Définition et évaluation de la douleur

Définition et évaluation de la douleur

Kinesither Rev 2017;17(186):44–55 Dossier Définition et évaluation de la douleur Definition and assessment of pain Sessi Acapo a Philippe Seyrès b Eri...

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Kinesither Rev 2017;17(186):44–55

Dossier

Définition et évaluation de la douleur Definition and assessment of pain Sessi Acapo a Philippe Seyrès b Eric Savignat c

a

1, rue la Tour d'Auvergne, 44200 Nantes, France IFMK, CHU de Bordeaux, rue Francisco-Ferrer, 33080 Bordeaux cedex, France c 9, avenue de Bordeaux, 33740 Ares, France b

Reçu le 4 août 2016 ; accepté le 28 janvier 2017

RÉSUMÉ

MOTS CLÉS

La douleur est un phénomène neurophysiologique complexe, multidimensionnel, subjectif et propre à chacun. Les sciences médicales et les thérapeutes sont confrontés au besoin de la quantifier et qualifier dans la pratique clinique et dans la recherche. Les douleurs musculosquelettiques sont le plus souvent classées par profil évolutif (aiguë–chronique) et par mécanisme (d'origine nociceptive, neuropathique, sensibilisation centrale ou mixte). L'évaluation de la douleur aiguë se fait principalement par des échelles unidimensionnelles cotant l'intensité de la douleur, sa qualité et sa localisation. Pour la douleur chronique (ou persistante), l'évaluation se fait par des échelles multidimensionnelles prenant en compte le caractère sensoriel, fonctionnel, émotionnel, cognitif et comportemental de la douleur. Les facteurs psychosociaux (ou drapeaux jaunes) sont considérés à l'heure actuelle comme les facteurs les plus prédisposant à la bascule vers la douleur chronique. Des outils prédictifs (ex : PICKUP tool dans la lombalgie) se développent à l'heure actuelle. Le kinésithérapeute a un rôle primordial dans la détection et la prévention du développement de la douleur chronique et sa prise en charge, notamment par son évaluation et la communication avec le patient. Niveau de preuve. – Non applicable.

Communication Définitions de la douleur Douleur aiguë Douleur chronique Échelles multidimensionnelles Évaluation Facteurs psychosociaux Taxonomie

© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Communication Definitions of pain Acute pain Chronic pain Multidimensional scales Assessment Psychosocial factors Taxonomy

SUMMARY Pain is a complex multidimensional neurophysiological phenomenon that is subjective and individual. Medical science and therapists need to be able to quantify and describe pain, in clinical practice and in research. Musculoskeletal pain is generally classified in terms of progression (acute vs. chronic) and of mechanism (nociceptive, neuropathic, central sensitization or mixed). Acute pain is mostly assessed on one-dimensional scales (pain intensity, type, location) and chronic or persistent pain on multidimensional scales including sensory, functional, emotional, cognitive and behavioral aspects. Psychosocial factors ("yellow flags'') are now considered the strongest predictors of transition from acute to chronic pain. Prognostic tools (e.g., PICKUP, for low-back pain) are currently being developed. Physiotherapists have a major role in detecting and preventing the development of chronic pain and in treating it, notably by assessment and communication with the patient. Level of evidence. – Not applicable. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

INTRODUCTION Il est admis que la douleur est un processus complexe, multidimensionnel et individuel. Cette affirmation est l'aboutissement de la progression de sa prise en considération à travers l'histoire.

La nécessité de cerner au mieux son existence, sa valeur et la prédictivité de son évolution, ainsi que l'importance de sa reconnaissance à travers la science imposent une classification. Les disciplines qui prennent en compte ses diverses composantes ont élaboré des moyens de détection ou de

Auteur correspondant : S. Acapo, Sessi Acapo, 1, rue la Tour d'Auvergne, 44200 Nantes, France. Adresse e-mail : [email protected]

DOIs des articles originaux : http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2017.02.133 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2017.01.009 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2017.02.130 http://dx.doi.org/10.1016/j. kine.2017.02.131

http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.132 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 44

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Note de la rédaction Cet article fait partie d'un ensemble indissociable, coordonné par Michel Gedda et Nathan Risch, publié dans ce numéro sous forme d'un dossier nommé « Douleurs : nouvelles compréhensions sur ces réalités inexplicables » et composé des articles suivants :  Gedda M, Risch N. Douleurs : nouvelles compréhensions sur ces réalités inexplicables. Kinesither Rev 2017;17:186.  Risch N, Pointeau F, Poquet N. Nociception. Kinesither Rev 2017;17:186.  Osinski T, Lallemant A, Russo T. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur. Kinesither Rev 2017;17:186.  Rousseau L, Bacelon M. Facteurs psychosociaux, douleur et kinésithérapie. Kinesither Rev 2017; 17:186.  Acapo S, Seyrès P, Savignat É. Définition et évaluation de la douleur. Kinesither Rev 2017;17:186.  Maître JH, Crouan A. Approches thérapeutiques de la douleur en kinésithérapie. Kinesither Rev 2017; 17:186.

qualification chiffrés, la plupart du temps, sous forme de scores. Cependant, ces moyens n'ont de sens et de valeur réelle qu'à travers la relation qui s'établit entre le thérapeute et le patient. Nous proposons ici une mise au point sur la douleur où seront abordés des éléments historiques, les principales définitions et classifications ainsi que les principaux éléments d'évaluation d'un patient douloureux.

BRÈVE HISTOIRE DU CHIFFRAGE DE LA DOULEUR Si la douleur est certainement la plus ancienne compagne de l'homme, l'évolution de son appréciation ne s'est réellement emballée que dans les dernières décennies. Elle aboutit à ne plus envisager la douleur comme un simple phénomène physique, mais comme une entité complexe et individuelle. « La douleur est toujours subjective » affirme la définition de l'International Association for the Study of Pain (IASP) dans sa note accompagnant la phrase retenue emblématiquement comme la définition universellement admise. Cette subjectivité participe grandement, avec l'objectivité à l'expérience propre à chacun. Pourtant, la volonté impérieuse d'en faire une « matière scientifique » pour l'élever au rang de spécificité reconnue du « monde scientifique » impose de la percevoir à travers le filtre du chiffrage, critère d'objectivation universel. Confronté au vocabulaire, aux mots, le chiffre garantit l'extraction des affects personnels. Quelle est alors la valeur de la douleur ? Au-delà des étapes divine ou religieuse avec leur cohorte de croyances, de légendes, de mythes, de magie ou de sorcellerie, au-delà de l'étape humorale hippocratique qui lui confère un rôle de signal d'alarme qu'il faut se garder de faire taire,

Dossier au-delà de la pensée aristotélicienne faisant de la douleur une émotion, une « passion de l'âme » dont le siège est dans le cœur, nous garderons en héritage la pensée grecque selon laquelle le monde est compréhensible, n'est compréhensible, que par l'abstraction mathématique et concrétisée par la géométrie. C'est-à-dire par le chiffre et le calcul. Le calcul concrétise le pouvoir de maîtrise que l'homme doit avoir sur ses passions. Cette approche dominatrice se conforte dans les enseignements de Gallien qui associe à l'émotion la notion de sensation dont le siège est dans le cerveau. Vésale et Ambroise-Paré désignent le nerf comme véhicule de la sensation. Ainsi, dès cette époque, les ingrédients de la compréhension de la douleur semblent théoriquement réunis, mais s'individualisent au point de s'ignorer, voire de se confronter au lieu de se fondre par l'approfondissement des connaissances dans les domaines spécifiques. Le véhicule nerveux est exploité par Descartes [1] dans une explication purement mécaniste de circulation d'un « fluide » dans le « nerf-tuyau » jusqu'à la glande pinéale considérée comme le siège des perceptions et des déclenchements d'actions. Les conceptions immatérielles initiales ont ainsi abouti à une matérialisation, donc à une objectivation, de ce qui est considéré comme l'explication de la douleur. La création de l'homme–machine annonce les prémices de la mécanisation qui explose au XIXe siècle et conforte la scission entre le physique et le mental, entre le corps et l'esprit. Cette dichotomie est hiérarchique, puisque Platon (cité par Cruveilhier [2]) écrit explicitement que le physique est soumis au mental : « L'homme est une âme qui se sert d'un corps ». Il en est toujours de même ! La pensée mécanicienne a présidé à l'évolution de la chirurgie pour laquelle le recours à l'anesthésie naissante, dont la première utilisation dans un cadre chirurgical officiel remonte au 16 octobre 1846, fut source de conflits. Les tenants de la sédation institutionnalisée s'opposaient à ceux du respect absolu des « lois naturelles » pour lesquels la douleur restait une garantie de vie ou du moins de conscience. L'utilisation de produits anesthésiants n'était ni plus ni moins qu'une « tentative douteuse pour déroger à l'une des conditions générales de l'homme » [3] dans le respect de préceptes religieux et philosophiques. L'utilisation de l'anesthésie est vécue comme touchant à l'âme source du conscient (vigilance et maîtrise) abandonnant le corps à l'inconscient (hors maîtrise). De cette dichotomie matérialisée, émergera l'étude de la relation entre ces deux domaines qui cohabitent et interfèrent au sein du système nerveux central. La neurologie, nouvelle discipline médicale à part entière, s'appuiera sur le socle matérialiste et mécaniste qui bénéficie au XIXe siècle de la maîtrise naissante de l'électricité. Elle s'associe fondamentalement à l'étude du fonctionnement du système nerveux et par là-même à la douleur dont elle représente le siège. Elle offre la possibilité de quantifier ce qui n'était jusque-là que des hypothèses « fluidiques ». Cette discipline est ainsi élevée au rang de science en raison du principe selon lequel « La science consiste en la capacité de mesurer » [4]. Les capacités d'exploration de la partie consciente étant considérées acquises, les neurologues n'en oublient pas moins la partie inconsciente et laissent se développer une discipline parallèle, la psychiatrie. Marginalisée dans un mode de pensée mécaniste, parce que non matérialisée, elle représente un ingrédient complémentaire indispensable à la connaissance

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Dossier de l'humain. Cette perception est soulignée par Cruveilhier, un des maîtres de l'anatomie du XIXe siècle, lorsqu'il affirme que « c'est parce que l'homme anatomique, l'homme physiologique et l'homme moral et intellectuel n'ont pas été étudiés par la même classe de savants, que la science de l'homme laisse encore tant à désirer » [2]. Malgré la lucidité de ce constat, l'évolution de la pensée est restée ancrée sur l'approfondissement des connaissances dans les différents domaines et la douleur est restée cantonnée au domaine des émotions. Pourtant, bien qu'à l'origine d'une avancée importante dans la compréhension du mécanisme de transmission, soulignant que le contrôle de la douleur puisse avoir une explication autre que purement volontaire, Melzack, l'un des pères de la théorie du « gate control » [5] affirmait avec Casey que la douleur doit être prise en considération dans ses différentes dimensions alors que « les ouvrages de physiologie et de psychologie scindent dans des chapitres différents les notions de « sensation douloureuse » et de « conduites aversives et punition » sans indiquer que ce sont les deux facettes d'un même phénomène » [6]. Dans ce même texte, ces auteurs précisent que « si l'étude de la douleur des gens veut acquérir une valeur scientifique, la douleur doit être mesurée. C'est pour cela que dans un premier temps la douleur n'a été évaluée cliniquement que sous son aspect quantitatif ». Cette remarque rejoint celle de Cruveilhier qui affirmait que « de tout temps, les doctrines médicales ont été divisées en celles qui accordent trop aux premières [lois physiques, n.d.a.] et en celles qui concédaient trop aux secondes [forces vitales, n.d.a.]. La médecine a été de tout temps ou trop vitaliste ou trop matérialiste ; ou métaphysique, hyperorganique ou mécanique, chimique » [4]. Ainsi Melzack et Wall, affirment-ils dans leur présentation du gate control que « l'idée d'un « centre terminal » dans le cerveau qui serait exclusivement responsable de la sensation de douleur et de ses réponses devient impensable » [5]. Des tentatives discrètes se sont progressivement fait jour, telle que la Pain Chart en 1948 [7] où Keele transcrit graphiquement les caractéristiques de la douleur postopératoire à partir du vocabulaire employé. Il conclut que « même en présence de maladies organiques, les facteurs psychogéniques de la douleur sont importants et à prendre en compte dans toute démarche de soulagement de la douleur dans le cadre médical ou chirurgical et examinées en utilisant des protocoles d'évaluation graphique de la douleur ». Cette approche basée sur le vocabulaire a abouti à l'élaboration du McGill-Melzack pain questionnaire qui permet d'évaluer la douleur par un score [8]. La marche vers le l'évaluation objective est enclenchée ; elle doit favoriser la reconnaissance de la douleur comme une entité scientifiquement admise et reconnue parce que chiffrable. En s'offrant à l'évaluation, elle devient transdisciplinaire et s'institutionnalise avec la création en 1967 en Grande-Bretagne, par 17 participants, de l'Intactable Pain Society (Société [d'étude et de traitement] des douleurs incurables). L'International Association for Study of Pain (IASP), dont la division française est la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD), voit le jour en 1973 aux États-Unis et la revue Pain en 1974. Cette transdisciplinarité s'écarte du strict domaine de l'aspect matériel de la clinique lorsque Katz et Casey définissent les trois dimensions majeures de la douleur :

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 la dimension sensori-discriminative ;  la dimension affectivo-motivationnelle ;  la dimension cognitivo-évaluative. Elles se réfèrent respectivement aux voies à conduction rapide de la moelle, aux structures réticulaires et limbiques essentiellement sollicitées par les voies à conduction lente de la moelle et aux structures néocorticales ou supérieures du système nerveux central, qui permettent d'évaluer les afférences à la lumière des expériences passées et exercent un contrôle sur les deux composantes précédentes [9]. La conception de la douleur s'oppose alors à l'exclusive cartésienne en ce qu'elle n'est pas l'aboutissement d'un processus linéaire de transmission, mais bien un processus dynamique qui implique l'interaction permanente entre des systèmes ascendants et descendants complexes. Ils rejoignent l'affirmation de Melzack et Wall selon laquelle « les interactions entre le système de gate control et le système acteur [. . .] peut survenir à des niveaux synaptiques successifs à n'importe quel niveau du système nerveux central dans le parcours de filtrage des entrées sensitives » [5]. Le processus douloureux ne commence pas avec la stimulation de récepteurs. C'est un événement qui s'inscrit dans un contexte personnel d'existence. Si cette approche est une avancée incontestable dans la connaissance et la reconnaissance de la douleur, elle reste centrée sur le vécu de la pathologie par l'individu en tant qu'être isolé. Le paysage de l'évaluation demeure incomplet sans la prise en considération de l'expression non verbale, bien que des tentatives visent à cette époque de l'objectiver en se centrant sur des analyses biologiques comme détecteurs d'émotion [10–12]. Dans son histoire de la douleur, Moscoso affirme qu'« indépendamment de ses manifestations verbales, c'est en effet à travers l'observation de leurs gestes, de leurs attitudes et de leurs expressions corporelles que nous prenons conscience de la douleur des autres, autrement dit, grâce à un ensemble de signes qui peuvent être, à leur tour, transférés sur une image » [12]. De plus, au-delà de ces considérations, il convient aussi d'envisager le patient dans son contexte de vie en incluant les composantes sociales et économiques qui renforcent la détresse dans laquelle la douleur peut l'entraîner. C'est à cette représentation complexe que s'attellent les protocoles d'évaluation actuels. Majoritairement confectionnés sous forme de fiches, ils permettent les études statistiques et par là-même font progresser par leur chiffrage l'objectivation de la douleur, c'est-à-dire dans le sens de sa reconnaissance dans la sphère scientifique. Le chiffre est l'outil du mathématicien duquel il faut apprendre « à éliminer, à écarter et à ne conserver que l'essence pour rejeter le particulier [. . .] en sacrifiant l'artifice au profit du typique » [13]. Ainsi, pour lui faire acquérir une valeur scientifique, le chiffrage vise à se dégager de tous les oripeaux de la subjectivité, tels que la qualité de l'expression ou l'appréciation de la plainte ou la teinte que lui impriment les bénéfices secondaires attendus, qui en polluent l'appréciation objective pour qu'elle devienne universellement lisible.

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Pourtant, ces oripeaux qui rendent si difficile son approche scientifique s'imposent comme des composantes à part entière de la douleur. Ils sont eux-mêmes la douleur. Celleci concerne l'individu dans son ensemble et non seulement l'éventuelle lésion qui peut être mise en évidence. C'est en cela que réside toute la difficulté de son appréciation, qu'elle soit sienne ou celle de l'autre. Combattre, affaiblir voire supprimer la douleur fut, sous la pression de croyances, longtemps considéré comme un crime. L'acceptation officielle de cette sédation a fini par devenir non plus une possibilité mais un droit fondamental de l'être humain : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée » [14]. Cependant, concluant son article sur les méthodes d'évaluation de la douleur clinique, Boureau et Luu affirment que « les méthodes présentées ont pour principal objectif la quantification de la douleur, elles peuvent aider le praticien à mieux ajuster ses décisions thérapeutiques au niveau de la sévérité d'une douleur. Elles n'ont toutefois pas valeur de test susceptible de l'aider à mieux explorer les mécanismes de la douleur et en particulier d'apprécier la part "psychologique'' d'une douleur » et ajoute « le test permettant d'établir la nature "sine materia'' d'une douleur reste à mettre au point » [15]. Même si « Notre incapacité à élaborer une théorie parfaite de la douleur ne peut servir de prétexte à ignorer les méthodes existant pour la traiter » [16].

La composante sensori-discriminative correspond aux mécanismes physiologiques permettant l'analyse de la qualité, l'intensité, la localisation et la durée du message douloureux. La composante affective-émotionnelle concerne le caractère désagréable, pénible, voire insupportable, de la perception douloureuse et les retentissements émotionnels tels que l'anxiété, l'agressivité ou la dépression. Dans la composante cognitive-comportementale, la partie cognitive regroupe l'interprétation de la douleur et les stratégies mentales permettant de moduler la perception du stimulus et les réactions du sujet (expériences antérieures, analyse de la situation, réaction de l'entourage). La partie comportementale correspond à l'ensemble des manifestations observables, qu'elles soient physiologiques, verbales ou motrices. La perception de la douleur est donc une expérience personnelle, intime [23] ; son élaboration est complexe et construite par l'individu à partir de la conjonction des dimensions neurologique, psychologique, culturelle et environnementale. Elle n'est objectivable qu'au travers des éléments que le patient est capable d'exprimer volontairement ou de façon inconsciente. Quelle qu'elle soit, la douleur est une expérience totalement subjective. Le patient doit être considéré comme le meilleur et seul juge de sa douleur [23].

CLASSIFICATIONS De nombreuses classifications ont été proposées au fil du temps. Deux ont retenu notre attention du fait de leur reconnaissance officielle par les experts dans le domaine musculosquelettique et de leur facilité de compréhension.

DÉFINITIONS La douleur est un phénomène complexe, subjectif et multidimensionnel [17], dont l'objectif principal est de prévenir l'organisme d'un danger potentiel. Elle agit ainsi en véritable système d'alarme et appelle à vigilance l'individu. Il s'agit donc d'un symptôme utile et indispensable au maintien de l'intégrité de l'organisme. Toutefois, lorsqu'elle persiste, la douleur initialement utile et préventive peut devenir délétère pour l'individu et se transformer en syndrome douloureux chronique [18], véritable maladie à part entière. L'IASP définit la douleur comme une expérience désagréable, à la fois sensorielle et émotionnelle, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou simplement décrite en termes d'une telle lésion [19]. Cette définition présente l'intérêt de ne pas réduire la douleur aux seules causes tissulaires objectivables par les examens médicaux classiques. Elle met en avant la coexistence d'aspects physiologiques (sensoriels) et psychologiques (émotionnels) du phénomène douloureux [20] et introduit la notion de renforcements négatifs et d'évitement en réponse au caractère désagréable de la douleur. Les différents types de douleurs peuvent se différencier notamment par leurs mécanismes générateurs (excès de nociception, neuropathique, dysfonctionnelle), leurs profils évolutifs (aiguë, subaiguë, chronique), mais aussi par leur impact sur les activités et le comportement du patient [21]. Initialement proposé par Melzack, un modèle multidimensionnel divisé en composantes spécifiques de l'expérience douloureuse fait consensus [17,22] ; on note que si ces composantes sont individualisées, elles sont interdépendantes dans leurs actions.

Classification selon le mécanisme physiopathologique Elle comporte trois catégories de douleur qui peuvent s'associer pour former des douleurs dites « mixtes ». Les plus fréquentes sont les douleurs d'origine nociceptive, par excès de stimulations nociceptives, qui forment la majeure partie des douleurs « aiguës ». Elles peuvent être continues ou intermittentes et sont caractérisées par une localisation précise et circonscrite, sans topographie neurologique. L'examen clinique retrouve souvent une manœuvre déclenchante permettant au clinicien de rattacher la douleur à une hypothèse lésionnelle, traumatique ou pathologique. La douleur neuropathique est définie par l'IASP comme « conséquence directe d'une lésion ou d'une maladie affectant le système somatosensoriel ». La localisation des signes correspond à une lésion totale ou partielle des structures neurologiques périphériques ou centrales et prend souvent la forme de sensation de brûlure continue ou de dysesthésies [24]. Sous-estimée et tardivement diagnostiquée, elle représenterait pourtant près de 25 % des douleurs chroniques en France [25]. Le praticien doit particulièrement rechercher des « descripteurs caractéristiques » [26], tels que des brûlures continues, des décharges électriques, des douleurs provoquées par des stimulations normalement non douloureuses (allodynie au froid, au frottement), auxquelles s'ajoutent des sensations anormales (paresthésies, dysesthésies) non douloureuses, comme des fourmillements, picotements ou engourdissements [24,26]. Ces symptômes cohabitent en général avec des

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Dossier déficits de sensibilité (thermique, tact grossier/fin ou proprioceptive) que l'examen clinique met en évidence. Pour repérer ce type de douleur, le praticien peut s'appuyer sur le questionnaire DN4 (douleur neuropathique en 4 questions), qui est positif lorsque son score est égal ou supérieur à 4. Cet outil, validé en français est recommandé en pratique clinique [27]. L'évaluation peut également être réalisée à l'aide du Neuropathic Pain Symptom Inventory (NPSI). Il s'agit d'un auto-questionnaire spécifique, traduit en français et validé. Les douleurs neuropathiques sont reconnues pour avoir un retentissement important sur les activités de la vie quotidienne, la qualité de vie, l'humeur et le sommeil. Il existe une échelle de qualité de vie spécifiquement validée pour ces situations (Neuropathic Pain Impact on Quality of Life [NeuPiQol]), disponible en anglais. La troisième catégorie correspond aux douleurs dysfonctionnelles (SFETD). Elles sont liées à une « dysfonction » du système nerveux central (SNC), notamment des systèmes de contrôle de la douleur alors qu'aucune lésion ne peut être identifiée. La fibromyalgie, le syndrome de fatigue, les céphalées de tension et le syndrome du côlon irritable appartiennent à cette catégorie. Tous ces syndromes sont encore partiellement expliqués et leur diagnostic reste difficile. Dans la littérature anglo-saxonne, ces troubles sont regroupés sous l'expression de « sensibilisation centrale » (central sensitivity). En effet, des données récentes montrent que l'hypothèse d'une étiologie liée à une dysfonction des systèmes centraux de contrôle de la douleur (central sensitivity) est probable, notamment dans la fibromyalgie [28]. Mayer et al. définissent la sensibilisation centrale (SC) comme une allodynie, une hyperalgésie, une expansion du champ récepteur et une douleur anormalement prolongée après que le stimulus ait été supprimé [29]. L'intensité et l'incapacité engendrée par ces douleurs sont toujours disproportionnées par rapport à la nature de la pathologie ou de la blessure [30,31]. La localisation de la douleur est imprécise, étendue et sans correspondance avec un territoire neuro-anatomique. Il peut s'agir d'une douleur dont la localisation change anormalement [30]. L'évaluation de ces douleurs peut être réalisée à l'aide du Central Sensitization Inventory (CSI) qui présente l'avantage de repérer des indicateurs pertinents (sommeil, anxiété, fatigue, perturbations auditive et visuelle) et de regrouper sous un mécanisme commun l'ensemble des douleurs « dysfonctionnelles ». La version française est en cours de publication [32].

Classification par profil évolutif La douleur aiguë (DA) est une douleur dite « normale ». Elle se définit par une sensation désagréable en réponse à une atteinte tissulaire, dont elle suit l'évolution (SFETD). Elle est d'apparition récente, transitoire, mais peut perdurer le temps de l'évolution naturelle de la lésion. Généralement, on estime qu'une douleur aiguë dure moins de 30 jours au-delà de la période normale de guérison [33] par opposition aux douleurs chroniques (DC) [34]. Les douleurs dont la durée d'expression se situe entre les DA et les DC sont qualifiées de « douleurs subaiguës ». Pour qualifier une douleur constante d'une durée anormalement longue, plusieurs auteurs proposent d'utiliser le terme de « persistant » [35]. Une douleur intervenant par épisodes est dénommée « récurrente » et indique la possibilité de périodes de répit entre deux

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épisodes douloureux. On peut ainsi différencier plus facilement une lombalgie récurrente d'une lombalgie persistante [36]. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), la douleur est considérée comme « chronique » lorsque la douleur exprimée, quelles que soient sa topographie et son intensité, persiste ou est récurrente au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée, répond insuffisamment au traitement ou entraîne une détérioration significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient [36]. Toute situation du patient doit être examinée en relation avec la cause initiale et son délai normal de résolution, la résistance au traitement, les antécédents et les manifestations psychopathologiques. La prise en compte du facteur temps pour reconnaître une douleur chronique doit donc se faire avec précaution. Pour faciliter son identification par le praticien, la HAS a souligné des signes cliniques qui doivent alerter le professionnel. Le caractère chronique d'une douleur doit être suspecté en présence d'une douleur [36] :  « avec une composante anxieuse, dépressive ou autre manifestation psychopathologique ;  résistante à l'analyse clinique et au traitement a priori bien conduit et suivi ;  avec interprétations ou croyances du patient éloignées des interprétations du médecin concernant la douleur, ses causes, son retentissement ou ses traitements. ». Le Tableau I regroupe les termes désignant la douleur les plus fréquemment utilisés.

LE PROCESSUS DE « CHRONICISATION » Les études scientifiques ne peuvent pas encore expliquer en totalité les mécanismes de transition d'une douleur aiguë à une douleur chronique. Cependant, elles permettent de mieux repérer les personnes et les situations à risque [37].

Facteurs de risque psychosociaux (drapeaux jaunes) De manière générale, les principaux facteurs de risque menant à la chronicisation semblent être les facteurs psychosociaux (ou drapeaux jaunes) [38]. La majorité des kinésithérapeutes a conscience de l'importance de ces drapeaux jaunes, c'est-à-dire des facteurs résultant de l'interaction de la personne avec son environnement social et de leur influence sur le comportement. L'enjeu est de les repérer, d'évaluer leur importance et d'intégrer leur prise en charge dans la pratique quotidienne. Dans le cas de la lombalgie, les facteurs liés au lieu de travail [39], à des évènements traumatiques passés, la dépression, des croyances délétères sur la douleur et l'intensité initiale [38,40] sont les facteurs associés les plus prédictifs. On note que la croyance en la permanence de la douleur et les symptômes dépressifs sont les facteurs les plus puissants d'invalidité ; ils mènent à des stratégies passives de gestion de la douleur et à l'évitement, augmentant ainsi l'invalidité. Le niveau d'invalidité dans les trois premiers mois contribuerait plus fortement à la chronicisation que l'intensité de la douleur aiguë durant la même période [38]. De plus, les personnes

Dossier

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Tableau I. Termes désignant la douleur. Source : classification of chronic pain, second edition (revised) IASP 2016 Part III. http://www.iasp_pain.org/PublicationsNews/Content.aspx?ItemNumber=1673&navItemNumber=677. Anglais

Français

Définition

Allodynia

Allodynie

Douleur due à un stimulus qui habituellement ne provoque pas de douleur Le stimulus génère une réponse douloureuse inattendue

Dysesthesia

Dysesthésie

Une sensation anormale désagréable spontanée ou évoquée

Hyperalgesia

Hyperalgésie

Douleur exagérée pour un stimulus normalement douloureux

Hyperesthesia

Hyperesthésie

Sensibilité excessive à la stimulation en excluant les autres sens particuliers

Hypoesthesia

Hypoesthésie

Sensibilité amoindrie à une stimulation à l'exclusion des sens spéciaux

Neuropathic pain

Douleur neuropathique

Douleur provoquée par la lésion ou une maladie du système nerveux somatosensoriel

Central neuropathic pain

Douleur neuropathique centrale

Douleur provoquée par une lésion ou une maladie du système nerveux somatosensoriel central

Péripheral neuropathic pain

Douleur neuropathique périphérique

Douleur provoquée par une lésion ou une maladie du système nerveux somatosensoriel périphérique

Nociceptor

Nocicepteur

Un récepteur à seuil élevé du système nerveux somatosensoriel capable de traduire et d'encoder des stimuli nocifs

Pain threshold

Seuil douloureux

L'intensité minimale d'un stimulus perçue comme douloureuse

Paresthesia

Paresthésie

Sensation anormale qu'elle soit spontanée ou provoquée

Sensitization

Sensibilisation

Réponse exacerbée des neurones nociceptifs à une sollicitation normale et/ ou recrutement d'une réponse de sollicitations inférieures au seuil

Central sensitization

Sensibilisation centrale

Réponse exacerbée des neurones nociceptifs du système nerveux central à une sollicitation normale ou inférieure au seuil

Peripheral sensitization

Sensibilisation périphérique

Réponse exacerbée des neurones nociceptifs de la périphérie à une sollicitation normale ou inférieure au seuil

souffrant de dépression et ayant des douleurs musculo-squelettiques ont des arrêts de travail deux fois plus longs que ceux n'ayant pas de dépression [41]. Parmi les facteurs psychologiques, l'attention vers la douleur (voire l'hypervigilance) est liée à la peur et l'anxiété. Le catastrophisme est une combinaison d'attitude négative et exagérée avec des croyances erronées sur la douleur. Ceci rend le traitement plus difficile et augmente le risque de chronicité [42]. À l'heure actuelle, pour les douleurs musculo-squelettiques, il semble que les facteurs psychosociaux soient plus déterminants du passage à la chronicisation que les facteurs physiques [39,40].

Modèles comportementaux La douleur est une expérience subjective et, bien qu'elle soit liée à des processus physiologiques, un individu réagit à un épisode douloureux selon ses expériences passées [41]. Les stratégies de gestion de la douleur (coping) qu'adoptent les patients face à la douleur reflètent les processus cognitifs sous-jacents. Des comportements qui peuvent être pertinents en phase aiguë peuvent devenir délétères si la douleur persiste (par ex : le repos et la prise d'antalgiques). Ces stratégies sont influencées par les émotions, les expériences passées ou l'environnement. En rééducation, il existe deux grands modèles sur l'influence des facteurs psychologiques et comportementaux sur la chronicisation :  modèle de l'évitement/appréhension (fear avoidance) : rejoint le catastrophisme et l'hypervigilance, et conduit

à des comportements d'évitement qui mènent à la kinésiophobie, la sous-utilisation, l'invalidité et la diminution de la tolérance tissulaire. Les patients sont moins enclins à s'engager dans un traitement actif et à affronter la douleur ;  modèle de l'acceptation et de l'engagement : fait référence au manque de flexibilité mentale et à l'incapacité du patient à changer ou adapter son comportement. Il renvoie aux tentatives infructueuses de contrôle ou de réduction de la douleur persistante au lieu de se tourner vers des buts plus pertinents (ex : fonctionnels).

Processus neurophysiologique de la chronicisation En principe, toute douleur chronique a été aiguë [37,41,43]. Pour décrire la transition aiguë/chronique d'un point de vue neurophysiologique, le modèle de la douleur postopératoire persistante (musculo-squelettique et abdominale) a été largement étudié. Les processus d'adaptation physiologique et pathologique sont développés en détail dans le 2e article de ce dossier. La douleur postopératoire persistante touche environ 20 % de la population souffrant de douleur chronique [44]. Parmi les patients ayant des douleurs persistantes à 6 mois, 35 % d'entre eux rapportent encore des douleurs après 6 ans (springer). La prévalence diminue avec le temps, mais pas l'intensité [45]. La douleur postopératoire persistante est définie comme une douleur localisée dans la zone opératoire ou dans la région se poursuivant au-delà de 3–6 mois après la chirurgie, sans signe

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Dossier de complication postchirurgicale [45]. L'IASP retient un délai de 2 mois, qui est largement critiqué ; la plupart des études montrant un déclin progressif pendant les 6 premiers mois, il semble plus pertinent de retenir ce délai [43]. La lésion tissulaire due à la chirurgie provoque une activation immédiate des nocicepteurs et une inflammation locale. L'hypersensitivité inflammatoire peut être présente pendant des jours, voire des semaines, selon la sévérité de la lésion tissulaire. Si ces changements persistent après la phase de cicatrisation, ils deviennent maladaptifs et contreproductifs. Ceci mène à une sensibilisation périphérique (avec une hyperalgésie primaire) au phénomène du « wind-up » jusqu'à la sensibilisation centrale. L'hyperalgésie secondaire est considérée comme le départ de la douleur postopératoire persistante [46]. La douleur postopératoire peut réapparaître après une période indolore et ne pas suivre une évolution directe d'aigu vers chronique (étudié dans le cancer du sein). Ceci se rapproche du délai de déclenchement d'une douleur neuropathique après une lésion nerveuse [47]. Pour résumer, la douleur postopératoire persistante se compose d'une réponse inflammatoire poursuivie ou se réinstallant, d'une composante neuropathique, d'une contribution de sensibilisation centrale ou bien d'une combinaison de ces phénomènes. Les mécanismes de la chronicisation sont complexes et encore peu expliqués, notamment concernant la durée de transition qui reste imprécise [47]. Cependant, un grand nombre d'études distingue des facteurs prédisposant parmi lesquels l'intensité de la douleur aiguë postopératoire immédiate [45] est reconnue comme la plus prédictive. La durée de l'opération, les chirurgies itératives, les techniques invasives, les lésions nerveuses peropératoires sont des facteurs techniques importants. Les facteurs psychologiques les plus fréquemment rencontrés sont l'anxiété, le catastrophisme, la peur de la chirurgie, la dépression sévère et la vulnérabilité psychologique. La douleur liée au site (ou dans une autre région) en préopératoire semble prédisposer également au développement de douleur postopératoire persistante [46]. Ainsi, le choix du type d'opération, de la méthode d'anesthésie et une antalgie postopératoire efficace peuvent diminuer le risque [48]. Le kinésithérapeute peut agir en préopératoire pour diminuer les douleurs, rassurer et préparer le patient pour diminuer son stress (éducation thérapeutique). Il est en première ligne pour identifier les changements vers la douleur persistante et les prendre en charge précocement [44].

Comment repérer et évaluer les facteurs de risque ? L'entretien et l'examen clinique permettent de repérer la majorité des drapeaux jaunes. Si certains sont présents, il faut déterminer si une évaluation plus poussée est nécessaire à l'aide d'échelles et de questionnaires. Selon les résultats, il faut décider si ce facteur nécessite une intervention particulière. Dans le cas de la lombalgie, le guide de recommandations néo-zélandais fait référence [35] : il préconise de noter les drapeaux jaunes en phase aiguë, d'utiliser un questionnaire général si l'évolution stagne, puis d'évaluer directement les facteurs repérés. Le thérapeute adapte sa prise en charge en fonction ou réfère le patient à un clinicien ayant les compétences requises.

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Peut-on prédire le risque de chronicisation chez un patient ? La recherche travaille vers la prévention de la douleur chronique. À l'heure actuelle, les études permettent de suspecter qu'un patient ayant plusieurs facteurs de risque (physiques et psychosociaux) aura plus de chances. Certains outils concernent plus spécifiquement la lombalgie. Le Start Back Tool et l'Orebro (OMPQ) proposent des indicateurs pertinents pour prédire à 3–6 mois la persistance des douleurs. Depuis peu, le questionnaire PICKUP est un modèle pronostique en 5 questions spécifique à la lombalgie [49]. Il calcule un score de risque de développement de lombalgie chronique et serait plus précis que ces autres échelles au long terme pour détecter les patients ayant peu ou pas de risque de devenir chroniques. Ceci permettrait à cette population à bas risque de ne pas recevoir plus de soins que nécessaire (imagerie, arrêt de travail, rééducation, etc.) et ainsi de recentrer l'attention sur les personnes à risque. Cet outil est disponible gratuitement en ligne en langue anglaise (http://pickuptool. neura.edu.au/). Le processus de chronicisation est un phénomène d'adaptation neurophysiologique maladaptif. La bascule d'un état aigu « physiologique » à une persistance « pathologique » semble être majoritairement influencée par des facteurs psychosociaux et, dans une moindre mesure, par les facteurs physiques. Il faut cependant garder en tête que ces deux aspects sont intimement intriqués et ne peuvent expliquer la douleur chronique l'un sans l'autre [40]. De plus, le processus dans son ensemble n'est encore que partiellement expliqué [48]. Le kinésithérapeute est un acteur primordial pour repérer et évaluer ces facteurs [41]. Dans les douleurs musculo-squelettiques, le catastrophisme, la kinésiophobie et les croyances délétères font partie des facteurs les plus importants et sont des cibles pouvant être traitées directement en kinésithérapie.

ÉVALUATION La douleur est une perception ; son évaluation ne peut donc s'envisager qu'au travers du ressenti et du vécu personnel du patient. Les outils d'auto-évaluation sont privilégiés afin d'éviter les biais d'interprétation. Dans le cadre de cet article, les questionnaires d'hétéro-évaluation ne sont pas abordés.

ÉVALUATION DU PATIENT PRÉSENTANT UNE DOULEUR AIGUË La démarche est simple, mais doit être menée rigoureusement. Le praticien doit guider le patient pour l'amener à fournir des informations précises et exploitables. En premier lieu, lors de l'entretien, la douleur doit être localisée par le patient. Il est intéressant de guider le patient à montrer la douleur du doigt afin d'éviter des réponses globales, peu contributives. En aucun cas, la localisation ne doit être déduite par le thérapeute, au travers de ce qu'il connaît ou imagine. Les outils à visée topographique tels que le « body chart » sont alors très utiles. Ils permettent au patient de représenter sa ou ses douleurs et au praticien d'appréhender leur étendue, leur nombre, leur répartition et de reconnaître une éventuelle topographie neurologique.

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Définition et évaluation de la douleur

L'intensité peut être évaluée à l'aide d'échelles unidimensionnelles telles que l'échelle visuelle analogique (EVA), l'échelle numérique (EN) et l'échelle verbale simple (EVS). L'EVA est la plus connue, mais son utilisation n'est pas toujours compréhensible, notamment pour les enfants et les personnes âgées, où il est préférable d'utiliser une EN ou EVS [20]. L'EN est recommandé par l'Initiative on Methods, Measurement and Pain assessment in Clinical Trials (IMMPACT) pour les essais cliniques menés chez les douloureux chroniques. En revanche, en présence de troubles cognitifs associés, l'EVS peut être une alternative à l'EN [20]. L'évaluation est complétée par la recherche d'indicateurs sur le mode d'apparition, le rythme, le type de douleur ainsi que des facteurs soulageant ou aggravant cette douleur. L'examen clinique complète l'entretien et s'appuie sur une démarche de recherche lésionnelle classique (hypothèsetest), gage d'orientation et de résultat thérapeutique.

ÉVALUATION DU PATIENT DOULOUREUX CHRONIQUE Devant la complexité et le caractère multidimensionnel de la douleur chronique, l'évaluation passe par une analyse rigoureuse et globale. Cette démarche peut être facilitée par l'utilisation de la « grille d'entretien semi-structuré » proposée par la HAS [34,36], qui regroupe l'ancienneté et le mode de début de la douleur, le profil évolutif, les traitements, les pathologies associées, la sémiologie, les contextes familial, psychosocial, médico-légal, les facteurs cognitifs, les facteurs comportementaux et l'analyse de la demande. Les échelles unidimensionnelles ont donc moins d'utilité. En effet, pour le patient avec des douleurs persistantes, il importe d'évaluer le retentissement de la douleur et ses différentes dimensions [50,51]. Une évaluation complète devrait inclure l'examen physique, la recherche étiologique, la présentation psychosociale et comportementale du patient y compris l'état émotionnel, la compréhension de ses symptômes et sa réaction face à ceux-ci [52]. Ces informations peuvent être obtenues par l'entretien et l'histoire du patient, l'examen physique, la communication verbale et non verbale du patient. Les échelles d'auto-évaluation sont la référence.

Entretien et facteurs psychosociaux L'acronyme ACT-UP proposé par Dansie et Turk [52] permet une évaluation rapide des principaux facteurs psychosociaux et comportementaux importants de la douleur chronique (Tableau II). À l'issue des questions, le praticien décide s'il veut conduire une évaluation plus détaillée dans un domaine, référer le patient, etc. Par exemple, un thérapeute peut identifier rapidement si le patient pense que sa douleur doit être complètement éliminée avant de pouvoir reprendre ses activités (croyance non pertinente pour une douleur persistante). Les objectifs, attentes du patient et cette croyance erronée peuvent créer un véritable obstacle à la rééducation si ces facteurs ne sont pas repérés et pris en compte [52]. Le questionnaire concis de la douleur (Brief Pain inventory) et € l'Orebro Musculoskeletal Pain Screening Questionnaire (OMPSQ) sont des échelles multidimensionnelles regroupant à la fois des items sur l'intensité, la localisation, le retentissement fonctionnel et psychosocial et les stratégies pour faire face. Pour évaluer de façon plus précise le catastrophisme et l'évitement, l'auto-questionnaire fear avoidance belief questionnaire (FABQ) explore les croyances du patient relatives au lien entre sa douleur et le mouvement (activité physique) ainsi que son travail. La Tampa Scale of kinésiophobia est une alternative. La Pain Catastrophizing Scale (PCS) est une échelle en 13 items développée par Sullivan et al. [53]. Elle regroupe des questions liées à la rumination, l'exagération et la vulnérabilité. Un score  30 représente un haut niveau de risque de développement de chronicisation. Le coping strategies questionnaire (CSQ) évalue les stratégies d'adaptation du patient face à la douleur. Il comporte 6 items :  la diversion ;  la réinterprétation des sensations ;  l'auto-encouragement ;  l'ignorance de la douleur ;  l'espoir ;  la dramatisation ;  l'adaptation du niveau d'activité ;  l'adaptation des comportements douloureux. Les échelles citées ci-dessus sont traduites et validées en français. Elles sont disponibles gratuitement sur les sites de la HAS et de la SFETD. D'autres échelles ont été proposées en fonction de l'objectif du thérapeute (suivi, étude), de la population, de la région anatomique ou encore de la pathologie. Une sélection des

Intensité et localisation À l'inverse de la douleur aiguë, la douleur chronique ne peut pas être rattachée de manière fiable à une lésion tissulaire. Il y a moins d'intérêt de coter l'intensité de la douleur (à l'instant « t » ou en moyenne), mais plutôt l'intensité au repos et au mouvement ainsi que nombre et la durée des exacerbations [52]. Par exemple, les migraines sont classées par nombre d'exacerbation (crises) par mois et par leur durée et non par l'intensité. Le questionnaire de Mc Gill et sa forme française (questionnaire de Saint-Antoine) proposent un ensemble de termes pour qualifier le type de douleur (électrique, coups de poignard, lancinantes, etc.) dans les différentes dimensions (sensorielle, affective, évaluative). Ils incluent un « body chart », dessin sur lequel le patient indique la localisation de sa (ses) douleur(s).

Tableau II. ACT-UP évaluation rapide des facteurs psychosociaux, traduit et adapté avec la permission des auteurs. Activités : dans quelle mesure votre douleur affecte votre vie ? (ex : sommeil, appétit, activités physiques, relations) Coping (faire face) : comment gérez-vous votre douleur (qu'est ce qui l'empire/l'améliore) ? Think (pensée) : pensez-vous que votre douleur va finir par s'améliorer ? Upset (émotions) : êtes-vous inquiet (anxieux/déprimé) ? Personnes : comment les personnes de votre entourage répondent à votre douleur ?

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Dossier Tableau III. Autres échelles multidimensionnelles évaluant le retentissement de la douleur. Objectif

Nom

Caractéristiques

Mesure du retentissement fonctionnel, social et relationnel

Dallas pain questionnaire (DPQ)

Quatre dimensions : AVQ, travail/loisirs, anxiété/dépression, comportement social. Validé en français [54]

Mesure du retentissement sur comportement et qualité de vie

Medical outcome study short form-36 (MOS SF36)

Huit dimensions de l'activité physique, l'état psychique et le dynamisme. Validé en français [55]

Mesure du retentissement sur le sommeil

Medical Outcome Study Sleep Scale (MOS)

Douze questions, 4 catégories : qualité, problème respiratoire, quantité, somnolence diurne.

Évaluation de l'état psychologique

Échelle d'anxiété d'Hamilton Hamilton Depression Rating Scale (HRSD)

Mesure de l'intensité de l'anxiété, en 17 ou 21 items.

Échelle de dépression Beck Dépression Inventory (BDI)

Mesure du seuil de gravité de la dépression, en 13 ou 21 questions

Profile Mood State (POMS)

État de l'humeur ; 6 items : anxiété, dépression, colère, vigueur, fatigue, confusion. Version française [56]

échelles les plus couramment retrouvées dans la littérature sont regroupées dans le Tableau III.

RELATION THÉRAPEUTE-PATIENT DOULOUREUX CHRONIQUE Aborder un patient douloureux chronique en tant que thérapeute est toujours délicat parce qu'unique. Aucun modèle ne peut répondre à l'ensemble des situations. . . même si des similitudes se dégagent. L'attitude du thérapeute tient en trois principes fondamentaux : écouter, être disponible et croire. Ici plus que n'importe où, la citation attribuée à Coco Chanel « Vous n'aurez pas deux fois l'occasion de faire une première bonne impression » a sa place. Cette relation est la clé d'une bonne thérapie. Elle comprend deux composantes principales :  émotionnelle ;  informative [57]. Elle contribue à établir une sorte de contrat tacite de partenariat [58]. La chronicisation de la douleur l'impose en tant que maladie et non plus en tant que simple signal d'alarme. Elle concerne alors l'individu dans sa globalité et son environnement avec une détérioration de la fonction et de la pensée. L'objectif poursuivi est celui d'une réadaptation. La disponibilité du thérapeute se traduit dans l'apparence, le comportement, dans les gestes et même dans le débit verbal. Un comportement stressant peut avoir un retentissement négatif sur le patient, son propre comportement et son récit. Cette disponibilité affichée est un élément primordial de la relation d'empathie. Le temps consacré au patient revêt par là-même toute son importance. Du fait de son errance thérapeutique et de ses demandes insistantes et répétées, il a souvent le sentiment de ne plus être écouté.

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William Osler, l'un des maîtres de la médecine clinique moderne, enseignait au début du XXe siècle que « Si vous écoutez attentivement le patient, il vous donnera le diagnostic ». Bien que l'expression soit caricaturale, elle n'en souligne pas moins l'importance de cette communication. Elle a pourtant ensuite longtemps fait défaut dans le monde médical retranché dans ses savoirs savants. Il est maintenant reconnu une forte association entre l'écoute et la perception de l'attention du praticien par le patient et son mieux-être [59]. Accorder de l'importance à l'écoute s'impose d'autant plus que la durée moyenne des consultations médicales dans des pays industrialisés se limite à une petite dizaine de minutes [60,61], et que le temps de parole accordé au patient en début de consultation se limite aussi à moins de 30 secondes [62], en soulignant qu'ensuite le patient ne complète généralement pas son discours [63]. Bien qu'il se doive de « garder la main » pour obtenir des informations dans les domaines qui lui paraissent importants, le thérapeute doit veiller à laisser s'exprimer le patient et l'encourager à s'exprimer [59]. Des enseignements universitaires sont dispensés à cet effet [64]. Ce temps de parole est celui où, par ses mots à lui, le patient exprime au mieux son ressenti. Ce temps permet d'enregistrer son comportement, ses attitudes spontanées ou, au contraire, adoptées, voire majorées pour rendre crédible sa souffrance. Ce sont autant d'indicateurs utiles dans l'appréciation et l'élaboration du traitement. En retour, s'impose une réponse de la part du thérapeute. C'est une obligation légale puisque « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. [. . .] Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. [. . .] Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel » [65]. Bien que dans certains pays comme les États-Unis, ce type d'injonction légale soit source de discussions [66]. Les réponses doivent revêtir autant que possible la forme d'explications qui manquent souvent cruellement au patient qui s'est vu asséner des termes médicaux mal perçus, mais

Dossier

Définition et évaluation de la douleur

par lesquels il finit par se définir lui-même (« je suis lombalgique », « je suis hémiplégique »), perdant ainsi toute identité réelle. La réhabilitation qui se dessine ne peut se faire qu'en accord avec le patient. D'où l'importance du positionnement du thérapeute qui ne doit pas s'imposer en tant que dominant en écrasant le patient de son savoir, mais bien en tant qu'expert collaborant à un projet de reconstruction. Les explications doivent aider le patient à comprendre des termes qualifiant son état. Ils ont pu lui être annoncés rapidement en termes médicaux dénués de sens véritable, mais marquant l'imaginaire. Il peut les avoir reçus violemment avec la construction secondaire d'une représentation erronée. Ainsi, peut-il en être d'un commentaire radiologique d'arthrose, banal pour le monde médical, mais pouvant résonner, en fonction de ses références et représentations, parce que ce sont les personnes âgées qui se plaignent d'arthrose, comme synonyme de vieillesse et de dégradation. Enfermés dans leur monde de pathologies, les professionnels de santé occultent parfois l'impact des mots employés sur les patients. Il en va de même sur un conseil de perte de poids, par exemple, potentiellement vécu comme un jugement d'anormalité alors que la boucle « douleur–inactivité–prise de poids » peut déjà être (à juste titre ou pas) mal vécue par le patient qui s'auto-culpabilise. Le thérapeute doit se garder de se positionner ouvertement en juge. Le thérapeute doit percevoir et croire ce que lui rapporte le patient. Il importe aussi, dans la conduite même de l'entretien par l'intérêt qu'il accorde aux autres pans de la vie du patient, de lui faire percevoir qu'il le repositionne en tant qu'individu affecté d'une pathologie et non en tant que pathologie. Cette démarche influencera positivement la satisfaction du patient et sa compliance [59,67]. Il est admis que si, quel que soit le domaine du soin, l'écoute est source de bénéfices tant pour la construction du parcours thérapeutique que pour l'issue de la réhabilitation–et s'impose comme ingrédient fondamental de l'approche clinique devant être maîtrisée par tous les praticiens [59]–l'ensemble des composantes relationnelles avec le patient s'y rapportent. Bien que la pression technologique soit de plus en plus prégnante, n'oublions pas, comme le stipule Drossman, que sans l'interaction humaine pour recueillir l'histoire de vie du patient, ses perceptions personnelles, ses attitudes et ses comportements autour des données médicales, on se prive de la possibilité de comprendre le paysage complet de la pathologie du patient, d'émettre des jugements cliniques appropriés ou de développer une relation thérapeutique gratifiante [68].

CONCLUSION Les moyens technologiques deviennent des outils indispensables dans le domaine de la santé dont témoignent les programmes de e-santé mis en œuvre actuellement. La technologie a pour base de conception de dégager sous forme mathématique les traits communs d'un faisceau de situations pour les inclure dans un référentiel. Cependant, l'avancée des études concernant la douleur et la transversalité de son approche ont permis d'élaborer une

trame fiable et utilisable. Cette trame, source d'évolution, est la base de la dimension scientifique qui autorise la communication et l'enseignement. Elle reste perfectible, mais sert au thérapeute, comme le veut la loi, de guide pour baliser le chemin de l'approche, de l'élaboration, du suivi et de l'adaptation du traitement en fonction de son évolution. Les références proposées constituent la toile de fond aux deux composantes fondamentales que sont la prise en compte de la personne dans sa spécificité et l'acquisition de sa confiance et de sa collaboration. La relation humaine s'impose comme un facteur-clé dans ce domaine.

Points à retenir  La douleur est toujours subjective.  Si l'étude de la douleur veut acquérir une valeur scientifique, la douleur doit être mesurée.  Le patient doit être considéré comme le meilleur et seul juge de sa douleur.  Les principaux facteurs de risque menant à la chronicisation de la douleur semblent être les facteurs psychosociaux.

Déclaration de liens d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

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