Cryptococcose neuroméningée chez un patient porteur d’une valve de dérivation ventriculo-péritonéale suivi pour sarcoïdose pulmonaire

Cryptococcose neuroméningée chez un patient porteur d’une valve de dérivation ventriculo-péritonéale suivi pour sarcoïdose pulmonaire

Neurochirurgie 59 (2013) 47–49 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Cas clinique Cryptococcose neuroméningée chez un patient porteur d’un...

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Neurochirurgie 59 (2013) 47–49

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Cas clinique

Cryptococcose neuroméningée chez un patient porteur d’une valve de dérivation ventriculo-péritonéale suivi pour sarcoïdose pulmonaire Cryptococcal meningitis in a patient with a ventriculoperitoneal shunt and monitoring for pulmonary sarcoidosis H. Baallal ∗ , A.C. El Asri , B. Eljebbouri , A. Akhaddar , M. Gazzaz , B. El Mostarchid , M. Boucetta Service de neurochirurgie, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Hay Riyad, Rabat, Maroc

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 7 novembre 2011 Accepté le 29 juin 2012 Keywords: Cryptococcosis Sarcoidosis AIDS Intracranial hypertension Meningoencephalitis Ventriculoperitoneal shunt

a b s t r a c t The fungus Cryptococcus neoformans can cause common opportunistic infection in acquired immune deficiency syndrome (AIDS) patients. But other conditions can be associated with sarcoidosis. Meningoencephalitis is the most common manifestation of this disease. One of the most important neurological complications is the development of intracranial hypertension (ICH), which may result in high morbidity and mortality. We report the case of a patient harboring a ventriculoperitoneal shunt, and having contracted a cryptococcal meningitis as a risk factor for pulmonary sarcoidosis. Brain MRI showed arachnoiditis, with a mass in contact with the right frontal horn. Indian ink staining of the cerebrospinal fluid (CSF) showed positivity that was confirmed by the identification of Cryptococcus neoformans after culture. The evolution was favorable under medical treatment with removal of material. The relationship between sarcoidosis and cryptococcosis, described in the literature is not coincidental but is a rare complication of sarcoidosis of potential severity (40 % of mortality). Sarcoidosis is a common systemic disease that may increase host susceptibility to CNS cryptococcal infection without any other signs or symptoms of host immunosuppression. The diagnosis of cryptococcosis should be evoked as a differential diagnosis of neuro-sarcoidosis. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

r é s u m é Mots clés : Sarcoïdose Cryptococcose sida Hypertension intracrânienne Méningo-encéphalite Valve de dérivation ventriculopéritonéale

La cryptococcose est une infection fongique opportuniste, due à Cryptococcus neoformans ; elle est responsable d’une méningo-encéphalite sévère opportuniste, principalement chez les patients atteints du syndrome d’immunodéficience acquise (sida), mais d’autres affections peuvent lui être associées, dont la sarcoïdose. La méningo-encéphalite est la manifestation la plus fréquente de cette maladie. Le développement d’une hypertension intracrânienne en est la conséquence redoutée. Nous décrivons le cas d’un patient porteur d’une valve de dérivation ventriculo-péritonéale, ayant contracté une cryptococcose neuroméningée avec, comme facteur de risque, une sarcoïdose pulmonaire. Le diagnostic de méningoencéphalite à cryptocoque est difficile, compte tenu d’une présentation non spécifique. L’IRM cérébrale montrait une arachnoïdite avec plusieurs hypersignaux périventriculaire, et une masse au contact de la corne frontale droite. L’examen à l’encre de Chine mettait en évidence des levures encapsulées et la recherche d’antigène polysaccharidiques de C. neoformans était positive. L’évolution a été favorable sous traitement médical après ablation du matériel de dérivation. La cryptococcose cérébroméningée est exceptionnellement liée à la sarcoïdose ; toutefois, la gravité de son pronostic, avec un taux de mortalité qui atteint 40 % des patients, justifie que son diagnostic soit évoqué et documenté en vue d’une prise en charge thérapeutique efficace. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Observation

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Baallal). 0028-3770/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.neuchi.2012.06.005

Il s’agit d’un patient de 50 ans, suivi depuis 2007 pour sarcoïdose pulmonaire localisée, bien stabilisée sous traitement par corticothérapie orale à la dose de 17,5 mg/jour. Deux mois avant son

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hospitalisation, le patient présenta une confusion mentale avec des épisodes d’agitation, ce qui motiva une consultation en psychiatrie où un traitement symptomatique fut démarré, puis une hospitalisation en neurologie. L’examen à l’admission montrait un patient avec un score de Glasgow à 10, sans déficit moteur. L’état hémodynamique était stable, eupnéique avec SpO2 à 94 % à l’air libre, et fébrile à 38,7 ◦ C. Une TDM cérébrale s’est révélée normale ; la ponction lombaire montrait un liquide clair, avec une protéinorachie à 19 g/L, une glycorachie à 0,07 g/L des leucocytes à 19/mm3 avec 75 % de lymphocytes ; l’examen direct était négatif et la coloration de Ziehl-Neelsen était négative. Les globules blancs étaient à 11 600 éléments/mm3 , sans lymphopénie. Le bilan immunologique, comportant une sérologie VIH, s’est révélée négative et l’étude de l’immunité cellulaire montrait un taux de TCD4 normal (700 cellules/mm3 ). Le malade a été mis sous ceftriaxone en intraveineux à la dose de 100 mg/kg par jour. L’IRM montrait une arachnoïdite avec plusieurs hypersignaux périventriculaires, avec une masse au contact de la corne frontale droite, mesurant 3 × 2 cm, mal limitée, en isosignal en T1, et en hypersignal en T2 (Fig. 1). Le patient put bénéficier, dans le service de neurochirurgie, d’une biopsie stéréotaxique dont l’étude immuno-histochimique montrait des lésions réactionnelles à des lésions de démyélinisation, sans lésion tumorale. Devant l’aggravation neurologique, il était décidé de faire une seconde ponction lombaire, à 15 jours de la première : elle mettait en évidence un antigène cryptococcique à 1/512 avec une protéinorachie à 23 g/L, une glycorachie à 0 g/L et des leucocytes à 50/mm3 . L’examen à l’encre de Chine mettait en évidence des levures encapsulées et la recherche d’antigène polysaccharidiques de C. neoformans était positive. Il était décidé alors de reprendre une bithérapie associant amphotéricine B liposomale IV et 5fluorocytosine IV. L’IRM panmédullaire réalisée dans le cadre du bilan était normale. 2. Discussion La cryptococcose est une infection fongique opportuniste due à Cryptococcus neoformans qui est une levure encapsulée, responsable de la méningo-encéphalite sévère opportuniste, principalement chez les patients atteints de syndrome d’immunodéficience acquise (sida), avec une prévalence de 3 à 8 % (Diamond, 1995).

Les autres affections associées sont principalement la corticothérapie, la transplantation d’organe, la leucémie, le lymphome et la sarcoïdose, traitée ou non par corticoïdes. Elle constituait la première cause de méningite fongique et la troisième cause de méningite chronique (Anderson et Willoughby, 1987). La méningoencéphalite à cryptoccoque est associée à un taux global de mortalité de 20 %, malgré un traitement antifongique approprié. Elle constitue une mycose majeure au cours du SIDA. Elle peut être également observée, en l’absence d’infection par le VIH, chez des patients présentant une lymphopénie CD4 inexpliquée ou une cause favorisante altérant les défenses de l’organisme (hémopathies, cirrhose, diabète, maladies systémiques, infection chronique, dénutrition, corticothérapie et autres traitements immunosuppresseurs). Chez les patients non infectés par le VIH, le nombre de cas répertoriés reste stable. Dans les pays en voie de développement, la suspicion clinique d’infection cryptococcique se limite principalement aux patients immunodéprimés, ce qui sous-estime la fréquence de la maladie chez l’immunocompétent. L’incidence annuelle, dans cette population, est estimée aux États-Unis à 0,8 cas pour 100 000, soit à un niveau comparable à celui de la méningite à méningocoque (Papas et al., 2001). Les trois principaux organes cibles sont les poumons, le système nerveux central et la peau. Dans les atteintes du système nerveux central, l’installation des signes est souvent insidieuse, plus lente que lors d’une immunodépression par le VIH (Mitchell et Perfect, 1995). L’atteinte neuroméningée se complique fréquemment (50 %) d’hypertension intracrânienne, définie par une pression intracrânienne supérieure à 200 mmHg en décubitus latéral (Saag et al., 2000). Dans notre observation, le diagnostic est rendu plus complexe par la présence du matériel de dérivation ventriculopéritonéale, mais aussi par l’aspect de la neuro-imagerie qui évoque en premier lieu une tumeur gliale ou un tuberculome, raison pour laquelle une biopsie stéréotaxique a été réalisée. Trois études rétrospectives n’ont pas permis de mettre en évidence une augmentation du risque d’infection opportuniste chez les patients atteints de sarcoïdose. La première (Girard et al., 2004) est une série rétrospective de 197 patients atteints de sarcoïdose, dont 36 % sous corticothérapie. Dans cette étude, aucune infection opportuniste n’a été diagnostiquée sur un suivi de 12 ans. Dans la deuxième publication, sur 122 patients ayant une sarcoïdose et une corticothérapie, aucun cas de cryptococcose n’est rapporté sur un suivi de 7,2 ans. Dans la

Fig. 1. Coupes axiales de l’IRM cérébrale en sequence T2 flair montrant une lésion paraventriculaire droite en hypersignal. Axial brain MRI in flair T2 sequence showing a hyperintensity right paraventricular lesion.

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troisième publication (Baughman et Lower, 2005), sur 753 patients ayant une sarcoïdose, sept seulement ont développé une infection opportuniste. Le traitement de choix des CNM reste l’amphotéricine B souvent associée à la 5-fluorocytosine par voie intraveineuse. L’alternative thérapeutique, notamment en cas d’intolérance à l’une des molécules, est le fluconazole à forte dose (800 mg/j) éventuellement associé à la 5-fluorocytosine. La durée du traitement est mal codifiée. Dans les cas de cryptococcose neuroméningée liée à une infection par le VIH, on estime que l’on peut interrompre le traitement d’entretien par fluconazole lorsque le taux de lymphocytes CD4 est supérieur à 200/mm3 pendant au moins six mois. Dans les autres cas d’immunodépression, la situation est moins claire. Même si dans certaines circonstances, et notamment dans le cancer, des traitements ne durant pas plus de quatre mois ont montré une certaine réussite, il semble important de poursuivre le traitement d’entretien pendant au moins un an afin de limiter le nombre de récidives, maximales lors de la première année, d’autant que, sous fluconazole, le taux de rechute est inférieur à 5 %. En cas d’immunodépression sévère (traitement immunosuppresseur, corticothérapie au long cours, hémopathie maligne type LLC), il semble raisonnable de proposer un traitement à vie. En pratique, il faut poursuivre le traitement d’entretien tant que perdure l’immunodépression. Sous corticothérapie, la réduction de la posologie journalière de corticoïde doit être tentée avec un objectif à moins de 10 mg d’équivalent prednisone par jour. Chez notre patient, l’immunodépression persistant, le fluconazole a été maintenu au long cours ; le patient présentait, de plus, une dérivation ventriculopéritonéale contaminée, confirmée par l’étude mycologique de cette dernière. Il a été décidé finalement de l’enlever devant l’inefficacité du traitement mis en place. La cryptococcose cérébrale peut prêter à confusion avec les gliomes et les tuberculomes, d’où l’intérêt de la biopsie

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stéréotaxique avec examen anatomopathologique et surtout de l’étude mycologique, qui nous a permis de confirmer le diagnostic. L’association entre sarcoïdose et cryptococcose reste donc posée, même si elle reste une complication exceptionnelle. Mais, en raison de la forte mortalité de la cryptococcose chez les patients ayant une sarcoïdose (40 %), il faut savoir évoquer ce diagnostic devant des signes neurologiques qui pourraient faussement en imposer pour une neurosarcoïdose, dans l’optique d’une prise en charge adéquate et de l’amélioration du pronostic.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références Anderson, N.E., Willoughby, E.W., 1987. Chronic meningitis without predisposing illness: a review of 83 cases. Q J Med 63, 283–295. Baughman, R.P., Lower, E.E., 2005. Fungal infections as a complication of therapy for sarcoidosis. Q J Med 98 (6), 451–456. Diamond, R.D., 1995. Cryptococcus neoformans. In: Mandell, G.L., Bennett, J.E., Dolin, R. (Eds.), Mandell, Douglas and Bennett’s Principles and practice of infectious diseases., 4th ed. Churchill Livingstone Inc, New York, NY, pp. 2336–2337 (Chap. 243). Girard, N., Cottin, V., Hot, A., et al., 2004. Infections opportunistes et sarcoïdose. Rev Mal Respir 21, 1083–1090. Mitchell, T.G., Perfect, J.R., 1995. Cryptococcosis in the era of AIDS-100 years after the discovery of Cryptococcus neoformans. Clin Microbiol Rev 8, 515–548. Papas, P.J., Perfect, J., Cloud, G.A., et al., 2001. Cryptococcosis in human immunodeficiency virus-negative patients in the era of effective azole therapy. Clin Infect Dis 33, 690–699. Saag, M.S., Graybill, R.J., Larsen, R.A., et al., 2000. Practice guidelines for the management of cryptococcal disease. Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 30, 710–718.