important factors to consider in relation with the parmacokinetic profile of the drug. Pharmacodynamic studies of persistent growth suppression and bactericidal activity predict that the period during which the free drug concentration exceeds the MIC is an important parameter of the efficacy of B lactam antibiotics. In the opposite, the Cmax and/or the AUC are the major parameters of the efficacy of aminoglycosides and quinolones against Gram negative bacteria. Thus, the goal of prophylaxis with B lactams could be to provide levels of free drug above the MIC for the whole surgical period, while the obtention of a high Cmax with a one-day therapy should be required for aminoglycosides. Further clinical trials are warranted to assess this approach.