Découpage vertueux – saucissonnage – double publication. Où commence la fraude ?

Découpage vertueux – saucissonnage – double publication. Où commence la fraude ?

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, 93—94 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Découpage vertueux — s...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2013) 99, 93—94

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Découpage vertueux — saucissonnage — double publication. Où commence la fraude ?夽 Legitimate division of large datasets, salami slicing and dual publication. Where does a fraud begin?

Dans toutes les revues internationales, le nombre de manuscrits soumis augmente fortement d’année en année. Parmi les nombreuses causes, la démultiplication d’articles provenant d’une même équipe à partir d’un sujet commun mérite notre attention. Là, où autrefois un auteur proposait un seul article à partir d’une étude, il aura aujourd’hui tendance à proposer à un même journal ou à plusieurs journaux, plusieurs articles provenant de la même étude. Ce comportement n’est pas marginal mais sa fréquence est difficile à analyser : très faible pour Durani (1 %) [1] ou Hennessey et al. (1,8 %) [2], importante pour Schein et Paladugu [3] (plus de 15 %) ! La raison profonde en est évidemment le souhait ou le besoin d’allonger la liste des publications pour se faire connaître, ou faciliter une carrière universitaire, ou alimenter les publications de son université et les subventions qui en découlent, sans parler d’éventuels intérêts financiers, ou tout cela à la fois [4—6] Gardons nous bien de systématiquement critiquer cette pratique : il existe un découpage « vertueux » lorsque le sujet l’impose. Une étude sur les ruptures partielles du ligament croise antérieur justifie la publication de plusieurs articles, ne serait-ce que pour clarifier les objectifs (épidémiologie, laxité, IRM. . .) et les exemples pourraient être multipliés. Une revue peut par ailleurs avoir le souhait de « commander » un article à un expert reconnu sur un sujet donné : des données seront évidemment reprises à partir de publications précédentes du même auteur, mais cela en toute transparence.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2013.01.001. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus.

À l’autre extrémité, la double publication est un tout autre processus. Il s’agit, de la part des auteurs, d’une volonté délibérée de soumettre et donc de publier simultanément ou successivement dans deux revues différentes, deux articles identiques. Qualifiée de dual publication ou de self plagiarism par les autorités éthiques (International Committee of Medical Journal Editors [ICMJE] [7], Committee on Publication Ethics [COPE] [8]), cette pratique est évidemment frauduleuse, puisque la soumission à une revue suppose un contrat d’exclusivité (copyright). Une seule tolérance à cette règle : la possibilité de publier dans une revue dont la langue est différente. Encore faut-il que l’article princeps soit cité et que la revue princeps ait donné son accord. En dehors de cette tolérance, la constatation d’une double publication conduit immanquablement à une décision grave : la rétractation de l’article. Une étude de 2012 [9] relève 742 cas de rétractations dans les journaux « médicaux » dans les dix dernières années avec une augmentation de fréquence récente. La double publication est la cause évidemment la plus fréquente de rétractation. Rétractation qui fait l’objet d’une publicité auprès des banques internationales de données, des éditeurs de l’article avec indication de la cause. Des sanctions à type d’interdiction de publication dans la ou les revues où les articles ont été publiés et même dans toutes les revues de l’éditeur peuvent être prises. À cela peut s’ajouter une information auprès des autorités universitaires dont dépendent éventuellement le ou les auteurs. En réalité les choses ne sont pas aussi tranchées : rien n’est complètement blanc ou noir [5]. Tous les intermédiaires existent entre le découpage vertueux et la double publication. C’est un continuum avec au milieu ce qu’il est convenu d’appeler le saucissonnage. Les rédactions et les éditeurs sont de plus en plus confrontés à ces

1877-0517/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2013.01.005

94 situations intermédiaires de self plagiarism. Ce saucissonnage peut prendre plusieurs aspects : publications successives à la même revue ou à des revues différentes d’articles sur le même sujet, et sur la même base de données. Si les publications antérieures sont citées dans l’article, la transparence est respectée et il appartiendra au comité de rédaction de la revue d’apprécier si ce nouvel article apporte ou non de nouvelles informations. En revanche, la soumission simultanée dans deux revues différentes de deux articles sur un sujet strictement identique fondé sur la même base de données mais avec un format différent (par exemple un mémoire original pour le premier journal et une note de technique pour le deuxième) sans que ces revues soient informées de cette double soumission relève à l’évidence d’une volonté de masquer la démarche. Les rédactions n’ont aucun moyen de contrôle et si les deux articles sont acceptés, la publication est simultanée. Une soumission récente avec publication simultanée dans Orthopaedics and Traumatology: Surgery and Research (OTSR) et Knee Surgery Sports Traumatology and Arthroscopy (KSSTA) est à l’origine de cet éditorial commun. Fraude avérée ? ou faute éthique ? Tout est affaire d’interprétation. Quoi qu’il en soit, cette attitude doit être combattue vigoureusement : rétractation de l’article, interdiction temporaire de publication dans les revues incriminées, messages d’alerte auprès des éditeurs, lettre auprès des auteurs dénonc ¸ant cette pratique sont autant d’outils dont disposent les rédactions et dont elles doivent user au cas par cas par l’intermédiaire de leurs comités d’éthique. Nous, en tant que rédacteurs, faisons le maximum pour que nos lecteurs aient confiance dans le contenu des travaux scientifiques que nous publions. Cela passe par un processus sélectif de revue par les pairs (peer review). Cela passe aussi par un code de déontologie de la publication qui doit être

Éditorial accepté par l’ensemble de la communauté orthopédique. Une démarche pédagogique de longue haleine s’impose à tous les acteurs : auteurs, institutions universitaires, rédactions, éditeurs.

Références [1] Durani P. Duplicate publications: redundancy in plastic surgery literature. J Plast Reconstr Aesthet Surg 2006;59(9):975—7. [2] Hennessey KK, Williams AR, Afshar K, Macneily AE. Duplicate publications: a sample of redundancy in the Journal of Urology. Can Urol Assoc J 2012;6(3):177—80. [3] Schein M, Paladugu R. Redundant surgical publications: tip of the iceberg? Surgery 2001;129(6):655—61. [4] Babalola O, Grant-Kels JM, Parish LC. Ethical dilemmas in journal publication. Clin Dermatol 2012;30(2):231—6. [5] Neill US. Publish or perish, but at what cost? J Clin Invest 2008;118(7):2368. [6] Spielmans GI, Biehn TL, Sawrey DL. A case study of salami slicing: pooled analyses of duloxetine for depression. Psychother Psychosom 2010;79(2):97—106. [7] International Committee of Medical Journal Editors : Uniform requirements for manuscript submitted to biomedical journals. 2012; http://www.icmje.org/ [8] Committee on Publications Ethics guidelines. 2012; http://publicationethics.org/resources/guidelines [9] Samp JC, Schumock GT, Pickard AS. Retracted publications in the drug literature. Pharmacotherapy 2012;32:586—95.

P. Beaufils ∗ Rédacteur en chef OTSR J. Karlsson Rédacteur en chef KSSTA ∗

Auteur correspondant. Adresses e-mail : Pbeaufi[email protected] (P. Beaufils), [email protected] (J. Karlsson)